Entretien de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, avec Europe 1 le 1er mars 2006, sur le bilan de la conférence internationale de Paris consacrée à la mise en oeuvre de financements innovants pour le développement et contre les pandémies, et sur la procédure d'extradition de Youssouf Fofana impliqué dans le meurtre d'Ilan Halimi.

Prononcé le 1er mars 2006

Média : Europe 1

Texte intégral

Q - Une dizaine de pays se disent près à accepter ce mécanisme (Contribution de solidarité sur les billets d'avion), cela veut-il dire que, pour le moment, le bilan est un peu maigre ?
R - C'est exactement le contraire de ce qui s'est passé hier. La Conférence de Paris qui a été organisée à l'initiative de Jacques Chirac s'achèvera dans les heures qui viennent, ce matin en fait. Elle est, je pense un succès, car, dorénavant, ce qu'a proposé le président de la République est irréversible. En effet, plus de dix pays ont accepté l'idée même de mettre une contribution sur leurs billets d'avion. Nous avons également proposé de mettre en place avec cet argent, une sorte de caisse, une centrale d'achat qui permettrait d'acheter des médicaments génériques ou princeps qui nous permettraient de soigner des pays pauvres.
Je vous signale qu'il y a six millions de personnes sur la planète qui ont besoin d'un traitement urgent contre le sida et qui ne "voient pas la couleur" d'un médicament.
Q - Dix pays : ce sera suffisant pour que le système fonctionne ?
R - Il y a dix pays qui ont déjà accepté de venir nous rejoindre. Je me permets de dire que, parmi ces pays, il y a la Norvège, le Brésil, le Chili, mais aussi, Chypre, Madagascar, et d'autres. Surtout, au niveau de ce que je viens de dire, c'est-à-dire la Centrale d'achat, la manière d'acheter des médicaments moins chers, 40 pays ont accepté hier de venir dans ce groupe-pilote.
Autrement dit, l'affaire est irréversible. Nous avions pu, à un moment donné, nous interroger sur cette idée. Après tout, cette idée, c'est une exigence morale. Comment peut-on accepter aujourd'hui qu'il y ait six millions de personnes qui ne bénéficient d'aucun médicament alors que nous, nous regorgeons, non seulement de médicaments mais également de traitements et que nous les gaspillons.
Q - Et le soutien du Secrétaire général de l'ONU, M. Kofi Annan pourra peut-être encore emballer la machine ?
R - Il y a non seulement le soutien de Kofi Annan mais aussi celui des Indiens qui étaient là ; il y avait le ministre des Finances chinois. Je dirai aujourd'hui que l'ensemble des pays de la planète est en train de se réveiller. C'est vrai que cette idée vient de la France, du président Chirac, et je crois qu'il nous faut reconnaître les choses : aujourd'hui, on ne peut pas continuer à voir une mondialisation aboutir à plus de richesses d'un côté, mais à plus de pauvreté de l'autre.
Il y a donc l'idée de faire profiter du produit de la mondialisation. Qu'est-ce que c'est qu'un avion ? C'est un produit de la mondialisation et il est normal que les fruits des produits de la mondialisation puissent venir aussi aider les plus pauvres.
Ne l'oubliez pas, on dit toujours qu'Internet existe, que la télévision existe, mais, pensez-vous que longtemps, dans la bande sahélienne en Afrique ou ailleurs, on va voir, alors que l'on est très pauvre et sans médicament, des gens gaspiller de l'argent.
Vous savez, l'instinct de survie, cela existe. Il y aura donc une immigration de plus en plus importante. Il peut y avoir aussi un désespoir qui peut entraîner les gens à faire des choses évidemment terribles, anti-démocratiques dans les pays occidentaux.
Q - M. Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères est aujourd'hui également directement concerné par l'affaire qui a bouleversé le pays, le meurtre d'Ilan et la procédure d'extradition de Youssouf Fofana qui est en Côte d'Ivoire.
On se souvient que le Premier ministre avait parlé d'un délai de quelques jours. Maintenant, on entend plusieurs semaines !
R - Dès l'arrestation de M. Fofana, dès qu'elle a été connue, un mandat d'arrêt international a été délivré, le 24 février, et transmis immédiatement aux autorités ivoiriennes compétentes.
Cette demande d'extradition a également été adressée aux mêmes autorités. J'ai envie de vous dire que, dès réception de cette demande, la procédure à a été engagée en Côte d'Ivoire. Il a été présenté hier au juge d'instruction puis au procureur de la République auprès du Tribunal ivoirien.
Nous souhaitons évidemment que la décision intervienne le plus rapidement possible.
Q - sur Abidjan ?
R - Oui, mais au risque de me répéter, non seulement nous sommes pressés mais en même temps, il est essentiel que cette procédure se déroule dans la légalité et la conformité aux règles du droit.
Imaginez que l'on aille trop vite, imaginez que l'avocat de M. Fofana découvre qu'il y a une anomalie de procédure et nous ne serions pas plus avancés.
Nous le devons aux proches et à la famille d'Ilan. Nous devons obtenir l'extradition de M. Fofana mais il y a des règles internationales et nous ne pourrons pas les enfreindre.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 mars 2006