Déclaration de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur la réorganisation et les nouvelles missions de son ministère, et en particulier de la DREE, Paris le 1er février 1999.

Prononcé le 1er février 1999

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Circonstance : Convention des conseillers économiques et commerciaux, à Paris, le 1er février 1999

Texte intégral

Je suis très heureux de conclure la première journée de la convention des conseillers économiques et commerciaux. Elle est la première à se tenir dans le cadre du nouveau
" ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ", celui que nous appelons le " grand ministère ", à Paris, comme je l'espère également dans vos lieux d'affectation.
Ce nouveau ministère est déjà présent dans votre travail quotidien, ne serait ce qu'à travers l'appréciation de vos collègues des autres départements ministériels ou de vos ambassadeurs. Mais peut-être vous interrogez vous sur le sens de ce changement et sur mon ambition pour notre " grand ministère ". Après tout, ceux d'entre vous qui ont connu de nombreuses configurations ou dénominations ministérielles, peuvent être blasées ou philosophes, et vu de Chicago ou de Téhéran, tout ceci peut paraître relever d'abord de jeux sémantiques plus subtils que substantiels. Je veux vous convaincre du contraire. Le projet du MEFI repose sur mon engagement personnel. Il concerne toutes les composantes du MEFI, et donc la DREE, toute la DREE, son réseau à l'étranger, en province, l'ensemble de ses agents. Ils doivent en être des acteurs.
1/ Je dois d'abord répondre à une question préalable. Pourquoi avoir constitué un pôle économique et financier renforcé au sein du Gouvernement, alors que le mouvement de déréglementation que nous avons connu depuis quinze ans, et la pression du progrès technologique et de la mondialisation, conduiraient, d'après certains, inéluctablement à une révision à la baisse du rôle de l'Etat dans l'économie ? Commençons par démentir cette fausse intuition. Des économistes, comme le professeur américain Dani Rodrik, ont montré qu'au contraire, en Europe, la place de l'Etat dans l'économie était corrélée positivement avec son degré d'ouverture au commerce international.
Il y avait dès lors de bonne raisons pour avoir, aujourd'hui en France, un ministère fort en charge des dossiers économiques :
- parce que la France a choisi de confirmer son ouverture au monde et de faire un saut qualitatif dans la construction européenne avec la création de l'euro ;
- parce que l'impératif de compétitivité des entreprises et du territoire français en est renforcé,
- parce qu'il y a encore beaucoup de mutations technologiques et industrielles à accomplir, avec une attention particulière à l'enjeu que représentent les PME,
parce que si nous tenons la mondialisation pour acquise, nous voulons en combattre les dérèglements et lui imprimer notre marque
- c'est le sens des propositions françaises sur la nouvelle architecture du système financier international, ce sera celui de l'engagement français dans les prochaines négociations commerciales multilatérales.
Voilà pourquoi le Premier Ministre a choisi de créer un MEFI, regroupant en son sein toutes les compétences d'appui à l'économie préalablement dispersées.
2/ Un ministère fort et efficace, c'est un ministère rénové dans ses structures, son fonctionnement interne et des moyens d'action. Sur ces plans, ce que nous avons fait ensemble dans le domaine international, est déjà considérable.
Vous avez un nouvel organigramme qui souligne ce que doivent être aujourd'hui les priorités de l'action de l'Etat en appui du mouvement d'internationalisation des entreprises : l'information sur les marchés extérieurs, leurs évolutions et leurs perspectives à moyen terme, sur les positions et les mouvements des concurrents ; l'élaboration et l'application effective aux niveaux européen et multilatéral, de règles du jeu créant les conditions d'une ouverture réciproque des marchés et d'une concurrence loyale pour nos entreprises, et derrière elles pour leurs salariés ; des procédures financières plus réactives et prenant en compte la montée de l'investissement dans les stratégies de nos entreprises. Je viens d'approuver l'organigramme proposé par votre directeur. Dans quelques jours, il entrera en vigueur avec à chaque poste-clé un titulaire. J'y veillerai personnellement.
La DREE a rénové son organigramme, en ramassant le nombre de ses sous-directions. Vous savez qu'il y a quelques mois la direction du Trésor avait fait de même, au sein de son service international afin de dégager des lignes de compétences claires dans l'action internationale du ministère. Vous avez également vu la réorganisation du pôle industrie du MEFI avec la création de la Direction générale de l'industrie, des technologies de l'information, et de la poste.
Un même souci de clarification des compétences et de renforcement de l'efficacité de nos interventions - l'une ne va pas sans l'autre - a également présidé à la réforme des protocoles financiers. Ces instruments avaient vieilli. Ils ne correspondaient plus ni aux attentes des entreprises, ni à celles des pays bénéficiaires. Désormais ils répondent à quelques grands principes :
- plus grande réactivité et abandon d'une logique d'abonnement pour soutenir les projets stratégiques pour la présence de nos entreprises sur les marchés extérieurs, interventions en amont des projets, articulées aux financements multilatéraux, avec le financement d'études oude l'assistance technique, encouragement aux flux de capitaux à long terme et à l'investissement à travers la mise en place d'un fonds de garantie qui sera opérationnel dans les prochaines semaines.
3/ Des lignes de compétences clarifiées, des instruments rénovés : voilà dans notre action internationale, des premières conséquences de la modernisation du ministère. Mais le grand ministère, ce n'est pas seulement une juxtaposition de compétences ramassées et mobilisées plus efficacement. Ce sont aussi des passerelles entre directions, plus de synapses entre les neurones du MEFI, des échanges d'hommes, d'information, d'analyses, une cohérence dans les actions de politique économique. Cela s'appelle l'interdirectionnalité.
Je veux donner un exemple dans votre domaine, la mondialisation de l'économie. Tout le monde est aujourd'hui conscient que les dérèglements apparus avec la crise des pays émergents auront des conséquences commerciales, par les ajustements économiques
" spontanées " qu'ils provoquent, mais aussi parce que les déséquilibres commerciaux peuvent être accentués par les décisions dans le domaine de la politique commerciale. On le voit avec la tentation du protectionnisme dans certains pays ou celle du retour aux pratiques unilatérales aux Etats-Unis. Il importe par conséquent que la main droite commerciale de la politique économique n'ignore pas ce que fait la main gauche financière.
C'est notre atout, qui n'a pas d'équivalent dans le monde, de pouvoir internaliser ces débats et de définir une cohérence ex-ante, là où par exemple aux Etats-Unis, le Secrétaire au Trésor doit discuter avec le Secrétaire au Commerce, et l'ambassadeur pour les questions commerciales avant que des orientations puissent être arrêtées. Il faut tirer tous les bénéfices de cette chance pour l'action du Ministère. Beaucoup reste encore à faire dans ce domaine.
Ce qui est vrai à Paris, l'est également pour nos réseaux. C'est pourquoi j'ai souhaité développer les missions économiques et financières : à Delhi, à Pékin, dans quelques jours à Moscou, de nouvelles MEF ont vu le jour. Désormais, chez nos principaux partenaires du monde en développement, là où les différentes dimensions de notre action, financière, appui au développement, commerciale, se complètent, se renforcent, et doivent être absolument en cohérence, le MEFI a une représentation unique. Ce mouvement pourra être poursuivi, après examen des forces et des faiblesses des expériences en cours.
Je vous encourage d'ailleurs, chaque fois que vous le pouvez, à anticiper ces rapprochements, que ce soit en province avec collègues des DRIRE ou à l'étranger avec les conseillers financiers. Je veux saluer ici la coopération qui s'est instauré à Washington entre notre administrateur à la banque mondiale et au FMI, par ailleurs conseiller financier pour les Etats-Unis et le Canada, et le chef du PEE, pour permettre à nos entreprises de mieux tirer parti des financements du groupe banque mondiale.
Parce que les missions qui vous sont confiés sont plus difficiles, que la période de la mondialisation sans à coups est terminée et qu'il faut réapprendre à vivre en environnement incertain, le grand Ministère va vous aider. Je suis sûr que vous saurez en tirer parti et que vous contribuerez en même temps à le renforcer.
(Source http://www.finances.gouv.fr )