Déclaration de M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, à "Radio Classique" le 13 mars 2006, sur la peur des jeunes diplômés d'être encore plus précarisés par le contrat "première embauche", sur le risque d'OPA de l'italien Enel sur Suez et la réponse du gouvernement par la proposition de fusion de Suez et de GDF et sur le projet de loi de gestion des déchets nucléaires.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

Q- Concernant le CPE, comment avez-vous trouvé votre Premier ministre hier, et comment réagissez-vous à des commentaires aujourd'hui terriblement dubitatifs ?
R- On a connu la situation des banlieues, il y a deux ou trois mois. Le Premier ministre a pris des mesures importantes pour aider les jeunes à rentrer dans l'emploi dans de meilleures conditions. Nous sommes déterminés et conscients qu'il faut expliquer plus, et le Premier ministre le fait très bien.
Q- Mais vous-même avez été un homme d'entreprise, c'est votre particularité dans la classe politique. Le problème est que les jeunes diplômés ont peur que le contrat "première embauche" serve un peu à les précariser eux aussi...
R- Aujourd'hui, on embauche parce que l'on a besoin de collaborateurs, on n'embauche pas dans l'espoir de les faire repartir dans quelques mois. Imaginer que tous ceux qui vont être embauchés dans un CPE sont précarisés, c'est absurde, puisque au contraire, c'est pour remplacer des périodes la succession de stages, CDD, périodes d'intérim qui sont très longues en général pour les jeunes qui commencent à travailler. C'est pour remplacer tout cela que le CPE est une consolidation, au contraire, de ce qu'ils ont actuellement, de ce qui leur est proposé actuellement très souvent.
Q- Ne fallait-il pas quand même dire aux jeunes que l'on essaie, que l'on se donne une année, et qu'après, on fait le point et, si cela ne va pas, on l'arrête ? Au moins, qu'ils n'aient pas le sentiment que c'est ça et pas autrement...
R- Vous savez ce que le Premier ministre a dit hier soir : tous les six mois, on va examiner, avec les syndicats, comment cela marche. Et quand on regarde comment marche le CNE, pour faire une comparaison qui n'est pas raison, on s'aperçoit que le CNE a très bien servi et a probablement donné beaucoup plus d'emplois dans les petites entreprises qu'avant. De la même façon, il faut regarder le CPE tous les six mois pour dire qu'effectivement, on ne s'est pas trompé, qu'on a fait ce qu'il fallait pour réduire les emplois précaires et améliorer les emplois plus sûrs. C'est cette explication qu'il faut continuer de donner aujourd'hui, pour que les jeunes qui sont dans les situations précaires comprennent parfaitement.
Q- Vous qui connaissez bien D. de Villepin, peut-on imaginer que si au bout de deux fois six mois, la mayonnaise ne prend pas, il peut retirer à ce moment-là le CPE et dire que comme cela n'a pas marché, "on laisse tomber" ?
R- Je pense que le Premier ministre est très pragmatique et très à l'écoute, mais en même temps, déterminé à produire du résultat, et il fera tout ce qu'il faut pour que ce soit le résultat qui soit au bout.
Q- Venons-en à votre tutelle, c'est-à-dire le secteur industriel, avec bien sûr les grandes manoeuvres en cours, notamment Suez-GDF et, en ombre portée, Enel. [La manoeuvre d'] Enel ne s'est pas encore déclenchée, mais on sent que la pression augmente... Quel est votre sentiment aujourd'hui ?
R- Enel est en discussion depuis des mois avec EDF pour passer un accord sur l'électricité. Et la discussion entre EDF et Enel avance. Donc je vois Enel à travers cette négociation, à laquelle l'Etat était à l'origine... Nous sommes donc surpris des bruits que j'entends, parce que je vois Enel qui veut pousser son accord avec EDF. Il faut savoir qu'EDF a été très actif en Italie, en prenant des participations, et que la société Edison, dans laquelle EDF était partie prenante, il y a une loi qui a été faite exprès pour qu'EDF n'ait pas la majorité, c'est-à-dire la possibilité d'utiliser son actionnariat dans les votes.
Q- Absolument, son vote a été réduit à 2 %...
R- On est donc sorti de ça avec l'obligation de faire un accord Enel-EDF, des tas de péripéties sur lesquelles je passe, et c'est ça qui est en train de se conclure. Donc cela n'est pas le sujet dont tous les journaux parlent, mais c'est ce seul sujet-là qui est réel aujourd'hui.
Q- Le Gouvernement, actionnaire principal d'EDF, serait-il donc prêt à voir une fusion ou une alliance EDF-Enel et apporterait éventuellement ses parts ?
R- Non, il ne s'agit pas du tout de cela ! Il s'agit d'un accord de coopération, entre Enel qui achète de l'électricité en France et qui voudrait avoir des droits de tirage, c'est-à-dire pouvoir être lui-même vendeur d'électricité sur le territoire français. Il n'y a donc rien au niveau du capital.
Q- Mais alors, du coup, cela intéresse-t-il vraiment Enel, si c'est uniquement un accord commercial comme il pourrait en trouver ailleurs ? Ce n'est pas un accord stratégique...
R- Vous me faites stipuler pour autrui... Je ne fais pas ça. Je constate que nous sommes dans un processus, à la demande des deux entreprises GDF et Suez, qui consiste à favoriser leur proposition de fusion, en examinant toutes les questions avec les partenaires sociaux en ce moment. Et nous sommes dans un processus qui va prendre du temps, puisqu'il faut proposer au Parlement une loi, que c'est le Parlement qui décidera... Nous devons préparer cela aujourd'hui, par des discussions avec les partenaires sociaux et avec toutes les parties concernées. C'est donc dans ce processus que nous sommes et auquel nous accordons une grande confiance, parce qu'il est de qualité, il a dans l'intention de créer un groupe fort, qui est déjà européen puisqu'il est certes français, mais il est très belge également, et les deux entreprises sont présentes dans de nombreux pays européens. Nous sommes donc dans un processus, et c'est celui-là évidemment que nous faisons avancer.
Q- On est, on le sait maintenant, dans une période qui va durer longtemps, où l'énergie va être stratégique. Vous-même, vous présentez en principe le 22 mars, en Conseil des ministres, un projet de loi sur la gestion des déchets nucléaires. Est-ce vraiment le dossier prioritaire pour vous, aujourd'hui, celui de l'énergie ?
R- Oui, le nucléaire produit des déchets depuis le début. Et donc, nous avons à prendre nos responsabilités dans ce domaine, à la fois pour les générations futures, et aussi pour montrer qu'il y a une enveloppe à l'intérieur de laquelle le problème des déchets a des solutions. Donc aujourd'hui, des études ont été faites pour montrer qu'une solution de référence est possible, ce qui nous permet donc de faire cette loi, qui met en oeuvre, qui dit les procédures qu'il faudra faire plus tard, les financements qui seront nécessaires plus tard, comment tout cela s'organise, pour que sur la longue période, on puisse traiter les déchets nucléaires. C'est utile, tous les grands pays qui ont du nucléaire travaillent là-dessus. Et le signal que nous donnons vaut pour nos concitoyens, qui doivent grâce à cela voir que nous cherchons la solution pour tous les déchets, et d'un autre côté, pour les autres pays - pas seulement européens - qui ont du nucléaire, nous comparons la façon de faire des uns et des autres, et nous sommes sur la même option.
Q- Tout à l'heure, vous partez à Bruxelles, pour une réunion des Conseils des ministres sur la compétitivité industrielle. Qu'avez-vous envie de dire à vos collègues européens ?
R- Eh bien, on va parler de l'énergie de nouveau et je vais reparler du mémorandum français sur l'énergie, dans lequel on dit que pour faire plus de sécurité dans l'énergie, il faut peut-être que l'on regarde ensemble comment on va produire demain et que l'on augmente les interconnexions, les tuyaux de gaz etc. Je vais donc présenter notre mémorandum et je vais le comparer au Livre vert de la Commission, qui a été fait presque dans la foulée de notre mémorandum, où il y a beaucoup de très bonnes choses qui reprennent notre mémorandum, mais il y a aussi quelques petites nuances sur lesquelles on va évidemment discuter.
Q- Y compris avec votre collègue italien ?
R- Eh bien, le collègue italien sera là, bien sûr, oui. Donc cela permettra d'échanger !Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 14 mars 2006