Texte intégral
P.-L. Séguillon - On a un peu le sentiment que la France ne tient plus qu'un seul discours : "Ne touchez pas à ma PAC !", c'est-à-dire ne touchez pas aux avantages confortables que procure aux agriculteurs français la PAC. Est-ce que ce n'est pas la raison, ou plus exactement, est-ce que la France n'a pas une bonne partie de la responsabilité du blocage, aussi bien dans les négociations l'OMC que pour le projet de budget européen ?
R - La PAC, c'est notre vie de tous les jours. C'est le fait que la France est un pays avec des villes mais aussi 36.000 communes, un espace rural, c'est la qualité de notre alimentation, la traçabilité, la sécurité sanitaire... L'agriculture plus les emplois de l'industrie agroalimentaire, c'est 13 % de l'emploi salarié en France. Donc c'est vrai que la PAC, pour nous, c'est important, mais pas pour les agriculteurs seulement, pour tous les Français, parce que c'est un mode de vie et c'est le contrat sur lequel s'est fondé l'Europe il y a quarante ans. Donc quand on dit que nous tenons à la PAC, cela veut dire que nous tenons à une Europe de proximité, à une Europe des citoyens et pas à l'Europe ultralibérale des multinationales.
Q - Que répondez-vous à H. Benn, le ministre anglais, quand il dit que la France a sa responsabilité dans le blocage de l'OMC ?
R - Dans l'affaire de l'OMC, de quoi s'agit-il ? Il s'agit d'un cycle de développement, donc il s'agit d'aider les pays les plus pauvres, le Burkina, le Mali, les pays les plus pauvres de l'Afrique subsaharienne, de l'Amérique latine. Or quel est l'enjeu pour l'instant, la négociation telle qu'elle a été menée ? Ce sont de grandes puissances émergeantes, très puissantes déjà, le Brésil, l'Argentine, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, qui demandent tout simplement à ce que nous reculions nos droits de douane pour nous vendre à bas prix des produits d'une qualité qui n'est pas tout à fait exacte à celle que nous souhaitons. Donc nous sommes dans le camp du développement, nous voulons un accord à Hong Kong pour les pays les plus pauvres, pour le développement, mais nous ne voulons pas que ce soit le Grand soir de l'ultralibéralisme, comme le souhaitent certains pays. Et permettez-moi de dire que la France n'est pas isolée sur cette position : c'est la position d'une majorité de pays européens et c'est aussi la position de grand pays, comme le Japon et d'autres qui sont sur cette ligne.
Q - Soyons très précis : vous partez à Hong Kong mardi prochain. Le commissaire européen, P. Mandelson, de votre point de vue, a-t-il un mandat européen, à vos yeux, clair ? Et êtes-vous d'accord avec ce mandat européen ?
R - Nous l'avons voté, ce mandat ! Il a un mandat d'une extrême clarté, qui est de négocier un cycle de développement en respectant au millimètre près les règles de la PAC. Et D. de Villepin, qui l'a reçu mardi à Paris avec C. Lagarde et moi, lui a dit très clairement ce message et je crois que P. Mandelson l'a bien compris. J'ajoute que tous les jours à Hong Kong, les ministres européens en charge du Commerce extérieur et de l'Agriculture, nous nous réunirons en Conseil des ministres, avec ce que cela représente de solennité du Conseil des ministres de l'Europe, pour que le négociateur vienne nous rendre compte de ce qu'il fait. Donc l'Europe sera présente politiquement à Hong Kong et pas simplement par son négociateur.
Q - Est-ce que les concessions qu'a proposées P. Mandelson, pour ce qui concerne les subventions et les droits de douane, vous satisfont en l'état actuel des choses ?
R - Il y a deux choses : il a fait une première série de propositions, le 11 octobre, une seconde le 28 octobre, où là il est allé un peu au-delà de la ligne. Et nous lui avons dit que cela n'allait pas, qu'il allait trop loin. Donc depuis, il est d'ailleurs revenu. Il est allé trop loin à tel point, c'est qu'il n'a rien ...
Q - Mais qu'est-ce que ne pas aller trop loin ?
R - Il a dépassé les limites de la PAC. C'est-à-dire qu'il faut savoir que nous venons de réformer la PAC, pour justement la mettre dans les clous de l'OMC.
Q - On l'a surtout sanctuarisée...
R - Non, on ne l'a pas sanctuarisée, on l'a complètement réformée. Les agriculteurs qui nous écoutent savent très bien ce que cela représente : des règles de conditionnalité difficiles appliquées pour eux, beaucoup moins d'aides financières, puisque maintenant, il y a un découplage qui entre en vigueur l'année prochaine. Donc on l'a réformée. On a même fait, la semaine dernière, à Bruxelles, la réforme du sucre et on a mis le sucre dans les clous de l'OMC. Donc on a nous une politique complètement ouverte sur le monde. C'est l'Europe qui absorbe à elle toute seule plus de produits des pays en voie de développement que tous les autres pays de l'OCDE réunis. Donc on n'a pas de leçon à recevoir. Donc oui à la PAC, on tient à notre langage sur la PAC à Hong Kong, on est prêts à avancer sur le coton - c'est important pour les plus pays pauvres -, sur le sucre - je viens d'en parler -, sur les médicaments... Donc le président de la République et le Premier ministre souhaitent que nous ayons un vrai paquet développement, mais pas une réforme de l'ultralibéralisme, pour laisser entrer tous les produits du monde sur le marché.
Q - Si je comprends bien, à Hong Kong, c'est le commissaire qui va négocier ...
R - Au nom de l'Europe...
Q - ... Mais il sera sous haute surveillance. Vous n'avez pas tout à fait confiance en lui ?!
R - Le terme de "surveillance" est un terme qui est [inaud.]. Nous serons 50 ministres de l'Europe : 25 ministres du Commerce extérieur ou des Affaires étrangères, et 25 ministres de l'Agriculture. Nous nous réunirons tous les jours, parce que ce sont nos intérêts évidents. Cette affaire concerne l'emploi de tous les Français, et donc nous souhaitons naturellement, tous les jours, pouvoir donner un mandat et discuter de ce qui sera négocié.
Q - Avez-vous un pronostic sur la possibilité de succès de l'OMC ?
R - Il y a trois scénarios. Un, le scénario le plus triste : il ne se passe rien, une déclaration de bonnes intentions. Deux, le scénario que souhaite la France, auquel pousse le président de la République - il a raison de le faire - : le développement, un paquet pour le développement. Le troisième scénario serait celui de l'inacceptable, ce serait qu'au dernier moment, on reparte dans une grande partie de jeu de cartes commercial, et cela, la France, naturellement, ne peut l'accepter.
Q - La proposition qui vient d'être faite par certains grands pays, notamment l'Inde, d'avoir une sorte de session de rattrapage à travers un G8 qui se tiendrait au mois de janvier-février ?
R - On ne décide pas de l'avenir du monde à huit, quelle que soit l'importance des huit. Donc il y aura de toute façon un après-Hong Kong. Le cycle de Doha dure encore un an, et donc quoi qu'il arrive à Hong Kong, nous nous retrouvons dans les mois à venir, c'est une affaire importante. Je rappelle, parce que c'est très important, que c'est le cycle du développement ; il y a des gens qui ne mangent pas, qui ne produisent pas, qui n'exportent pas. Hong Kong est fait pour eux et pas pour permettre à de grands propriétaires du Brésil ou d'ailleurs de venir apporter leurs produits à bas prix sur nos marchés. Et c'est cela l'enjeu de Hong Kong...
Q - On ne décide pas de l'avenir du monde à huit, mais en tout cas, à 25 et à un peu plus, on a beaucoup de mal à décider du budget européen ! Le budget qui a été proposé par T. Blair, président en exercice du Conseil européen, a été récusé quasiment par tout le monde. Quelles sont les propositions de la France ?
R - On a failli arriver à un accord sur le budget européen à Luxembourg. C'était un moment difficile, parce que c'était peu de temps après l'échec du référendum. Les Luxembourgeois avaient fait un compromis dans lequel on maintenait l'aide régionale, dans lequel on maintenait la PAC complètement, on améliorait même la partie agro-environnementale, et on demandait aux Britanniques de faire un effort sur leur rabais. Ce compromis luxembourgeois, c'était le meilleur, il n'a pas été accepté...
Q - Sauf que les Britanniques vous disent : d'accord, touchons un peu au rabais, mais touchez un peu à votre PAC...
R - Non, les Britanniques ne disent pas cela, ils ont même dit quelque chose cette semaine d'assez inacceptable pour les autres pays européens : ils ont dit aux pays les plus pauvres, ceux qui nous ont rejoints depuis quelques années à peine, de baisser les aides régionales. Donc je crois que l'effort doit être fait sur l'ensemble. Cela passe par la prise en compte par les Britanniques qu'ils ont un rabais qui, aujourd'hui, dans l'Europe telle qu'elle est, n'est plus acceptable. La France est pleine de bonne volonté dans cette affaire. Il faut un budget à l'Europe. Je vais prendre un exemple très précis : on a besoin, nous, d'un règlement pour la pêche. Il y aura un Conseil des ministres de la pêche très important pour les pêcheurs français dans quelques jours, ils ont manifesté la semaine dernière. On a besoin de mesures pour l'agriculture de montagne etc. Tout cela est un dans un règlement européen que l'on ne peut pas mettre en oeuvre, parce que le budget européen n'est pas voté. Il est donc important... Espérons que la présidence britannique le mettra en oeuvre, sinon ce sera la présidence autrichienne au premier semestre de l'année prochaine. Mais une Europe qui, à un an de nouvelles échéances, n'a pas de budget, c'est une Europe qui a une vraie difficulté politique. Et la France essaiera de faire bouger les choses.
Q - A votre connaissance, J. Chirac rencontre A. Merkel ce soir. La France et l'Allemagne pourraient-elles faire une proposition pour essayer de sortir de l'impasse ?
R - C'est toujours ce duo franco-allemand qui a fait bouger l'Europe. Je crois donc que la rencontre de ce soir entre le président de la République et Mme Merkel, outre le fait qu'elle s'inscrit dans de nouvelles relations franco-allemandes avec le nouveau gouvernement fédéral, sera un moment peut-être pour faire bouger les choses. En tout cas, la France et l'Allemagne ont toujours eu un message commun au service de l'Europe.
Q - Je voudrais m'adresser non pas au ministre de l'Agriculture mais à l'homme politique et à l'ami de J.-P. Raffarin. N'êtes-vous pas peiné quelquefois que D. de Villepin, le nouveau Premier ministre, ne fasse jamais référence à son prédécesseur ? Et quel rôle pourrait jouer J.-P. Raffarin, votre ami, dans la préparation des présidentielles dans l'année qui vient ?
R - Deux réponses très simples : un, D. de Villepin et le président de la République citent toujours J.-P. Raffarin dans ce qui est fait, c'était encore le cas hier matin...
Q - Vous avez une ouïe meilleure que la mienne !
R - C'était encore le cas hier matin au Conseil des ministres, mais il est vrai que les débats du Conseil des ministres ne sont pas sous les caméras, c'est normal ! Ou hier et avant-hier, quand le Premier ministre est venu devant le groupe sénatorial au Sénat... Il n'y a pas de souci là-dessus. Ils se voient, ils se parlent, c'est une continuité. C'est le quinquennat de J. Chirac. J.-P. Raffarin pendant trois, maintenant D. de Villepin... C'est une politique, c'est une équipe au service du président de la République. Deuxièmement, J.-P. Raffarin, homme qui a laissé un bon souvenir aux Français, a été réformateur, a été près d'eux, efficace, loyal, fidèle... Voilà quelques qualités. Cela veut dire que, dans ce qui se prépare pour 2007, il jouera un rôle, ce sera un rôle au service de l'union de la droite et du Centre, pour un candidat de la droite et du Centre, et pour défendre les valeurs qui ont été celles du quinquennat de J. Chirac. Donc J.-P. Raffarin jouera un rôle politique de premier plan.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 15 décembre 2005
R - La PAC, c'est notre vie de tous les jours. C'est le fait que la France est un pays avec des villes mais aussi 36.000 communes, un espace rural, c'est la qualité de notre alimentation, la traçabilité, la sécurité sanitaire... L'agriculture plus les emplois de l'industrie agroalimentaire, c'est 13 % de l'emploi salarié en France. Donc c'est vrai que la PAC, pour nous, c'est important, mais pas pour les agriculteurs seulement, pour tous les Français, parce que c'est un mode de vie et c'est le contrat sur lequel s'est fondé l'Europe il y a quarante ans. Donc quand on dit que nous tenons à la PAC, cela veut dire que nous tenons à une Europe de proximité, à une Europe des citoyens et pas à l'Europe ultralibérale des multinationales.
Q - Que répondez-vous à H. Benn, le ministre anglais, quand il dit que la France a sa responsabilité dans le blocage de l'OMC ?
R - Dans l'affaire de l'OMC, de quoi s'agit-il ? Il s'agit d'un cycle de développement, donc il s'agit d'aider les pays les plus pauvres, le Burkina, le Mali, les pays les plus pauvres de l'Afrique subsaharienne, de l'Amérique latine. Or quel est l'enjeu pour l'instant, la négociation telle qu'elle a été menée ? Ce sont de grandes puissances émergeantes, très puissantes déjà, le Brésil, l'Argentine, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, qui demandent tout simplement à ce que nous reculions nos droits de douane pour nous vendre à bas prix des produits d'une qualité qui n'est pas tout à fait exacte à celle que nous souhaitons. Donc nous sommes dans le camp du développement, nous voulons un accord à Hong Kong pour les pays les plus pauvres, pour le développement, mais nous ne voulons pas que ce soit le Grand soir de l'ultralibéralisme, comme le souhaitent certains pays. Et permettez-moi de dire que la France n'est pas isolée sur cette position : c'est la position d'une majorité de pays européens et c'est aussi la position de grand pays, comme le Japon et d'autres qui sont sur cette ligne.
Q - Soyons très précis : vous partez à Hong Kong mardi prochain. Le commissaire européen, P. Mandelson, de votre point de vue, a-t-il un mandat européen, à vos yeux, clair ? Et êtes-vous d'accord avec ce mandat européen ?
R - Nous l'avons voté, ce mandat ! Il a un mandat d'une extrême clarté, qui est de négocier un cycle de développement en respectant au millimètre près les règles de la PAC. Et D. de Villepin, qui l'a reçu mardi à Paris avec C. Lagarde et moi, lui a dit très clairement ce message et je crois que P. Mandelson l'a bien compris. J'ajoute que tous les jours à Hong Kong, les ministres européens en charge du Commerce extérieur et de l'Agriculture, nous nous réunirons en Conseil des ministres, avec ce que cela représente de solennité du Conseil des ministres de l'Europe, pour que le négociateur vienne nous rendre compte de ce qu'il fait. Donc l'Europe sera présente politiquement à Hong Kong et pas simplement par son négociateur.
Q - Est-ce que les concessions qu'a proposées P. Mandelson, pour ce qui concerne les subventions et les droits de douane, vous satisfont en l'état actuel des choses ?
R - Il y a deux choses : il a fait une première série de propositions, le 11 octobre, une seconde le 28 octobre, où là il est allé un peu au-delà de la ligne. Et nous lui avons dit que cela n'allait pas, qu'il allait trop loin. Donc depuis, il est d'ailleurs revenu. Il est allé trop loin à tel point, c'est qu'il n'a rien ...
Q - Mais qu'est-ce que ne pas aller trop loin ?
R - Il a dépassé les limites de la PAC. C'est-à-dire qu'il faut savoir que nous venons de réformer la PAC, pour justement la mettre dans les clous de l'OMC.
Q - On l'a surtout sanctuarisée...
R - Non, on ne l'a pas sanctuarisée, on l'a complètement réformée. Les agriculteurs qui nous écoutent savent très bien ce que cela représente : des règles de conditionnalité difficiles appliquées pour eux, beaucoup moins d'aides financières, puisque maintenant, il y a un découplage qui entre en vigueur l'année prochaine. Donc on l'a réformée. On a même fait, la semaine dernière, à Bruxelles, la réforme du sucre et on a mis le sucre dans les clous de l'OMC. Donc on a nous une politique complètement ouverte sur le monde. C'est l'Europe qui absorbe à elle toute seule plus de produits des pays en voie de développement que tous les autres pays de l'OCDE réunis. Donc on n'a pas de leçon à recevoir. Donc oui à la PAC, on tient à notre langage sur la PAC à Hong Kong, on est prêts à avancer sur le coton - c'est important pour les plus pays pauvres -, sur le sucre - je viens d'en parler -, sur les médicaments... Donc le président de la République et le Premier ministre souhaitent que nous ayons un vrai paquet développement, mais pas une réforme de l'ultralibéralisme, pour laisser entrer tous les produits du monde sur le marché.
Q - Si je comprends bien, à Hong Kong, c'est le commissaire qui va négocier ...
R - Au nom de l'Europe...
Q - ... Mais il sera sous haute surveillance. Vous n'avez pas tout à fait confiance en lui ?!
R - Le terme de "surveillance" est un terme qui est [inaud.]. Nous serons 50 ministres de l'Europe : 25 ministres du Commerce extérieur ou des Affaires étrangères, et 25 ministres de l'Agriculture. Nous nous réunirons tous les jours, parce que ce sont nos intérêts évidents. Cette affaire concerne l'emploi de tous les Français, et donc nous souhaitons naturellement, tous les jours, pouvoir donner un mandat et discuter de ce qui sera négocié.
Q - Avez-vous un pronostic sur la possibilité de succès de l'OMC ?
R - Il y a trois scénarios. Un, le scénario le plus triste : il ne se passe rien, une déclaration de bonnes intentions. Deux, le scénario que souhaite la France, auquel pousse le président de la République - il a raison de le faire - : le développement, un paquet pour le développement. Le troisième scénario serait celui de l'inacceptable, ce serait qu'au dernier moment, on reparte dans une grande partie de jeu de cartes commercial, et cela, la France, naturellement, ne peut l'accepter.
Q - La proposition qui vient d'être faite par certains grands pays, notamment l'Inde, d'avoir une sorte de session de rattrapage à travers un G8 qui se tiendrait au mois de janvier-février ?
R - On ne décide pas de l'avenir du monde à huit, quelle que soit l'importance des huit. Donc il y aura de toute façon un après-Hong Kong. Le cycle de Doha dure encore un an, et donc quoi qu'il arrive à Hong Kong, nous nous retrouvons dans les mois à venir, c'est une affaire importante. Je rappelle, parce que c'est très important, que c'est le cycle du développement ; il y a des gens qui ne mangent pas, qui ne produisent pas, qui n'exportent pas. Hong Kong est fait pour eux et pas pour permettre à de grands propriétaires du Brésil ou d'ailleurs de venir apporter leurs produits à bas prix sur nos marchés. Et c'est cela l'enjeu de Hong Kong...
Q - On ne décide pas de l'avenir du monde à huit, mais en tout cas, à 25 et à un peu plus, on a beaucoup de mal à décider du budget européen ! Le budget qui a été proposé par T. Blair, président en exercice du Conseil européen, a été récusé quasiment par tout le monde. Quelles sont les propositions de la France ?
R - On a failli arriver à un accord sur le budget européen à Luxembourg. C'était un moment difficile, parce que c'était peu de temps après l'échec du référendum. Les Luxembourgeois avaient fait un compromis dans lequel on maintenait l'aide régionale, dans lequel on maintenait la PAC complètement, on améliorait même la partie agro-environnementale, et on demandait aux Britanniques de faire un effort sur leur rabais. Ce compromis luxembourgeois, c'était le meilleur, il n'a pas été accepté...
Q - Sauf que les Britanniques vous disent : d'accord, touchons un peu au rabais, mais touchez un peu à votre PAC...
R - Non, les Britanniques ne disent pas cela, ils ont même dit quelque chose cette semaine d'assez inacceptable pour les autres pays européens : ils ont dit aux pays les plus pauvres, ceux qui nous ont rejoints depuis quelques années à peine, de baisser les aides régionales. Donc je crois que l'effort doit être fait sur l'ensemble. Cela passe par la prise en compte par les Britanniques qu'ils ont un rabais qui, aujourd'hui, dans l'Europe telle qu'elle est, n'est plus acceptable. La France est pleine de bonne volonté dans cette affaire. Il faut un budget à l'Europe. Je vais prendre un exemple très précis : on a besoin, nous, d'un règlement pour la pêche. Il y aura un Conseil des ministres de la pêche très important pour les pêcheurs français dans quelques jours, ils ont manifesté la semaine dernière. On a besoin de mesures pour l'agriculture de montagne etc. Tout cela est un dans un règlement européen que l'on ne peut pas mettre en oeuvre, parce que le budget européen n'est pas voté. Il est donc important... Espérons que la présidence britannique le mettra en oeuvre, sinon ce sera la présidence autrichienne au premier semestre de l'année prochaine. Mais une Europe qui, à un an de nouvelles échéances, n'a pas de budget, c'est une Europe qui a une vraie difficulté politique. Et la France essaiera de faire bouger les choses.
Q - A votre connaissance, J. Chirac rencontre A. Merkel ce soir. La France et l'Allemagne pourraient-elles faire une proposition pour essayer de sortir de l'impasse ?
R - C'est toujours ce duo franco-allemand qui a fait bouger l'Europe. Je crois donc que la rencontre de ce soir entre le président de la République et Mme Merkel, outre le fait qu'elle s'inscrit dans de nouvelles relations franco-allemandes avec le nouveau gouvernement fédéral, sera un moment peut-être pour faire bouger les choses. En tout cas, la France et l'Allemagne ont toujours eu un message commun au service de l'Europe.
Q - Je voudrais m'adresser non pas au ministre de l'Agriculture mais à l'homme politique et à l'ami de J.-P. Raffarin. N'êtes-vous pas peiné quelquefois que D. de Villepin, le nouveau Premier ministre, ne fasse jamais référence à son prédécesseur ? Et quel rôle pourrait jouer J.-P. Raffarin, votre ami, dans la préparation des présidentielles dans l'année qui vient ?
R - Deux réponses très simples : un, D. de Villepin et le président de la République citent toujours J.-P. Raffarin dans ce qui est fait, c'était encore le cas hier matin...
Q - Vous avez une ouïe meilleure que la mienne !
R - C'était encore le cas hier matin au Conseil des ministres, mais il est vrai que les débats du Conseil des ministres ne sont pas sous les caméras, c'est normal ! Ou hier et avant-hier, quand le Premier ministre est venu devant le groupe sénatorial au Sénat... Il n'y a pas de souci là-dessus. Ils se voient, ils se parlent, c'est une continuité. C'est le quinquennat de J. Chirac. J.-P. Raffarin pendant trois, maintenant D. de Villepin... C'est une politique, c'est une équipe au service du président de la République. Deuxièmement, J.-P. Raffarin, homme qui a laissé un bon souvenir aux Français, a été réformateur, a été près d'eux, efficace, loyal, fidèle... Voilà quelques qualités. Cela veut dire que, dans ce qui se prépare pour 2007, il jouera un rôle, ce sera un rôle au service de l'union de la droite et du Centre, pour un candidat de la droite et du Centre, et pour défendre les valeurs qui ont été celles du quinquennat de J. Chirac. Donc J.-P. Raffarin jouera un rôle politique de premier plan.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 15 décembre 2005