Texte intégral
Q - Le CPE a été voté dans la semaine, les manifestations ont peu mobilisé. Le recours à l'article 49-3 sur le projet de loi relatif à l'égalité des chances, et le CPE, était-il indispensable ?
R - Le contrat première embauche a été adopté à l'issue d'un vrai débat démocratique : 17 heures de discussion, qui ont permis de retenir plusieurs amendements qui améliorent le texte. Il y a eu un vote, mais après ce vote, l'opposition a fait le choix de l'obstruction avec des interruptions de séance systématiques et des rappels au règlement. Je n'ai pu que constater ce blocage et recourir à l'article 49.3 pour adopter une loi dont notre pays a besoin rapidement : la loi sur l'égalité des chances.
Q - Désormais, quel calendrier pour le CPE ?
R - Le Sénat va se saisir du texte la semaine prochaine, pour qu'il puisse être adopté dans le courant du mois de mars.
Q - L'agitation à laquelle nous assistons dans certaines universités ne risque-t-elle pas de croître, comme ce fut le cas en 1994 lors du contrat d'insertion professionnelle (CIP) proposé par Edouard Balladur ?
R - Ne comparons pas ce qui n'est pas comparable : le contrat première embauche est un vrai contrat à durée indéterminée, avec une vraie rémunération. Par ailleurs je rappelle que la majorité est aujourd'hui unie derrière le gouvernement et déterminée à faciliter l'entrée des jeunes sur le marché du travail. Enfin, nous sommes instruits par dix années supplémentaires d'un chômage des jeunes que nous jugeons tous inacceptable.
Q - Il y a en la matière une vraie spécificité française...
R - Malheureusement, oui. En France, les jeunes sont obligés de multiplier les petits jobs, les CDD de moins d'un mois, les périodes de chômage, les stages longs non rémunérés avant de trouver un emploi stable et de qualité. Nous ne pouvons pas continuer comme ça : il y a urgence à apporter des réponses concrètes et adaptées. C'est vrai pour les jeunes. C'est vrai aussi pour tous ceux qui aujourd'hui rencontrent le plus de difficultés sur le marché du travail : les salariés de plus de cinquante ans, le femmes, les personnes non qualifiées.
Q - Il reste que, dans les défilés, les étudiants associent le CPE à la précarité...
R - Mais c'est normal qu'il y ait des interrogations. C'est normal que les jeunes se posent des questions et expriment leurs inquiétudes. Je les écoute attentivement. J'ai demandé à Gilles de Robien et à François Goulard de poursuivre le dialogue avec eux. Le contrat première embauche est quelque chose de nouveau, il faut montrer qu'il permettra à chacun de trouver plus vite un vrai emploi, un logement et donc sa place dans la société. Je sais qu'il y a une crainte particulière sur la période initiale de deux ans. Je voudrais vraiment que les jeunes comprennent de quoi il s'agit : d'abord on n'embauche pas un jeune pour le licencier, on l'embauche pour lui permettre d'apporter ses compétences et participer à l'activité de l'entreprise. Plus il reste dans l'entreprise, plus il acquiert une bonne formation, moins l'employeur a intérêt à s'en séparer. Par ailleurs, pendant ces deux années tous les droits des salariés sans aucune exception sont garantis. Enfin nous créons même deux droits nouveaux : le droit individuel à la formation dès la fin du premier mois et le droit à une meilleure indemnisation du chômage.
Q - Ceux qui critiquent le CPE font observer qu'un même salarié pourra se voir proposer plusieurs contrats successifs, du moment qu'il a moins de 26 ans. D'autres soulignent que les employeurs seront tentés de renouveler régulièrement leur stock de CPE.
R - C'est méconnaître la réalité du marché du travail : une fois encore, l'intérêt d'une entreprise qui a formé un salarié c'est de le garder le plus longtemps possible. N'oubliez pas non plus qu'aujourd'hui, 70 % des jeunes sont engagés en CDD, 50 % de ces CDD sont des contrats de moins d'un mois, sans parler des missions d'intérim qui durent moins d'une semaine en moyenne !
Q - Que vous inspirent les critiques du MEDEF sur le CPE ?
R - Le MEDEF voulait une généralisation du contrat nouvelles embauches. Nous avons préféré répondre à la situation difficile des jeunes et leur apporter des garanties spécifiques.
Q - Certains diront qu'avec le CPE, vous vous attaquez au fameux modèle social...
R - Au contraire, mon objectif est d'offrir à tous les jeunes un accès rapide et sûr à l'emploi auquel ils n'ont pas droit aujourd'hui. C'est impossible avec les instruments actuels, qui ont été conçus dans une période économique et sociale différente. Regardez ce qui se passe chez nos voisins européens, en Allemagne, en Espagne, en Suède : tous s'adaptent, tous se modernisent et mettent en place de nouveaux contrats de travail très proches du CNE et du CPE. Je refuse que la France reste la lanterne rouge du chômage en Europe. La sécurité passe par le changement : un changement fidèle à nos valeurs, fidèle à ce que nous sommes.
Q - On l'a vu, les syndicats sont unanimes à dénoncer le CPE. Que leur dites vous ?
R - Les partenaires sociaux ont un défi difficile à relever, dans une époque de grande mutation. Mais les esprits évoluent, j'en suis convaincu. Contre l'immobilisme, faisons ensemble le choix de l'avenir.
Q - Au delà du CPE, vous avez annoncé une prochaine phase de concertation avec les syndicats. Quels sujets seront évoqués ?
R - Nous parlerons de la formation professionnelle, du ticket transport, de la protection complémentaire santé. Et puis il y a aussi l'allègement des charges sur les heures supplémentaires ou encore la réforme du financement de la protection sociale voulue par le président de la République Je suis preneur de bonnes idées, d'où qu'elles viennent : toutes les bonnes idées seront mises en ?uvre.
Q - Le contrat de travail unique est-il une de ces bonnes idées ?
R - J'ai fait le choix de contrats différenciés, pour prendre en compte la réalité des situations de chacun. Le contrat unique est une question complexe, qui demande une analyse et des concertations approfondies. J'écouterai avec intérêt ce que les partenaires sociaux ont à me dire sur ce sujet.
Q - Mais les syndicats accepteront-ils cette concertation, eux qui vous reprochent de ne pas les avoir consultés sur le CPE ?
R - Je le souhaite, car les sujets que nous avons à évoquer sont essentiels à la modernisation du pays. C'est l'intérêt des salariés, c'est l'intérêt du pays tout entier. A nous de trouver le bon équilibre entre les exigences de concertation et de décision.
Q - Quelle est la philosophie générale de votre politique pour l'emploi ?
R - Nous poursuivons trois objectifs. Le premier, c'est un niveau de chômage plus bas et un taux d'activité plus haut. Avec 9,5 % de taux de chômage nous sommes enfin passés sous la barre des 10 % : cela montre bien qu'il n'y a pas de fatalité au chômage. J'en suis convaincu : l'emploi crée l'emploi, l'activité crée l'activité.
Q - Votre deuxième objectif ?
R - C'est l'accompagnement personnalisé. Il passe par un véritable service public de l'emploi modernisé : depuis début janvier, chaque chômeur est reçu personnellement chaque mois par le même conseiller. C'est une garantie d'engagement et de résultat. Le troisième objectif, c'est la sécurisation des parcours professionnels que mettent en place actuellement Jean-Louis BORLOO et Gérard LARCHER. Je prends à nouveau l'exemple des jeunes : nous leur proposons un service public de l'orientation pour les aider à choisir leur voie en toute connaissance de cause, plus de postes en alternance, et désormais des stages rémunérés. Tout cela valorisera leurs efforts et leur permettra d'aborder le monde du travail avec moins d'appréhension et plus d'atouts.
Q - Croissance, commerce extérieur et production industrielle : les derniers indicateurs économiques sont inquiétants. Cela ne rend il pas un peu plus compliqué votre pari pour l'emploi ?
R - Il y a en ce début d'année une reprise de la croissance qui nous permet d'envisager dans de bonnes conditions 2006. Mais il est évident que nous ne devons pas relâcher notre effort de soutien à l'économie si nous voulons gagner la bataille de l'emploi. Le lancement du plan de Jean-Louis BORLOO de services à la personne donnera dès demain une nouvelle impulsion.
Q - Une croissance de 2 à 2,5% reste l'objectif ?
R - Oui, Thierry BRETON l'a rappelé récemment. La reprise est là, la consommation des ménages se maintient, les comportements d'investissement et d'embauche sont plus dynamiques, les exportations vers les grands pays émergents comme l'Inde et la Chine augmentent. Il faut maintenant consolider cette croissance, l'installer dans la durée et lui donner plus d'ampleur.
Q - Dans l'affaire Mittal Steel-Arcelor, on a l'impression que le gouvernement peine à arrêter sa position exacte.
R - Absolument pas. Nous attendons toujours de connaître la réalité du projet industriel. Le rôle de l'Etat, c'est de protéger les intérêts des salariés et de valoriser les atouts technologiques de notre pays. Arcelor est une entreprise à haute valeur ajoutée, à la pointe du secteur métallurgique, avec 30000 personnes employées dans notre pays : nous sommes donc vigilants, mobilisés et exigeants, comme nos partenaires européens.
Q - Vous avez annoncé la réduction des dépenses publiques, cela signifie-t-il obligatoirement l'arrêt des baisses d'impôts ?
R - Après avoir mis en place une véritable réforme de l'impôt sur le revenu qui se traduira par des baisses significatives d'impôt pour les salariés, nous donnons aujourd'hui la priorité à la réduction au désendettement. Concentrons nous sur cette priorité.
Q - Ce discours est un peu difficile à tenir dans une année électorale...
R - J'ai pris des engagements et je veux les tenir, en matière de finances publiques comme en matière d'emploi. Le succès de la bataille pour l'emploi est décisif pour notre pays.
Q - L'Etat, actionnaire de Renault, a-t-il eu son mot à dire sur le plan de redressement proposé la semaine dernière par Carlos Ghosn ?
R - Ce plan est à la mesure des ambitions de Renault. Pour moi qui ai décidé de maintenir la participation de l'Etat dans le capital de cette grande entreprise, c'est une étape importante.
Q - Avec le projet de loi pour une "immigration choisie", le gouvernement ne favorise-t-il pas la fuite des cerveaux des pays du Sud vers le Nord ?
R - Si nous voulons accueillir les étudiants étrangers les plus motivés, nous devons nous déterminer à partir de leurs projets. Notre souhait, c'est d'assurer à ces étudiants une formation et leur permettre d'exercer un emploi dans notre pays pendant un temps limité avant de revenir chez eux : le texte proposé par Nicolas SARKOZY a trouvé un bon équilibre, d'autant plus que nous prendrons en compte la situation de chacun des pays concernés. Au-delà, l'Europe tout entière doit être capable d'engager une véritable politique de développement et de coopération en direction des pays du Sud. C'est l'intérêt de tous.
Q - Bercy a publié une liste de métiers où l'on pourrait avoir besoin de main d'oeuvre étrangère. N'est-ce pas contradictoire avec un chômage élevé ?
R - Notre priorité, c'est de lutter contre le chômage en France. Nous avons donc choisi de former les demandeurs d'emploi pour qu'ils s'orientent vers les métiers qui connaissent aujourd'hui une pénurie de main d'oeuvre.
Q - Quelles leçons tirez-vous de l'affaire Outreau ?
R - L'exigence de justice est au c?ur de la cité. Nous avons tous été émus par ces auditions et impressionnés par les travaux de la commission parlementaire. Il est important que le travail de réflexion et de propositions puisse se faire dans la sérénité, que chacun puisse être entendu. Le président de la République l'a dit : nous en tirerons toutes les conclusions, en ayant à l'esprit la très grande difficulté du travail des magistrats et les attentes de nos concitoyens.
Q - Votre volonté d'une nouvelle impulsion politique ressemble à une prise de distance avec le président. Comment pouvez vous concilier cela avec votre fidélité envers Jacques Chirac ?
R - Depuis 2002, sous l'autorité du Président de la République, Jean-Pierre Raffarin a engagé un travail important de réformes. Mais chacun voit bien que nous devons nous doter de nouveaux outils pour faire face aux défis de notre pays : le chômage, la croissance économique, l'égalité des chances. Regardez ce que font nos pays voisins, regardez ce qui se passe en Asie et ailleurs. La France ne peut pas rester à l'écart. Je souhaite que notre pays franchisse une nouvelle étape. Quant à ma relation avec le président de la République, c'est une relation ancienne, une relation de fidélité, entièrement tournée au service des Français.
Q - Etes-vous d'accord avec Nicolas Sarkozy sur le calendrier de désignation du candidat UMP pour 2007 ?
R - L'année 2006 sera une année utile et une année d'action. Avec Nicolas Sarkozy, nous sommes mobilisés sur le même objectif : apporter des réponses aux préoccupations des Français.
Q - Que vous inspire l'émergence de Ségolène Royal ?
R - Il ne m'appartient pas de porter un jugement sur les candidatures au parti socialiste. Mais la place faite aux femmes est encore très insuffisante dans notre pays. Et je me réjouis chaque fois qu'une femme accède à un poste de responsabilité.
Q - Comment jugez-vous l'attitude actuelle du PS ?
R - Dans toute démocratie, on a besoin d'une opposition qui apporte ses critiques et ses propositions, plutôt que de s'enfermer dans les querelles internes et l'idéologie. Je regrette en particulier que sur l'emploi l'opposition continue de tourner le dos à l'avenir. Faire croire aux Français que nous pourrons sortir du chômage sans volonté forte ni changement, ce n'est pas responsable.
Q - Lionel Jospin semble vouloir revenir dans le jeu après avoir échoué en 2002. Croyez-vous à ce que certains appellent "la malédiction de Matignon" qui voudrait qu'on ne passe jamais directement de Matignon à l'Elysée ?
R - Ce n'est pas mon sujet, ce n'est pas la question que je me pose. Je suis pleinement engagé dans l'action.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 15 février 2006
R - Le contrat première embauche a été adopté à l'issue d'un vrai débat démocratique : 17 heures de discussion, qui ont permis de retenir plusieurs amendements qui améliorent le texte. Il y a eu un vote, mais après ce vote, l'opposition a fait le choix de l'obstruction avec des interruptions de séance systématiques et des rappels au règlement. Je n'ai pu que constater ce blocage et recourir à l'article 49.3 pour adopter une loi dont notre pays a besoin rapidement : la loi sur l'égalité des chances.
Q - Désormais, quel calendrier pour le CPE ?
R - Le Sénat va se saisir du texte la semaine prochaine, pour qu'il puisse être adopté dans le courant du mois de mars.
Q - L'agitation à laquelle nous assistons dans certaines universités ne risque-t-elle pas de croître, comme ce fut le cas en 1994 lors du contrat d'insertion professionnelle (CIP) proposé par Edouard Balladur ?
R - Ne comparons pas ce qui n'est pas comparable : le contrat première embauche est un vrai contrat à durée indéterminée, avec une vraie rémunération. Par ailleurs je rappelle que la majorité est aujourd'hui unie derrière le gouvernement et déterminée à faciliter l'entrée des jeunes sur le marché du travail. Enfin, nous sommes instruits par dix années supplémentaires d'un chômage des jeunes que nous jugeons tous inacceptable.
Q - Il y a en la matière une vraie spécificité française...
R - Malheureusement, oui. En France, les jeunes sont obligés de multiplier les petits jobs, les CDD de moins d'un mois, les périodes de chômage, les stages longs non rémunérés avant de trouver un emploi stable et de qualité. Nous ne pouvons pas continuer comme ça : il y a urgence à apporter des réponses concrètes et adaptées. C'est vrai pour les jeunes. C'est vrai aussi pour tous ceux qui aujourd'hui rencontrent le plus de difficultés sur le marché du travail : les salariés de plus de cinquante ans, le femmes, les personnes non qualifiées.
Q - Il reste que, dans les défilés, les étudiants associent le CPE à la précarité...
R - Mais c'est normal qu'il y ait des interrogations. C'est normal que les jeunes se posent des questions et expriment leurs inquiétudes. Je les écoute attentivement. J'ai demandé à Gilles de Robien et à François Goulard de poursuivre le dialogue avec eux. Le contrat première embauche est quelque chose de nouveau, il faut montrer qu'il permettra à chacun de trouver plus vite un vrai emploi, un logement et donc sa place dans la société. Je sais qu'il y a une crainte particulière sur la période initiale de deux ans. Je voudrais vraiment que les jeunes comprennent de quoi il s'agit : d'abord on n'embauche pas un jeune pour le licencier, on l'embauche pour lui permettre d'apporter ses compétences et participer à l'activité de l'entreprise. Plus il reste dans l'entreprise, plus il acquiert une bonne formation, moins l'employeur a intérêt à s'en séparer. Par ailleurs, pendant ces deux années tous les droits des salariés sans aucune exception sont garantis. Enfin nous créons même deux droits nouveaux : le droit individuel à la formation dès la fin du premier mois et le droit à une meilleure indemnisation du chômage.
Q - Ceux qui critiquent le CPE font observer qu'un même salarié pourra se voir proposer plusieurs contrats successifs, du moment qu'il a moins de 26 ans. D'autres soulignent que les employeurs seront tentés de renouveler régulièrement leur stock de CPE.
R - C'est méconnaître la réalité du marché du travail : une fois encore, l'intérêt d'une entreprise qui a formé un salarié c'est de le garder le plus longtemps possible. N'oubliez pas non plus qu'aujourd'hui, 70 % des jeunes sont engagés en CDD, 50 % de ces CDD sont des contrats de moins d'un mois, sans parler des missions d'intérim qui durent moins d'une semaine en moyenne !
Q - Que vous inspirent les critiques du MEDEF sur le CPE ?
R - Le MEDEF voulait une généralisation du contrat nouvelles embauches. Nous avons préféré répondre à la situation difficile des jeunes et leur apporter des garanties spécifiques.
Q - Certains diront qu'avec le CPE, vous vous attaquez au fameux modèle social...
R - Au contraire, mon objectif est d'offrir à tous les jeunes un accès rapide et sûr à l'emploi auquel ils n'ont pas droit aujourd'hui. C'est impossible avec les instruments actuels, qui ont été conçus dans une période économique et sociale différente. Regardez ce qui se passe chez nos voisins européens, en Allemagne, en Espagne, en Suède : tous s'adaptent, tous se modernisent et mettent en place de nouveaux contrats de travail très proches du CNE et du CPE. Je refuse que la France reste la lanterne rouge du chômage en Europe. La sécurité passe par le changement : un changement fidèle à nos valeurs, fidèle à ce que nous sommes.
Q - On l'a vu, les syndicats sont unanimes à dénoncer le CPE. Que leur dites vous ?
R - Les partenaires sociaux ont un défi difficile à relever, dans une époque de grande mutation. Mais les esprits évoluent, j'en suis convaincu. Contre l'immobilisme, faisons ensemble le choix de l'avenir.
Q - Au delà du CPE, vous avez annoncé une prochaine phase de concertation avec les syndicats. Quels sujets seront évoqués ?
R - Nous parlerons de la formation professionnelle, du ticket transport, de la protection complémentaire santé. Et puis il y a aussi l'allègement des charges sur les heures supplémentaires ou encore la réforme du financement de la protection sociale voulue par le président de la République Je suis preneur de bonnes idées, d'où qu'elles viennent : toutes les bonnes idées seront mises en ?uvre.
Q - Le contrat de travail unique est-il une de ces bonnes idées ?
R - J'ai fait le choix de contrats différenciés, pour prendre en compte la réalité des situations de chacun. Le contrat unique est une question complexe, qui demande une analyse et des concertations approfondies. J'écouterai avec intérêt ce que les partenaires sociaux ont à me dire sur ce sujet.
Q - Mais les syndicats accepteront-ils cette concertation, eux qui vous reprochent de ne pas les avoir consultés sur le CPE ?
R - Je le souhaite, car les sujets que nous avons à évoquer sont essentiels à la modernisation du pays. C'est l'intérêt des salariés, c'est l'intérêt du pays tout entier. A nous de trouver le bon équilibre entre les exigences de concertation et de décision.
Q - Quelle est la philosophie générale de votre politique pour l'emploi ?
R - Nous poursuivons trois objectifs. Le premier, c'est un niveau de chômage plus bas et un taux d'activité plus haut. Avec 9,5 % de taux de chômage nous sommes enfin passés sous la barre des 10 % : cela montre bien qu'il n'y a pas de fatalité au chômage. J'en suis convaincu : l'emploi crée l'emploi, l'activité crée l'activité.
Q - Votre deuxième objectif ?
R - C'est l'accompagnement personnalisé. Il passe par un véritable service public de l'emploi modernisé : depuis début janvier, chaque chômeur est reçu personnellement chaque mois par le même conseiller. C'est une garantie d'engagement et de résultat. Le troisième objectif, c'est la sécurisation des parcours professionnels que mettent en place actuellement Jean-Louis BORLOO et Gérard LARCHER. Je prends à nouveau l'exemple des jeunes : nous leur proposons un service public de l'orientation pour les aider à choisir leur voie en toute connaissance de cause, plus de postes en alternance, et désormais des stages rémunérés. Tout cela valorisera leurs efforts et leur permettra d'aborder le monde du travail avec moins d'appréhension et plus d'atouts.
Q - Croissance, commerce extérieur et production industrielle : les derniers indicateurs économiques sont inquiétants. Cela ne rend il pas un peu plus compliqué votre pari pour l'emploi ?
R - Il y a en ce début d'année une reprise de la croissance qui nous permet d'envisager dans de bonnes conditions 2006. Mais il est évident que nous ne devons pas relâcher notre effort de soutien à l'économie si nous voulons gagner la bataille de l'emploi. Le lancement du plan de Jean-Louis BORLOO de services à la personne donnera dès demain une nouvelle impulsion.
Q - Une croissance de 2 à 2,5% reste l'objectif ?
R - Oui, Thierry BRETON l'a rappelé récemment. La reprise est là, la consommation des ménages se maintient, les comportements d'investissement et d'embauche sont plus dynamiques, les exportations vers les grands pays émergents comme l'Inde et la Chine augmentent. Il faut maintenant consolider cette croissance, l'installer dans la durée et lui donner plus d'ampleur.
Q - Dans l'affaire Mittal Steel-Arcelor, on a l'impression que le gouvernement peine à arrêter sa position exacte.
R - Absolument pas. Nous attendons toujours de connaître la réalité du projet industriel. Le rôle de l'Etat, c'est de protéger les intérêts des salariés et de valoriser les atouts technologiques de notre pays. Arcelor est une entreprise à haute valeur ajoutée, à la pointe du secteur métallurgique, avec 30000 personnes employées dans notre pays : nous sommes donc vigilants, mobilisés et exigeants, comme nos partenaires européens.
Q - Vous avez annoncé la réduction des dépenses publiques, cela signifie-t-il obligatoirement l'arrêt des baisses d'impôts ?
R - Après avoir mis en place une véritable réforme de l'impôt sur le revenu qui se traduira par des baisses significatives d'impôt pour les salariés, nous donnons aujourd'hui la priorité à la réduction au désendettement. Concentrons nous sur cette priorité.
Q - Ce discours est un peu difficile à tenir dans une année électorale...
R - J'ai pris des engagements et je veux les tenir, en matière de finances publiques comme en matière d'emploi. Le succès de la bataille pour l'emploi est décisif pour notre pays.
Q - L'Etat, actionnaire de Renault, a-t-il eu son mot à dire sur le plan de redressement proposé la semaine dernière par Carlos Ghosn ?
R - Ce plan est à la mesure des ambitions de Renault. Pour moi qui ai décidé de maintenir la participation de l'Etat dans le capital de cette grande entreprise, c'est une étape importante.
Q - Avec le projet de loi pour une "immigration choisie", le gouvernement ne favorise-t-il pas la fuite des cerveaux des pays du Sud vers le Nord ?
R - Si nous voulons accueillir les étudiants étrangers les plus motivés, nous devons nous déterminer à partir de leurs projets. Notre souhait, c'est d'assurer à ces étudiants une formation et leur permettre d'exercer un emploi dans notre pays pendant un temps limité avant de revenir chez eux : le texte proposé par Nicolas SARKOZY a trouvé un bon équilibre, d'autant plus que nous prendrons en compte la situation de chacun des pays concernés. Au-delà, l'Europe tout entière doit être capable d'engager une véritable politique de développement et de coopération en direction des pays du Sud. C'est l'intérêt de tous.
Q - Bercy a publié une liste de métiers où l'on pourrait avoir besoin de main d'oeuvre étrangère. N'est-ce pas contradictoire avec un chômage élevé ?
R - Notre priorité, c'est de lutter contre le chômage en France. Nous avons donc choisi de former les demandeurs d'emploi pour qu'ils s'orientent vers les métiers qui connaissent aujourd'hui une pénurie de main d'oeuvre.
Q - Quelles leçons tirez-vous de l'affaire Outreau ?
R - L'exigence de justice est au c?ur de la cité. Nous avons tous été émus par ces auditions et impressionnés par les travaux de la commission parlementaire. Il est important que le travail de réflexion et de propositions puisse se faire dans la sérénité, que chacun puisse être entendu. Le président de la République l'a dit : nous en tirerons toutes les conclusions, en ayant à l'esprit la très grande difficulté du travail des magistrats et les attentes de nos concitoyens.
Q - Votre volonté d'une nouvelle impulsion politique ressemble à une prise de distance avec le président. Comment pouvez vous concilier cela avec votre fidélité envers Jacques Chirac ?
R - Depuis 2002, sous l'autorité du Président de la République, Jean-Pierre Raffarin a engagé un travail important de réformes. Mais chacun voit bien que nous devons nous doter de nouveaux outils pour faire face aux défis de notre pays : le chômage, la croissance économique, l'égalité des chances. Regardez ce que font nos pays voisins, regardez ce qui se passe en Asie et ailleurs. La France ne peut pas rester à l'écart. Je souhaite que notre pays franchisse une nouvelle étape. Quant à ma relation avec le président de la République, c'est une relation ancienne, une relation de fidélité, entièrement tournée au service des Français.
Q - Etes-vous d'accord avec Nicolas Sarkozy sur le calendrier de désignation du candidat UMP pour 2007 ?
R - L'année 2006 sera une année utile et une année d'action. Avec Nicolas Sarkozy, nous sommes mobilisés sur le même objectif : apporter des réponses aux préoccupations des Français.
Q - Que vous inspire l'émergence de Ségolène Royal ?
R - Il ne m'appartient pas de porter un jugement sur les candidatures au parti socialiste. Mais la place faite aux femmes est encore très insuffisante dans notre pays. Et je me réjouis chaque fois qu'une femme accède à un poste de responsabilité.
Q - Comment jugez-vous l'attitude actuelle du PS ?
R - Dans toute démocratie, on a besoin d'une opposition qui apporte ses critiques et ses propositions, plutôt que de s'enfermer dans les querelles internes et l'idéologie. Je regrette en particulier que sur l'emploi l'opposition continue de tourner le dos à l'avenir. Faire croire aux Français que nous pourrons sortir du chômage sans volonté forte ni changement, ce n'est pas responsable.
Q - Lionel Jospin semble vouloir revenir dans le jeu après avoir échoué en 2002. Croyez-vous à ce que certains appellent "la malédiction de Matignon" qui voudrait qu'on ne passe jamais directement de Matignon à l'Elysée ?
R - Ce n'est pas mon sujet, ce n'est pas la question que je me pose. Je suis pleinement engagé dans l'action.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 15 février 2006