Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires étrangères,
Monsieur le Président de la Délégation pour l'Union européenne,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Permettez-moi d'abord de vous remercier de l'intérêt croissant que vous portez aux enjeux européens, qui jouent un rôle de plus en plus grand dans la vie quotidienne des Françaises et des Français. Je veux également vous redire avec force que le gouvernement a besoin de votre soutien pour son action en Europe. Vous avez demandé où est passée l'Europe, Monsieur le Président Ayrault, et en vous écoutant on se demandait en effet où était passée l'Europe dans votre discours ? Depuis le mois de juin, un débat public se tient sur l'Europe avant chaque Conseil européen. Les citoyens auraient aimé vous entendre davantage sur ce sujet, Monsieur le Président Ayrault, et entendre quelles sont vos propositions?
Mais l'Europe est là : comme Philippe Douste-Blazy vous l'a indiqué, le Conseil européen de printemps est traditionnellement consacré aux sujets économiques et sociaux, dont il est inutile de souligner après lui l'importance. Nous entendons saisir cette occasion pour progresser dans la mise en oeuvre de la stratégie de croissance, d'emploi et de développement durable dont s'est dotée l'Europe - dite "stratégie de Lisbonne" - qui est la bonne, je veux le dire, mais doit être mieux appliquée, de façon plus volontariste et avec des objectifs et des calendriers précis chaque fois que cela est possible.
Je souhaite donc dans cet esprit revenir sur les points à l'ordre du jour et sur lesquels vos interventions ont porté.
1. En premier lieu, l'énergie.
Il s'agira en effet d'un des thèmes principaux de ce Conseil européen abordé pour la première fois d'une façon globale et non plus seulement sous l'angle du marché, Mme Buffet. Ce sujet d'avenir avait été retenu à notre demande en octobre 2005, au Conseil informel de Hampton Court.
Comme vous le savez, le gouvernement français a présenté à ses partenaires un mémorandum sur l'énergie dont la Commission s'est sensiblement inspirée dans son "livre vert" paru début mars et qui sera évoqué en grande partie au Conseil européen.
Le texte soumis au Conseil européen prévoit ainsi que la Commission présentera régulièrement un "examen stratégique énergétique annuel" dès 2007. Le texte identifie également des mesures à prendre dans un premier temps, telles que le plan d'action sur l'efficacité énergétique, un plan d'interconnexions, ou le renforcement du dialogue UE-Russie pour que cette dernière ratifie la Charte de l'Energie. Cela permettra de jeter les premières bases d'une politique européenne de l'énergie.
La France est prête à aller plus loin, et il faudra aller plus loin, par exemple en matière de programmation des investissements, de relations extérieures, de développement des différentes sources d'énergie sans exclure le nucléaire, ou de maîtrise de la demande énergétique. C'est dans cet esprit que nous avions transmis à nos partenaires le mémorandum que j'évoquais il y a un instant et le président de la République ne manquera pas d'en rappeler la teneur au cours de ce Conseil européen et d'appeler à une politique européenne de l'énergie ambitieuse. Je sais, Monsieur le Président Balladur, que cela va dans le sens de vos préoccupations.
Chacun sait bien aussi que les attentes sont considérables, comme l'a montré le dernier sondage Eurobaromètre, que vous évoquiez Monsieur Albertini, et qui révèle que près de 76% des personnes interrogées se prononcent en faveur d'une action européenne en matière d'énergie. Nous considérons donc ce Conseil européen comme un point de départ plutôt qu'un point d'arrivée et devrons poursuivre nos efforts pour mettre progressivement en place une vraie politique européenne de l'énergie. Celle-ci est nécessaire. Elle est possible si nous savons faire dans les années qui viennent ce que nous avons su faire dans le passé avec le charbon et l'acier.
2. J'en viens à présent aux questions de croissance et d'emploi, évoquées par chacun d'entre vous.
Avec la stratégie de Lisbonne, l'Europe s'est mobilisée davantage sur la croissance et l'emploi, et c'est une évolution positive car il s'agit de la préoccupation majeure de nos concitoyens. Il y a cette année une innovation puisque chaque Etat membre s'est doté d'un "programme national de réformes" détaillant les mesures qu'il prend, à titre national, pour être plus efficace. Nous sommes prêts à parler de ces programmes avec nos partenaires et à comparer nos réformes, car les enjeux sont les mêmes pour nous tous : la mondialisation, le vieillissement démographique, les progrès technologiques constants. Il ne s'agit pas d'entrer dans des débats stériles, opposant tel modèle à tel autre, mais de voir ce qui marche et de s'en inspirer avec pragmatisme, dans le meilleur esprit européen.
Le projet de conclusions de la présidence évoque ainsi la thématique de l'emploi avec quelques objectifs généraux : créer 2 millions d'emplois chaque année au niveau européen d'ici 2010, permettre à tout jeune d'entrer rapidement sur le marché du travail, adopter un pacte européen pour l'égalité des sexes. Le projet prévoit également la mise en place du fonds d'ajustement à la mondialisation dont le principe avait été arrêté par le Conseil européen en décembre dernier et qui doit permettre d'aider à faire face aux chocs tels que les délocalisations vers les pays tiers. Il évoque également la recherche et l'innovation conformément aux souhaits que vous avez exprimés comme nous. Il le fait avec la création d'une facilité financière gérée par la Banque européenne d'investissement, création que nous souhaitons la plus rapide possible, ou avec la mise en place du futur Institut européen de Technologie. L'accent est également mis sur les PME, très créatrices d'emplois, avec l'objectif de réduire à une semaine le temps nécessaire pour créer une PME.
Il est évident que l'emploi ne se décrète pas et que le chiffrage ne suffit pas, pourtant chacun sait bien que les objectifs chiffrés ont leur utilité pour guider l'action des Etats.
Concentrons-nous sur ces objectifs concrets plutôt que de nous disperser dans des débats théoriques. La vérité est que la France, comme les autres pays européens, et parfois plus qu'eux, est un pays ouvert au commerce et à l'investissement : 3ème terre d'accueil des investissements étrangers au monde, 1ère en Europe continentale, quatrième exportateur mondial de services, elle n'est ni protectionniste ni repliée sur elle-même, n'en déplaise à certains donneurs de leçons. La réalité le prouve.
3. J'en viens à la proposition de directive services.
Dans vos interventions, vous avez également mentionné la proposition de directive services. Pour le gouvernement, le Conseil européen doit saluer l'importance du vote du Parlement européen du 16 février. Car le Parlement européen a pris en compte les préoccupations que nous avons exprimées : le principe du pays d'origine est supprimé, les services publics ainsi que les secteurs sensibles sont préservés, et surtout le dumping social est écarté : c'est le droit du travail français qui s'appliquera en France. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant la représentation nationale, la proposition initiale de la Commission qui avait suscité notre opposition est définitivement derrière nous. L'équilibre et la force du vote du 16 février - près de 400 voix pour et un peu plus de 200 contre - sont une réalité politique qui doit être respectée et nous attendons maintenant de la Commission qu'elle fasse une nouvelle proposition qui tienne le plus grand compte de ce vote. Nous serons très vigilants sur ce point, le Parlement européen aussi - je n'en doute pas - puisqu'il s'agit d'un sujet en codécision, sur lequel il aura à se prononcer à nouveau.
4. Enfin le budget de l'Union européenne.
Monsieur le Député Laffineur, Monsieur le Président Lequiller, vous avez évoqué le futur budget de l'Union. Sur les perspectives financières et le futur accord interinstitutionnel, je veux redire ici que l'équilibre de l'accord du 16 décembre 2005 doit être respecté. Cet accord permet de doter l'Europe d'un budget en augmentation de plus 50 milliards d'euros sur la période, notamment sur les programmes les plus importants : recherche-développement, réseaux transeuropéens, mais aussi Erasmus et Leonardo dont nous souhaitons voir doubler les bénéficiaires d'ici 2013 - ce qui est possible, Monsieur le Président Lequiller, merci de votre soutien sur cette question -, mais aussi relations extérieures et notamment instrument de voisinage pour les pays méditerranéens.
Au total, ce Conseil européen sera une première étape pour engager plusieurs actions que nous jugeons essentielles pour avancer dans la voie de l'Europe des projets, qui est indispensable pour montrer concrètement à nos concitoyens ce que l'Europe leur apporte.
Il en faudra d'autres, et c'est la raison pour laquelle le président de la République et le Premier ministre ont fait des actions concrètes de l'Union la priorité de leur politique européenne. Gouvernance économique, innovation, recherche, énergie, sécurité, défense, dans tous ces domaines l'Europe doit retrouver sa capacité d'impulsion et d'action pour répondre aux attentes des citoyens.
Au-delà, nous devrons aussi nous atteler aux questions qui touchent à l'avenir de l'Union européenne, à commencer par celle de l'élargissement et celle des institutions. Ces questions seront abordées lors du Conseil européen de juin et ne sont pas à l'ordre du jour de celui de cette semaine. Nous aurons donc l'occasion de faire des propositions et de vous en reparler d'ici juin, Monsieur le Président. Et c'est à la demande de la France que le débat aura lieu sur la stratégie de l'élargissement. Toutefois, la présidence a souhaité que les ministres commencent à préparer informellement ces débats en marge de ce Conseil, jeudi soir. Sur le fond, Philippe Douste-Blazy vous a fait part de nos réflexions en la matière.
Mesdames et Messieurs les Députés,
L'Europe se construit pas à pas. Quelles que soient les difficultés, la France est déterminée à aller de l'avant, à recréer les conditions d'une action plus résolue de cette Europe qui est non seulement notre présent mais aussi notre avenir comme vous l'avez dit, Monsieur le Député. Soyons lucides : les doutes et les incertitudes demeurent et seule la preuve par l'action les lèvera, et c'est bien ce que notre pays veut faire. Et un élément nous incite à l'optimisme : selon l'étude à laquelle je me référais il y a un instant, trois Français sur quatre jugent positivement l'appartenance de leur pays à l'Union européenne. A nous de leur montrer qu'ils ont raison.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 mars 2006