Texte intégral
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
Nous sommes présents aujourd'hui pour débattre des choix qui seront proposés au Conseil des
Chefs d'Etat et de Gouvernement. Cette initiative est louable, mais nous ne pouvons nous
empêcher de nous interroger sur la qualité d'écoute du gouvernement. Allez-vous écouter ce
que nous vous dirons ? Alors qu'au même moment, vous méprisez les jeunes et les salariés qui
défilent par centaines de milliers dans toute la France contre le CPE ! Allez-vous écouter,
vous qui bafouez chaque jour le verdict populaire du 29 mai ! Notre peuple ne veut pas des
politiques libérales impulsées par l'Union Européenne, Monsieur le Premier ministre.
Allez-vous enfin écouter ce peuple qui est dans notre République le seul souverain, ou bien
allez-vous continuer à gouverner contre lui ? Allez-vous continuer à porter en Europe une
parole qui n'est pas la sienne ?
Parlons de l'Agenda de Lisbonne et de ses résultats au bout de 5 ans. Le constat est cruel :
le chômage se situe toujours autour de 9% en Europe et la précarité devient galopante. En
France, si l'on met de côté vos chiffres réducteurs, il y a en réalité 4,5 millions de
chômeurs. En Allemagne, le cap des 5 millions de sans-emploi est franchi. La pauvreté touche
68 millions de personnes dans l'Union ! Les politiques libérales sont incapables de réaliser
les objectifs affichés à Lisbonne, concernant l'éducation, la formation, la recherche et la
culture. Elles ont d'autres objectifs. D'ailleurs, face à ce triste bilan, qu'ont décidé les
" 25 " ? D'aller plus vite et plus loin dans la même direction, celle du tout libéral avec
" un plan d'action concret et concentré sur la compétitivité " comme l'a déclaré le
vice-président de la Commission.
Vous connaissez les priorités affichées pour la période 2005-2010 : la toute première mesure
citée est l'adoption de la directive Bolkestein. Qu'allez-vous dire, Monsieur le Premier
ministre, face à cette légalisation du dumping social et salarial ? Vous vous apprêtez à
l'accepter, en prétextant qu'on y a supprimé quelques mots trop voyants ! On parle
maintenant de compromis autour de la directive Bolkestein : mais le compromis entre qui et
qui ? Le texte voté continue de s'inscrire dans la logique libérale condamnée par le peuple
français le 29 mai dernier. Il continue de se référer au principe du pays d'origine, dans le
considérant 40 bis, et il en conserve toute la philosophie. Soyez assuré, Monsieur le
Premier ministre, de notre vigilance à cet égard au cours des mois qui viennent. Elle ne se
relâchera pas. Vous devez exiger son retrait comme l'ont demandé de nombreux manifestants à
Strasbourg voici quelques semaines.
La mesure qui suit est la " libéralisation du marché de l'énergie ". Après le Conseil
européen du printemps dernier qui avait fait " la promotion d'une concurrence accrue sur les
marchés de l'électricité et du gaz... ", le Conseil de ce printemps 2006 a pour mandat
d'analyser " les progrès globaux réalisés sur le marché intérieur européen de l'énergie ".
Quels progrès ?
Il vaudrait mieux évaluer les conséquences de ces décisions du point de vue de l'emploi, du
droit à l'énergie pour chacun et chacune, de l'efficacité et de l'indépendance énergétiques.
La libéralisation des marchés est en contradiction avec les impératifs de sécurité des
approvisionnements et de sécurité tout court, car la recherche de rentabilité à court terme
va guider les opérateurs. Je veux ajouter à cela le problème crucial des grands choix de
développement, à opérer avec pour seul critère l'intérêt général. La concurrence aveugle
entre oligopoles engendre des concentrations en chaîne et des raids boursiers au prix de
formidables gâchis humains, matériels et financiers. Cela n'apporte rien au consommateur,
qui voit bien que les prix de cette denrée vitale sont en large hausse, ainsi les 16% de
hausse réclamés par GDF, phénomène aggravé par des politiques de pénurie organisée. En
réalité, il faut des opérateurs soucieux de l'intérêt commun, gérant l'énergie comme un bien
commun, ce qu'elle doit être en droit, et non comme une simple marchandise. Cela signifie
des opérateurs publics, assumant des missions de service public.
Hélas, vous venez de devancer les injonctions prévisibles de l'Union Européenne en livrant
GDF à Suez. Vous n'avez pas hésité à trahir votre engagement de ne pas faire descendre en
dessous de 70% la participation de l'Etat dans GDF. Notre opposition à cette opération est
résolue : elle entraînerait la perte de contrôle de la puissance publique sur un service
public essentiel, une mise en concurrence aggravée de EDF et de GDF alors que tout appelle à
leur rapprochement et leur coopération pour répondre aux besoins du pays, des populations et
d'un aménagement harmonieux du territoire.
Votre réponse à la tentative d'OPA de Enel sur Suez est mauvaise. Le " patriotisme
économique " à géométrie variable dans lequel vous vous drapez vise à défendre le capital et
jamais le travail. C'est un cheval de Troie pour privatiser et libéraliser toujours plus.
Cette tentative comme votre réponse témoignent de l'ampleur de ces antagonismes, de leur
violence potentielle, au contraire du besoin d'union et de coopérations entre Européens.
Pour contrer l'OPA d'ENEL sur SUEZ, comme celle de MITTAL sur ARCELOR, il est possible de
mobiliser d'autres moyens financiers en utilisant les outils publics que sont notamment la
Caisse de dépôts, les caisses d'épargne, la banque postale... Vous pouviez prendre des
mesures d'urgence, et inciter les banques à investir dans le sens de l'intérêt de l'emploi
et non de la spéculation boursière. Prenez la mesure du problème.
Les évolutions préoccupantes que nous connaissons appellent un grand débat démocratique sur
la satisfaction des besoins énergétiques en Europe. En lieu et place de l'approche actuelle
fondée sur la concurrence prédatrice, il faut une véritable politique européenne dont
l'instrument devrait être une agence européenne de l'énergie favorisant la maîtrise publique
et la coopération des opérateurs.
Cela permettrait :
- de garantir l'accès à l'énergie à des coûts acceptables ;
- d'assurer les investissements de très long terme et des efforts accrus de
recherche-développement ;
- de créer massivement les emplois et les formations nécessaires à la promotion de la
diversité et de l'efficacité énergétiques ;
- de garantir la sécurité d'approvisionnement et la sûreté des installations.
Voilà ce que vous pourriez proposer cette semaine aux dirigeants européens ! Cela demande
certes de revisiter les traités de l'Union européenne mais c'est cela qui a été demandé le
29 mai 2005. Rappelez-vous, même si c'est douloureux pour vous, du débat sur le traité
Constitutionnel : il a manifesté la vive opposition d'une majorité de nos concitoyennes et
concitoyens à la suppression des réseaux de services publics de qualité.
Le " plan d'action " adopté par les 25 prévoit également " la libéralisation des transports
et de l'accès aux services portuaires ", il insiste sur la " libre circulation des capitaux
" et notamment la nécessité de " faciliter les fusions ". On retrouve les mêmes lancinantes
obsessions libérales dans les conclusions du conseil européen du printemps dernier. Je cite
la communication de la Commission: "réforme des retraites, du secteur de la santé et du
marché du travail"; "majorer l'âge effectif du départ à la retraite; accroître la
productivité du travail"; "veiller à l'existence d'une véritable concurrence dans le domaine
des services "... Face à cette déferlante allez-vous enfin porter la voix du peuple français
qui a rejeté le 29 mai dernier et continue à manifester son rejet de ces choix libéraux ?
Avec vos amis libéraux européens, vous faites le choix de la finance. Alors qu'il faudrait
réorienter la politique de la BCE pour favoriser l'emploi et la formation, alors qu'il
faudrait poser la question à l'échelle européenne de la sécurisation des parcours
professionnels, alors que la tendance à l'assouplissement du droit de licenciement domine
l'Europe, vous montrez l'exemple en précarisant à tout crin. La précarité est un fléau pour
des millions d'hommes et de femmes et un frein au développement économique, social, de notre
pays. L'absurde et scandaleuse richesse des uns se nourrit de la précarisation des autres.
Vous laissez faire les délocalisations, et les licenciements boursiers. Vous autorisez le
travail de nuit des enfants contre toutes les conventions internationales, vous poussez à la
déscolarisation des jeunes qui auraient le plus à attendre de l'école. Vous cassez le
contrat de travail. Le CPE par lequel vous vous en prenez d'abord à notre jeunesse, est un
exemple de cynisme. Vous instaurez le droit de licencier les jeunes sans motif, vous
restaurez le patronat de droit divin, vous interdisez de fait à tous les moins de 26 ans
l'accès à l'emploi stable, et à la vie qui va avec.
Changez, monsieur le Premier ministre ! Arrêtez de vous entêter et de gouverner contre le
peuple qui vous dit sa colère ! Allez dire aux dirigeants de l'Europe que leur politique ne
marche pas, qu'elle est insupportable, qu'il faut faire autrement ! Allez leur dire que leur
politique ne passe pas, vous en savez quelque chose ! Voilà, voilà qui serait utile !Source http://www.groupe-communiste.assemblee-nationale.fr, le 23 mars 2006
Mes chers collègues,
Nous sommes présents aujourd'hui pour débattre des choix qui seront proposés au Conseil des
Chefs d'Etat et de Gouvernement. Cette initiative est louable, mais nous ne pouvons nous
empêcher de nous interroger sur la qualité d'écoute du gouvernement. Allez-vous écouter ce
que nous vous dirons ? Alors qu'au même moment, vous méprisez les jeunes et les salariés qui
défilent par centaines de milliers dans toute la France contre le CPE ! Allez-vous écouter,
vous qui bafouez chaque jour le verdict populaire du 29 mai ! Notre peuple ne veut pas des
politiques libérales impulsées par l'Union Européenne, Monsieur le Premier ministre.
Allez-vous enfin écouter ce peuple qui est dans notre République le seul souverain, ou bien
allez-vous continuer à gouverner contre lui ? Allez-vous continuer à porter en Europe une
parole qui n'est pas la sienne ?
Parlons de l'Agenda de Lisbonne et de ses résultats au bout de 5 ans. Le constat est cruel :
le chômage se situe toujours autour de 9% en Europe et la précarité devient galopante. En
France, si l'on met de côté vos chiffres réducteurs, il y a en réalité 4,5 millions de
chômeurs. En Allemagne, le cap des 5 millions de sans-emploi est franchi. La pauvreté touche
68 millions de personnes dans l'Union ! Les politiques libérales sont incapables de réaliser
les objectifs affichés à Lisbonne, concernant l'éducation, la formation, la recherche et la
culture. Elles ont d'autres objectifs. D'ailleurs, face à ce triste bilan, qu'ont décidé les
" 25 " ? D'aller plus vite et plus loin dans la même direction, celle du tout libéral avec
" un plan d'action concret et concentré sur la compétitivité " comme l'a déclaré le
vice-président de la Commission.
Vous connaissez les priorités affichées pour la période 2005-2010 : la toute première mesure
citée est l'adoption de la directive Bolkestein. Qu'allez-vous dire, Monsieur le Premier
ministre, face à cette légalisation du dumping social et salarial ? Vous vous apprêtez à
l'accepter, en prétextant qu'on y a supprimé quelques mots trop voyants ! On parle
maintenant de compromis autour de la directive Bolkestein : mais le compromis entre qui et
qui ? Le texte voté continue de s'inscrire dans la logique libérale condamnée par le peuple
français le 29 mai dernier. Il continue de se référer au principe du pays d'origine, dans le
considérant 40 bis, et il en conserve toute la philosophie. Soyez assuré, Monsieur le
Premier ministre, de notre vigilance à cet égard au cours des mois qui viennent. Elle ne se
relâchera pas. Vous devez exiger son retrait comme l'ont demandé de nombreux manifestants à
Strasbourg voici quelques semaines.
La mesure qui suit est la " libéralisation du marché de l'énergie ". Après le Conseil
européen du printemps dernier qui avait fait " la promotion d'une concurrence accrue sur les
marchés de l'électricité et du gaz... ", le Conseil de ce printemps 2006 a pour mandat
d'analyser " les progrès globaux réalisés sur le marché intérieur européen de l'énergie ".
Quels progrès ?
Il vaudrait mieux évaluer les conséquences de ces décisions du point de vue de l'emploi, du
droit à l'énergie pour chacun et chacune, de l'efficacité et de l'indépendance énergétiques.
La libéralisation des marchés est en contradiction avec les impératifs de sécurité des
approvisionnements et de sécurité tout court, car la recherche de rentabilité à court terme
va guider les opérateurs. Je veux ajouter à cela le problème crucial des grands choix de
développement, à opérer avec pour seul critère l'intérêt général. La concurrence aveugle
entre oligopoles engendre des concentrations en chaîne et des raids boursiers au prix de
formidables gâchis humains, matériels et financiers. Cela n'apporte rien au consommateur,
qui voit bien que les prix de cette denrée vitale sont en large hausse, ainsi les 16% de
hausse réclamés par GDF, phénomène aggravé par des politiques de pénurie organisée. En
réalité, il faut des opérateurs soucieux de l'intérêt commun, gérant l'énergie comme un bien
commun, ce qu'elle doit être en droit, et non comme une simple marchandise. Cela signifie
des opérateurs publics, assumant des missions de service public.
Hélas, vous venez de devancer les injonctions prévisibles de l'Union Européenne en livrant
GDF à Suez. Vous n'avez pas hésité à trahir votre engagement de ne pas faire descendre en
dessous de 70% la participation de l'Etat dans GDF. Notre opposition à cette opération est
résolue : elle entraînerait la perte de contrôle de la puissance publique sur un service
public essentiel, une mise en concurrence aggravée de EDF et de GDF alors que tout appelle à
leur rapprochement et leur coopération pour répondre aux besoins du pays, des populations et
d'un aménagement harmonieux du territoire.
Votre réponse à la tentative d'OPA de Enel sur Suez est mauvaise. Le " patriotisme
économique " à géométrie variable dans lequel vous vous drapez vise à défendre le capital et
jamais le travail. C'est un cheval de Troie pour privatiser et libéraliser toujours plus.
Cette tentative comme votre réponse témoignent de l'ampleur de ces antagonismes, de leur
violence potentielle, au contraire du besoin d'union et de coopérations entre Européens.
Pour contrer l'OPA d'ENEL sur SUEZ, comme celle de MITTAL sur ARCELOR, il est possible de
mobiliser d'autres moyens financiers en utilisant les outils publics que sont notamment la
Caisse de dépôts, les caisses d'épargne, la banque postale... Vous pouviez prendre des
mesures d'urgence, et inciter les banques à investir dans le sens de l'intérêt de l'emploi
et non de la spéculation boursière. Prenez la mesure du problème.
Les évolutions préoccupantes que nous connaissons appellent un grand débat démocratique sur
la satisfaction des besoins énergétiques en Europe. En lieu et place de l'approche actuelle
fondée sur la concurrence prédatrice, il faut une véritable politique européenne dont
l'instrument devrait être une agence européenne de l'énergie favorisant la maîtrise publique
et la coopération des opérateurs.
Cela permettrait :
- de garantir l'accès à l'énergie à des coûts acceptables ;
- d'assurer les investissements de très long terme et des efforts accrus de
recherche-développement ;
- de créer massivement les emplois et les formations nécessaires à la promotion de la
diversité et de l'efficacité énergétiques ;
- de garantir la sécurité d'approvisionnement et la sûreté des installations.
Voilà ce que vous pourriez proposer cette semaine aux dirigeants européens ! Cela demande
certes de revisiter les traités de l'Union européenne mais c'est cela qui a été demandé le
29 mai 2005. Rappelez-vous, même si c'est douloureux pour vous, du débat sur le traité
Constitutionnel : il a manifesté la vive opposition d'une majorité de nos concitoyennes et
concitoyens à la suppression des réseaux de services publics de qualité.
Le " plan d'action " adopté par les 25 prévoit également " la libéralisation des transports
et de l'accès aux services portuaires ", il insiste sur la " libre circulation des capitaux
" et notamment la nécessité de " faciliter les fusions ". On retrouve les mêmes lancinantes
obsessions libérales dans les conclusions du conseil européen du printemps dernier. Je cite
la communication de la Commission: "réforme des retraites, du secteur de la santé et du
marché du travail"; "majorer l'âge effectif du départ à la retraite; accroître la
productivité du travail"; "veiller à l'existence d'une véritable concurrence dans le domaine
des services "... Face à cette déferlante allez-vous enfin porter la voix du peuple français
qui a rejeté le 29 mai dernier et continue à manifester son rejet de ces choix libéraux ?
Avec vos amis libéraux européens, vous faites le choix de la finance. Alors qu'il faudrait
réorienter la politique de la BCE pour favoriser l'emploi et la formation, alors qu'il
faudrait poser la question à l'échelle européenne de la sécurisation des parcours
professionnels, alors que la tendance à l'assouplissement du droit de licenciement domine
l'Europe, vous montrez l'exemple en précarisant à tout crin. La précarité est un fléau pour
des millions d'hommes et de femmes et un frein au développement économique, social, de notre
pays. L'absurde et scandaleuse richesse des uns se nourrit de la précarisation des autres.
Vous laissez faire les délocalisations, et les licenciements boursiers. Vous autorisez le
travail de nuit des enfants contre toutes les conventions internationales, vous poussez à la
déscolarisation des jeunes qui auraient le plus à attendre de l'école. Vous cassez le
contrat de travail. Le CPE par lequel vous vous en prenez d'abord à notre jeunesse, est un
exemple de cynisme. Vous instaurez le droit de licencier les jeunes sans motif, vous
restaurez le patronat de droit divin, vous interdisez de fait à tous les moins de 26 ans
l'accès à l'emploi stable, et à la vie qui va avec.
Changez, monsieur le Premier ministre ! Arrêtez de vous entêter et de gouverner contre le
peuple qui vous dit sa colère ! Allez dire aux dirigeants de l'Europe que leur politique ne
marche pas, qu'elle est insupportable, qu'il faut faire autrement ! Allez leur dire que leur
politique ne passe pas, vous en savez quelque chose ! Voilà, voilà qui serait utile !Source http://www.groupe-communiste.assemblee-nationale.fr, le 23 mars 2006