Texte intégral
Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Jean-Marc Ayrault.
Jean-Marc Ayrault : Bonjour.
Jean-Michel Aphatie : Le meurtre du jeune Hilan, kidnappé, torturé pendant 3 semaines, et qui est mort de ce traitement, fait la une de l'actualité, ce matin, sur RTL. On a appris, hier, que le juge d'instruction retenait, dans la qualification de son enquête, la thèse du crime antisémite. Et hier, le président du C.R.I.F, Roger Cukierman, a dit l'inquiétude de sa communauté. Partagez-vous cette inquiétude, Jean-Marc Ayrault ?
Jean-Marc Ayrault : Je partage l'inquiétude de Roger Cukierman, mais je partage l'inquiétude des français parce qu'il faut, dans cette enquête, que toute la vérité soit faite. Que les coupables soient arrêtés face à ce crime odieux.
Mais l'inquiétude de tous les Français parce que je constate que, depuis 4 ans, le thème de la sécurité est au premier plan du discours gouvernemental, et en particulier du président de l'U.M.P, ministre de l'Intérieur. Même si les statistiques s'améliorent, la réalité, c'est-à-dire, la violence aux personnes, ne cesse d'augmenter. Et qu'elle a tendance à se banaliser un petit peu partout : et cela, on n'en parle pas. Donc, ça c'est la responsabilité du gouvernement. J'aurais tendance à dire : le bilan de Monsieur Sarkozy n'est pas brillant, en matière d'insécurité.
Jean-Michel Aphatie : On a souvent reproché aux socialistes de minorer les faits antisémites. Au fond, ce matin, en élargissant la problématique d'Hilan à l'ensemble des faits contre les personnes, ce n'est pas ce que vous faites ?
Jean-Marc Ayrault : Non, pas du tout. La priorité, évidemment, s'il s'agit d'un crime antisémite, est que tout doit être révélé et condamné. L'antisémitisme doit être, en permanence, combattu parce que, même quand il apparaît plus succinct, il est au fond des consciences et donc, il faut, en permanence, rappeler cette lutte : elle est nécessaire. Comme la lutte contre le racisme.
Mais là, en l'occurrence, il y a une enquête, il y a un juge d'instruction. Je veux la vérité, et je veux la vérité sur ce phénomène qui se développe. Et je veux, aussi, la vérité sur la lutte contre toutes les formes de violences aux personnes. Parce qu'on a souvent reproché aux socialistes - permettez-moi de le dire - qu'ils étaient un peu faibles concernant la lutte contre l'insécurité : ce n'est pas mon cas.
Jean-Michel Aphatie : L'Assemblée Nationale discutera, cet après-midi, de la motion de censure que vous déposez contre le gouvernement. Vous êtes minoritaire, le gouvernement ne risque rien. A quoi sert cette motion de censure, Jean-Marc Ayrault ?
Jean-Marc Ayrault : Parce que nous voulons un débat.
Jean-Michel Aphatie : Vous l'avez eu !
Jean-Marc Ayrault : Nous ne l'avons pas eu. Le Premier ministre a utilisé l'article 49-3 pour faire passer son texte, le contrat de première embauche.
Jean-Michel Aphatie : Après que vous ayez discuté le contrat première embauche. Vous l'avez discuté et puis, après, sur l'ensemble du texte, il a déposé la motion de censure.
Jean-Marc Ayrault : Mais il y avait d'autres sujets ! Il y avait l'apprentissage à 14 ans, la fin de la scolarité obligatoire à 16 ans. Il y avait, aussi, les sanctions pour les familles dont les enfants connaissent de graves difficultés : les familles en détresse auxquelles on allait supprimer les allocations familiales. Nous avions encore des heures et des heures de débat, et le premier ministre a voulu y mettre fin. Il s'est trompé d'époque. Il s'est pris pour Bonaparte au pont d'Arcole : "Je passe en force parce que j'ai raison".
Mais je crois que la vérité n'est pas là. C'est que Monsieur de Villepin a peur que l'on voit la vérité sur sa politique, parce qu'il fait du Chirac. Il prétend sauver le modèle social français mais, en réalité, il est en train de le détruire. Le contrat nouvelle embauche. Vous voyez ce que c'est, le contrat nouvelle embauche : les conflits devant les Prud'hommes se multiplient. Il est passé en force, puisqu'il a utilisé les ordonnances, il n'a pas été voté par le Parlement.
Le contrat première embauche, c'est exactement la même chose que le contrat nouvelle embauche, mais pour tous les jeunes de moins de 26 ans. C'est-à-dire, l'amorce de la refonte complète du code du travail. C'est la fin du C.D.I, du contrat à durée indéterminée : et donc, c'est cela qui est en cause.
Je comprends que le Premier ministre n'ait pas envie qu'on en parle. Nous, nous avons fait notre travail parce que, si nous ne l'avions pas fait, on ne saurait pas qu'on peut, en permanence, licencier quelqu'un, comme cela, sans motif, dans une période d'essai de deux ans. On n'aurait pas su, par exemple, que le travail pouvait commencer à 14 ans avec la fin de la scolarité obligatoire à 16 ans.
On n'aurait pas su bien des choses, et c'est pour cela qu'aujourd'hui, le premier ministre chute dans les sondages, parce que la vérité apparaît. Donc, cet après-midi, c'est toute la politique économique et sociale du gouvernement qui sera en cause.
Jean-Michel Aphatie : Jeudi, le Sénat sera saisi du texte. La semaine prochaine, la discussion parlementaire sera terminée. Le C.P.E va entrer dans les faits. Vous en accommoderez-vous, Jean-Marc Ayrault ?
Jean-Marc Ayrault : Bien sûr que non ! Mais voyez-vous ce qui se passe en ce moment ! Le C.N.E, que Madame Parisot trouve très bien, se traduit par une multiplication des conflits devant les Prud'hommes parce que les salariés se rendent compte de ce qui se passe : c'est-à-dire qu'on jette les gens. Je ne dis pas systématiquement, mais dans beaucoup de cas quelqu'un est licencié pour un oui ou pour un non. Par une simple lettre recommandée. Donc, ces conflits sociaux vont se multiplier, et la contestation va être de plus en plus vive.
Jean-Michel Aphatie : Mais le C.P.E va entrer en vigueur !
Jean-Marc Ayrault : Il va entrer en vigueur, et bien, il donnera les mêmes contentieux. Il donnera les mêmes conflits devant les Prud'hommes.
Jean-Michel Aphatie : Vous ne pensez pas que la rue, aujourd'hui, puisse contrarier le gouvernement dans cette réforme ?
Jean-Marc Ayrault : Je n'en sais rien, je ne décrète pas le mouvement social. Ce que je sais, c'est que s'accumule, dans les esprits et dans les coeurs, un vrai mécontentement. Et que la politique du gouvernement apparaît comme ce qu'elle est, c'est-à-dire : l'échec en matière de croissance économique.
Vous voyez les chiffres, ils sont publics maintenant : 1,4% Le commerce extérieur qui plonge. Les salaires qui stagnent : les chiffres sont tombés ce matin, pour 2004. Et puis, on voit bien les chiffres du chômage : la réalité n'est pas ce qu'elle est. La réalité, c'est qu'il n'y a pratiquement pas de création d'emplois.
Donc, cela, c'est ce que vivent les Français. Alors, qu'après ils expriment leur mécontentement par manifestations ou dans les sondages, c'est une chose. Mais, en même temps, je dois vous dire qu'ils attendent aussi 2007 pour se servir de leur bulletin de vote.
Jean-Michel Aphatie : Les socialistes Français ont voté, la semaine dernière, au Parlement Européen, contre la directive Bolkestein modifiée, puisque la mention du pays d'origine n'y figure plus. Et on m'a dit, Jean-Marc Ayrault, que vous n'étiez pas content de ce vote des députés socialistes européens.
Jean-Marc Ayrault : C'est la bouteille à moitié vide ou la bouteille à moitié pleine. J'ai constaté que les organisations syndicales avaient vu un progrès. C'est un compromis, c'est vrai, mais l'Europe avance par compromis successifs. Donc, on est très loin du texte de la directive d'origine. D'ailleurs, les libéraux et conservateurs britanniques, par exemple, se sont insurgés contre ce vote. Maintenant, et c'est vrai que j'aurais préféré un texte plus proche de ce que les socialistes français souhaitaient, mais c'est une avancée réelle.
Jean-Michel Aphatie : Vous auriez voulu que les socialistes français votent ce texte ?
Jean-Marc Ayrault : Ce que je ne veux pas, c'est que les socialistes français s'isolent du reste des socialistes et des sociaux-démocrates européens.
Jean-Michel Aphatie : Et là, ils sont isolés.
Jean-Marc Ayrault : Il y a un risque ! Demain après-midi, je serai à Budapest, à la réunion des présidents des groupes socialistes et sociaux-démocrates des 25 Parlements nationaux, et nous allons débattre de la relance de la construction européenne, du projet politique européen qui est aujourd'hui en panne. Et je pense que c'est aussi aux socialistes et aux sociaux-démocrates d'y travailler, et de le faire vite, parce que l'Europe est en danger.
Jean-Michel Aphatie : Les lecteurs du "Parisien" pourront lire, ce matin, cette confidence de Bernadette Chirac sur Ségolène Royal : "Ses petits camarades socialistes ne lui feront pas de cadeaux. Mais l'heure des femmes a sonné".
Jean-Marc Ayrault : Oui, pourquoi pas ! En tout cas, Ségolène Royal représente un vrai besoin de renouveau de la politique française, et elle doit avoir sa chance comme les autres. Il n'y a pas d'homme ou de femme providentiels, mais je crois que c'est celui, ou celle, qui saura conjuguer à la fois l'audace et le courage, pour proposer à la France un projet d'avenir. Et puis, en même temps, qui apportera la sécurité et la confiance nécessaires. C'est-à-dire, pour redonner à la France - qui est aujourd'hui en crise d'identité, en crise de confiance - à nouveau la confiance en elle-même, et aux français, la fierté d'être français.
Jean-Michel Aphatie : Voyez, Bernadette Chirac se mêle de vos affaires !
Jean-Marc Ayrault : Non, ce n'est pas cela, mais je crois que, ce n'est pas parce qu'il y a une petite phrase, qu'il faut tout de suite en tirer des conclusions. Je ne mêle pas des affaires de Madame Chirac. Ce qui m'intéresse c'est qu'en 2007, les français ne se retrouvent pas, comme en 2002, piégés, et qu'ils aient un vrai choix. Et ce choix, c'est entre la droite et la gauche, c'est-à-dire entre la droite et le candidat, ou la candidate, socialiste.
Jean-Michel Aphatie : Il paraît, Jean-Marc Ayrault, que vous appartenez au même parti que Georges Frêche. C'est vrai ?
Jean-Marc Ayrault : Tout le monde sait que j'étais le premier à réagir pour condamner ses propos, lui demander qu'il s'excuse. Il l'a fait.
Jean-Michel Aphatie : Non. Il a dit : "Je demande votre pardon". Les mots d'excuse n'ont jamais franchi sa bouche.
Jean-Marc Ayrault : C'est possible. En tout cas, je condamne ce qu'il a dit. Je l'ai dit sans hésiter, parce que c'est ma conscience qui a parlé, et j'ai exprimé ma solidarité avec tous ceux qui se sont sentis profondément meurtris par ses propos. Et je le dis en tant qu'homme, mais je le dis, d'abord, en tant que socialiste.
Jean-Michel Aphatie : Jean-Marc Ayrault, qui est d'accord avec Bernadette Chirac, était l'invité de RTL, ce matin. Bonne journée !
source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 21 février 2006
Jean-Marc Ayrault : Bonjour.
Jean-Michel Aphatie : Le meurtre du jeune Hilan, kidnappé, torturé pendant 3 semaines, et qui est mort de ce traitement, fait la une de l'actualité, ce matin, sur RTL. On a appris, hier, que le juge d'instruction retenait, dans la qualification de son enquête, la thèse du crime antisémite. Et hier, le président du C.R.I.F, Roger Cukierman, a dit l'inquiétude de sa communauté. Partagez-vous cette inquiétude, Jean-Marc Ayrault ?
Jean-Marc Ayrault : Je partage l'inquiétude de Roger Cukierman, mais je partage l'inquiétude des français parce qu'il faut, dans cette enquête, que toute la vérité soit faite. Que les coupables soient arrêtés face à ce crime odieux.
Mais l'inquiétude de tous les Français parce que je constate que, depuis 4 ans, le thème de la sécurité est au premier plan du discours gouvernemental, et en particulier du président de l'U.M.P, ministre de l'Intérieur. Même si les statistiques s'améliorent, la réalité, c'est-à-dire, la violence aux personnes, ne cesse d'augmenter. Et qu'elle a tendance à se banaliser un petit peu partout : et cela, on n'en parle pas. Donc, ça c'est la responsabilité du gouvernement. J'aurais tendance à dire : le bilan de Monsieur Sarkozy n'est pas brillant, en matière d'insécurité.
Jean-Michel Aphatie : On a souvent reproché aux socialistes de minorer les faits antisémites. Au fond, ce matin, en élargissant la problématique d'Hilan à l'ensemble des faits contre les personnes, ce n'est pas ce que vous faites ?
Jean-Marc Ayrault : Non, pas du tout. La priorité, évidemment, s'il s'agit d'un crime antisémite, est que tout doit être révélé et condamné. L'antisémitisme doit être, en permanence, combattu parce que, même quand il apparaît plus succinct, il est au fond des consciences et donc, il faut, en permanence, rappeler cette lutte : elle est nécessaire. Comme la lutte contre le racisme.
Mais là, en l'occurrence, il y a une enquête, il y a un juge d'instruction. Je veux la vérité, et je veux la vérité sur ce phénomène qui se développe. Et je veux, aussi, la vérité sur la lutte contre toutes les formes de violences aux personnes. Parce qu'on a souvent reproché aux socialistes - permettez-moi de le dire - qu'ils étaient un peu faibles concernant la lutte contre l'insécurité : ce n'est pas mon cas.
Jean-Michel Aphatie : L'Assemblée Nationale discutera, cet après-midi, de la motion de censure que vous déposez contre le gouvernement. Vous êtes minoritaire, le gouvernement ne risque rien. A quoi sert cette motion de censure, Jean-Marc Ayrault ?
Jean-Marc Ayrault : Parce que nous voulons un débat.
Jean-Michel Aphatie : Vous l'avez eu !
Jean-Marc Ayrault : Nous ne l'avons pas eu. Le Premier ministre a utilisé l'article 49-3 pour faire passer son texte, le contrat de première embauche.
Jean-Michel Aphatie : Après que vous ayez discuté le contrat première embauche. Vous l'avez discuté et puis, après, sur l'ensemble du texte, il a déposé la motion de censure.
Jean-Marc Ayrault : Mais il y avait d'autres sujets ! Il y avait l'apprentissage à 14 ans, la fin de la scolarité obligatoire à 16 ans. Il y avait, aussi, les sanctions pour les familles dont les enfants connaissent de graves difficultés : les familles en détresse auxquelles on allait supprimer les allocations familiales. Nous avions encore des heures et des heures de débat, et le premier ministre a voulu y mettre fin. Il s'est trompé d'époque. Il s'est pris pour Bonaparte au pont d'Arcole : "Je passe en force parce que j'ai raison".
Mais je crois que la vérité n'est pas là. C'est que Monsieur de Villepin a peur que l'on voit la vérité sur sa politique, parce qu'il fait du Chirac. Il prétend sauver le modèle social français mais, en réalité, il est en train de le détruire. Le contrat nouvelle embauche. Vous voyez ce que c'est, le contrat nouvelle embauche : les conflits devant les Prud'hommes se multiplient. Il est passé en force, puisqu'il a utilisé les ordonnances, il n'a pas été voté par le Parlement.
Le contrat première embauche, c'est exactement la même chose que le contrat nouvelle embauche, mais pour tous les jeunes de moins de 26 ans. C'est-à-dire, l'amorce de la refonte complète du code du travail. C'est la fin du C.D.I, du contrat à durée indéterminée : et donc, c'est cela qui est en cause.
Je comprends que le Premier ministre n'ait pas envie qu'on en parle. Nous, nous avons fait notre travail parce que, si nous ne l'avions pas fait, on ne saurait pas qu'on peut, en permanence, licencier quelqu'un, comme cela, sans motif, dans une période d'essai de deux ans. On n'aurait pas su, par exemple, que le travail pouvait commencer à 14 ans avec la fin de la scolarité obligatoire à 16 ans.
On n'aurait pas su bien des choses, et c'est pour cela qu'aujourd'hui, le premier ministre chute dans les sondages, parce que la vérité apparaît. Donc, cet après-midi, c'est toute la politique économique et sociale du gouvernement qui sera en cause.
Jean-Michel Aphatie : Jeudi, le Sénat sera saisi du texte. La semaine prochaine, la discussion parlementaire sera terminée. Le C.P.E va entrer dans les faits. Vous en accommoderez-vous, Jean-Marc Ayrault ?
Jean-Marc Ayrault : Bien sûr que non ! Mais voyez-vous ce qui se passe en ce moment ! Le C.N.E, que Madame Parisot trouve très bien, se traduit par une multiplication des conflits devant les Prud'hommes parce que les salariés se rendent compte de ce qui se passe : c'est-à-dire qu'on jette les gens. Je ne dis pas systématiquement, mais dans beaucoup de cas quelqu'un est licencié pour un oui ou pour un non. Par une simple lettre recommandée. Donc, ces conflits sociaux vont se multiplier, et la contestation va être de plus en plus vive.
Jean-Michel Aphatie : Mais le C.P.E va entrer en vigueur !
Jean-Marc Ayrault : Il va entrer en vigueur, et bien, il donnera les mêmes contentieux. Il donnera les mêmes conflits devant les Prud'hommes.
Jean-Michel Aphatie : Vous ne pensez pas que la rue, aujourd'hui, puisse contrarier le gouvernement dans cette réforme ?
Jean-Marc Ayrault : Je n'en sais rien, je ne décrète pas le mouvement social. Ce que je sais, c'est que s'accumule, dans les esprits et dans les coeurs, un vrai mécontentement. Et que la politique du gouvernement apparaît comme ce qu'elle est, c'est-à-dire : l'échec en matière de croissance économique.
Vous voyez les chiffres, ils sont publics maintenant : 1,4% Le commerce extérieur qui plonge. Les salaires qui stagnent : les chiffres sont tombés ce matin, pour 2004. Et puis, on voit bien les chiffres du chômage : la réalité n'est pas ce qu'elle est. La réalité, c'est qu'il n'y a pratiquement pas de création d'emplois.
Donc, cela, c'est ce que vivent les Français. Alors, qu'après ils expriment leur mécontentement par manifestations ou dans les sondages, c'est une chose. Mais, en même temps, je dois vous dire qu'ils attendent aussi 2007 pour se servir de leur bulletin de vote.
Jean-Michel Aphatie : Les socialistes Français ont voté, la semaine dernière, au Parlement Européen, contre la directive Bolkestein modifiée, puisque la mention du pays d'origine n'y figure plus. Et on m'a dit, Jean-Marc Ayrault, que vous n'étiez pas content de ce vote des députés socialistes européens.
Jean-Marc Ayrault : C'est la bouteille à moitié vide ou la bouteille à moitié pleine. J'ai constaté que les organisations syndicales avaient vu un progrès. C'est un compromis, c'est vrai, mais l'Europe avance par compromis successifs. Donc, on est très loin du texte de la directive d'origine. D'ailleurs, les libéraux et conservateurs britanniques, par exemple, se sont insurgés contre ce vote. Maintenant, et c'est vrai que j'aurais préféré un texte plus proche de ce que les socialistes français souhaitaient, mais c'est une avancée réelle.
Jean-Michel Aphatie : Vous auriez voulu que les socialistes français votent ce texte ?
Jean-Marc Ayrault : Ce que je ne veux pas, c'est que les socialistes français s'isolent du reste des socialistes et des sociaux-démocrates européens.
Jean-Michel Aphatie : Et là, ils sont isolés.
Jean-Marc Ayrault : Il y a un risque ! Demain après-midi, je serai à Budapest, à la réunion des présidents des groupes socialistes et sociaux-démocrates des 25 Parlements nationaux, et nous allons débattre de la relance de la construction européenne, du projet politique européen qui est aujourd'hui en panne. Et je pense que c'est aussi aux socialistes et aux sociaux-démocrates d'y travailler, et de le faire vite, parce que l'Europe est en danger.
Jean-Michel Aphatie : Les lecteurs du "Parisien" pourront lire, ce matin, cette confidence de Bernadette Chirac sur Ségolène Royal : "Ses petits camarades socialistes ne lui feront pas de cadeaux. Mais l'heure des femmes a sonné".
Jean-Marc Ayrault : Oui, pourquoi pas ! En tout cas, Ségolène Royal représente un vrai besoin de renouveau de la politique française, et elle doit avoir sa chance comme les autres. Il n'y a pas d'homme ou de femme providentiels, mais je crois que c'est celui, ou celle, qui saura conjuguer à la fois l'audace et le courage, pour proposer à la France un projet d'avenir. Et puis, en même temps, qui apportera la sécurité et la confiance nécessaires. C'est-à-dire, pour redonner à la France - qui est aujourd'hui en crise d'identité, en crise de confiance - à nouveau la confiance en elle-même, et aux français, la fierté d'être français.
Jean-Michel Aphatie : Voyez, Bernadette Chirac se mêle de vos affaires !
Jean-Marc Ayrault : Non, ce n'est pas cela, mais je crois que, ce n'est pas parce qu'il y a une petite phrase, qu'il faut tout de suite en tirer des conclusions. Je ne mêle pas des affaires de Madame Chirac. Ce qui m'intéresse c'est qu'en 2007, les français ne se retrouvent pas, comme en 2002, piégés, et qu'ils aient un vrai choix. Et ce choix, c'est entre la droite et la gauche, c'est-à-dire entre la droite et le candidat, ou la candidate, socialiste.
Jean-Michel Aphatie : Il paraît, Jean-Marc Ayrault, que vous appartenez au même parti que Georges Frêche. C'est vrai ?
Jean-Marc Ayrault : Tout le monde sait que j'étais le premier à réagir pour condamner ses propos, lui demander qu'il s'excuse. Il l'a fait.
Jean-Michel Aphatie : Non. Il a dit : "Je demande votre pardon". Les mots d'excuse n'ont jamais franchi sa bouche.
Jean-Marc Ayrault : C'est possible. En tout cas, je condamne ce qu'il a dit. Je l'ai dit sans hésiter, parce que c'est ma conscience qui a parlé, et j'ai exprimé ma solidarité avec tous ceux qui se sont sentis profondément meurtris par ses propos. Et je le dis en tant qu'homme, mais je le dis, d'abord, en tant que socialiste.
Jean-Michel Aphatie : Jean-Marc Ayrault, qui est d'accord avec Bernadette Chirac, était l'invité de RTL, ce matin. Bonne journée !
source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 21 février 2006