Interview de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur LCI le 31 janvier 2006, sur les chiffres du chômage et les premiers résultats du contrat nouvelles embauches et sur le refus de la Pologne d'accepter la baisse de la TVA sur les travaux dans l'immobilier.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

Q- Deux nouvelles, aujourd'hui, pour le ministre de l'emploi que vous êtes : une bonne nouvelle, c'est la baisse du chômage, pour le neuvième mois consécutif ; une mauvaise nouvelle, c'est le refus de la Pologne d'accepter la baisse de la TVA sur les travaux dans l'immobilier. Alors, commençons par la bonne nouvelle. Est-ce que vous êtes capables aujourd'hui de dire dans cette statistique du chômage, dans cette baisse, ce qui relève du contrôle plus vigilant de l'Etat, ce qui relève des "emplois aidés", ce qui relève de la démographie, et ce qui relève de la création réelle d'emplois marchands ?
R- Eh bien, d'abord, neuvième mois, donc une tendance continue, une tendance lourde, qui ramène le taux de chômage à 9,5. Au travers de quoi ? Tout d'abord, de la création d'emplois dans le secteur marchand. L'Insee, qui ne comptabilise ni les emplois du secteur médical, médico-social, ni les créations dans le secteur éducatif, nous dit : nous aurons créé autour de 70.000 emplois au cours de l'année.
Q- L'année 2005 ?
R- L'année 2005.
Q- Ce n'est pas beaucoup.
R- Non, mais...
Q- C'est peu même !
R- Mais quand vous y ajoutez le secteur le plus porteur qui est le service à la personne, qui n'est pas comptabilisé, et quand nous voyons que nous avons battu le record du nombre d'inscrits à l'Unedic, nous voyons bien qu'il y a eu créations réelles d'emplois. Seconde des choses : la diminution du nombre de licenciements économiques. Le mois de décembre confirme cette tendance, puisque nous sommes à près de moins 20% de la diminution du nombre de licenciements économiques, donc une économie qui va mieux. Troisième des choses : des records, en termes de formation en alternance. Jamais nous n'avons eu autant d'apprentis - 255.000 -, et un objectif, je le rappelle, d'avoir 700.000 jeunes en alternance pour le 1er janvier 2009. Un nombre de radiations, parce que c'est toujours l'éternel sujet à l'ANPE, qui a baissé. Un nombre de sorties pour contrôles...
Q- Qui a augmenté...
R- Qui a augmenté. Mais je rappelle que l'ensemble "sorties pour absences de contrôles et radiations" n'est pas plus élevé en 2005 qu'il l'était en 2004. Et pardonnez-moi, ces sorties pour absences de contrôles correspondent à des reprises d'emplois.
Q- Mais est-ce que, parallèlement vous êtes quand même inquiet quand vous voyez l'explosion du chiffre des bénéficiaires du RMI ?
R- C'est un phénomène. L'explosion, enfin l'accroissement...
Q- Plus 6%...
R- ...du nombre d'inscrits au RMI, qui nous amène à nécessiter, de poursuivre la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale dans les parcours de retour vers l'emploi. Voilà pourquoi les contrats aidés du secteur non marchand, notamment, sont utiles. Voilà pourquoi aussi, le CNE est utile. Souvenez-vous, il y a quelques jours, cette enquête fiduciaire (sic) sur les 280.000 contrats "nouvelles embauches" : 30% d'entre eux n'auraient jamais été créés s'il n'y avait pas eu le CNE ; 56%, ce sont des chômeurs de plus de six mois et des RMISTES Voilà. Ce qui veut dire la nécessité de répondre par cette dimension de l'adaptation du marché du travail et par les emplois aidés.
Q- Cela pose deux questions : d'abord, est-ce que vous pouvez aujourd'hui, afficher un objectif d'ici à la fin de 2006 pour cette réduction ?
R- Là, je me répéterai en prenant les risques que j'ai pris il y a quelques semaines : je pense que l'objectif de passer en dessous de 9% est atteignable, si nous avons la volonté, si nous poursuivons la dynamique engagée par le plan de cohésion sociale et renforcée par le plan d'urgence pour l'emploi du Premier ministre.
Q- Deuxième question : est-ce que, vous venez de le dire d'une certaine manière, mais est-ce que vous avez vraiment suffisamment de recul pour parler de l'efficacité du contrat "nouvelles embauches", ce qui vous a d'ailleurs conduit à précipiter la création du contrat "première embauche" ?
R- Ce que je constate, naturellement sur un délai de temps relativement bref, c'est-à-dire, aujourd'hui à peine six mois, c'est que, sur les 280.000 CNE, 5% d'entre eux simplement ont été rompus à l'initiative de l'employeur ; 5%, à l'initiative du salarié. Et je le rappelle, 56% des contrats l'ont été par des chômeurs de plus de six mois, par les bénéficiaires entre guillemets "du RMI ou de l'ASS".
Q- Vous lancez le CPE - le contrat "première embauche" - pour les jeunes de 18 à 26 ans, au fond, sans avoir tous les éléments de l'évaluation du CNE, sans discussion avec les organisations syndicales, et en précipitant le débat à l'assemblée nationale. Est-ce que vous n'avez pas cumulé, d'une certaine manière, toutes les difficultés pour arriver à faire passer ce CPE, en dépit de l'opposition de la gauche, et en dépit des manifestations qui se préparent aujourd'hui et le 7 février ?
R- Pourquoi il y a urgence, P.-L. Séguillon ? Regardez, ce matin, taux de chômage, 9,5 ; taux de chômage des jeunes...
Q- Il y a urgence, mais enfin la majorité est au pouvoir depuis combien d'années ? Depuis 2002 !
R- ... Taux de chômage des jeunes : 22,7. Depuis 25 ans, le taux de chômage de jeunes est toujours plus de deux fois, quelle que soit la situation de l'emploi, supérieur à la moyenne du taux de chômage, moyenne nationale. Nous sommes dans un pays où en fait on est vraiment en activité de 26 à 50 ans, on oublie les seniors. Voilà pourquoi nous préparons un plan seniors, à la suite de la négociation des partenaires sociaux. Voilà pourquoi nous considérons qu'il est impératif d'agir, d'agir aujourd'hui pour les jeunes, pour sortir de cette espèce de cercle dramatique. J'allais dire, 70% des jeunes rentrent dans l'emploi par le CDD ou l'intérim ; 50% des CDD ; 50%, inférieurs à un mois, un intérim moyen de 15 jours.
Q- Est-ce que vous pourriez, en fonction de l'opposition que vous allez rencontrer à l'assemblée nationale, voire dans la rue, modifier pour partie, ce contrat "première embauche", comme semblait le dire T. Breton dimanche soir sur notre antenne ?
R- Moi, j'écoute ce que me dit l'assemblée nationale, ce que va nous dire le Sénat dans quelques semaines. Et le rapporteur de l'assemblée nationale m'a interrogé la semaine dernière sur un des points : est-ce que vous êtes prêt à renforcer l'accompagnement social, notamment du jeune dans son parcours d'entrée vers l'emploi ?
Q- Votre réponse ?
R- Logement, oui, "Loca-pass", il va falloir que nous allions plus loin. Voilà pourquoi nous avons entamé la saisine et la négociation avec les bailleurs privés. La deuxième des choses qui n'est pas dans le texte de loi, c'est : comment on a une forme de contrat d'accompagnement du jeune vers l'emploi, allant plus loin que le CIVIS que nous avons mis en place pour les jeunes qui galèrent. Parce que la réalité des jeunes aujourd'hui, c'est qu'hormis un certain nombre de diplômés, qui partent du CAP, qui sont formés à un métier, et qui vont jusqu'aux élèves des grandes écoles, la plupart des jeunes galèrent réellement pour rentrer vers l'emploi.
Q- La mauvaise nouvelle maintenant, c'est la Pologne qui dit : pas question de baisser la TVA, si vous n'acceptez pas que nous-mêmes, Polonais, bénéficions de l'exonération qui consiste à baisser la TVA sur les logements neufs jusqu'en 2015 au lieu de 2007. Alors, premièrement, pourquoi est-ce qu'on refuse cela aux Polonais, ce qui nous permettrait d'avoir cette baisse de TVA ? Et deuxièmement, si le veto se poursuit, est-ce que vous passez outre ?
R- La TVA à taux de 5.5 dans le bâtiment, c'est plus d'emplois parce que plus de travaux, et c'est moins de travail illégal. Et pardonnez au ministre du Travail que je suis, très engagé dans la lutte contre le travail illégal, un point extrêmement important. Ce que je note c'est que, la présidence autrichienne comme les neuf pays concernés par le taux de TVA à taux réduit et à 5.5, qui représentent la moitié des Européens, ont décidé de poursuivre leur action en direction de la Pologne. La Pologne doit se souvenir qu'elle a signé un traité d'adhésion, et que dans ce traité d'adhésion, sur la TVA sur les logements neufs, elle s'était engagée à une date, à une échéance...
Q- Mais vous n'avez pas répondu à mes deux questions. La première question : pourquoi est-ce qu'on n'accepte pas de la Pologne ce que...
R- Là, je viens de vous répondre : parce qu'il y avait un engagement au moment du traité d'adhésion.
Q- Et la deuxième question : est-ce que vous passez outre si il y a veto ?
R- Il appartiendra au Premier ministre de prendre les dispositions.
Q- Et quel est l'avis du ministre délégué à l'emploi ?
R- Le souhait du ministre délégué à l'emploi, c'est que nous trouvions les voies et moyens au plan européen - si nous ne le trouvions pas au plan national - pour ne pas, j'allais dire gommer toute la dynamique de l'emploi, et toute la lutte contre le travail illégal que la TVA à taux réduit a permis d'enclencher.
Q- Est-ce qu'il faudrait compenser par des allégements de charges, comme on fait pour la restauration ?
R- Ca, c'est de la technique.
Q- Non, non, c'est pas de la technique. 1,6 milliard pour la restauration, c'était pas de la technique !
R- Oui mais là, c'est de la technique par rapport à une recette qui n'était pas programmée.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er février 2006