Texte intégral
Q- Un congrès extraordinaire se tient à Lyon ce week-end-, samedi et
dimanche. Un congrès pour présenter déjà un projet et des centaines de
contributions qui remontent de toute la France, et, au bout du compte,
le vote d'une motion. C'est un peu comme cela que cela se dessine ?
R- Oui, la question qui se pose, c'est : est-ce que l'UDF affirme son
indépendance ? Par le passé, pendant une longue période, l'UDF a été
dépendante : sous la coupe de ce que l'UMP est devenue aujourd'hui, du
RPR hier. Et j'ai toujours défendu l'idée que l'UDF n'avait de sens que
si elle était indépendante.
Q- Mais ce n'est pas le ni-ni - ni à gauche ni à droite - pour autant ?
R- C'est exactement le contraire, si j'ose dire : ce n'est pas une
définition par le négatif, c'est une définition par le positif, ce que
l'on a envie de faire. Il y a des millions de Français, réellement, des
millions, et, je crois, majoritaires, qui n'en peuvent plus d'être
obligés de se retrouver dans les bras de l'UMP quand ils sont en
désaccord avec le PS et dans les bras du PS quand ils sont en désaccord
avec l'UMP, et qui sentent bien qu'il y a dans ces deux partis
dominants depuis 25 ans, quelque chose qui ne va pas.
Q- Parce qu'il ne peut jamais y avoir de synthèse, même sur des
questions de bon sens ?
R- Parce que les Français ont besoin d'un équilibre et d'une synthèse
sur les grands sujets nationaux. Les deux partis passent leur temps à
antagoniser sur tout sujet et à se renvoyer la balle en disant ?
regardez les Questions d'actualité [au Gouvernement] - "c'est de votre
faute", "non, c'est de votre faute !". Tout ceci bloque le pays. Et
quand on regarde ce qui se passe dans des pays qui ont les mêmes
problèmes que les nôtres, l'Allemagne, par exemple, alors, vous
découvrirez que les électeurs allemands ont obligé la gauche et la
droite à sortir de leur isolement, et à chercher une voie nouvelle dans
laquelle ils puissent travailler ensemble. Ceci est un chemin
différent, que l'UDF, quand elle aura choisi son indépendance - enfin,
je l'espère, puisqu'il y a un vote -, défendra.
Q- Concrètement, par quoi pourrait se traduire l'indépendance ?
Pourrait-on dire, comme l'UDF dit, par exemple, et comme on pourrait
dire à droite, que l'ISF peut avoir des effets pervers, mais en même
temps, "non aux contrats pour les jeunes" comme dit la gauche, parce
que cela crée de la précarité ?
R- Voilà un bon exemple de la synthèse nécessaire. La fiscalité, en
France, telle qu'elle est organisée aujourd'hui, ça ne va pas. Non pas
la fiscalité sur le revenu, qui peut être améliorée, mais la fiscalité
sur le capital fait fuir des centaines de milliers de personnes à
l'étranger, en Belgique.Franchement, l'idée qu'un pays va alimenter
l'économie d'un autre pays, est absurde ! Il faudra donc un jour
proposer de remplacer cet impôt qui ne marche pas par autre chose, qui
soit à la fois juste et non dissuasif.
Q- Ca, c'est du courage politique.
R- C'est du courage politique, parce que tout le monde dit le
contraire. Deuxièmement, en effet, l'idée selon laquelle on va bâtir
l'avenir du pays sur la précarité maximale imposée en particulier aux
plus fragiles, c'est-à-dire aux plus jeunes, c'est-à-dire aux plus
âgés, au plus de 50 ans, et aux toutes petites entreprises, c'est une
idée qui ne ressemble pas au projet national que nous voulons. Vous
voyez qu'il y a là une synthèse ou un équilibre complètement différent
de ce que l'on a fait jusqu'à ce jour.
Q Ici même, J.-L. Borloo, ex-UDF, aujourd'hui au Gouvernement, a dit
qu'il y en marre, qu'il faut bien, à un moment donné, que les gens
entrent sur le marche du travail, que c'est mieux d'avoir un contrat
"première embauche" avec, certes, une période d'essai de deux ans, mais
qui est quand même un vrai contrat, que d'être en stage à l'infini.
R- Sans aucun doute, si c'était celui auquel on arrivait. Mais
évidemment, vous allez voir que ce n'est pas cela qui se produit. On a
vu avec le contrat "nouvelles embauches", qui était pour les petites
entreprises, que cela a pris la place du CDD et du CDI. Si c'était une
réflexion que l'on faisait pour tous les âges, on comprendrait, je
serais peut-être opposé pour des raisons de fond, économiques. Mais là,
vous voyez bien que ce sont les plus jeunes qui se trouvent ciblés !
Ils ont déjà toutes les difficultés, et en plus, on leur impose la
précarité. Donc l'idée que ce soit la précarité qui soit la clef de
l'emploi, de l'avenir, c'est un projet de société qui ne me paraît pas
un projet juste.
Q- L'école - vous connaissez bien, vous qui avez été ministre de
l'éducation nationale - se porte mal, elle se porte sans doute encore
plus mal qu'on nous le dit parce qu'on parle beaucoup de la violence à
l'égard des professeurs, mais il y a aussi beaucoup de violence entre
les enfants. Il faut rappeler qu'il y a un taux de viols dans les
écoles françaises qui est inquiétant, même si les chiffres ne sont pas
toujours publiés. Que faut-il faire ? G. de Robien est-il encore à
l'UDF ?
R- Il s'est opposé à la ligne que je défends.
Q- Il ne viendra pas au congrès...
R- Oui, je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi, mais c'est une autre
affaire.
Q- En tant que ministre de l'éducation nationale, comment le trouvez
vous ?
R- Il fait ce qu'il peut. Je n'ai pas de jugement sur les hommes. Il y
a deux problèmes de l'éducation nationale, aujourd'hui : le premier,
celui que vous indiquez, ce sont des élèves qui ont, à l'intérieur de
l'école,une attitude tellement déstabilisée - parce qu'ils sont
déstabilisés intérieurement dans leur vie personnelle, dans leur
enfance ? qu'ils déstabilisent le reste de l'école. Pour ceux-là, il
faut des établissements particuliers.
Q- Des grands internats où ils seraient un peu "vissés" comme on disait
autrefois ?
R- De grands internats, une attitude de fermeté des éducateurs et des
psychologues, parce que ce sont des enfants intérieurement détruits
souvent. Et si l'on ne comprend pas cela... L'idée selon laquelle on
répondrait à cela par des policiers est une idée qui ne ressemble pas à
la réalité. La deuxième question, ce sont les fondamentaux mais nous en
parlerons une autre fois.
Q- J'aimerais avoir votre sentiment sur la fameuse loi sur
l'intégration (sic). On vient d'apprendre qu'à la demande de J. Chirac,
l'article 4 sur les aspects positifs de la colonisation, qui faisait
polémique, va être retiré. C'est en effet ce qu'il fallait faire, vous
l'aviez dit ici.
R- Je l'avais dit sur votre antenne. J'avais dit sur votre antenne que
c'était fatal, qu'on arriverait inéluctablement à cela. On le fait sans
repasser devant le Parlement - ça, c'est une question... Mais de toute
façon, ce n'est pas à la loi d'écrire l'histoire, surtout sur les
sujets brûlants. Donc il était fatal, cela conduisait inéluctablement à
cela, et ceux qui refusaient de le voir se sont trompés je crois.
Q- Les derniers sondages vous créditent de 32 % d'intentions de vote
des Français, au total...
R- Non, tout de même pas...
Q- ... Qui envisagent de voter pour vous.
R- Voilà, qui envisagent.
Q- ... Qui aimeraient voter pour vous, qui n'excluent pas de... 44 % à
droite, 32 à gauche. Ce sont de très bons scores, les meilleurs que
vous ayez eus. Cela veut-il dire que vous considérez maintenant, que
vous êtes un peu sur la rampe qui monte ?
R- On est très loin de l'élection présidentielle. Ce qui est nouveau,
c'est que cette démarche politique, qui est une démarche politique
nouvelle,novatrice, qui bouscule les frontières habituelles, vous voyez
bien qu'elle a de l'écho d'un côté comme de l'autre. Et donc, pour la
première fois, devient crédible l'idée que l'on puisse rassembler des
gens différents pour essayer - pas pour essayer - pour changer la
situation dans un pays qui en a bien besoin.
Source, premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 janvier 2006
dimanche. Un congrès pour présenter déjà un projet et des centaines de
contributions qui remontent de toute la France, et, au bout du compte,
le vote d'une motion. C'est un peu comme cela que cela se dessine ?
R- Oui, la question qui se pose, c'est : est-ce que l'UDF affirme son
indépendance ? Par le passé, pendant une longue période, l'UDF a été
dépendante : sous la coupe de ce que l'UMP est devenue aujourd'hui, du
RPR hier. Et j'ai toujours défendu l'idée que l'UDF n'avait de sens que
si elle était indépendante.
Q- Mais ce n'est pas le ni-ni - ni à gauche ni à droite - pour autant ?
R- C'est exactement le contraire, si j'ose dire : ce n'est pas une
définition par le négatif, c'est une définition par le positif, ce que
l'on a envie de faire. Il y a des millions de Français, réellement, des
millions, et, je crois, majoritaires, qui n'en peuvent plus d'être
obligés de se retrouver dans les bras de l'UMP quand ils sont en
désaccord avec le PS et dans les bras du PS quand ils sont en désaccord
avec l'UMP, et qui sentent bien qu'il y a dans ces deux partis
dominants depuis 25 ans, quelque chose qui ne va pas.
Q- Parce qu'il ne peut jamais y avoir de synthèse, même sur des
questions de bon sens ?
R- Parce que les Français ont besoin d'un équilibre et d'une synthèse
sur les grands sujets nationaux. Les deux partis passent leur temps à
antagoniser sur tout sujet et à se renvoyer la balle en disant ?
regardez les Questions d'actualité [au Gouvernement] - "c'est de votre
faute", "non, c'est de votre faute !". Tout ceci bloque le pays. Et
quand on regarde ce qui se passe dans des pays qui ont les mêmes
problèmes que les nôtres, l'Allemagne, par exemple, alors, vous
découvrirez que les électeurs allemands ont obligé la gauche et la
droite à sortir de leur isolement, et à chercher une voie nouvelle dans
laquelle ils puissent travailler ensemble. Ceci est un chemin
différent, que l'UDF, quand elle aura choisi son indépendance - enfin,
je l'espère, puisqu'il y a un vote -, défendra.
Q- Concrètement, par quoi pourrait se traduire l'indépendance ?
Pourrait-on dire, comme l'UDF dit, par exemple, et comme on pourrait
dire à droite, que l'ISF peut avoir des effets pervers, mais en même
temps, "non aux contrats pour les jeunes" comme dit la gauche, parce
que cela crée de la précarité ?
R- Voilà un bon exemple de la synthèse nécessaire. La fiscalité, en
France, telle qu'elle est organisée aujourd'hui, ça ne va pas. Non pas
la fiscalité sur le revenu, qui peut être améliorée, mais la fiscalité
sur le capital fait fuir des centaines de milliers de personnes à
l'étranger, en Belgique.Franchement, l'idée qu'un pays va alimenter
l'économie d'un autre pays, est absurde ! Il faudra donc un jour
proposer de remplacer cet impôt qui ne marche pas par autre chose, qui
soit à la fois juste et non dissuasif.
Q- Ca, c'est du courage politique.
R- C'est du courage politique, parce que tout le monde dit le
contraire. Deuxièmement, en effet, l'idée selon laquelle on va bâtir
l'avenir du pays sur la précarité maximale imposée en particulier aux
plus fragiles, c'est-à-dire aux plus jeunes, c'est-à-dire aux plus
âgés, au plus de 50 ans, et aux toutes petites entreprises, c'est une
idée qui ne ressemble pas au projet national que nous voulons. Vous
voyez qu'il y a là une synthèse ou un équilibre complètement différent
de ce que l'on a fait jusqu'à ce jour.
Q Ici même, J.-L. Borloo, ex-UDF, aujourd'hui au Gouvernement, a dit
qu'il y en marre, qu'il faut bien, à un moment donné, que les gens
entrent sur le marche du travail, que c'est mieux d'avoir un contrat
"première embauche" avec, certes, une période d'essai de deux ans, mais
qui est quand même un vrai contrat, que d'être en stage à l'infini.
R- Sans aucun doute, si c'était celui auquel on arrivait. Mais
évidemment, vous allez voir que ce n'est pas cela qui se produit. On a
vu avec le contrat "nouvelles embauches", qui était pour les petites
entreprises, que cela a pris la place du CDD et du CDI. Si c'était une
réflexion que l'on faisait pour tous les âges, on comprendrait, je
serais peut-être opposé pour des raisons de fond, économiques. Mais là,
vous voyez bien que ce sont les plus jeunes qui se trouvent ciblés !
Ils ont déjà toutes les difficultés, et en plus, on leur impose la
précarité. Donc l'idée que ce soit la précarité qui soit la clef de
l'emploi, de l'avenir, c'est un projet de société qui ne me paraît pas
un projet juste.
Q- L'école - vous connaissez bien, vous qui avez été ministre de
l'éducation nationale - se porte mal, elle se porte sans doute encore
plus mal qu'on nous le dit parce qu'on parle beaucoup de la violence à
l'égard des professeurs, mais il y a aussi beaucoup de violence entre
les enfants. Il faut rappeler qu'il y a un taux de viols dans les
écoles françaises qui est inquiétant, même si les chiffres ne sont pas
toujours publiés. Que faut-il faire ? G. de Robien est-il encore à
l'UDF ?
R- Il s'est opposé à la ligne que je défends.
Q- Il ne viendra pas au congrès...
R- Oui, je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi, mais c'est une autre
affaire.
Q- En tant que ministre de l'éducation nationale, comment le trouvez
vous ?
R- Il fait ce qu'il peut. Je n'ai pas de jugement sur les hommes. Il y
a deux problèmes de l'éducation nationale, aujourd'hui : le premier,
celui que vous indiquez, ce sont des élèves qui ont, à l'intérieur de
l'école,une attitude tellement déstabilisée - parce qu'ils sont
déstabilisés intérieurement dans leur vie personnelle, dans leur
enfance ? qu'ils déstabilisent le reste de l'école. Pour ceux-là, il
faut des établissements particuliers.
Q- Des grands internats où ils seraient un peu "vissés" comme on disait
autrefois ?
R- De grands internats, une attitude de fermeté des éducateurs et des
psychologues, parce que ce sont des enfants intérieurement détruits
souvent. Et si l'on ne comprend pas cela... L'idée selon laquelle on
répondrait à cela par des policiers est une idée qui ne ressemble pas à
la réalité. La deuxième question, ce sont les fondamentaux mais nous en
parlerons une autre fois.
Q- J'aimerais avoir votre sentiment sur la fameuse loi sur
l'intégration (sic). On vient d'apprendre qu'à la demande de J. Chirac,
l'article 4 sur les aspects positifs de la colonisation, qui faisait
polémique, va être retiré. C'est en effet ce qu'il fallait faire, vous
l'aviez dit ici.
R- Je l'avais dit sur votre antenne. J'avais dit sur votre antenne que
c'était fatal, qu'on arriverait inéluctablement à cela. On le fait sans
repasser devant le Parlement - ça, c'est une question... Mais de toute
façon, ce n'est pas à la loi d'écrire l'histoire, surtout sur les
sujets brûlants. Donc il était fatal, cela conduisait inéluctablement à
cela, et ceux qui refusaient de le voir se sont trompés je crois.
Q- Les derniers sondages vous créditent de 32 % d'intentions de vote
des Français, au total...
R- Non, tout de même pas...
Q- ... Qui envisagent de voter pour vous.
R- Voilà, qui envisagent.
Q- ... Qui aimeraient voter pour vous, qui n'excluent pas de... 44 % à
droite, 32 à gauche. Ce sont de très bons scores, les meilleurs que
vous ayez eus. Cela veut-il dire que vous considérez maintenant, que
vous êtes un peu sur la rampe qui monte ?
R- On est très loin de l'élection présidentielle. Ce qui est nouveau,
c'est que cette démarche politique, qui est une démarche politique
nouvelle,novatrice, qui bouscule les frontières habituelles, vous voyez
bien qu'elle a de l'écho d'un côté comme de l'autre. Et donc, pour la
première fois, devient crédible l'idée que l'on puisse rassembler des
gens différents pour essayer - pas pour essayer - pour changer la
situation dans un pays qui en a bien besoin.
Source, premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 janvier 2006