Texte intégral
Hedwige Chevrillon : Suite du ? 12-15 ? en compagnie de Bernard VAN CRAEYNEST, le nouveau président de la CFE-CGC. Vous avez expliqué pourquoi vous avez appelé à ne pas manifester demain. Donc, vous n'êtes pas solidaire avec les autres centrales syndicales. Néanmoins, vous avez dit que vous vouliez privilégier le dialogue à la concertation. Je crois ? si mes informations sont bonnes ? vous avez écrit à Dominique de VILLEPIN, le 24 janvier dernier, pour justement parler de vos inquiétudes autour du CNE et du CPE, une lettre qui est restée sans réponse. Est-ce que vous regrettez, quand même, l'absence du dialogue social sur ces deux innovations qui sont, quand même, en matière sociale, un peu des coups de canif dans le code du travail.
Bernard Van Craeynest : Oui, bien entendu. Il est clair que le Premier ministre est en train d'accélérer le rythme et semble se rapprocher de ce qu'on pourrait qualifier de passage en force. Il est clair qu'ayant eu une démarche qui se veut constructive, nous avons effectivement adressé ce courrier que monsieur de VILLEPIN a en sa possession depuis le 24 janvier. J'avais eu, d'ailleurs, à cette date des assurances comme quoi j'aurais une réponse assez rapide. À ce jour, aucune nouvelle, ce qui prouve que nous sommes partis dans un processus où le pied est plutôt sur l'accélérateur. Bon ! Cela dit, nous avons encore cette voie parlementaire et j'espère qu'elle ne sera pas escamotée.
HC : Oui, et si jamais, justement, elle est escamotée cette voie parlementaire, qu'est-ce que vous allez faire, vous CFE-CGC ? Parce que s'il y a d'autres initiatives des autres syndicats, vous serez prêts cette fois-ci à vous joindre à eux ?
BVC : Absolument. Je crois que nous aurons fait la démonstration que la bonne volonté n'est pas toujours récompensée, que la volonté de dialogue ne trouve pas forcément d'écho et nous serons, à ce moment-là, effectivement, amené à considérer qu'il faut manifester notre désapprobation, d'une part, quant à la méthode et, d'autre part, sur le fond de ce dossier.
HC : Ce matin sur BFM, Alain OLIVE, qui est le secrétaire général de l'UNSA, a dit que si jamais le gouvernement comptait remplacer le CDI par le CPE ? alors le CDI, c'est le contrat à durée indéterminée, le CPE, le contrat première embauche ? il allait mettre le feu. Est-ce que vous pensez, aussi, que toucher au CDI serait vraiment quelque chose de grave ?
BVC : Je crois surtout que nous entendons depuis quelques jours, quelques semaines, un certain nombre de réflexion autour du contrat de travail. On parle de projet de tendre vers un contrat unique. Vous savez, à ce jour, surtout si on met en ?uvre le CPE, après entre autres le CDD senior, nous en serons à 26 formes de contrats de travail légales différentes.
HC : Donc, vous appelez quand même à une simplification ?
BVC : Je pense qu'entre 26 et 1, il y a un large champ qui doit tenir compte de la diversité des activités dans notre pays, des branches professionnelles, des tailles d'entreprises, des marchés. On se doit de travailler à partir de ces réalités. Vous savez, le développement de l'emploi que nous appelons tous de nos v?ux dans notre pays, ça n'est pas lié aux différentes formes de contrats de travail, c'est lié à la croissance. La croissance repose en grande partie sur la confiance, sur la capacité d'innover, de trouver de nouveaux créneaux de développement. Nous espérons que nous allons être en capacité de démontrer que notre pays a l'intention de marcher en avant mais de façon coordonnée dans le cadre, justement, d'une cohésion sociale bien nécessaire. Je crois que ce n'est pas parce qu'il y aurait éventuellement peu ou relativement peu de manifestants dans les rues demain que le Premier ministre devrait considérer que c'est le reflet d'une opinion qui approuve la démarche.
HC : Oui, surtout c'est qu'on a vu, là il y a une petite inversion de tendance selon un sondage cette fois-ci publié par Libération ce matin : 52 % des Français sont plutôt contre, enfin sont contre le contrat première embauche.
BVC : Je pense qu'ils s'interrogent sur les réalités, ce que recouvre ce contrat qui fait suite à une forme tout à fait équivalente qui est le CNE mis en ?uvre depuis le 4 août dernier.
HC : Avec des modalités qui sont un peu contradictoires, du reste vous n'avez pas manqué de le soulever, Bernard VAN CRAEYNEST ?
BVC : Oui, c'est ce qui prouve d'ailleurs que ce type de mesures sont quand même prises dans l'urgence dans la mesure où, par exemple, on peut relever que sur les modalités d'indemnisation chômage, pour le CNE on ne prévoit, au bout de quelques mois, qu'un mois d'indemnisation chômage alors que pour le CPE, c'est 2 mois. Je crois qu'il faut prendre garde de sectoriser, de catégoriser les différentes formes de contrats de travail et de mettre les Français suivant leur âge, leur sexe ou leurs qualifications professionnelles dans des petites cases car tout ceci est en pleine évolution, en pleine mutation. Il faut tenir compte de ces évolutions mais, aussi, des attentes de nos concitoyens.
HC : Justement, le Monde publie, dans son édition datée de demain, une étude qui a été réalisée par deux chercheurs, Pierre CAHUC et Stéphane CARELLO, qui montre, enfin deux économistes, qui montre qu'en fait le CNE, le contrat nouvelles embauches, n'aurait pas un impact majeur sur le marché de l'emploi parce qu'en fait il n'y aurait que 90 000 chômeurs qui seraient employés grâce au CNE d'ici 2008. Donc, des chiffres qui ne sont pas énormes.
BVC : C'est bien ce qui prouve qu'on est là confronté à un véritable problème de la croissance de l'activité dans notre pays. Or, 90 000, c'est mieux que rien.
HC : D'ici 2008.
BVC : Et en plus, effectivement, en 3 ans. Simplement, ce qu'il faut noter, c'est que quelles que soient les formes de contrats de travail, c'est bien lié à l'activité, au développement de l'activité de notre pays. C'est cela qui va permettre véritablement de résorber le chômage. Donc, c'est là dessus que nous attendons de vérifier qu'il y a des plans de relance de la croissance dans notre pays plus qu'une multiplication d'actes procéduriers autour des différentes formes de travail.
HC : Ce contrat nouvelles embauches, pour vous, comme le CPE, ce sont deux contrats qui sont appelés à remodifier le code du travail ?
BVC : Bien évidemment, puisque, encore une fois, jusqu'à présent l'employeur doit justifier, avec les différentes formes de contrats, les raisons pour lesquels il met un terme alors qu'avec le CNE ou le CPE il peut renvoyer du jour au lendemain.
HC : Ma question c'est : est-ce que vous pensez, quand même, qu'il faut revoir vous disiez les 26 formes de contrats différents, est-ce qui faut revoir le code du travail ?
BVC : C'est ce que nous sommes en train de faire. Nous sommes en processus de recodification en droit constant dont d'ailleurs le ministère du travail vient de nous informer qu'il comptait le poursuivre jusqu'à la fin de cette année au lieu du terme initialement prévu qui était au mois de juin. Simplement, il faut qu'on nous dise clairement à quoi on joue ? Est-ce qu'on est en train de conduire une procédure de recodification du code du travail et le droit constant ou est-ce que dans le même temps on est en train de le chambouler par petites touches, par différentes voies, gouvernementales ou parlementaires ?
HC : Le Premier ministre a appelé les patrons à jouer un rôle clé, en disant qu'ils ont un rôle vraiment déterminant dans cette bataille contre l'emploi?
BVC : Pour l'emploi !
HC : Oui, contre le chômage ou pour l'emploi, vous avez raison. Bernard VAN CRAEYNEST, est-ce que vous vous sentez concerné, vous aussi, vous les cadres ? Parce qu'après tout, vous êtes aussi responsables d'embauches.
BVC : Oui, sous l'ordre, les directives données par les patrons, bien entendu, nous nous efforçons de faire en sorte d'atteindre nos objectifs, de développer les résultats de l'entreprise et nous espérons, bien évidemment, que cela va entraîner une dynamique dans la création d'emplois. Maintenant, encore une fois, on mesure cela. Il y a quand même un événement intéressant qui peut jouer en faveur de la conjonction des différents objectifs qui est, incontestablement, que nous allons nous trouver, du fait du papy-boom, confronté à un problème de pénurie de main-d'?uvre qualifiée. Alors, si on arrive à coordonner cette baisse d'arrivées sur le marché de l'emploi avec des départs massifs, je pense qu'effectivement, nous allons dans le sens ? et pour cela il n'est pas nécessaire de bouleverser le code du travail ? d'une meilleure coordination entre l'offre et la demande.
HC : En conclusion : dubitatif ? Optimiste ? D'ici jeudi, Bernard VAN CRAEYNEST ?
BVC : Dubitatif.
HC : Merci. Je rappelle que vous êtes le nouveau président de la CFE-CGC.Source http://www.cfecgc.org, le 13 février 2006
Bernard Van Craeynest : Oui, bien entendu. Il est clair que le Premier ministre est en train d'accélérer le rythme et semble se rapprocher de ce qu'on pourrait qualifier de passage en force. Il est clair qu'ayant eu une démarche qui se veut constructive, nous avons effectivement adressé ce courrier que monsieur de VILLEPIN a en sa possession depuis le 24 janvier. J'avais eu, d'ailleurs, à cette date des assurances comme quoi j'aurais une réponse assez rapide. À ce jour, aucune nouvelle, ce qui prouve que nous sommes partis dans un processus où le pied est plutôt sur l'accélérateur. Bon ! Cela dit, nous avons encore cette voie parlementaire et j'espère qu'elle ne sera pas escamotée.
HC : Oui, et si jamais, justement, elle est escamotée cette voie parlementaire, qu'est-ce que vous allez faire, vous CFE-CGC ? Parce que s'il y a d'autres initiatives des autres syndicats, vous serez prêts cette fois-ci à vous joindre à eux ?
BVC : Absolument. Je crois que nous aurons fait la démonstration que la bonne volonté n'est pas toujours récompensée, que la volonté de dialogue ne trouve pas forcément d'écho et nous serons, à ce moment-là, effectivement, amené à considérer qu'il faut manifester notre désapprobation, d'une part, quant à la méthode et, d'autre part, sur le fond de ce dossier.
HC : Ce matin sur BFM, Alain OLIVE, qui est le secrétaire général de l'UNSA, a dit que si jamais le gouvernement comptait remplacer le CDI par le CPE ? alors le CDI, c'est le contrat à durée indéterminée, le CPE, le contrat première embauche ? il allait mettre le feu. Est-ce que vous pensez, aussi, que toucher au CDI serait vraiment quelque chose de grave ?
BVC : Je crois surtout que nous entendons depuis quelques jours, quelques semaines, un certain nombre de réflexion autour du contrat de travail. On parle de projet de tendre vers un contrat unique. Vous savez, à ce jour, surtout si on met en ?uvre le CPE, après entre autres le CDD senior, nous en serons à 26 formes de contrats de travail légales différentes.
HC : Donc, vous appelez quand même à une simplification ?
BVC : Je pense qu'entre 26 et 1, il y a un large champ qui doit tenir compte de la diversité des activités dans notre pays, des branches professionnelles, des tailles d'entreprises, des marchés. On se doit de travailler à partir de ces réalités. Vous savez, le développement de l'emploi que nous appelons tous de nos v?ux dans notre pays, ça n'est pas lié aux différentes formes de contrats de travail, c'est lié à la croissance. La croissance repose en grande partie sur la confiance, sur la capacité d'innover, de trouver de nouveaux créneaux de développement. Nous espérons que nous allons être en capacité de démontrer que notre pays a l'intention de marcher en avant mais de façon coordonnée dans le cadre, justement, d'une cohésion sociale bien nécessaire. Je crois que ce n'est pas parce qu'il y aurait éventuellement peu ou relativement peu de manifestants dans les rues demain que le Premier ministre devrait considérer que c'est le reflet d'une opinion qui approuve la démarche.
HC : Oui, surtout c'est qu'on a vu, là il y a une petite inversion de tendance selon un sondage cette fois-ci publié par Libération ce matin : 52 % des Français sont plutôt contre, enfin sont contre le contrat première embauche.
BVC : Je pense qu'ils s'interrogent sur les réalités, ce que recouvre ce contrat qui fait suite à une forme tout à fait équivalente qui est le CNE mis en ?uvre depuis le 4 août dernier.
HC : Avec des modalités qui sont un peu contradictoires, du reste vous n'avez pas manqué de le soulever, Bernard VAN CRAEYNEST ?
BVC : Oui, c'est ce qui prouve d'ailleurs que ce type de mesures sont quand même prises dans l'urgence dans la mesure où, par exemple, on peut relever que sur les modalités d'indemnisation chômage, pour le CNE on ne prévoit, au bout de quelques mois, qu'un mois d'indemnisation chômage alors que pour le CPE, c'est 2 mois. Je crois qu'il faut prendre garde de sectoriser, de catégoriser les différentes formes de contrats de travail et de mettre les Français suivant leur âge, leur sexe ou leurs qualifications professionnelles dans des petites cases car tout ceci est en pleine évolution, en pleine mutation. Il faut tenir compte de ces évolutions mais, aussi, des attentes de nos concitoyens.
HC : Justement, le Monde publie, dans son édition datée de demain, une étude qui a été réalisée par deux chercheurs, Pierre CAHUC et Stéphane CARELLO, qui montre, enfin deux économistes, qui montre qu'en fait le CNE, le contrat nouvelles embauches, n'aurait pas un impact majeur sur le marché de l'emploi parce qu'en fait il n'y aurait que 90 000 chômeurs qui seraient employés grâce au CNE d'ici 2008. Donc, des chiffres qui ne sont pas énormes.
BVC : C'est bien ce qui prouve qu'on est là confronté à un véritable problème de la croissance de l'activité dans notre pays. Or, 90 000, c'est mieux que rien.
HC : D'ici 2008.
BVC : Et en plus, effectivement, en 3 ans. Simplement, ce qu'il faut noter, c'est que quelles que soient les formes de contrats de travail, c'est bien lié à l'activité, au développement de l'activité de notre pays. C'est cela qui va permettre véritablement de résorber le chômage. Donc, c'est là dessus que nous attendons de vérifier qu'il y a des plans de relance de la croissance dans notre pays plus qu'une multiplication d'actes procéduriers autour des différentes formes de travail.
HC : Ce contrat nouvelles embauches, pour vous, comme le CPE, ce sont deux contrats qui sont appelés à remodifier le code du travail ?
BVC : Bien évidemment, puisque, encore une fois, jusqu'à présent l'employeur doit justifier, avec les différentes formes de contrats, les raisons pour lesquels il met un terme alors qu'avec le CNE ou le CPE il peut renvoyer du jour au lendemain.
HC : Ma question c'est : est-ce que vous pensez, quand même, qu'il faut revoir vous disiez les 26 formes de contrats différents, est-ce qui faut revoir le code du travail ?
BVC : C'est ce que nous sommes en train de faire. Nous sommes en processus de recodification en droit constant dont d'ailleurs le ministère du travail vient de nous informer qu'il comptait le poursuivre jusqu'à la fin de cette année au lieu du terme initialement prévu qui était au mois de juin. Simplement, il faut qu'on nous dise clairement à quoi on joue ? Est-ce qu'on est en train de conduire une procédure de recodification du code du travail et le droit constant ou est-ce que dans le même temps on est en train de le chambouler par petites touches, par différentes voies, gouvernementales ou parlementaires ?
HC : Le Premier ministre a appelé les patrons à jouer un rôle clé, en disant qu'ils ont un rôle vraiment déterminant dans cette bataille contre l'emploi?
BVC : Pour l'emploi !
HC : Oui, contre le chômage ou pour l'emploi, vous avez raison. Bernard VAN CRAEYNEST, est-ce que vous vous sentez concerné, vous aussi, vous les cadres ? Parce qu'après tout, vous êtes aussi responsables d'embauches.
BVC : Oui, sous l'ordre, les directives données par les patrons, bien entendu, nous nous efforçons de faire en sorte d'atteindre nos objectifs, de développer les résultats de l'entreprise et nous espérons, bien évidemment, que cela va entraîner une dynamique dans la création d'emplois. Maintenant, encore une fois, on mesure cela. Il y a quand même un événement intéressant qui peut jouer en faveur de la conjonction des différents objectifs qui est, incontestablement, que nous allons nous trouver, du fait du papy-boom, confronté à un problème de pénurie de main-d'?uvre qualifiée. Alors, si on arrive à coordonner cette baisse d'arrivées sur le marché de l'emploi avec des départs massifs, je pense qu'effectivement, nous allons dans le sens ? et pour cela il n'est pas nécessaire de bouleverser le code du travail ? d'une meilleure coordination entre l'offre et la demande.
HC : En conclusion : dubitatif ? Optimiste ? D'ici jeudi, Bernard VAN CRAEYNEST ?
BVC : Dubitatif.
HC : Merci. Je rappelle que vous êtes le nouveau président de la CFE-CGC.Source http://www.cfecgc.org, le 13 février 2006