Déclaration de Mme Monique Vuaillat, secrétaire générale de la FSU, sur la politique de l'enseignement, la démocratisation du système scolaire, les relations avec le SNETAA, le syndicalisme enseignant, La Rochelle le 22 janvier 2001.

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Circonstance : Congrès du FSU à la Rochelle du 22 au 26 janvier 2001

Texte intégral

Nous sommes donc réunis à La Rochelle 3 ans après le congrès de Toulouse et aussi 7 ans après la création de la FSU . C'est un congrès tourné vers l'avenir que nous avons préparé.
Il est d'abord tourné vers l'avenir de la jeunesse. Quoi d'étonnant pour une fédération comme la nôtre ? Il va réfléchir à l'avenir des services publics dans lesquels nous exerçons nos professions, aux nouvelles qualifications pour les personnels que nous regroupons ; nous parlerons de cette société dans laquelle nous vivons, avec l'espoir de contribuer à ce qu'elle soit meilleure et bien en prise avec le nouveau siècle. Enfin, nous parlerons d'avenir du syndicalisme, de celui que nous construisons, de celui que nous devons construire avec nos jeunes collègues et aussi de celui que nous voudrions construire avec l'ensemble du mouvement syndical autonome et confédéré car nous pensons que plus de choses qu'il n'y paraît parfois peuvent le rassembler.
UN PARI DE L'INTELLIGENCE DANS UNE SOCIETE DE LA CONNAISSANCE
Ce congrès s'ouvre donc sous ce label du pari de l'intelligence, pari de l'avenir. C'est notre façon de contribuer à l'avenir de cette " société de la connaissance " que nous construisons en France et dont il a été question à Lisbonne pour l'Europe.. Nous préférons ce terme de société de la connaissance plus ouvert, plus large que celui d'économie des savoirs et de la connaissance.
Cette société de la connaissance où tout va désormais si vite devrait permettre un développement économique tourné vers le plein emploi, le progrès social et la recherche d'un mieux être pour tous ; un développement qui a le souci de l'homme, de tous les hommes de cette planète, qui donne toute leur place aux femmes, qui intègre des préoccupations de santé publique et protège l'environnement, qui est plus solidaire.
Tous les espoirs sont permis, c'est un peu une société de tous les possibles. On a le sentiment que les champs de la recherche et ses possibilités de reculer toutes les limites sont immenses, Cette société a les moyens de maîtriser son développement, de mesurer les risques, de mettre les générations futures à l'abri de ces risques, de s'enrichir des cultures du monde. Mais pour quels objectifs ? On peut vaincre les maladies mais le sida menace encore de décimer une partie de la planète. Les richesses produites par les hommes ne cessent de s'accroître et la pauvreté progresse. Les libertés sont essentielles et nous sommes encore contraints de nous battre pour le droit des enfants et des femmes.
Le champ des possibles est immense et la belle utopie d'hier qui voulait penser l'avenir à l'échelle du monde passe du virtuel au réel, nous construisons l'Europe et les technologies, des moyens de communications sans précédent suppriment toutes les barrières et font qu'aujourd'hui il est devenu plus simple de correspondre en temps réel avec les hommes et les femmes de la terre entière que d'envoyer une lettre.
Encore faut-il que ceux qui font ce pari là de l'intelligence soient plus forts que ceux qui n'aspirent qu'à tout transformer en marchandise, encore faut- il que ces progrès là bénéficient à tous pour que ces sociétés de la connaissance n'enfoncent pas un peu plus les exclus actuels de la croissance dans le sous développement et dans la pauvreté. C'est une de nos ambitions qui est indissociable du pari de l'intelligence que nous formons pour la jeunesse.
CE PARI, NOUS LE FAISONS D'ABORD POUR LA JEUNESSE
Ce pari de l'intelligence, nous le faisons d'abord pour la jeunesse parce que c'est de leur avenir qu'il s'agit. Nous avons déjà beaucoup fait dans ce sens et ce n'est pas rien d'être parvenus à faire progresser à ce rythme et sur les 2O dernières années, la scolarité des jeunes au point qu'aujourd'hui 95 % d'entre eux suivent leur scolarité en collèges, que 62 % d'une génération accède aux baccalauréats, que la grande majorité d'entre eux poursuit des études, tandis que le nombre, malgré tout encore trop important de jeunes qui sortent sans qualification est passé de 25O OOO il y a 15 ans à 7O OOO, chiffre encore insupportable..
Nous pourrions nous satisfaire de ces évolutions qui représentent une rupture d'une portée sociale au moins aussi importante que celle qui fut introduite avec l'école de Jules Ferry. Nous pourrions nous dire que c'est déjà là le fruit d'un effort colossal de nos professions, et que nous pouvons être fiers d'un devoir professionnel accompli malgré tout. Certes ce n'est pas allé sans difficulté, sans tensions, mais nous l'avons fait alors que dans la même période cette société a marché sur la tête, produit plus d'inégalités, plus d'exclusion que jamais.
Préparer d'autres ruptures pour démocratiser : pourquoi pas une scolarité obligatoire jusqu'à 18 ans ?
Eh bien non ! Malgré les progrès accomplis, nous ne sommes pas satisfaits de cette situation. Et faire le pari de l'intelligence aujourd'hui c'est faire le pari que nous pouvons, nous devons trouver les solutions qui permettent à tous d'accéder à cette société de la connaissance, à des connaissances qui se diversifient, qui se complexifient en même temps qu'elles se mondialisent et qu'elles deviennent accessibles par des voies nouvelles comme celles que permettent les nouvelles technologies
Eh bien oui ! Nous posons avec force aujourd'hui la question des réformes à faire pour franchir une nouvelle étape de démocratisation de la formation des jeunes, d'une nouvelle conception de la formation qui doit intervenir tout au long de la vie, ce qui pour nous veut dire après la formation initiale que nous souhaitons rendre accessible à tous.
Eh bien non, nous ne sommes pas parvenus au seuil incompressible des jeunes qui doivent accéder aux baccalauréats, et à l'enseignement supérieur. Il faudrait même porter la scolarité obligatoire à 18 ans pour élargir les droits actuels et fixer clairement les devoirs de cette société. Parmi les devoirs, celui de résorber les inégalités sociales et culturelles, de bousculer les hiérarchies sociales qui font qu'aujourd'hui encore ceux qui suivent les formations les plus ouvertes sur des perspectives d'études diversifiées relèvent des couches les plus favorisées de la profession.
Il faut des réformes qui suppriment les causes de ségrégation produites par l'école.
Préconiser des réformes c'est évidemment clairement indiquer que notre service public a des responsabilités particulières, que les contenus, l'organisation même des cursus scolaires et universitaires, les pratiques pédagogiques concourent d'une certaine façon à des ségrégations qui se maintiennent. C'est pourquoi il faut vraiment que les réformes touchent à tous ces domaines, ce qu'elles font rarement.
N'avons-nous pas non plus trop sous estimé les effets de l'exclusion durable sur une partie importante de la population
Cela n'enlève rien au fait qu'à ces causes internes s'ajoutent des causes externes comme par exemple l'inégalité des familles devant l'emploi, l'effet du chômage de longue durée, les mauvaises conditions de vie des jeunes, le fait que certains soient contraints de travailler pour financer leurs études, les problèmes de santé et les problèmes psychologiques qui découlent de ces situations posent des problèmes nouveaux. Nous devons réfléchir à ce que des années d'exclusion sociale de toute une partie de la population a produit comme effet sur la jeunesse sur son rapport à l'école, aux institutions, au savoir, aux autres tout simplement. Il est encore des questions tabous comme celles liées au développement d'économies parallèles, parfois véritables économies de survie mais aussi véritables écoles de la violence.. Il faut aussi mesurer l'effet de l'évolution négative de la vie dans certains quartiers qui se sont ghettoïsés avec tous les effets que l'on sait.
L'environnement culturel, psychologique, éducatif, et social , la socialisation sont essentielles pour la réussite, réfléchissons à la complémentarité des divers services publics et aux droits sociaux pour la jeunesse
Dans les facteurs externes qui jouent aussi et auxquels il faut remédier, il y a les inégalités croissantes devant l'accès à la culture ou en tout cas devant l'accès à une diversité de pratiques culturelles qui sont autant de frein mis à la curiosité, à l'ouverture, à la possibilité d'explorer toutes les formes de l'activité créatrice.
C'est pourquoi faire le pari de l'intelligence c'est se préoccuper des évolutions positives à faire faire à cette société pour plus de justice. C'est donc se préoccuper de l'emploi pour tous, c'est faire le choix de réfléchir à l'organisation des villes et des cités urbaines, à l'évolution du milieu rural qui pose des problèmes particuliers, c'est aussi se poser aujourd'hui la question de la mise en synergie et de la complémentarité des institutions, des services publics, de ce que peut et doit faire l'état, de ce que peuvent et doivent faire les collectivités territoriales, des responsabilités propres aux entreprises publiques et privées.
Il nous faut réfléchir au rôle et aux compétences propres de chacun de ces acteurs, en pensant de façon nouvelle les rapports entre eux les services publics de formation et d'insertion professionnelle ayant leur responsabilité en direction de la formation initiale de la jeunesse et de la formation continue des adultes.
On parle beaucoup de l'autonomie financière de la jeunesse. Si un tel débat, c'est bien parce que les mentalités évoluent, parce que des jeunes sont contraints de chercher les moyens de faire leurs études. Des lycéens, des étudiants travaillent en plus grand nombre aujourd'hui ; des lycéens quittent leurs études, notamment dans les lycées professionnels pour des offres d'emplois plus tentantes qu'hier, pour des formations rémunérées, au risque de compromettre ultérieurement leurs chances de poursuivre ou de revenir aux études.
Se pose donc avec plus d'insistance la question de l'évolution des droits sociaux pour les jeunes, de leur autonomie financière à partir d'un certain stade.
QUI INSPIRENT LES REFORMES ?
Il faut donc des réformes dans le service public d'éducation, dans la formation professionnelle, pour développer la formation tout au long de la vie, dans la prise en charge plus éducative que répressive des jeunes qui frôlent la délinquance, et à cet égard la pratique professionnelle des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse est précieuse.
Sommes-nous les seuls compétents à penser les réformes nécessaires ? Non. Pour autant les personnels, en raison de leurs responsabilités et de leur compétence professionnelle ne sauraient être invalidés d'où notre souci de contribuer à ce que s'ouvrent de vrais débats publics sur toutes ces questions compliquées pour que nous fassions vraiment l'inventaire de toutes les hypothèses possibles, sans a priori, mais aussi avec l'ambition de déboucher
Car ces questions concernent évidemment toute la société. On ne peut parler de la société de la connaissance en ayant la prétention de réserver aux seuls personnels des services publics qui exercent des missions de formation auprès de la jeunesse la responsabilité de les concevoir. Pas de faux débat là dessus. La FSU est déjà l'exemple par la diversité des professions et des Ministères qu'elle regroupe que ces questions doivent faire l'objet d'un débat large.
LES MISSIONS DU SERVICE PUBLIC D'ÉDUCATION S'ÉLARGISSENT
Une chose est certaine nous exerçons nos métiers dans des conditions nouvelles, avec des objectifs qui ont évolué, dans des services publics dont les missions changent parce qu'elles s'adressent désormais à un public qui s'élargit et se diversifie.
S'occuper de chaque jeune dans sa singularité et dans sa globalité
Plus que jamais la fonction de formation est indissociablement liée à tous les niveaux à la fonction de socialisation et d'éducation. Si le cur de nos missions reste bien la réussite, les apprentissages, les savoirs, il est de plus en plus évident qu'il faut pour cela s'occuper davantage de chacun de ces jeunes dans leur singularité, être à leur écoute, dialoguer et détecter aussi les problèmes qu'ils rencontrent et qui peuvent à un moment donné gêner les apprentissages.
Aujourd'hui entre dans la mission du service public la responsabilité de faire accéder à des apprentissages sociaux qui, autrefois étaient donnés par la famille comme par exemple tout ce qui fonde toute vie en collectivité, la tolérance, le respect des lieux et des personnes, etc
Tous les adultes qui côtoient le jeune enfant, le jeune élève, l'étudiant parfois doivent désormais y contribuer . C'est naturellement le cas des enseignants, des éducateurs de la PJJ pour ce qui concerne la population de jeunes qu'ils suivent.
C'est aussi le cas de tous les personnels administratifs et techniques qui au travers de leurs missions ont des contacts avec les élèves, et contribuent à leur éducation.
Mais cela ne peut être laissé à la seule initiative des personnels. Il faut repenser leurs missions à la lumière de ces objectifs.
Plus que jamais, le service public et les personnels éduquent à la santé, font de la prévention, reçoivent les premières confidences sur la vie amoureuse et sexuelle, doivent être à l'écoute des angoisses, des solitudes, du désarroi. Le rôle des infirmières, des médecins, est devenu essentiel pour accomplir ces missions qui pour n'être pas complètement nouvelles sont devenues souvent essentielles dans la réussite.
Le nombre de jeunes touchés par une grande misère sociale donne à l'assistante sociale une fonction souvent charnière faite de conseils, de réponses à l'urgence, de médiations avec la famille, avec les autres services sociaux.
EDUQUER EST UNE PART ESSENTIELLE DE LA MISSION DE TOUS LES PERSONNELS
Au fond les missions des services publics qui se consacrent à la jeunesse, à sa formation, à son insertion professionnelle se sont considérablement élargies avec cette massification et cette entrée en force des problèmes de la société dans l'école. Il faut penser de façon nouvelle leur mise en synergie, leurs échanges, leur complémentarité pour qu'ils servent mieux la réussite et la démocratisation. Il faut aussi mesurer combien cela rend indispensable le développement du travail en équipe.
Or cette cohérence éducative n'est pas pensée par nos institutions. Chacun travaille au mieux mais plus souvent dans son coin. Il faudrait penser nos métiers d'enseignants, de personnels ATOS, d'infirmières, médecins, assistantes sociales, psychologues scolaires, conseillers d'orientation psychologues en complémentarité les unes des autres en mettant au centre, la réussite, mais aussi l'épanouissement et l'éducation des jeunes.
Nous avons tous à notre place une fonction éducative trop sous estimée pour les personnels autres que les enseignants qui sont plus conçus comme des éléments indispensables pour faire " tourner les établissements " sur un plan administratif et technique que sur un plan éducatif. Il faut recentrer les missions de ces personnels pour qu'ils jouent ce rôle.
Il faut pour cela dégager du temps et des moyens par une modernisation des services, par une simplification des procédures administratives qui sont souvent très lourdes.
Par l'utilisation des technologies nouvelles et performantes. Des progrès importants ont déjà été accomplis dans ce sens notamment pour toutes les tâches administratives, parfois pour l'entretien des locaux. Il demeure que ce sont souvent les personnels qui procèdent à leur propre formation dans des conditions qui ne sont pas bonnes.
L'ambiance, le bien être sous tous ses aspects sont facteurs de réussite et la liaison avec les parents d'élèves est essentielle
Il y a souvent une telle pénurie de ces collègues, une telle précarité, de telles carences en matière de remplacements que l'essentiel du temps est absorbé pour parvenir à faire face souvent dans l'urgence aux tâches qui laissent du coup un temps compté pour un dialogue avec les élèves, pour un travail éducatif régulier, et parfois tout simplement pour créer un climat d'accueil et de bien être dans l'école. Ce bien être tient à plein de facteurs, à la qualité de la nourriture, à sa diversité, à son équilibre, à la convivialité des espaces de détente, de jeux et de rencontres à l'accès à des libres services informatiques en état de marche, à la documentation ou à la bibliothèque, à la cafétéria voire à l'infirmerie qui est si souvent un lieu de refuge.
Il faut réhabiliter ces métiers trop souvent méprisés par les pouvoirs publics en leur donnant toute la place qui leur revient, des statuts et des qualifications que requièrent leur rôle et leur importance nouvelle. Il n'est pas admissible qu'ils soient si mal rémunérés, il n'est pas davantage admissible que les perspectives de carrière soient si limitées, que la promotion interne soit si peu développée. Il n'est pas admissible que l'on continue à les faire assumer pour une part importante par des contrats emplois solidarité payés à coup de lance pierre et à qui on ne reconnaît jamais l'expérience acquise et que l'administration remercie le plus souvent à l'issue du contrat.
J'insiste sur cet aspect car ces professions, le rôle que jouent nos collègues sont souvent ignorés de l'opinion et des pouvoirs publics et parce qu'elles sont souvent des piliers de nos institutions Sans eux elles ne pourraient fonctionner . Ils jouent un rôle d'accueil essentiel. C'est vrai des établissements scolaires et universitaires, des rectorats, et des IA. C'est vrai aussi des bibliothèques universitaires, des institutions de la PJJ, et pourquoi ne pas le dire des institutions culturelles. Ils font vivre nos musées, nos théâtres, nos maisons de la culture.
Les parents jouent un très grand rôle dans cette éducation et il est essentiel qu'ils aient une place importante, que l'on réorganise les relations avec eux, que leurs représentants aient les moyens d'assumer leurs responsabilités
ALORS QUELLES REFORMES ?
Alors j'en viens aux grands axes des réformes qu'il nous faut préciser. Ces réformes concernent tous les ordres d'enseignement, l'enseignement agricole public, l'éducation spécialisée de la protection judiciaire et de la jeunesse.
Lorsque nous avons élaboré notre proposition de plan pluriannuel de l'éducation, que nous avons remise au Ministre de l'éducation nationale nous avons établit plusieurs priorités. Leur fil conducteur : démocratiser, encore et toujours. Or force est de constater aujourd'hui que si nous avons obtenu des mesures quantitatives, nous ne savons pas si nos propositions de réformes sont ou seront prises en compte.
Priorité à la prévention pour la réussite , pour qu'il n'y ait plus un seul décrocheur
Nous avons dit priorité à la prévention de l'échec scolaire dès la maternelle et tout au long de la scolarité. C'est pour nous la priorité des priorités pour qu'à tout prix le système ne produise plus de décrocheurs, ne place pas les élèves dans des situations pédagogiques qui les démotivent, les rendent malheureux et ne font qu'aggraver les inégalités .
Or rien ou peu de chose a été fait dans ce sens, rien ou si peu pour rendre les contenus d'enseignement plus porteurs de sens et plus cohérents de l'école primaire au lycée, du lycée aux formations supérieures. Les étapes, le passage d'un niveau d'enseignement à l'autre, d'une orientation à une autre peuvent être productives si elles s'inscrivent dans une cohérence des cursus. Il faudrait intervenir rapidement lorsque la difficulté scolaire paraît, donner de la force et de la continuité à cette aide qui nécessite souvent du sur mesure pour que l'effet soit rapide. Il faudrait faire réfléchir sur ce qui, dans les pratiques pédagogiques, dans les contenus d'enseignement peut être producteur d'égalité et de réussite et sur ce qui ne l'est pas, évaluer ces pratiques dans les contextes différents où elles se mettent en uvre .
Il faudrait introduire de l'égalité là où il y a de l' inégalité, créer à tous les niveaux les conditions d'une mise en activité des élèves, des étudiants, travailler et faire travailler sur l'erreur , réfléchir à l'apport des nouvelles technologies et diversifier les activités pédagogiques, transmettre le patrimoine culturel et le resituer dans la vie d'aujourd'hui et de demain.
Cette réflexion est essentielle pour surmonter les difficultés grandissantes que créent la grande hétérogénéité des classes, des niveaux des élèves et des étudiants. Si l'on ne trouve pas de solutions le risque est grand que nos professions basculent dans le désarroi, dans le sentiment d'impuissance,. dans l'adhésion à des processus encore plus sélectifs et ségrégatifs que ceux qui ont déjà cours.
Ce n'est pas par hasard si notre institut de la FSU a réalisé cet ouvrage collectif qui réunit des chercheurs et de s professionnels de l'éducation qui tous contribuent à la définition de ce que peut être la culture commune pour ce début de siècle. C'est un problème difficile que celui ci mais en même temps c'est une direction donnée, par exemple pour penser le nouveau collège comme lieu essentiel où s'acquière une culture commune donnée à tous les jeunes et en même temps comme lieu où chacun peut tester de premiers choix , qui offre des possibilités de recours nécessaires en cas d'échec et de difficulté, qui sait faire en quelque sorte du " sur mesure " pour certains élèves en étroite relation avec d'autre ordre d'enseignement comme les lycées professionnels..
Nous sentons aujourd'hui ce risque d'une dérive ségrégative de l'institution de formation qui nécessite naturellement que nous fassions preuve d'imagination, d'invention, pour trouver les bonnes solutions qui permettent de lever les difficultés qui existent dès l'école, de dégripper les niveaux de blocages que sont à des degrés divers les premières années des collèges, des lycées, de l'enseignement supérieur.
Les voies technologiques et les voies professionnelles des voies de réussites
Un domaine trop ignoré est celui de l'enseignement technologique, et souvent mal traité, celui de l'enseignement professionnel alors qu'ils constituent incontestablement des voies de réussites valorisantes ;
.Là les tentations sont multiples. Tantôt il y a de la part des pouvoirs publics qui connaissent souvent mal ces enseignements volonté de confondre les formations technologiques avec les formations générales en leur faisant perdre leur spécificité professionnelle, tantôt ils cherchent à les assimiler aux formations de lycées professionnels comme si chacune de ces voies n'avait pas sa spécificité.
Voilà qui ne convient pas et qui risquerait de créer des problèmes de pénurie encore plus conséquentes de personnels qualifiés. Ces formations doivent encore évoluer, couvrir les technologies et les métiers nouveaux, ouvrir toute sur des poursuites d'études en même temps qu'elles doivent continuer à permettre aux élèves de faire le choix de l'activité professionnelle. Ce sont des formations dans lesquelles il y a beaucoup à apprendre notamment pour tout ce qui met l'élève en activité, pour les travaux interdisciplinaires, pour l'échange avec le monde de l'entreprise. En même temps il faut qu'elles sachent anticiper, intégrer les exigences plus grandes du travail en équipe qui font désormais partie des processus de travail, introduire des techniques souvent complexes qui requièrent du matériel de pointe.
En conclusion, je voudrais dire qu'il est urgent que soient mises en place des procédures qui permettent de faire réfléchir la masse des personnels aux contenus d'enseignement, à leurs objectifs, à la façon de les mettre en uvre. Toute méfiance prolongée à leur égard revient à se priver de l'apport de compétences partagées par des centaines de milliers d'intelligence.
La formation des personnels, au contact de la recherche, c'est essentiel
Enfin, j'insisterais sur la formation des personnels qui doit devenir une des réformes prioritaires. La FSU a fait des propositions pour rénover les concours et la formation. Un travail de réflexion sur les métiers, sur les disciplines, sur les missions nouvelles de ces métiers, sur les pratiques pédagogiques diversifiés, sur l'utilisation des nouvelles technologies doit irriguer cette réforme. On devrait aussi pouvoir dire, à partir des recherches pédagogiques aujourd'hui dont certaines sont compromises par la restructuration autoritaire de l'INRP, et à partir de celles que devraient développer les universités et les IUFM. Or les projets de rapports sur ces questions sont bien pauvres, bien limités et très marqués par l'absence de moyens, scandaleusement illustrée par les malheureux 17 postes dont vont bénéficier les IUFM au titre de 2OO1.
Anticiper pour recruter
Or, l'urgence est là, car il faut former des centaines de milliers d'enseignants et un nombre accru de collègues dès cette année avec une progression des postes aux concours dans tous les ordres d'enseignement scolaire. Et la condition pour y parvenir c'est déjà d'élargir les viviers d'étudiants à l'université et élargir les possibilités d'accueil en IUFM. Il est urgent de penser des mesures incitatives pour les convaincre de faire ces métiers. Tout retard dans ce domaine sera dramatique .
Il est tout aussi urgent de revaloriser les carrières de tous , de mettre un terme à la précarité si nous voulons développer des services de qualité. On le sait c'est un problème commun à tous nos services publics et pour cela nos propositions ne manquent pas. Il faut qu'elles soient entendues.
Alors on nous dit mais cela coûte. Pierre Duharcourt a montré qu'il y avait une contradiction à vouloir réduire les impôts et prétendre en même temps développer des services de qualité. Nous posons les questions autrement et en particulier nous réfléchissons aux réformes à faire pour répartir mieux et autrement les richesses.
Donner de l'initiative au local dans un cadre national renforcé, repenser la démocratie au plan des établissements pour qu'elle soit plus réelle sont des voies de recherche indispensables
AVEC QUEL SYNDICALISME PEUT- ON PENSER L'AVENIR ?
C'est un des thèmes importants de notre congrès. Nous l'abordons avec notre expérience de 7 ans d'existence, avec nos qualités, et nos défauts, avec nos succès et nos échecs mais avec la force que donne notre représentativité confirmée et renforcée comme première fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture et comme première fédération de la fonction publique d'état, ainsi que les 180 000 adhérents que nous regroupons, les 19 syndicats que nous fédérons, et l'attraction que nous représentons pour ceux qui cherchent à construire un syndicalisme indépendant, dynamique, démocratique.
A cet égard, je suis heureuse de saluer ici la présence du SNU ANPE, avec lequel nous avons établit une convention d'association qui témoigne d'un souci commun de travailler et d'agir ensemble dans une collaboration étroite et réciproque.
Nos difficultés
Alors commençons par nos difficultés. Chacun les vit. Elles sont d'autant plus réelles que les problèmes auxquels nous sommes confrontés ne sont pas simples. Comment faire mieux vivre ensemble des professions, des catégories, des syndicats divers ? Comment faire toute leur place aux préoccupations de ceux qui exercent dans des ministères différents ? Comment faire entendre la voix de tout le monde avec l'identité de chacun et dans une harmonie trouvée en commun ? Comment trouver le dénominateur commun quand des approches différentes apparaissent comme ce fut par exemple le cas sur la précarité, sur l'action du 18 janvier dernier, sur les initiatives à prendre à tel ou tel moment ? On peut dire que ces questions sont posées à tout moment. Les protagonistes ne sont pas toujours les mêmes mais la problématique est assez similaire dans chacun des cas.
Il faut du temps, de l'écoute, de la volonté de dialogue pour trouver les convergences. Nous sommes tous les jours à bonne école pour faire vivre le U de notre sigle, je veux dire l'unité en notre sein d'abord. Cela nous prédisposait peut être aussi à ne pas nous satisfaire de la division syndicale actuelle. Cela nous convainc en tout cas de la nécessité de ce dialogue.
Nous vivons une situation difficile avec la direction d'un syndicat, le SNETAA. Puis je dire que nous avons du mal à comprendre la nature réelle de ces tensions et leurs causes tant les arguments ont changé depuis 3 ans. Est-ce parce que née pour la plupart d'une exclusion nous avons très largement exprimé des désaccords avec les exclusions qui ont marqué la vie de ce syndicat depuis bien avant notre dernier congrès.
C'est sur d'autres valeurs que la FSU s'est construite d'un commun accord avec toutes les composantes. S'agit il d'autre chose ? Mais quoi ? Les arguments qui sont avancés portent sur des questions qui peuvent se débattre normalement dans une fédération pluraliste qui affirme cette diversité, la fait vivre au grand jour dans le respect de la souveraineté de chaque syndicat. Pourquoi la direction du SNETAA a-t-elle fuit ce débat ? Pourquoi le fuit elle encore en décidant de ne pas être présente à l'ouverture de ce congrès à la hauteur des 48 représentants auxquels elle pourrait prétendre si elle avait acquitté ses cotisations, comme le CDFN du 15 janvier l'a encore invitée à le faire ? Pour quelles raisons les syndiqués du SNETAA ne peuvent ils prendre connaissance des arguments de la fédération qu'ils n'ont pas décidé de quitter ? Qu'il y ait débat, c'est normal ; ce qui l'est moins, c'est qu'il ne puisse être mené. Rien donc de bien compréhensible qui justifie cette escalade qui va du boycott des instances depuis 3 ans , à l'acquittement partiel des cotisations dans la même période, à l'interdit de Pour qui n'est pas acheminé aux adhérents, tandis bien entendu que le SNETAA a pu jouir de tous ses droits dans la fédération et qu'il a continué à faire partie de toutes les délégations fédérales. Rien qui justifie les recours juridiques engagés contre la fédération. Nous regrettons vivement cette situation qui, de fait, prive les personnels de LP des possibilités d'être pleinement dans leur fédération tandis que la fédération est elle même privée de leur apport.
Le congrès est souverain pour fixer les mandats et le nombre de délégués, pour désigner les instances sur la base des votes émis par les syndiqués. Nous avions choisi de permettre ce débat et d'arrêter mardi matin la composition du congrès mardi matin. Nous proposons de nous en tenir à cette organisation .
Nos succès et nos ambitions
Nous avons aussi des succès comme ceux que nous avons remportés dans la quasi totalité des élections professionnelles au cours de ces derniers mois et encore récemment parmi les jeunes aides éducateurs et futurs enseignants dans les IUFM.
Cette influence grandissante parmi les personnels dans tous les secteurs, n'est pas sans lien avec la capacité de la FSU à faire des propositions, à agir, à discuter avec les pouvoirs publics pour négocier, à chercher inlassablement à construire l'unité, à être présente au côté des autres salariés, des chômeurs, à soutenir les sans papiers à être dans le mouvement social chaque fois que les valeurs, les revendications, la conception du service public que nous défendons sont partagées. Ces engagements de la première heure font qu'avec toutes nos qualités mais aussi tous nos défauts, les salariés que nous regroupons perçoivent qu'ils sont associés à la construction d'un syndicalisme original, de proximité qui veut rassembler et se refuse à cliver les organisations syndicales selon des schémas pré établis, qui veut discuter avec tout le monde sans exclusive.
C'est ce qui inspire encore aujourd'hui notre double démarche qui préconise de développer la FSU en direction des professions que nous regroupons qu'elles soient exercées par des fonctionnaires d'état, par des fonctionnaires des autres fonctions publiques, par des agents d'autres services publics. Il y a encore beaucoup à faire. Il y a tant de salariés non syndiqués ; il y a tant de jeunes à convaincre de l'utilité de se syndiquer, de la dimension que cela apporte.
Le syndicalisme et les jeunes
A cet égard, je veux m'arrêter un instant sur le syndicalisme et les jeunes qui vont entrer massivement dans nos professions. Il faut se préparer à les accueillir massivement et à bras ouvert dans nos syndicats et dans notre fédération, il faut qu'ils s'y sentent chez eux, qu'ils soient rapidement mis en situation de construire leur avenir syndical en bénéficiant certes de l'apport des générations qui sont là mais aussi en y mettant leur marque, celle de leurs attentes, de leur vision des choses du point de vue professionnel, du point de vue de l'action collective, des services, des cadres de débats et de réflexion, des modes de gestion démocratiques et d'expression.
Un espace considérable s'ouvre pour la FSU et ses syndicats. Il ne faut par rater cette échéance.
Rien n'est plus fatal à notre jeune syndicalisme que de ne pas faire cette confiance là. N'oublions pas que si nous avons pu nous mêmes apporter notre empreinte c'est bien parce que nos collègues plus anciens nous ont permis cela. Mais nous sommes sur de bonnes voies si j'en juge par les initiatives qu'ont pris plusieurs syndicats.
Rassembler le mouvement syndical
Le deuxième axe de notre démarche est de contribuer à rassembler le mouvement syndical trop divisé. L'unité n'est pas seulement une partie de notre sigle c'est une partie essentielle de ce que nous sommes, de ce à quoi nous voulons contribuer depuis le départ. Les raisons sont simples. A l'heure où 5 % des salariés sont syndiqués au total, même si nous sommes dans des secteurs à plus forte syndicalisation, au moment où vont arriver des générations nouvelles sur le marché du travail il serait bien que les organisations, dans leur diversité se rassemblent pour dire à tous ces salariés et à tous ces jeunes tout l'intérêt qu'il y a à avoir des syndicats forts, pour les inviter à y prendre toute leur place , pour faire entendre leur voix. Le patronat parle souvent d'une seule voix ; il a su se rassembler. Est ce à dire qu'il n'y a pas de divergences, de dissonances ? certainement pas. L'Etat employeur est à l'unisson. Pourquoi le syndicalisme ne pourrait-il pas mettre en commun ses atouts ?
Jusqu'à quand va-t-on devoir constater l'incapacité du mouvement syndical à l'échange ? Est-ce normal qu'il faille être confronté à de très mauvais coups pour qu'il accepte de se parler, voire d'agir ensemble ? Il y a des divergences, des différences d'approche, c'est incontestable. Est ce pour autant, irrémédiable ? nous ne le pensons pas. En tout cas en rester là est inefficace et place les uns dans la situation de rechercher le compromis à tout prix tandis que les autres sont parfois rejetés dans des postures qui les mettent dans l'incapacité de peser sur le cours des choses. Et quand en plus une partie du mouvement syndical refuse ces clivages, au mieux il déroute, au pire il est suspect et devient la bête noire des uns ou des autres qui n'hésite pas à l'exclure voire à chercher à l'affaiblir. Le mouvement syndical s'est complexifié depuis la libération c'est un fait qu'il est temps que tout le monde doit prendre en compte. Voilà pourquoi, parce que nous sommes pragmatiques et que nous cherchons l'efficacité pour ceux que nous regroupons, parce ce que nous pratiquons un syndicalisme d'intérêt public nous proposons à tous, mouvement confédéré ou pas, syndicats autonomes ou regroupés, unions déjà affiliées ou pas de nous regrouper pour échanger, élaborer en commun pour mieux partager l'essentiel, agir ensemble chaque fois que cela sera utile et nécessaire. Voilà le sens de la discussion que nous avons voulu mener.
Voici venu le moment de ma conclusion permettez moi de la personnaliser un peu pour vous dire à quel point je suis sensible au fait qu'il se tienne dans ce congrès une table ronde sur les femmes et le syndicalisme. Je suis bien placée pour savoir qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que les femmes assument à l'égale des hommes des responsabilités sociales. Légiférer sur la parité c'était nécessaire et cela peut créer un déclic qui ne peut cependant suffire si la société toute entière, à commencer par ceux qui assument les responsabilités publiques très majoritairement n'en sont pas convaincus. J'ai évidemment pleinement expérimentée à divers niveaux à quel point c'était difficile.
Je dois à la vérité de dire que ce ne fut pas le cas dans mon syndicat mais j'ai pu constater parfois, montant à la tribune de notre ancienne fédération que des qualificatifs sexistes n'étaient pas rares . Il y a encore quelques jours et dans la dernière période, j'ai eu mon lot de calomnies en tout genre et j'ai apprécié en plusieurs occasions la solidarité que beaucoup ici ont exprimé. J'avoue que cela a atteint de tels sommets que j'en suis personnellement très affectée ; et je me suis souvent dit au delà de ma propre perception, qu'il faut bien du courage aux femmes pour s'exposer dans des responsabilités publiques dans une société qui se dit moderne et dont certains de ces membres utilisent leur pouvoir pour colporter les clichés les plus éculés, répandre, répéter les pires rumeurs en sachant que l'on ne peut les arrêter. Passé cet instant d'amertume, je ne peux cependant me résigner à cette tribune pour la dernière fois comme responsable de notre fédération à dire aux femmes dans nos métiers, dans nos syndicats que notre force réside en nous même, dans notre conviction qu'il faudra bien qu'un jour tout le monde entérine cette réalité, qu'il nous revient aussi de construire malgré tout, l'avenir de tous. Notre force c'est aussi d'être nous même avec nos identités, notre féminité, tout en préservant notre vie familiale et affective. Elle est dans la sincérité de notre engagement pour ce à quoi nous croyons, dans notre capacité à faire bouger les choses avec et au côté des hommes dans des responsabilités conjointes et également partagées.
Je remercie le syndicalisme, notre syndicalisme, tous les collègues très nombreux que j'ai rencontrés, tous les militants, tous mes amis pour les joies, le plaisir de vivre, l'enthousiasme qu'ils m'ont apportés. Je vous remercie pour les bons comme pour les mauvais moments que nous avons passés ensemble au cours de ces années, pour les débats passionnés et passionnants que nous avons menés, pour les victoires que nous avons remportées même si à certains moments ils ont pu nous paraître durs, car c'est aussi cela qui donne la certitude que cette aventure humaine mérite que l'on s'y engage.
(Source http://www.fsu.fr, le 20 février 2001).