Texte intégral
Q- Avec des interruptions de séances, des amendements, la gauche a gagné son pari, l'examen du projet de loi sur le contrat "première embauche" commencera mardi prochain, date des manifestations anti CPE. Si les manifestations sont importantes, vous reculerez sur le CPE ?
R- D'abord, permettez-moi de vous dire que le rythme parlementaire suit son cours. Nous n'avons pas ouvert les débats aujourd'hui et samedi, comme on aurait pu le faire, pour justement que le texte soit voté avant mardi...
Q- A partir de combien de manifestants, vous vous dites, "cela ne passe pas" ?
R- Cela ne se passe pas comme ça. J'observe qu'un très grand nombre de socialistes, monsieur Bockel, je vois dans le Monde, dit ce qu'il pense du Contrat première embauche. Vous voulez que je vous dise ce qu'il en dit ?....
Q- Non, mais je vous parle des manifestations !
R- ..."Il offre des contreparties modestes, mais réelles aux jeunes salariés : préavis, droit à la formation ouverte dès la fin du premier mois, indemnisation du chômage dès le quatrième mois, allocations forfaitaires garanties, indemnités de rupture, accès aux crédits bancaires, bénéfice du LocaPass facilitant l'accès au logement. Voilà !
Q- Vous me citez un socialiste, je vous demande à partir de combien de manifestants, mardi, vous vous dites "cela ne passe pas" ?
R- Mais cela ne fonctionne pas comme ça, cela ne fonctionne pas comme ça ce pays. Aujourd'hui, on essaye, devant 23 % de chômeurs des moins de 26 ans, mais dans les 77 % qui restent, les trois quarts sont en CDD, dont les deux tiers d'un mois, c'est ça la situation. Alors si on veut raconter aux jeunes de notre pays, que ça c'est parfait, que de passer de CDD en CDD c'est parfait et qu'il ne vaut pas mieux essayer de rentrer dans un contrat durable avec une période de consolidation, avec des droits à la formation, avec un accès au logement. Si l'on veut faire un pays de slogan, de slogan avec de la désinformation, faisons le !
Q- A l'Assemblée nationale, G. Larcher, le ministre de l'emploi et T. Breton, le ministre de l'économie, ont dit que le CPE pourrait faire l'objet d'adaptation durant les débats. Par exemple, l'UDF dit que la période d'essai ne devrait pas être de deux ans, mais de six mois ; qu'est-ce que vous en pensez ?
R- Mais attendez, ce n'est pas une période d'essai mais une période de consolidation.
Q- Mais on joue sur les mots, on peut être viré du jour au lendemain !
R- Mais monsieur, avez-vous déjà essayé de prendre un appartement quand on jeune, est-ce que vous avez déjà essayé ? Le faire sans le LocaPass, sans la garantie d'un organisme, parce que le CPE permet de pouvoir louer un appartement ! Vous trouvez que c'est un détail, vous trouvez que c'est un problème de mot ? Le fait d'avoir des droits à la formation le premier mois, c'est un détail, c'est un jeu de mot ?
Q- Mais est-ce que oui ou non, on peut être licencié du jour au lendemain ?
R- Mais bien sûr que non, on respecte le droit du travail. Vous ne serez pas licencié pour des raisons de santé, vous ne serez pas licencié pour des raisons religieuses, pour des raisons syndicales. Est-ce que vous comprenez, une fois pour toute, que 80 % des enfants de ce pays ont des CDD ou sont au chômage ? Et qu'au lieu de leur dire, "allez manifester, allez discuter entre qui a raison, au PS..." Allez conquérir la Creuse, allez conquérir la Chine, allez conquérir le monde, c'est ça qu'il faut dire à la jeunesse de notre pays !
Q- Est-ce qu'à votre avis, un titulaire d'un CPE osera se syndiquer ?
R- Pourquoi, c'est un drame d'être syndiqué ?
Q- Est-ce qu'il osera se syndiquer ?
R- Mais j'espère bien !
Q- Alors qu'il peut être licencié du jour au lendemain pendant deux ans ?
R- Mais vous avez une vision d'un archaïsme, mon pauvre Monsieur Weill ! Est-ce que vous avez l'impression que la France c'est les patrons qui détestent les représentants syndicaux ? Mais enfin, heureusement qu'il faut un syndicalisme ! Le problème de notre pays c'est la faiblesse syndicale, au contraire ! C'est qu'il n'y a pas assez de syndiqués, parce que pour être syndiqué, c'est prendre du temps sur soi, c'est s'organiser, c'est faire au-delà de son temps de travail. C'est formidable le syndicalisme !
Q- Que pensez-vous de cette déclaration de L. Parigot, la présidente du Medef, je la cite : "La vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ?".
R- ce que cela voulait dire, je ne suis pas hostile à cette idée. La vie, c'est la conquête, c'est la conquête amoureuse, la vie c'est la conquête des esprits, la vie c'est la conquête professionnelle, la vie c'est l'enthousiasme. En ce moment, il y a un truc formidable, c'est les orientations professionnelles en 3ème. En ce moment, il y a les Compagnons du devoir qui proposent de faire des tours de France dans des métiers extraordinaires, certains anciens, d'autres extrêmement modernes. Voilà, la vie, c'est ça ! Je vais vous dire monsieur : il n'y a qu'un sujet pour lutter contre la précarité, un seul, c'est la professionnalisation. Que l'on soit des super pros, que vous soyez un super pro des nouvelles technologies ou de l'ébénisterie, vous aurez du boulot à Pékin, à Chicago, à Aubusson ou à Limoges.
Q- Mais pendant deux ans, c'est un peu la vie au jour le jour.
R- Ah parce que, en CDD de quatre semaines, ce n'est pas la vie au jour le jour ?
Q- Mais il y a aussi les CDD qui durent un an.
R- Mais c'est formidable un CDD qui dure un an : hop, un an et terminé, on n'en parle plus... Le CDD, par nature, on sait que cela se termine, on ne s'investit pas dans l'entreprise. Les équipes qui vous accueillent n'investissent pas sur vous, c'est ça la grande différence. Quant au CDI, faire croire que c'est un contrat qui ne pourrait pas se rompre, c'est une fumisterie. Le contrat à durée indéterminée, lui-même peut-être rompu entre les parties.
Q- Le CPE, c'est pour les jeunes de moins de 26 ans dans les entreprises de plus de 20 salariés. Il s'inspire du CNE, le contrat "nouvelles embauches", qui est aussi un CDI avec une période d'essai de deux ans. Je voudrais vous raconter deux histoires...
R- Deux sur 280.000 ? Allez-y, vous avez dû les choisir j'imagine...
Q- Non. Ce matin, sur France Inter, Nadège a raconté qu'elle avait un contrat "nouvelles embauches" ; au bout de trois mois, un jour, elle s'est accrochée avec un client, elle lui a répondu, une engueulade. Le patron la convoque et elle est virée - c'est N. Senna de France Bleu Gascogne qui a recueilli son témoignage. A Angers, un commercial est recruté en CNE, son contrat stipule qu'il doit démarcher les clients dans trois départements. Finalement, le patron passe à cinq départements et il lui demande aussi de faire des livraisons. Alors le commercial se plaint, il est viré et c'est le service juridique de la CFTC qui rapporte cela en soulignant que les témoignages de licenciements express s'accumulent. Qu'en pensez-vous ?
R- Vous dire que pour les 280.000 il n'y aura aucun problème, ce serait mentir. Mais essayer de ramener 280.000...
Q- Vous ne croyez pas que ce soit un phénomène qui va peut-être prendre de l'ampleur ?
R- Mais à l'inverse, essayer de faire croire que c'est ça les 280.000 cas et occulter le fait qu'un tiers des personnes en CNE - pas tous, il ne faut pas mentir - n'aurait pas du tout été recruté par des très petites entreprises, eh bien on ne peut pas non plus travestir la réalité. La vérité, c'est qu'entre une équipe qui accueille quelqu'un qui arrive, il y a un temps d'adaptation. Les entrepreneurs ne sont pas plus formidables que les autres, ils ne sont pas plus détestables que les autres et jusqu'à nouvel ordre, le fait de prendre le risque d'embaucher, ce n'est pas un acte de délinquant dans ce pays.
Q- Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui disent que vous allez aggraver la fracture sociale, qu'il y a maintenant avec vous un marché du travail à deux vitesses ? C'est-à-dire, les CDI, contrats stables et puis tous ceux qui sont voués à la précarité et qui vont subir les aléas de l'économie, quand cela va on embauche et quand cela ne va pas on licencie !
R- A cette heure-ci, vous voulez faire croire quoi aux gens qui nous écoutent ? Vous voulez leur faire croire que, pour l'instant, ils ont des contrats, ils entrent dans une entreprise et puis ils y seront dans vingt ans ? Les trois quarts d'entre eux sont au chômage ou en CDD, et encore, je ne compte pas les stages ! Ma propre fille est en stage, c'est ça la réalité ! Et les stages, cela fait une décennie que l'on tolère qu'ils ne soient même pas payés dans ce pays. Et ça, cela ne vous interpelle pas ? Moi si ! Alors je préfère que l'entreprise prenne la décision d'essayer d'intégrer définitivement le jeune adulte, parce qu'à 25 ans, on n'est pas "un jeune", comme on dit, on est un adulte. On est en général amoureux et on a même parfois des enfants. Ils prennent le risque de rentrer dans une entreprise, et puis il y a une période de fiançailles. Mais pendant cette période, il y a du droit à l'allocation, il y a du droit à la formation...
Q- Elle est longue quand même, c'est long deux ans, c'est long !
R- Mais si cela tourne mal, il y a plus d'indemnité que dans l'ancien CDI ! Alors vous voulez quoi ? Vous voulez continuer à protéger ceux qui ont un boulot et empêcher les jeunes d'y aller ? C'est ça que vous voulez ? La France qui protège ceux qui sont en situation, c'est ça le conservatisme.
Q- La suite : après le CNE, le CPE, est-ce que, oui ou non, on va arriver à un contrat de travail unique, donc la grande rupture, un changement radical dans le droit du travail, franchement ?
R- Franchement, qu'est-ce vous appelez le contrat unique ?
Q- Un contrat de travail, une nouvelle formule ?
R- Mais par exemple, qui serait quoi ?
Q- Eh bien, est-ce que vous allez ouvrir des négociations à ce propos à l'été ?
R- Non, les partenaires sociaux souhaitent - souhaitent - que l'on regarde, il n'y a pas de sujet tabou en matière de contrat de travail. L'idée selon laquelle notre système serait génial avec plus de stages que n'importe où en Europe - c'est génial le stage ! Plus de CDD d'un mois, partout en Europe, plutôt plus que la moyenne européenne en intérim, et qu'on aurait une espèce d'icône qui s'appellerait le CDI, qui viendrait évidemment pour ceux qui ne sont pas au chômage, cela va sans dire, ceux qui sont déjà très installés, c'est formidable. Non, ce qu'on essaye de faire, c'est d'accentuer l'accès à l'embauche, mais en contrepartie, ce que vous avez oublié de dire, on est le Gouvernement qui met en place les sécurités de parcours professionnel, les contrats de transition professionnelle ; on est en train d'expérimenter les premiers : lorsque, malheureusement, vous êtes licencié dans le cadre d'un licenciement économique et notamment dans les entreprises de moins de 1.000 - celles de plus de 1.000 ont des moyens de reclassement des gens -, eh bien que vous ayez un contrat où vous avez à peu près la même rémunération pendant un an et que vous puissiez essayer dans votre bassin, là où vous habitez, public ou privé, de faire un nouveau boulot aux conditions extérieures, avec une formation pendant ce temps là, de façon à ce qu'on ait une sécurisation départ conventionnel. Ça, c'est la modernité !Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 février 2006
R- D'abord, permettez-moi de vous dire que le rythme parlementaire suit son cours. Nous n'avons pas ouvert les débats aujourd'hui et samedi, comme on aurait pu le faire, pour justement que le texte soit voté avant mardi...
Q- A partir de combien de manifestants, vous vous dites, "cela ne passe pas" ?
R- Cela ne se passe pas comme ça. J'observe qu'un très grand nombre de socialistes, monsieur Bockel, je vois dans le Monde, dit ce qu'il pense du Contrat première embauche. Vous voulez que je vous dise ce qu'il en dit ?....
Q- Non, mais je vous parle des manifestations !
R- ..."Il offre des contreparties modestes, mais réelles aux jeunes salariés : préavis, droit à la formation ouverte dès la fin du premier mois, indemnisation du chômage dès le quatrième mois, allocations forfaitaires garanties, indemnités de rupture, accès aux crédits bancaires, bénéfice du LocaPass facilitant l'accès au logement. Voilà !
Q- Vous me citez un socialiste, je vous demande à partir de combien de manifestants, mardi, vous vous dites "cela ne passe pas" ?
R- Mais cela ne fonctionne pas comme ça, cela ne fonctionne pas comme ça ce pays. Aujourd'hui, on essaye, devant 23 % de chômeurs des moins de 26 ans, mais dans les 77 % qui restent, les trois quarts sont en CDD, dont les deux tiers d'un mois, c'est ça la situation. Alors si on veut raconter aux jeunes de notre pays, que ça c'est parfait, que de passer de CDD en CDD c'est parfait et qu'il ne vaut pas mieux essayer de rentrer dans un contrat durable avec une période de consolidation, avec des droits à la formation, avec un accès au logement. Si l'on veut faire un pays de slogan, de slogan avec de la désinformation, faisons le !
Q- A l'Assemblée nationale, G. Larcher, le ministre de l'emploi et T. Breton, le ministre de l'économie, ont dit que le CPE pourrait faire l'objet d'adaptation durant les débats. Par exemple, l'UDF dit que la période d'essai ne devrait pas être de deux ans, mais de six mois ; qu'est-ce que vous en pensez ?
R- Mais attendez, ce n'est pas une période d'essai mais une période de consolidation.
Q- Mais on joue sur les mots, on peut être viré du jour au lendemain !
R- Mais monsieur, avez-vous déjà essayé de prendre un appartement quand on jeune, est-ce que vous avez déjà essayé ? Le faire sans le LocaPass, sans la garantie d'un organisme, parce que le CPE permet de pouvoir louer un appartement ! Vous trouvez que c'est un détail, vous trouvez que c'est un problème de mot ? Le fait d'avoir des droits à la formation le premier mois, c'est un détail, c'est un jeu de mot ?
Q- Mais est-ce que oui ou non, on peut être licencié du jour au lendemain ?
R- Mais bien sûr que non, on respecte le droit du travail. Vous ne serez pas licencié pour des raisons de santé, vous ne serez pas licencié pour des raisons religieuses, pour des raisons syndicales. Est-ce que vous comprenez, une fois pour toute, que 80 % des enfants de ce pays ont des CDD ou sont au chômage ? Et qu'au lieu de leur dire, "allez manifester, allez discuter entre qui a raison, au PS..." Allez conquérir la Creuse, allez conquérir la Chine, allez conquérir le monde, c'est ça qu'il faut dire à la jeunesse de notre pays !
Q- Est-ce qu'à votre avis, un titulaire d'un CPE osera se syndiquer ?
R- Pourquoi, c'est un drame d'être syndiqué ?
Q- Est-ce qu'il osera se syndiquer ?
R- Mais j'espère bien !
Q- Alors qu'il peut être licencié du jour au lendemain pendant deux ans ?
R- Mais vous avez une vision d'un archaïsme, mon pauvre Monsieur Weill ! Est-ce que vous avez l'impression que la France c'est les patrons qui détestent les représentants syndicaux ? Mais enfin, heureusement qu'il faut un syndicalisme ! Le problème de notre pays c'est la faiblesse syndicale, au contraire ! C'est qu'il n'y a pas assez de syndiqués, parce que pour être syndiqué, c'est prendre du temps sur soi, c'est s'organiser, c'est faire au-delà de son temps de travail. C'est formidable le syndicalisme !
Q- Que pensez-vous de cette déclaration de L. Parigot, la présidente du Medef, je la cite : "La vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ?".
R- ce que cela voulait dire, je ne suis pas hostile à cette idée. La vie, c'est la conquête, c'est la conquête amoureuse, la vie c'est la conquête des esprits, la vie c'est la conquête professionnelle, la vie c'est l'enthousiasme. En ce moment, il y a un truc formidable, c'est les orientations professionnelles en 3ème. En ce moment, il y a les Compagnons du devoir qui proposent de faire des tours de France dans des métiers extraordinaires, certains anciens, d'autres extrêmement modernes. Voilà, la vie, c'est ça ! Je vais vous dire monsieur : il n'y a qu'un sujet pour lutter contre la précarité, un seul, c'est la professionnalisation. Que l'on soit des super pros, que vous soyez un super pro des nouvelles technologies ou de l'ébénisterie, vous aurez du boulot à Pékin, à Chicago, à Aubusson ou à Limoges.
Q- Mais pendant deux ans, c'est un peu la vie au jour le jour.
R- Ah parce que, en CDD de quatre semaines, ce n'est pas la vie au jour le jour ?
Q- Mais il y a aussi les CDD qui durent un an.
R- Mais c'est formidable un CDD qui dure un an : hop, un an et terminé, on n'en parle plus... Le CDD, par nature, on sait que cela se termine, on ne s'investit pas dans l'entreprise. Les équipes qui vous accueillent n'investissent pas sur vous, c'est ça la grande différence. Quant au CDI, faire croire que c'est un contrat qui ne pourrait pas se rompre, c'est une fumisterie. Le contrat à durée indéterminée, lui-même peut-être rompu entre les parties.
Q- Le CPE, c'est pour les jeunes de moins de 26 ans dans les entreprises de plus de 20 salariés. Il s'inspire du CNE, le contrat "nouvelles embauches", qui est aussi un CDI avec une période d'essai de deux ans. Je voudrais vous raconter deux histoires...
R- Deux sur 280.000 ? Allez-y, vous avez dû les choisir j'imagine...
Q- Non. Ce matin, sur France Inter, Nadège a raconté qu'elle avait un contrat "nouvelles embauches" ; au bout de trois mois, un jour, elle s'est accrochée avec un client, elle lui a répondu, une engueulade. Le patron la convoque et elle est virée - c'est N. Senna de France Bleu Gascogne qui a recueilli son témoignage. A Angers, un commercial est recruté en CNE, son contrat stipule qu'il doit démarcher les clients dans trois départements. Finalement, le patron passe à cinq départements et il lui demande aussi de faire des livraisons. Alors le commercial se plaint, il est viré et c'est le service juridique de la CFTC qui rapporte cela en soulignant que les témoignages de licenciements express s'accumulent. Qu'en pensez-vous ?
R- Vous dire que pour les 280.000 il n'y aura aucun problème, ce serait mentir. Mais essayer de ramener 280.000...
Q- Vous ne croyez pas que ce soit un phénomène qui va peut-être prendre de l'ampleur ?
R- Mais à l'inverse, essayer de faire croire que c'est ça les 280.000 cas et occulter le fait qu'un tiers des personnes en CNE - pas tous, il ne faut pas mentir - n'aurait pas du tout été recruté par des très petites entreprises, eh bien on ne peut pas non plus travestir la réalité. La vérité, c'est qu'entre une équipe qui accueille quelqu'un qui arrive, il y a un temps d'adaptation. Les entrepreneurs ne sont pas plus formidables que les autres, ils ne sont pas plus détestables que les autres et jusqu'à nouvel ordre, le fait de prendre le risque d'embaucher, ce n'est pas un acte de délinquant dans ce pays.
Q- Qu'est-ce que vous répondez à ceux qui disent que vous allez aggraver la fracture sociale, qu'il y a maintenant avec vous un marché du travail à deux vitesses ? C'est-à-dire, les CDI, contrats stables et puis tous ceux qui sont voués à la précarité et qui vont subir les aléas de l'économie, quand cela va on embauche et quand cela ne va pas on licencie !
R- A cette heure-ci, vous voulez faire croire quoi aux gens qui nous écoutent ? Vous voulez leur faire croire que, pour l'instant, ils ont des contrats, ils entrent dans une entreprise et puis ils y seront dans vingt ans ? Les trois quarts d'entre eux sont au chômage ou en CDD, et encore, je ne compte pas les stages ! Ma propre fille est en stage, c'est ça la réalité ! Et les stages, cela fait une décennie que l'on tolère qu'ils ne soient même pas payés dans ce pays. Et ça, cela ne vous interpelle pas ? Moi si ! Alors je préfère que l'entreprise prenne la décision d'essayer d'intégrer définitivement le jeune adulte, parce qu'à 25 ans, on n'est pas "un jeune", comme on dit, on est un adulte. On est en général amoureux et on a même parfois des enfants. Ils prennent le risque de rentrer dans une entreprise, et puis il y a une période de fiançailles. Mais pendant cette période, il y a du droit à l'allocation, il y a du droit à la formation...
Q- Elle est longue quand même, c'est long deux ans, c'est long !
R- Mais si cela tourne mal, il y a plus d'indemnité que dans l'ancien CDI ! Alors vous voulez quoi ? Vous voulez continuer à protéger ceux qui ont un boulot et empêcher les jeunes d'y aller ? C'est ça que vous voulez ? La France qui protège ceux qui sont en situation, c'est ça le conservatisme.
Q- La suite : après le CNE, le CPE, est-ce que, oui ou non, on va arriver à un contrat de travail unique, donc la grande rupture, un changement radical dans le droit du travail, franchement ?
R- Franchement, qu'est-ce vous appelez le contrat unique ?
Q- Un contrat de travail, une nouvelle formule ?
R- Mais par exemple, qui serait quoi ?
Q- Eh bien, est-ce que vous allez ouvrir des négociations à ce propos à l'été ?
R- Non, les partenaires sociaux souhaitent - souhaitent - que l'on regarde, il n'y a pas de sujet tabou en matière de contrat de travail. L'idée selon laquelle notre système serait génial avec plus de stages que n'importe où en Europe - c'est génial le stage ! Plus de CDD d'un mois, partout en Europe, plutôt plus que la moyenne européenne en intérim, et qu'on aurait une espèce d'icône qui s'appellerait le CDI, qui viendrait évidemment pour ceux qui ne sont pas au chômage, cela va sans dire, ceux qui sont déjà très installés, c'est formidable. Non, ce qu'on essaye de faire, c'est d'accentuer l'accès à l'embauche, mais en contrepartie, ce que vous avez oublié de dire, on est le Gouvernement qui met en place les sécurités de parcours professionnel, les contrats de transition professionnelle ; on est en train d'expérimenter les premiers : lorsque, malheureusement, vous êtes licencié dans le cadre d'un licenciement économique et notamment dans les entreprises de moins de 1.000 - celles de plus de 1.000 ont des moyens de reclassement des gens -, eh bien que vous ayez un contrat où vous avez à peu près la même rémunération pendant un an et que vous puissiez essayer dans votre bassin, là où vous habitez, public ou privé, de faire un nouveau boulot aux conditions extérieures, avec une formation pendant ce temps là, de façon à ce qu'on ait une sécurisation départ conventionnel. Ça, c'est la modernité !Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 février 2006