Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur le site internet du Parti socialiste, le 15 février 2006, sur la motion de censure déposée par les partis de gauche en réponse au recours au 49-3 par le gouvernement pour faire passer le contrat première embauche (CPE).

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Média : Site web PS

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« Nous imposerons à Villepin la discussion qu'il refuse »
François Hollande, qui défendra pour le groupe socialiste la motion de censure à l'Assemblée nationale le 21 février, explique la stratégie mise en ouvre par les parlementaires pour donner le plus d'écho possible à leur opposition au CPE.
Pourquoi ne pas déposer une motion de censure liée au projet de loi égalité des chances, comme il est de coutume en cas de recours au 49-3 par le gouvernement ?
Le gouvernement a tenté un coup de force avec le 49-3. En faisant adopter son texte sans vote pendant les vacances scolaires et universitaires, il pensait pouvoir échapper au débat. Pour rester maîtres du calendrier et avoir la discussion sur le CPE au grand jour, nous avons utilisé le 49-2 qui permet à l'opposition de déposer une motion de censure sur la politique globale du gouvernement. Nous aurons ce débat au lendemain des vacances et nous lui donnerons toute l'ampleur que mérite ce sujet.
La méthode Villepin doit trouver ses limites. Il est inadmissible que le gouvernement revienne sur l'un des pans essentiels du droit du travail, pendant l'été et par ordonnance pour le CNE, puis pendant les vacances de février et au moyen du 49-3 pour le CPE. Nous lui imposerons la discussion qu'il refuse.
Quel est le sens politique de la motion de censure que vous allez défendre, sur la politique économique du gouvernement ?
Les socialistes, les Verts, les radicaux de gauche, les divers gauche déposent ensemble une motion de censure qui a pour sens profond la défense d'un modèle de société alternatif à celui que veut nous imposer la droite.
Deux conceptions s'affrontent : d'une part celle de la majorité UMP qui au nom de la « libération des énergies » organise une société de précarité. De l'autre celle de la gauche qui souhaite mettre un coup d'arrêt à cette dérive libérale et construire de nouvelles sécurités qui garantissent à chacun la possibilité de se bâtir un avenir.
Lors du débat de censure, les socialistes rappelleront solennellement que l'égalité des chances ne passe pas par la généralisation de la précarité dont le CPE est le symbole.
Aujourd'hui la France va mal, mais il serait paradoxal que la droite utilise ses échecs pour justifier son programme de démantèlement des protections collectives. C'est vrai que la croissance ne décolle pas et dépasse à peine 1,4% en 2005 au lieu des 2,5% prévus. C'est exact que la balance commerciale est gravement déficitaire. C?est encore une évidence que la baisse du chômage n'est pas liée à des créations d'emploi, mais dépend principalement de la démographie et de radiations massives.
Mais ces résultats ne sont pas à imputer aux Français, c'est bien le gouvernement qui en est responsable par sa politique qui a découragé la consommation des ménages et dégradé la compétitivité des entreprises.
Quelle va être maintenant la stratégie des socialistes ?
Le débat n'est pas achevé. Les sénateurs vont à leur tour s'emparer du projet de loi et s'attacher à montrer sa dangerosité pour les salariés et pour l'emploi.
Plus largement nous allons continuer à mobiliser l'opinion publique. Dans un premier temps, la communication gouvernementale a pu laisser croire que le CPE pouvait être « mieux que rien ». Avec l'ensemble des partis de gauche, nous avons décidé d'entreprendre en commun un vaste travail pédagogique. Un tract existe, une pétition commence à circuler.
Le gouvernement veut profiter d'une résignation supposée des Français pour imposer dans la précipitation son projet. Nous voulons au contraire donner du temps au débat pour favoriser la prise de conscience de l'ampleur du démantèlement à l'oeuvre et permettre aux mobilisations en cours de se renforcer.
Villepin pense que le débat est derrière nous, nous allons le démentir. En réalité, tout ne fait que commencer et le vrai rendez-vous est en 2007.
Source http://www.parti-socialiste.fr, le 16 février 2006