Conférence de presse de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, sur le processus de préparation du Congrès de Lille et certains thèmes de débat évoqués, notamment le rassemblement du syndicalisme et l'élaboration des grands choix de société, Paris le 23 janvier 2006.

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Circonstance : 48ème Congrès de la CGT à Lille du 24 au 28 avril 2006

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Merci d'avoir répondu à cette invitation qui est, pour nous, l'occasion de vous informer sur le processus de préparation de notre prochain congrès confédéral et une opportunité pour répondre, si vous le souhaitez, à quelques questions sur l'actualité immédiate.
Nous vous avions fait part du plan de travail nous permettant de conduire la 1ère phase préparatoire au congrès, en vous informant des différentes étapes de notre calendrier.
Nous sommes maintenant à 3 mois du congrès puisque, comme vous le savez, le 48ème congrès de la CGT se tiendra à Lille du 24 au 28 avril.
Les plus anciens d'entre vous ont pu constater que la CGT s'efforce de faire des congrès où il se passe quelque chose : nous essaierons encore de ne décevoir ni les participants ni les observateurs. Il est vrai que, cette fois, les Cassandre n'ont pas manqué pour déjà annoncer un congrès difficile. Je vais vous livrer un secret : le plus difficile pour un congrès c'est de parvenir à faire participer le maximum de syndiqués et de syndicats à sa préparation. C'est d'autant plus important qu'une des questions clé du congrès porte sur le syndicat, ses moyens d'exister durablement, d'être informé régulièrement, de fonctionner démocratiquement et efficacement, selon les deux grandes dimensions professionnelles et interprofessionnelles de la lutte revendicative.
Notre plan de marche suit son cours.
Les 7 forums thématiques ont réuni plus de 2 500 personnes. Nous avons reçu près de 25 000 réponses au questionnaire adressé aux syndiqués et nous attendons une seconde vague. Nous en sommes à 162 visites d'entreprises ou de sites sur les 1 000 programmées, la cadence va maintenant s'accélérer.
Nous entrons dans une 2ème phase de notre travail par l'envoi, aux syndicats, des documents de référence qui ont été élaborés et adoptés par la Commission exécutive confédérale :
* Le rapport d'activité, adopté à l'unanimité moins 1 abstention,
* Le document d'orientation, adopté à l'unanimité moins 1 voix contre, qui comporte un projet de résolution spécifique sur le système de cotisation adopté, lui, à l'unanimité moins 1 abstention.
Je considère que tant l'esprit qui a prévalu dans ce travail collectif que les votes qui l'ont conclu représentent un bon point d'appui pour mener les débats qui vont se multiplier, dans les syndicats, autour de ces documents avant les votes au congrès.
Comme les fois précédentes, le projet de document d'orientation conjugue diagnostics et résolutions symbolisés, cette fois-ci, par 25 décisions précises représentant des objectifs ou des engagements. S'y ajoute un projet de résolution spécifique, relatif au système de cotisation.
Le document d'orientation se présente en 4 parties complémentaires qui suivent un préambule général :
I ? Le syndicalisme acteur essentiel de solidarité et de conquêtes sociales.
II ? La démocratie au c?ur des enjeux de transformation du travail et de la société.
III ? Développer l'organisation syndicale confédérée.
IV ? Démocratie et solidarité dans la répartition des cotisations.
Je vous renvoie à la lecture de ces textes et me limiterai, aujourd'hui, à quelques coups de projecteurs.
Le rassemblement du syndicalisme demeure un objectif essentiel pour l'unité des salariés et l'efficacité revendicative.
Le « syndicalisme rassemblé » n'est pas une formule de circonstance mais une orientation stratégique de longue haleine. Il résume une conception de la coopération syndicale nationale et internationale consistant à identifier les convergences par la réflexion conjointe et à les fortifier dans l'action commune.
Le principe d'action du syndicalisme rassemblé vaut à tous les niveaux.
Il doit d'abord nous guider au sein même de la CGT pour donner encore plus de sens et de poids au syndicalisme confédéré dont nous avons fait le choix. A titre d'exemple, les convergences public privé, l'extension et la banalisation de la précarité de l'emploi, l'unité d'action entre « donneurs d'ordre » et « soustraitants », sont des défis majeurs posés au syndicalisme. Nous souhaitons que le congrès s'empare de ces problématiques et éclaire les liens qu'elles nouent entre les orientations et les priorités revendicatives d'une part, le renforcement, le redéploiement et l'évolution des structures de la CGT d'autre part. C'est à ce prix que l'objectif du million de syndiqués deviendra réaliste et donc réalisable.
Le principe d'action du syndicalisme rassemblé doit évidemment nous guider dans nos rapports avec les autres organisations syndicales françaises. Il incite à ne pas enfermer le mouvement syndical dans le carcan des logiques « d'appareil ». Ainsi, à ceux qui sont tentés de théoriser une fracture irréversible entre deux conceptions du syndicalisme et à bétonner leur identité autour d'un tel noyau de division, la CGT doit opposer une attitude unitaire sans faille, proposer, sans relâche et à tous les niveaux, confrontations d'idées, mises en commun d'expériences et initiatives communes. C'est, à notre sens, la seule voie pour surmonter la crise du syndicalisme.
L'incapacité des confédérations, malgré notre insistance, à travailler à des suites unitaires au 4 octobre 2005 va, nous l'espérons, être bousculée par la pression des mouvements de jeunes qui n'acceptent pas la précarité de leur avenir. Ce sera une bonne chose.
Nous l'affirmons dans le préambule de notre projet : « En France, en Europe comme dans le Monde, le syndicalisme connaît une période d'affaiblissement préjudiciable à l'intérêt des salariés ».
Elle est consécutive au décalage qui s'est opéré entre sa couverture du terrain, ses modes d'élaboration et de prise de décision, sa capacité d'impulsion entravée par ses divisions et les pulsions libérales actuelles. Là encore, c'est le principe du syndicalisme rassemblé qui doit nous guider dans la recherche d'une nouvelle dynamique du syndicalisme européen et international.
La CGT a acquis sa place au sein de la Confédération européenne des syndicats. Elle participe activement à l'élaboration collective de ses objectifs et de ses actions, faisant entendre sa voix tout en étant attentive à celle des autres. J'en profite pour rappeler que, comme nous l'avions fait le 15 mars 2005, à l'appel de la CES nous manifesterons à Strasbourg le 14 février prochain, en opposition à la directive BOLKESTEIN. Nous attendons 5 000 manifestants sous le drapeau de la CGT et 2 000 qui se rassembleront à la frontière franco-espagnole.
L'unité et la pression syndicales ont eu raison du projet de libéralisation des activités portuaires. C'est un bon point d'appui.
Le dimanche 23 avril, veille du congrès, nous organisons une rencontre-débat réunissant le Comité confédéral national de la CGT et les représentants d'une cinquantaine de confédérations syndicales de tous les continents.
Nous y analyserons les conséquences de la mondialisation pour le mouvement syndical et nous procéderons à une évaluation du processus en cours destiné à façonner une nouvelle Internationale syndicale, en présence d'affiliés de la CISL, de la CMT et d'organisations non adhérentes à une organisation mondiale. Guy RYDER secrétaire de la CISL, Willy THYS secrétaire de la CMT, ainsi qu'Emilio GABAGLIO, nous ont assuré de leur présence pour cette rencontre événement.
2006 sera aussi une année de fébrilité politique permanente conduisant à l'élection présidentielle de 2007.
En tant qu'organisation respectueuse de la liberté d'opinions des syndiqués et devant être en mesure d'adopter une posture revendicative en toutes circonstances, face à tout pouvoir constitué, la CGT s'interdit toute attitude de soutien ou de co-élaboration d'un projet politique quel qu'il soit, toute participation, sous quelque forme que ce soit, à une coalition à vocation politique. Cette prise de position a fait l'objet d'un vote unanime de notre Commission exécutive.
La responsabilité syndicale est de faire face à la permanence et à l'urgence de la lutte revendicative.
C'est dans l'exercice de cette responsabilité syndicale que la CGT entend contribuer à ce que de véritables alternatives politiques soient au c?ur du débat public. C'est aussi dans ce cadre que le syndicalisme doit peser pour faire prévaloir ses priorités auprès des instances de pouvoir, en France, en Europe et dans le monde et négocier avec elles les termes et les rythmes du progrès social. À la fois droit des salariés et responsabilité des syndicats, la négociation est une modalité de l'expression de la contradiction d'intérêts entre employeurs et salariés. Créer les conditions d'un rapport de forces favorable aux salariés, telle est la première responsabilité d'une organisation syndicale, que la négociation découle d'un conflit social, qu'elle intervienne à l'initiative de la direction ou du patronat ou qu'elle se situe dans un cadre légal ou conventionnel.
La CGT entend aussi intervenir sur les grands choix de société. Elle doit le faire notamment sur la Sécurité sociale, la responsabilité sociale des entreprises et la réforme de l'Etat.
La Sécurité sociale est un remarquable système de solidarité entre ceux qui ont contribué, contribuent et contribueront par leur activité à la production de richesses. Elle doit désormais répondre à des besoins nouveaux notamment dans deux domaines : la prévention et la dépendance. Leur couverture appelle un débat sur le niveau et la part des richesses à consacrer à la Sécurité sociale proprement dite et aux institutions complémentaires.
L'aménagement du territoire demande à être adossé à la responsabilité territoriale et sociale de l'entreprise. La réforme de l'Etat doit assurer les bases d'une nouvelle cohésion sociale. La démocratie participative reste largement à conquérir. Elle suppose l'exercice du droit de chaque citoyen à être informé et à se prononcer aux différents niveaux sur les politiques publiques, leurs objectifs, leurs moyens, leurs résultats. Elle appelle l'exercice d'un droit d'initiative et de contrôle à travers l'organisation du débat public et le processus de décision. La CGT défend vigoureusement ces principes associant solidarité nationale et exercice des responsabilités au niveau local. En faisant le choix de la mise en concurrence des territoires, la conception de la décentralisation impulsée en 2002 et 2003 conduit à faire éclater les solidarités, dévoyant ainsi la réponse au besoin légitime de rapprocher les décisions du citoyen.
Une part essentielle est consacrée à la CGT. En nous appuyant sur la Charte de la vie syndicale, adoptée au précédent congrès, il nous faut passer à la vitesse supérieure pour sa mise en ?uvre et parvenir à un réel décollage du nombre de syndiqués à la CGT.
Le congrès devra valider les nouvelles dispositions maintenant précisées pour installer un nouveau dispositif de répartition et de ventilation de la cotisation syndicale. Il aura, entre autre, la vertu d'assurer le financement d'un nouveau mensuel, réalisé par la NVO, destiné à tous les syndiqués de la CGT.
Le congrès se voit proposer des axes de transformation dans l'organisation structurelle de la CGT, sur les dimensions professionnelles et territoriales.
Je suis loin d'avoir fait le panorama complet de ce qui sera discuté, avant et pendant le congrès, mais j'espère vous avoir donné l'eau à la bouche.
D'autres rendez-vous nous aideront dans notre démarche :
? Assises de la précarité, le 16 mars.
? Rencontre des jeunes, le 29 mars
Ceci nous conduira à Lille où les travaux du congrès seront retransmis intégralement sur Internet.
Le processus concernant la mise en place de la direction confédérale suit également son cours. 108 candidatures sont à disposition de la commission qui présentera ses propositions au CCN des 1er et 2 mars.
Voilà l'essentiel des dispositions qu'il nous semblait utile de vous communiquer afin de vous permettre d'avoir la matière nécessaire pour commenter la préparation du congrès du premier syndicat français.
Source http://www.cgt.fr, le 1 février 2006