Déclaration de M. Dominique de Villepin, Premier ministre, sur les enjeux liés au développement du pôle de compétitivité de Toulon "Mer" et sur le projet de loi sur l'égalité des chances et le contrat première embauche, Toulon le 10 février 2006.

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Permettez-moi d'abord de vous dire combien je suis heureux d'être ici à Toulon avec Jean-Louis BORLOO dans cette ville, en plein renouveau, grâce à l'action enthousiaste d'Hubert FALCO, et de toute son équipe.
Toulon, c'est l'illustration de ce à quoi je crois profondément, de ce à quoi nous croyons tous ici profondément. Le développement économique, et l'exigence sociale doivent aller de pair. La France, nous le savons, ne réussira qu'en se modernisant. Prenons l'exemple des pôles de compétitivité. Nos forces économiques étaient trop dispersées qu'il s'agisse des laboratoires de recherche, des universités ou encore des entreprises. Nous avons voulu leur permettre de se regrouper, d'unir leurs forces afin d'être plus compétitives, afin d'innover, de se développer dans des secteurs de pointe et d'exporter. C'est la meilleure réponse si nous voulons être aux avant-postes dans la compétition économique mondiale. Cet effort de rassemblement nous l'avons vu ici à Toulon avec le pôle ? mer ? qui regroupe à la fois les PME innovantes du réseau de Var Toulon Technologies, et des leaders comme les constructions nationales industrielles de la Méditerranée mais aussi la DCN et THALES et le pôle universitaire de Toulon. Pour encourager cette dynamique, j'ai décidé de porter de 40 à 100 millions d'euros le montant consacré à l'appel d'offres lancé par le ministère de l'Industrie en décembre dernier. Ces sommes seront disponibles dès le mois d'avril. Cet effort de modernisation est essentiel. Nous avons encore bien du chemin à parcourir si nous voulons que notre pays reste dans le peloton de tête de l'économie mondiale. La croissance du quatrième trimestre, telle qu'elle ressort de l'estimation précoce de l'INSEE est plus faible qu'attendue. Il s'agit d'une estimation encore provisoire, sujette à de multiples révisions ultérieures. La tendance de fond est donnée par les enquêtes de conjonctures. Celles-ci sont d'une manière générale bien orientées depuis le mois de septembre. Elles indiquent clairement une reprise solidement calée sur un rythme de 2 % soutenu à la fois par la consommation mais aussi par l'investissement. C'est bien mais ce n'est pas suffisant. Notre économie doit tendre vers une croissance à 3 % et c'est pour cela que le gouvernement a décidé d'intensifier en ce début de l'année la bataille pour l'emploi. C'est pourquoi il s'attachera au cours des prochains mois à mobiliser toutes les réserves de croissance, d'emploi et d'innovation de notre pays. Cet effort d'innovation et de modernisation s'accompagne d'une exigence sociale forte, une exigence en matière de logement tout d'abord. C'est le sens de l'action menée par l'Etat avec l'agence nationale de rénovation urbaine. Ici à Toulon, un programme de rénovation considérable est engagé dans le centre ville qui permettra de donner à chacun un logement décent.
Une exigence en matière d'égalité des chances ensuite. Le projet de loi sur l'égalité des chances a été discuté à l'Assemblée nationale cette semaine. Au c?ur de ce projet, il y a l'emploi et ce texte contient plusieurs mesures fortes qui ont été défendues par Jean-Louis BORLOO avec Gérard LARCHER. D'abord des mesures d'exonération de charges pour les employeurs qui recruteront en contrat indéterminé des jeunes au chômage depuis plus de six mois.
Nous ne pouvons accepter qu'autant de jeunes connaissent un chômage de longue durée. Le projet de loi comprend également la création d'un apprentissage junior ouvert aux jeunes dès 14 ans. Ce dispositif permettra à ceux qui le souhaitent d'accéder à l'alternance le plus tôt possible sans pour autant renoncer à l'acquisition des connaissances de base. Il offrira à davantage de jeunes la possibilité de développer leur talent et de trouver leur voie, la voie qui leur convienne. Ce projet de loi comprend en outre, le contrat première embauche qui est un véritable contrat à durée indéterminée. Le contrat première embauche permettra aux jeunes d'accéder rapidement à un emploi stable. Il leur offrira des garanties nouvelles et des garanties fortes, un droit individuel à la formation dès la fin du premier mois, un accès facilité au crédit et au logement, des indemnités solides en cas de rupture. Rien de tout cela n'existait auparavant. C'est donc une innovation très importante pour les plus jeunes de nos compatriotes.
Ce contrat a été adopté hier à l'assemblée nationale après un véritable débat démocratique. Un débat, qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire des discussions. Elles ont duré près de 20 heures. Un débat cela veut dire des améliorations du texte, plusieurs amendements de la Commission des affaires sociales ont été acceptés et introduits dans la dernière formulation. Des amendements de l'opposition ont également été retenus. Ce n'est que devant l'obstruction sur les autres dispositions du texte, le contrat première embauche ayant été voté, que j'ai décidé d'avoir recours à l'article 49.3 de la Constitution. Les mesures que nous aurions voulu débattre au Parlement, à l'Assemblée Nationale, concernaient l'égalité des chances, les zones franches urbaines, la lutte contre les discriminations, des mesures essentielles qui ne peuvent pas attendre. Nous avons décidé tous ensemble, le gouvernement, d'apporter une juste et rapide réponse à la crise des banlieues. Il n'était pas question à la suite d'une obstruction systématique de baisser les bras et de demander à nos compatriotes soumis à cette urgence d'attendre encore davantage. Les Français veulent des décisions, ils veulent des réponses à leurs préoccupations et c'est bien ce que nous voulons leur apporter. Dans ce projet de loi il y a également, je l'ai dit, la lutte contre les discriminations. Elle passe par le renforcement des pouvoirs de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité (HALDE), et notamment une augmentation de ses pouvoirs de sanction. C'est une véritable révolution dans notre pays. Je crois profondément aux valeurs de respect, aux valeurs de tolérance et d'ouverture, aux croyances et aux convictions des autres, et d'ouverture aux croyances et aux convictions des autres.
De ce point de vue, même si la liberté de la presse est un principe intangible de notre République, les caricatures parues récemment ne me paraissent pas responsables. Nous avons à préserver dans notre pays bien sûr l'exigence de liberté d'expression mais aussi à défendre l'exigence de respect dans un esprit de responsabilité. Dans le projet de loi, il y a enfin le soutien particulier à apporter aux zones économiquement fragiles. Le 9 mars prochain, à l'issue du comité interministériel des villes j'annoncerai la création de 15 zones franches urbaines supplémentaires. A Toulon, Hubert FALCO est pleinement mobilisé pour que le centre ville soit classé en zone franche urbaine. Cet investissement est un atout majeur pour le succès de ce projet.
Pour terminer vous me permettrez de préciser quelle est la conception de la politique que nous voulons défendre. La politique c'est d'abord la lucidité sur la situation du pays et des Français. Nous devons partir de la réalité vécue par nos compatriotes. C'est la capacité à regarder cette réalité en face. Prenez la question de l'immigration. Elle peut être une chance pour notre pays, si nous arrivons à une immigration choisie. Cela suppose de faire respecter les règles et d'éviter les détournements de procédure en matière d'immigration légale. Cela suppose aussi d'être plus strict contre l'immigration illégale. C'est tout le sens du projet de loi sur l'immigration que présentera Nicolas SARKOZY et qui s'inscrit dans le prolongement des textes adoptés en 2003. La politique, nous le savons tous ici, c'est également le débat et la quête de vérité. On l'a vu au cours des derniers jours tout particulièrement en matière de justice. Les auditions des innocents d'Outreau, du juge BURGAUD, et du procureur LEZIGNE ont montré clairement l'importance de ce débat et de cette quête de la vérité. La justice est au c?ur de notre société. Elle est un enjeu majeur de notre démocratie. Elle doit dire le droit, elle doit le faire avec humanité, dans le respect des règles essentielles comme la présomption d'innocence.
La politique c'est enfin les décisions qui sont indispensables si nous voulons avoir des résultats. Ayons à l'esprit l'attente et l'espoir des Français. Toulon a su mettre en ?uvre des changements rapides et visibles au bénéfice de tous. Nous avons pu le constater en parcourant les rues de Toulon. Il y a une attente, il y a un espoir, il y a aussi un enthousiasme quand on regarde ce qui se fait. Nous avons besoin de toucher du doigt un pays en marche, comme nous avons vu ce matin des habitants aux côtés de leur maire dans une ville en marche. C'est ce que nous devons faire à l'échelle nationale. C'est pour cela que chaque mois, je rends compte aux Français des décisions prises. Cette exigence de rendre compte, cette exigence de responsabilité, cette exigence qui consiste à faire face aux problèmes, avec une exigence d'humilité et de simplicité, mais aussi d'ambition, c'est le rendez-vous démocratique que nous avons avec la France et avec les Français.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 février 2006