Interviews de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, dans "Libération" du 6 février 2001, à Europe 1 le 15 et déclaration le 14, sur la réforme du système des retraites notamment les négociations entre les partenaires sociaux, la position du gouvernement et la représentativité des organisations syndicales.

Prononcé le

Média : Emission Forum RMC Libération - Europe 1 - Libération

Texte intégral

14 février 2001.
Les salariés ne se laisseront pas imposer la vision de l'avenir des retraites dictée par le MEDEF.
Contraint par le rapport de force créé le 25 janvier, le patronat a du lâcher du lest par rapport à ses prétentions initiales en reconduisant jusqu'en 2002 le dispositif permettant d'assurer le versement des retraites complémentaires.
Cependant, aucun salarié, aucun retraité ne peut se sentir " rassuré " par le choix retenu dans le projet d'accord de geler pendant dix ans la contribution des entreprises au financement des retraites, et de privilégier par conséquent l'allongement de la durée des cotisations pour les salariés.
De plus le MEDEF continue impunément à abuser de sa position dominante pour multiplier ses diktats.
Par une décision unilatérale, il exonère les entreprises de leurs cotisations du premier trimestre 2001 pour les retraites complémentaires : c'est un hold-up de 9 milliards !
Il prétend exclure de la présidence des caisses de retraites les représentants issus d'organisations syndicales qui refusent de plier devant lui et d'accepter la fin programmée de la retraite à 60 ans.
Il compte poursuivre sa " refondation sociale " en choisissant ses interlocuteurs syndicaux.
De nouveau, on veut nous imposer, pour les retraites, les dispositions d'un prétendu accord présenté comme faisant force de loi, alors qu'il n'est formellement approuvé que par des confédération syndicales représentant une minorité de salariés.
Assisterons-nous demain au même scénario pour la formation professionnelle et l'assurance maladie ?
Au nom de quoi les salariés de notre pays devraient-ils continuer à s'accommoder de règles aussi anti-démocratiques qui défient avec autant d'arrogance les principes de la République ?
Le Gouvernement, les parlementaires garants de l'ordre public social ont le devoir d'intervenir.
Ils ne peuvent plus se contenter du rôle de l'observateur neutre quand le " dialogue social " tourne au chantage social.
La CGT a fait des propositions pour définir de nouvelles règles de représentativité syndicale, pour faire reconnaître le principe majoritaire dans la négociation collective, pour inventer de nouveaux lieux d'exercice d'une démocratie sociale réelle.
L'absence d'initiative des pouvoirs publics sur ces réformes fondamentales maintiendrait les salariés dans une situation d'infériorité bafouant leur qualité de citoyen : ce serait une option politique grave de conséquences.
La CGT, quant à elle, entend bien promouvoir avec les salariés une autre conception du progrès et de la démocratie sociale.
(Source http://www.cgt.fr, le 16 février 2001).
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Le 15 février 2001
- "Nous continuons à penser que la retraite à 60 ans n'est pas qu'un vieux souvenir dans le panorama social de notre pays et qu'il est possible de la financer, y compris pour une population de salariés plus nombreuse, à l'avenir. Nous avons des solutions que nous préconisons et nous voulons qu'elles soient entendues contrairement à ce que dit le patronat qui ne pense que par les solutions que lui préconise et qui se caractérisent toutes par un effort accru du côté des salariés. Nous sommes dans un pays où la croissance continue à produire ses effets, où un certain nombre d'entreprises affichent des profits remarquables. La question est de savoir si une part de ces profits, de ces marges économiques ne pourraient pas à l'avenir tout simplement participer au financement des retraites. Le problème aussi fondamental qui est lié à cette négociation, c'est l'absence de règles vraiment démocratiques pour négocier des accords qui ont une telle portée. Si vous avez, comme c'est le cas, des organisations syndicales, minoritaires, qui approuvent les conclusions d'un accord avec le patronat - ce qui est tout à fait leur droit - il n'y a aucune raison pour penser que tout cela doit s'appliquer et s'imposer à l'ensemble des salariés. On est sur des bases de négociations qui ne sont pas très démocratiques de ce point de vue-là. Il va falloir y mettre fin."
Entre un Gouvernement que vous jugez indécis, neutre, menaçant et un patronat jusqu'au-boutiste, "dictatorial" selon vous, qu'allez-vous faire ?
- "Nous allons nous mobiliser, nous l'avons dit, avec tous ceux qui sont d'accord avec notre analyse et nos perspectives, d'obtenir des décisions sur d'autres bases que les bases patronales. J'espère bien que les jours prochains vont nous permettre de multiplier les contacts et de faire entendre une voix très présente dans les entreprises, et pourquoi pas dans la rue."
D'un côté, il y a la CFDT et la CFTC qui ont signé le texte, d'un autre, FO et la CGC qui pourraient bien le signer, et puis il y a vous, la CGT, pour qui le texte est inacceptable. Ne risquez-vous pas d'être un peu isolés, d'être tout seuls à vous battre ?
- "Non, je ne pense pas du tout que la CGT soit isolée. Je remarque que les non signataires seront plus nombreux que les signataires de ce texte. Je suis convaincu que les salariés ne se laisseront pas déposséder de la retraite à 60 ans, au motif qu'un texte ait été approuvé entre les organisations patronales et seulement deux syndicats."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 15 février 2001)