Texte intégral
Q- Quelle sera la capacité de mobilisation des organisations étudiantes ? Quelle part Internet aura-t-il pris dans cette mobilisation ? Syndicats de salariés et syndicats étudiants, partis politiques de droite et de gauche, ont tous ouvert sites et blogs, cependant qu?à l?Assemblée nationale, cet après-midi, alors que les défilés auront commencé, le Gouvernement défendra la CPE devant des députés divisés par le projet. D. de Villepin utilisera-t-il le 49-3 ? Première question, d?abord, d?actualité immédiate, ce qui se passe en ce moment à Orly, cette grève surprise : y a-t-il un lien de cause à effet avec les manifestations et la mobilisation autour du CPE à vos yeux ?
R- Je n?ai pas précisément les motifs de ce mouvement, mais cela fait déjà plusieurs semaines, vous le savez. Nous avons eu une initiative le 31, pour reprendre l?offensive sur les revendications sociales. Et aujourd?hui, il y a conjugaison entre rejet de mauvais plan du Gouvernement et aspirations à ce que les revendications en matière de salaires et d?emplois soient entendues. Il n?est pas aberrant que dans certaines entreprises, certains secteurs, on se saisisse des rendez-vous interprofessionnels pour aussi faire passer des messages de nature professionnelle.
Q- Mais avec, dans ce cas, le risque de l?impopularité : la grève surprise, pour des gens qui prennent l?avion pour aller travailler, ce matin, entre 6h00 et 10h00, cela passe mal...
R- Oui, mais on est dans une période où le Gouvernement légifère par surprise, prononce des ordonnances, prononce des mesures d?urgence, on entend même de parler de nouveau du 49-3, qui est la vitesse supersonique de la décision gouvernementale par excellence. Donc il ne faut pas non plus faire le reproche aux salariés de réagir aussi dans l?urgence, sans avoir forcément le temps d?informer sur les conséquences de leur mouvement.
Q- La grande question qui se pose ce matin, c?est celle de la mobilisation aujourd?hui, et notamment de la part que les jeunes vont tenir dans cette mobilisation. Or il y a quelques temps ? c?était d?ailleurs assez récent, dans Le Monde du 30 janvier dernier -, vous vous interrogiez vous-même sur le type de relations qu?un syndicat comme le vôtre peut entretenir avec les jeunes. Et vous disiez qu?au fond, vous aviez du mal à syndiquer les jeunes parce qu?ils sont les plus concernés par la question de la précarité. Comment se résente, à vos yeux, cette journée, et quelle part les jeunes vont-ils y tenir ?
R- Je pense qu?il va y avoir du répondant, à la hauteur du délai que nous avons eu pour préparer cette mobilisation. Nous avons dû faire face à la procédure accélérée que nous impose le Premier ministre. Et je pense que nous aurons aujourd?hui la confirmation qu?en quinze jours, déjà les enquêtes montrent un inversement dans la perception qu?ont les Français de l?idée qu?ils avaient au départ de l?annonce du Premier ministre... Plus le Premier ministre parle, plus les Français ont compris qu?il y avait un accroissement de la précarité et que c?était une mauvaise mesure. Aujourd?hui, entre 60 et 65 % des Français disent soutenir les manifestations. Soutenir, c?est une chose, y participer, c?est autre chose. C?est aussi vrai pour les jeunes : trois quarts d?entre eux, aujourd?hui, considèrent que cette mesure est négative pour leur propre avenir. Par contre, un certain nombre doute encore de la capacité, par la mobilisation et la manifestation, de faire changer les choses. Eh bien, c?est à nous de convaincre que c?est aussi par le nombre que l?on peut changer les choses. Donc je pense qu?il y aura du répondant dès aujourd?hui, mais une chose est sûre : nous sommes dans un processus, les choses ne vont pas s?arrêter et nous n?en resterons pas là.
Q- Mais jusqu?où le processus ? Comment changer les choses, dans une tendance lourde - que vient de décrire B. Guetta -, c?est-à-dire celle en Europe - et bien au-delà, aux Etats-Unis -, de la déréglementation ? Il citait le cas des Pays-Bas avec des CDD sur cinq ans maintenant, de l?Allemagne qui a modifié ses périodes d?essai, de l?Autriche qui supprime les indemnités de licenciement et j?en passe... La France serait-elle, en Europe, le dernier territoire où l?on va s?accrocher, à ce point, à l?enjeu du droit du travail ?
R- Absolument pas. Et dès la semaine prochaine, le 14 février, nous avons une grande manifestation syndicale européenne, à l?occasion du nouvel examen par le Parlement européen de la fameuse directive Bolkestein, qui avait fait l?actualité, souvenez-vous, l?an passé, notamment du fait du débat existant en France lié au référendum portant sur la Constitution européenne. Tous les syndicats d?Europe, la Confédération européenne des syndicats qui les rassemble, avaient dit tout le mal qu?ils pensaient de cette directive, puisque un de ses principes est, sous couvert de déréglementer l?accès aux services, de faire en sorte que le droit social ne soit plus celui appliqué dans les pays où les travailleurs exercent leur métier, mais de permettre aux employeurs d?appliquer le droit du travail du pays dans lequel ils ont le siège de leur entreprise, ce qui est donc une formidable machine de dumping social. Ce texte a été renvoyé dans un premier temps ; il revient à l?ordre du jour du Parlement européen. Et c?est bien parce que l?ensemble des mouvements syndicaux d?Europe est contre cette approche de dumping social généralisé en Europe, que nous avons une manifestation unitaire, avec les Allemands, les Belges, les Anglais, les Espagnols... Bref, tous les syndicats d?Europe vont être rassemblés, mardi prochain, à Strasbourg.
Q- Mais sur cette question du droit du travail, C. Katz, avocat spécialisé en droit du travail et membre du comité central de la Ligue des droits de l?homme, disait à B. Jean perrin, à 7h55, qu?au fond, c?était en effet une remise en cause du droit du travail, tel que défini en France, dans l?Etat français. Il évoquait la loi du 13 juillet 1973 qui, en effet, implique un certain nombre de nécessités s?agissant des licenciements. Il disait que cela avait disparu. Y a-t-il, au niveau européen, aujourd?hui, une réflexion menée par des syndicats et au-delà, sur une normalisation du droit du travail à l?échelon européen, de telle façon que ce droit-là puisse en effet être défendu ?
R- Mais c?est aussi parce que nous avons une responsabilité vis-à-vis des salariés de toute l?Europe, que nous n?avons pas le droit de lâcher cette bataille, pour refuser une liberté de licencier qui serait offerte aux employeurs, ce qui représenterait une première en Europe d?une part, mais une infraction aux règles fondamentales de l'organisation internationale du travail. Il y a une convention internationale qui prévoit que tout licenciement doit être justifié. Et il ferait beau voir que la France soit le pays où on le remette en cause. C?est une convention, bien sûr, qui n?est pas respectée déjà dans plusieurs pays du monde. Et une des batailles du mouvement syndical, c?est de faire respecter les droits sociaux fondamentaux à travers le monde. Il est facile, de la part des employeurs, de faire référence à la compétitivité économique, mais sur quoi porte aujourd?hui cette compétitivité, lorsque l?on fait référence à certaines pratiques sociales existantes sur certains continents ? C?est que l?on ne respecte pas un certain nombre règles fondamentales. La France est en travail de décider du travail de nuit des enfants, par exemple. On décide d?élargir le recours à l?intérim, de cumuler emploi et retraite... Cette autorisation de licencier des salariés, pour l?instant pour les moins de vingt-six ans, pour en faire des salariés dociles et jetables à tout moment, est en infraction à la législation internationale du travail.
Q- La réalité est que malheureusement, la croissance, telle qu?on a pu la connaître pendant les Trente glorieuses, c?est terminé. Les entreprises imposent désormais souvent leurs conditions. C?est la loi du marché qui s?exerce. Comment un syndicat comme le vôtre va-t-il prendre en compte cette réalité et où est, au fond, la voie de passage, entre la précarité et la flexibilité à laquelle on n?échappe plus ?
R- Nous avons déjà travaillé sur le sujet, nous y sommes effectivement confrontés. Le constat que la précarité est en train de gangrener les sociétés en Europe... D?ailleurs, le fait que l?Europe, aujourd?hui, soit en incapacité, au plan social, de dessiner un horizon mobilisateur, explique aussi en partie pourquoi le projet européen est en crise, et pas uniquement en France, dans l?ensemble de l?Europe. Nous attendons - et c?est le sens de notre participation aussi auprès du Parlement ? que l?on fasse la démonstration que la construction européenne a aussi une vertu sociale. Vous avez évoqué des combats locaux que nous menons vis-à-vis de salariés polonais, je vais faire une déclaration, cette semaine, avec l?un des présidents d?une grande confédération polonaise, pour dire le besoin de travailler ensemble, pour imposer des normes sociales applicables en Europe. Et nous ne serons pas de ceux qui nous verrons voir s?opposer (sic) une logique dite de marché, dès lors que c?est le social qui reste la principale variable d?ajustement. On demande aux salariés de supporter les efforts, les incertitudes, les prises de risque. Nous avons raisonné avec d?autres syndicats, nous parlons de "nouvelle sécurité sociale professionnelle", la mobilité peut être organisée socialement, elle peut être supportable socialement. Encore faut-il en avoir la volonté politique. Et quand il n?y a ni négociation avec le patronat, ni négociation avec le pouvoir politique, et que l?on est confronté à des opérations de déréglementation, on ne nous fera pas accepter des reculs sur le droit social aussi fondamentaux que ceux que nous présente le Premier ministre aujourd?hui.
Q- Je faisais référence à Internet tout à l?heure, à propos de la question du réalisme et de la situation telle que nous la vivons tous. Dans cet entretien que donne M. Dumas sur Internet, secrétaire de la CGT, je la cite mot à mot : "Les salariés doivent être assurés de la sortie de l?école jusqu?à la retraite, du droit à l?emploi stable, à la progression de salaire et de qualification, à l?accès à la formation, même s?il y a suppression d?emploi ou mobilité". N?est-on pas à la limite de l?utopie, tel que le monde fonctionne aujourd?hui ?
R- Mais on était aussi à la période d?utopie lorsque le mouvement syndical a défendu le principe que, dès que lors que l?on travaillait dans une branche professionnelle, il y avait des conventions dites "collectives" qui devaient s?appliquer à l?ensemble des salariés qui travaillent dans une branche. Dans la métallurgie, dans le commerce, dans les distributions... Bref, ce combat pour avoir des garanties sociales et des droits sociaux qui soient comparables, quels que soient les salariés auxquels ils s?appliquent, parce qu?il y a cohérence d?activité, demeure un combat moderne, dont il faut sans doute redéfinir les mécanismes pour correspondre aux besoins d?aujourd?hui. Mais cela ne nous amène pas à considérer que des droits en décalage avec la réalité nous amènent à renoncer à tout droit social. Il faut donc réinventer les droits dont on a besoin aujourd?hui. Il y a un accès au travail qui se fait de plus en plus tard, parce que les jeunes - et c?est plutôt une bonne chose - restent plus longtemps dans les périodes de formation initiale. Mais ce que nous annonce la mesure gouvernementale par exemple, c?est alors qu?hier, on demandait aux jeunes d?avoir des diplômes pour être sûrs d?obtenir un emploi ou un peu plus sûrs que les autres qui n?avaient pas de diplômes d?obtenir un emploi, ce que change la mesure, entre autres, c?est que même avec des diplômes ou de hauts diplômes, la case d?entrée dans la vie active est la case précarité systématique. Dans un premier temps parce que vous avez moins de 26 ans... Mais nous le savons, dès cette année, le Gouvernement veut rediscuter de l?ensemble des contrats de travail, toute génération confondue. C?est donc important parce qu?il s?agit des jeunes, de leur avenir, de la société de demain, mais c?est aussi important au regard du droit du travail de l'ensemble des salariés.
Source: premier-ministre? Service d'information du gouvernement, le 7 février 2006
R- Je n?ai pas précisément les motifs de ce mouvement, mais cela fait déjà plusieurs semaines, vous le savez. Nous avons eu une initiative le 31, pour reprendre l?offensive sur les revendications sociales. Et aujourd?hui, il y a conjugaison entre rejet de mauvais plan du Gouvernement et aspirations à ce que les revendications en matière de salaires et d?emplois soient entendues. Il n?est pas aberrant que dans certaines entreprises, certains secteurs, on se saisisse des rendez-vous interprofessionnels pour aussi faire passer des messages de nature professionnelle.
Q- Mais avec, dans ce cas, le risque de l?impopularité : la grève surprise, pour des gens qui prennent l?avion pour aller travailler, ce matin, entre 6h00 et 10h00, cela passe mal...
R- Oui, mais on est dans une période où le Gouvernement légifère par surprise, prononce des ordonnances, prononce des mesures d?urgence, on entend même de parler de nouveau du 49-3, qui est la vitesse supersonique de la décision gouvernementale par excellence. Donc il ne faut pas non plus faire le reproche aux salariés de réagir aussi dans l?urgence, sans avoir forcément le temps d?informer sur les conséquences de leur mouvement.
Q- La grande question qui se pose ce matin, c?est celle de la mobilisation aujourd?hui, et notamment de la part que les jeunes vont tenir dans cette mobilisation. Or il y a quelques temps ? c?était d?ailleurs assez récent, dans Le Monde du 30 janvier dernier -, vous vous interrogiez vous-même sur le type de relations qu?un syndicat comme le vôtre peut entretenir avec les jeunes. Et vous disiez qu?au fond, vous aviez du mal à syndiquer les jeunes parce qu?ils sont les plus concernés par la question de la précarité. Comment se résente, à vos yeux, cette journée, et quelle part les jeunes vont-ils y tenir ?
R- Je pense qu?il va y avoir du répondant, à la hauteur du délai que nous avons eu pour préparer cette mobilisation. Nous avons dû faire face à la procédure accélérée que nous impose le Premier ministre. Et je pense que nous aurons aujourd?hui la confirmation qu?en quinze jours, déjà les enquêtes montrent un inversement dans la perception qu?ont les Français de l?idée qu?ils avaient au départ de l?annonce du Premier ministre... Plus le Premier ministre parle, plus les Français ont compris qu?il y avait un accroissement de la précarité et que c?était une mauvaise mesure. Aujourd?hui, entre 60 et 65 % des Français disent soutenir les manifestations. Soutenir, c?est une chose, y participer, c?est autre chose. C?est aussi vrai pour les jeunes : trois quarts d?entre eux, aujourd?hui, considèrent que cette mesure est négative pour leur propre avenir. Par contre, un certain nombre doute encore de la capacité, par la mobilisation et la manifestation, de faire changer les choses. Eh bien, c?est à nous de convaincre que c?est aussi par le nombre que l?on peut changer les choses. Donc je pense qu?il y aura du répondant dès aujourd?hui, mais une chose est sûre : nous sommes dans un processus, les choses ne vont pas s?arrêter et nous n?en resterons pas là.
Q- Mais jusqu?où le processus ? Comment changer les choses, dans une tendance lourde - que vient de décrire B. Guetta -, c?est-à-dire celle en Europe - et bien au-delà, aux Etats-Unis -, de la déréglementation ? Il citait le cas des Pays-Bas avec des CDD sur cinq ans maintenant, de l?Allemagne qui a modifié ses périodes d?essai, de l?Autriche qui supprime les indemnités de licenciement et j?en passe... La France serait-elle, en Europe, le dernier territoire où l?on va s?accrocher, à ce point, à l?enjeu du droit du travail ?
R- Absolument pas. Et dès la semaine prochaine, le 14 février, nous avons une grande manifestation syndicale européenne, à l?occasion du nouvel examen par le Parlement européen de la fameuse directive Bolkestein, qui avait fait l?actualité, souvenez-vous, l?an passé, notamment du fait du débat existant en France lié au référendum portant sur la Constitution européenne. Tous les syndicats d?Europe, la Confédération européenne des syndicats qui les rassemble, avaient dit tout le mal qu?ils pensaient de cette directive, puisque un de ses principes est, sous couvert de déréglementer l?accès aux services, de faire en sorte que le droit social ne soit plus celui appliqué dans les pays où les travailleurs exercent leur métier, mais de permettre aux employeurs d?appliquer le droit du travail du pays dans lequel ils ont le siège de leur entreprise, ce qui est donc une formidable machine de dumping social. Ce texte a été renvoyé dans un premier temps ; il revient à l?ordre du jour du Parlement européen. Et c?est bien parce que l?ensemble des mouvements syndicaux d?Europe est contre cette approche de dumping social généralisé en Europe, que nous avons une manifestation unitaire, avec les Allemands, les Belges, les Anglais, les Espagnols... Bref, tous les syndicats d?Europe vont être rassemblés, mardi prochain, à Strasbourg.
Q- Mais sur cette question du droit du travail, C. Katz, avocat spécialisé en droit du travail et membre du comité central de la Ligue des droits de l?homme, disait à B. Jean perrin, à 7h55, qu?au fond, c?était en effet une remise en cause du droit du travail, tel que défini en France, dans l?Etat français. Il évoquait la loi du 13 juillet 1973 qui, en effet, implique un certain nombre de nécessités s?agissant des licenciements. Il disait que cela avait disparu. Y a-t-il, au niveau européen, aujourd?hui, une réflexion menée par des syndicats et au-delà, sur une normalisation du droit du travail à l?échelon européen, de telle façon que ce droit-là puisse en effet être défendu ?
R- Mais c?est aussi parce que nous avons une responsabilité vis-à-vis des salariés de toute l?Europe, que nous n?avons pas le droit de lâcher cette bataille, pour refuser une liberté de licencier qui serait offerte aux employeurs, ce qui représenterait une première en Europe d?une part, mais une infraction aux règles fondamentales de l'organisation internationale du travail. Il y a une convention internationale qui prévoit que tout licenciement doit être justifié. Et il ferait beau voir que la France soit le pays où on le remette en cause. C?est une convention, bien sûr, qui n?est pas respectée déjà dans plusieurs pays du monde. Et une des batailles du mouvement syndical, c?est de faire respecter les droits sociaux fondamentaux à travers le monde. Il est facile, de la part des employeurs, de faire référence à la compétitivité économique, mais sur quoi porte aujourd?hui cette compétitivité, lorsque l?on fait référence à certaines pratiques sociales existantes sur certains continents ? C?est que l?on ne respecte pas un certain nombre règles fondamentales. La France est en travail de décider du travail de nuit des enfants, par exemple. On décide d?élargir le recours à l?intérim, de cumuler emploi et retraite... Cette autorisation de licencier des salariés, pour l?instant pour les moins de vingt-six ans, pour en faire des salariés dociles et jetables à tout moment, est en infraction à la législation internationale du travail.
Q- La réalité est que malheureusement, la croissance, telle qu?on a pu la connaître pendant les Trente glorieuses, c?est terminé. Les entreprises imposent désormais souvent leurs conditions. C?est la loi du marché qui s?exerce. Comment un syndicat comme le vôtre va-t-il prendre en compte cette réalité et où est, au fond, la voie de passage, entre la précarité et la flexibilité à laquelle on n?échappe plus ?
R- Nous avons déjà travaillé sur le sujet, nous y sommes effectivement confrontés. Le constat que la précarité est en train de gangrener les sociétés en Europe... D?ailleurs, le fait que l?Europe, aujourd?hui, soit en incapacité, au plan social, de dessiner un horizon mobilisateur, explique aussi en partie pourquoi le projet européen est en crise, et pas uniquement en France, dans l?ensemble de l?Europe. Nous attendons - et c?est le sens de notre participation aussi auprès du Parlement ? que l?on fasse la démonstration que la construction européenne a aussi une vertu sociale. Vous avez évoqué des combats locaux que nous menons vis-à-vis de salariés polonais, je vais faire une déclaration, cette semaine, avec l?un des présidents d?une grande confédération polonaise, pour dire le besoin de travailler ensemble, pour imposer des normes sociales applicables en Europe. Et nous ne serons pas de ceux qui nous verrons voir s?opposer (sic) une logique dite de marché, dès lors que c?est le social qui reste la principale variable d?ajustement. On demande aux salariés de supporter les efforts, les incertitudes, les prises de risque. Nous avons raisonné avec d?autres syndicats, nous parlons de "nouvelle sécurité sociale professionnelle", la mobilité peut être organisée socialement, elle peut être supportable socialement. Encore faut-il en avoir la volonté politique. Et quand il n?y a ni négociation avec le patronat, ni négociation avec le pouvoir politique, et que l?on est confronté à des opérations de déréglementation, on ne nous fera pas accepter des reculs sur le droit social aussi fondamentaux que ceux que nous présente le Premier ministre aujourd?hui.
Q- Je faisais référence à Internet tout à l?heure, à propos de la question du réalisme et de la situation telle que nous la vivons tous. Dans cet entretien que donne M. Dumas sur Internet, secrétaire de la CGT, je la cite mot à mot : "Les salariés doivent être assurés de la sortie de l?école jusqu?à la retraite, du droit à l?emploi stable, à la progression de salaire et de qualification, à l?accès à la formation, même s?il y a suppression d?emploi ou mobilité". N?est-on pas à la limite de l?utopie, tel que le monde fonctionne aujourd?hui ?
R- Mais on était aussi à la période d?utopie lorsque le mouvement syndical a défendu le principe que, dès que lors que l?on travaillait dans une branche professionnelle, il y avait des conventions dites "collectives" qui devaient s?appliquer à l?ensemble des salariés qui travaillent dans une branche. Dans la métallurgie, dans le commerce, dans les distributions... Bref, ce combat pour avoir des garanties sociales et des droits sociaux qui soient comparables, quels que soient les salariés auxquels ils s?appliquent, parce qu?il y a cohérence d?activité, demeure un combat moderne, dont il faut sans doute redéfinir les mécanismes pour correspondre aux besoins d?aujourd?hui. Mais cela ne nous amène pas à considérer que des droits en décalage avec la réalité nous amènent à renoncer à tout droit social. Il faut donc réinventer les droits dont on a besoin aujourd?hui. Il y a un accès au travail qui se fait de plus en plus tard, parce que les jeunes - et c?est plutôt une bonne chose - restent plus longtemps dans les périodes de formation initiale. Mais ce que nous annonce la mesure gouvernementale par exemple, c?est alors qu?hier, on demandait aux jeunes d?avoir des diplômes pour être sûrs d?obtenir un emploi ou un peu plus sûrs que les autres qui n?avaient pas de diplômes d?obtenir un emploi, ce que change la mesure, entre autres, c?est que même avec des diplômes ou de hauts diplômes, la case d?entrée dans la vie active est la case précarité systématique. Dans un premier temps parce que vous avez moins de 26 ans... Mais nous le savons, dès cette année, le Gouvernement veut rediscuter de l?ensemble des contrats de travail, toute génération confondue. C?est donc important parce qu?il s?agit des jeunes, de leur avenir, de la société de demain, mais c?est aussi important au regard du droit du travail de l'ensemble des salariés.
Source: premier-ministre? Service d'information du gouvernement, le 7 février 2006