Texte intégral
J.-P. Elkabbach - Merci d'être là et bienvenue. Jusqu'ici, à propos du CPE, on a entendu votre silence. Ce matin, vous montez en première ligne. Est-ce que c'est pour proposer une solution originale et si oui laquelle ?
R - Mon silence ! Depuis des semaines et des semaines, je vais en province deux fois par semaine. Ceux qui sont en province entendent effectivement que, comme tous les membres du Gouvernement, j'explique pourquoi ce contrat "première embauche" n'est pas quelque chose en moins mais quelque chose en plus. Quelque chose en plus que l'on offre aux étudiants. C'est en plus du CDI, c'est en plus du CDD, c'est un contrat qui va permettre aux jeunes de se réinsérer plus vite dans l'entreprise.
Q - Vous leur faites un cadeau quoi ?
R - Je crois qu'on essaie d'inventer quelque chose, avec les chefs d'entreprise, pour que ceux qui ont envie de se battre - ils ont tous envie de se battre -, puissent trouver dans l'entreprise la possibilité de le faire. Vous savez, une entreprise a souvent des emplois disponibles et, dans ces conditions, on fait soit des CDI, soit quand l'emploi n'est pas stable, on fait un CDD. Et les CDD sont des emplois jetables.
Q - Mais le problème c'est qu'ils vous répondent en refusant votre cadeau.
R - Ce n'est pas un cadeau, c'est tout simplement essayer ensemble, après tant d'échecs. Une entreprise est faite pour essayer de trouver des activités. Le jeune quand il arrive, il a son enthousiasme, il a son allant, il a envie d'y aller. Et si l'activité n'existe pas, l'entreprise ne l'embauche pas. Grâce au CPE, il pourra rentrer dans l'entreprise et puis trouver, parce qu'il a de l'énergie, parce qu'il a de l'enthousiasme, parce qu'il a de l'imagination, faire son trou, faire son chemin. Et, à ce moment-là, il pourra rester. Si jamais l'emploi n'existe pas, alors le jeune sera pris en charge par la collectivité avec la formation parallèle.
Q - Vous êtes venu ce matin nous dire que le CPE est maintenu tel qu'il est.
R - Mais attendez ! Il y a eu le temps de la démocratie, le temps de la loi. La loi a été votée. Maintenant, on est dans le temps de l'adaptation et du dialogue. Dans le cadre de l'article 8, cette loi permet à tout le monde de s'exprimer et c'est ce que le Premier ministre fait. Qu'est-ce qu'il fait depuis maintenant des jours et des jours ? Il écoute les uns et les autres dans le cadre de la loi votée, parce que nous sommes en République.
Q - Vous nous obligez à vous poser sans arrêt la question : pourquoi vous n'avez pas fait ces consultations avant la loi ? C'était aussi une phase de démocratie. La consultation prévue par la loi sur la négociation sociale.
R - Le lieu de ceci s'appelle le Parlement. Dans le cadre du Parlement, il y a eu des heures, des centaines d'heures de débat. La loi se fait, on semble l'ignorer dans ce pays, au Parlement. La loi a été votée après des heures et des centaines d'heures de débat.
Q - Personne ne conteste que la loi se fasse au Parlement. Mais avant la loi, on peut discuter.
R - Maintenant, nous en sommes dans le cadre de l'adaptation. Cette loi prévoit dans le cadre de son article 8, la possibilité maintenant d'aménager tout cela. C'est pour ça qu'on consulte les chefs d'entreprise, les patrons de PME, les étudiants, les organisations syndicales et que l'on nous demande de venir pour adapter maintenant dans le cadre de la loi.
Q - Est-ce que je peux vous faire remarquer que vous consultez surtout les chefs d'entreprise qui sont dans l'ensemble favorables au CPE, avec quelques modifications, les étudiants oui mais pas l'UNEF. C'est vrai que l'UNEF n'a pas voulu venir. Mais pas les grands syndicats.
R - La main est tendue à tout le monde car en fait c'est tout le monde qui est concerné. Aujourd'hui, ce sujet concerne tous les Français et nous demandons maintenant à chacun qui se sent concerné de venir dans le cadre de cet article...Tenez, hier par exemple, on a avec le Premier ministre reçu les patrons. J'entends "les grands patrons" : ce n'est pas vrai. Il y avait des patrons de petites entreprises, de très petites entreprises et puis chacun s'est exprimé. Certains ont dit : "nous si on l'utilise c'est formidable, on va l'utiliser comme ça". D'autres ont dit "moi par exemple, je ne licencie jamais quelqu'un..."
Q - Il y en a aucun qui vous a dit "on n'en veut pas ?'
R - Non, jamais. Il y en a aucun qui a dit "je n'en veux pas". Tous ont dit : "voilà comment nous on veut l'utiliser". Nous, encore une fois, on prend tout cela et puis le Premier ministre fera la synthèse.
Q - Tout cela, les journalistes d'Europe 1 l'ont raconté. Justement ils vous ont demandé de raccourcir la durée à un an, de justifier le licenciement. Est-ce que vous êtes prêts à la modifier, à en tenir compte ?
R - Ils n'ont pas demandé, ils ont dit : "Voilà comment nous allons l'appliquer" car derrière, ce sont les branches qui vont l'utiliser, car derrière ce sont les entreprises. Le cadre de la loi leur permet de faire ce qu'ils veulent. Si jamais, ils veulent utiliser le CPE en un an, ils peuvent le faire. Ils nous ont dit voilà comment nous allons le faire. Et nous, on en tire effectivement la façon de progresser...
Q - Quand allez-vous le dire ?
R - Mais on est en train de le finir.
Q - Est-ce que le Premier ministre s'exprime aujourd'hui ?
R - Encore une fois, on regarde maintenant, on écoute tout le monde. On est dans le temps de l'adaptation et puis je voudrais ajouter une chose, on sera ensuite dans le temps du bilan, dans six mois, car il faut trouver les solutions pragmatiques. Regardez pour le CNE, personne ne pensait que ça marcherait. On fait un bilan six mois après, il y a plus de 400.000 contrats qui ont été signés. Plus de 142.000 emplois qui ont été créés l'année dernière, selon l'ACOSS. C'est tombé du ciel ça ? Non, c'est parce que nous avons une démarche pragmatique avec tout le monde sans laisser personne sur le bord de la route.
Q - Mais en même temps, vous dites que si dans six mois ça ne marche pas, vous retirez le CPE ?
R - On discutera, le Premier ministre s'y est engagé. On va discuter, on n'a pas la science infuse, on verra ce qui marche et ce qui marche pas. C'est ça la méthode Villepin.
Q - Les syndicats unis maintiennent leur rythme de manifestations et bientôt de grèves. Est-ce que les effets de cette crise, de ces manifestations à répétition sont préoccupants pour l'économie, pour la croissance ? Et je demande au ministre de l'Economie.
R - Dans une économie tertiarisée effectivement, chaque jour où on ne travaille pas, c'est de la croissance en moins. Il y a des moyens d'expression : on peut s'exprimer en manifestant, on peut s'exprimer dans les médias. Mais c'est vrai que lorsque l'on bloque l'économie, c'est tout le monde qui en pâtit. C'est la croissance qui en pâtit.
Q - Est-ce que les jours de grève seront payés ?
R - Non, ils ne seront pas payés, ça ne change pas évidemment.
Q - Absolument, ça ne change pas. C. Marguerite d'Europe 1 nous disait tout à l'heure que la consommation en février, d'après ce qu'elle sait, a augmenté, qu'il y aurait de bons résultats. Est-ce que vous le confirmez ?
R - C. Margueritte est bien informée parce qu'effectivement, la croissance - [les chiffres vont] sortir dans quelques minutes - la croissance de la consommation est tout à fait exceptionnelle. On va annoncer effectivement un chiffre qui va être de l'ordre de 1,8% au mois de février. Du jamais vu ! Cela veut donc dire qu'on atteint un record historique de consommation au mois de février. Cela veut dire qu'en fait non seulement les Français consomment, mais aussi qu'il y a plus de Français qui consomment. Et vous savez pourquoi il y a plus de Français qui consomment ? Parce qu'en fait nous avons plus de Français aujourd'hui au travail grâce à tout ce qui a été mise en oeuvre. Plus de Français qui travaillent, c'est plus de Français qui consomment donc c'est la croissance qui repart. Et ça c'est un signe extrêmement fort. Souvenez-vous qu'on avait du mal à mesurer les créations d'emploi des entreprises de moins de 10 salariés. Eh bien là, on les voit, on voit qu'effectivement les prévisions aujourd'hui de Bercy, c'est plus 200.000 créations d'emploi au moins en 2006. On y est vraiment.
Q - Dans quels domaines la consommation a t-elle augmenté ?
R - Dans les biens manufacturiers, dans tout ce qui concerne l'habillement. Plus 6,3 dans l'habillement. Cela veut dire que vraiment, c'est un secteur, permettez-moi l'expression, qui explose. Et puis également dans tout ce qui concerne les biens d'équipement du logement où on a plus de 3% de progression. Donc oui les Français consomment mais encore une fois, cela veut dire qu'il y a plus de Français qui sont en capacité de le faire. C'est tout le combat de D. de Villepin et du Gouvernement.
Q - Donc il peut y avoir de bonnes nouvelles.
R - Il y a plus de bonnes nouvelles qu'on ne pense.
Q - La solution au CPE, est-ce qu'elle est possible avant le 28 mars ? La France peut t-elle échapper à ce prochain mardi noir qui se profile ?
R - Encore une fois, nous invitons tout le monde. Il faut maintenant, il y a une urgence. Pourquoi veut-on mettre le CPE très vite en oeuvre ? Parce que les vacances arrivent. Parce que quand il y a des vacances, les jeunes le savent, ce sont plein de petits jobs, de petits boulots, de petits emplois. On prend les jeunes, on leur donne un travail pour un mois, pour deux mois, pour trois mois. Grâce au CPE, ils vont pouvoir faire leurs preuves. Et si ça marche, on peut le garder davantage. C'est pour ça que nous voulons mettre, encore une fois, ce contrat en place avant les vacances car c'est un contrat pour les jeunes. En plus, ce n'est pas pour se substituer au CDI. C'est en plus. Il faut le mettre vite en oeuvre avec tous les amendements que les uns et les autres auront souhaités de façon à ce qu'un jeune lorsqu'il va vouloir faire un petit boulot d'été, eh bien si ça marche, il pourra rester dans l'entreprise, et ça c'est formidable parce qu'il pourra se créer sa propre dynamique. Il pourra se créer sa propre activité au sein de l'entreprise. Et l'entreprise partage le risque avec l'Etat qui assume, si ça ne marche pas, la formation complémentaire, les droits de licenciement, le droit au chômage et tout ce qui concerne le Locapass et l'ensemble des éléments qui sont autour. Un CPE c'est beaucoup plus qu'un CDI pour un jeune. C'est lui permettre de mettre le pied pour la première fois dans l'entreprise. Ca ne se substitue pas du tout au CDI. C'est en plus.
Q - Je vous écoute avec beaucoup d'intérêt, mais devant les risques de confrontation sociale, est-ce que la seule méthode reste la mystique de la fermeté et de l'intransigeance ?
R - Non c'est le dialogue. C'est la dialectique du dialogue, de la main tendue.
Q - Est-ce que, même si ça semble un peu dépassé à 8 heures 20, je peux vous donner le conseil que donnait au 17ème siècle le jésuite espagnol Balthazar Gracian à son prince : " Certains se font un honneur de leur erreur et parce qu'ils se sont trompés au départ, ils croient de leur constance de continuer. Il ne faut être esclave ni de la promesse inconsidérée, ni de l'entreprise erronée. Il ne faut point persévérer dans l'erreur ". Parce qu'il y a une grande partie du pays qui pense ça.
R - Et moi je vais vous répondre par ce que disait Jean Bodin : "Il n'y a de richesse que d'hommes. Ne les laissez pas sur le bord de la route, faites les entrer, trouver des solutions, inventez ensemble". C'est peut-être parce que je ne suis pas jésuite que je vous réponds comme ça.
Q - [Les jésuites] de temps en temps, il faut les écouter surtout quand ils étaient au 17ème siècle.
R - Vous dites ça à un protestant !
Q - Je ne vous dis pas qui vous le dit non plus. Est-ce que les chefs d'entreprise et le Medef vous aident beaucoup en ce moment ?
R - Les chefs d'entreprise sont les premiers qui vont pouvoir inventer ensemble ces nouveaux emplois pour les jeunes. La CGPME a été formidable parce que c'est eux qui vont en embaucher le plus. Je crois que le Medef vient de comprendre maintenant qu'effectivement il y avait un intérêt, un grand intérêt - ils l'ont dit hier - à utiliser ce contrat.
Q - Donc il met du temps. Est-ce que pour 2007 ce conflit renforce la droite et ses candidats potentiels ?
R - Vous savez, si jamais effectivement nous avons, comme le prévoyons, plus de 200.000 créations d'emploi en 2006, oui je crois que cela renforcera la droite car le vrai combat c'est le combat contre le chômage. Et si on le gagne, je crois qu'on aura réalisé notre mission avec D. de Villepin.
Q - Vous avez reçu le fils de Lashkmi Mittal hier, qui vous a remis ou à votre cabinet le projet industriel Mittal pour l'OPA d'Arcelor. Quelle est votre première impression ?
R - Mon cabinet a effectivement reçu l'entreprise Mittal Steel qui lui a remis, j'allais presque dire enfin, parce qu'on l'attendait depuis un certain temps, le projet industriel. Donc après deux mois. Maintenant, j'ai une équipe qui est en train de l'analyser. On leur a dit que nous allons leur faire part de nos questions. Il y a une analyse assez approfondie qui est faite et on fera part de nos questions. Il y a beaucoup de questions.
Q - Mais c'est vous qui déciderez ?
R - C'est nous qui ferons part de nos questions. Ce n'est pas nous qui décidons. Encore une fois, ce sont les actionnaires qui décident. Par contre, l'Etat en tant que partie prenante non actionnaire doit s'exprimer et je revendique cette expression. Nous le ferons sur un document, nous le ferons de façon professionnelle.
Q - Même chose à propos de Suez/Gaz de France. Les deux patrons se sont expliqués hier devant la Commission de Bruxelles. Aujourd'hui, c'est le patron d'Enel, l'Italien Conti, qui est à Bruxelles. Est-ce que vous encouragez un compromis Suez-Gaz de France-Enel ?
R - Moi je n'encourage rien. J'encourage uniquement que les entreprises fassent leur travail, qu'elles aient les partenariats avec qui elles veulent. Par contre, le premier actionnaire de Gaz de France, l'Etat français, a indiqué qu'il était favorable à ce projet de fusion. Le premier actionnaire de Suez, le groupe Bruxelles-Lambert a fait de même. Et maintenant aux entreprises de bâtir ce projet.
Q - Mais s'il y a trop de contreparties, est-ce que les dépeçages et la reconstruction...
R - Ca c'est le cadre encore une fois de la concurrence, tout le monde le sait. A partir du moment où il y a une fusion, il faut aller s'expliquer devant la Commission. Il y aura effectivement certainement un certain nombre d'actifs à céder mais ça c'est normal.
Q - Il y aurait beaucoup d'autres questions à vous poser, il est tard. On voit bien qu'il se passe décidément beaucoup de choses dans l'économie dans le monde. Il y a ce que vous disiez tout à l'heure sur la consommation. Pouvez-vous confirmer que le Premier ministre aujourd'hui va s'expliquer ? Pas seulement devant les députés et les sénateurs UMP à Matignon, mais qu'il va s'expliquer sur le CPE ?
R - Je vous confirme qu'il est en dialogue permanent et qu'il reçoit tous ceux qui veulent dialoguer avec lui. Et aujourd'hui, c'est mardi, c'est donc le temps de l'Assemblée, c'est le temps du Parlement. Il va recevoir beaucoup de parlementaires.
Q - Et il parlera aux Français ?
R - Il parle beaucoup aux Français donc il parlera aux Français. Mais aujourd'hui, c'est le temps du Parlement.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 22 mars 2006
R - Mon silence ! Depuis des semaines et des semaines, je vais en province deux fois par semaine. Ceux qui sont en province entendent effectivement que, comme tous les membres du Gouvernement, j'explique pourquoi ce contrat "première embauche" n'est pas quelque chose en moins mais quelque chose en plus. Quelque chose en plus que l'on offre aux étudiants. C'est en plus du CDI, c'est en plus du CDD, c'est un contrat qui va permettre aux jeunes de se réinsérer plus vite dans l'entreprise.
Q - Vous leur faites un cadeau quoi ?
R - Je crois qu'on essaie d'inventer quelque chose, avec les chefs d'entreprise, pour que ceux qui ont envie de se battre - ils ont tous envie de se battre -, puissent trouver dans l'entreprise la possibilité de le faire. Vous savez, une entreprise a souvent des emplois disponibles et, dans ces conditions, on fait soit des CDI, soit quand l'emploi n'est pas stable, on fait un CDD. Et les CDD sont des emplois jetables.
Q - Mais le problème c'est qu'ils vous répondent en refusant votre cadeau.
R - Ce n'est pas un cadeau, c'est tout simplement essayer ensemble, après tant d'échecs. Une entreprise est faite pour essayer de trouver des activités. Le jeune quand il arrive, il a son enthousiasme, il a son allant, il a envie d'y aller. Et si l'activité n'existe pas, l'entreprise ne l'embauche pas. Grâce au CPE, il pourra rentrer dans l'entreprise et puis trouver, parce qu'il a de l'énergie, parce qu'il a de l'enthousiasme, parce qu'il a de l'imagination, faire son trou, faire son chemin. Et, à ce moment-là, il pourra rester. Si jamais l'emploi n'existe pas, alors le jeune sera pris en charge par la collectivité avec la formation parallèle.
Q - Vous êtes venu ce matin nous dire que le CPE est maintenu tel qu'il est.
R - Mais attendez ! Il y a eu le temps de la démocratie, le temps de la loi. La loi a été votée. Maintenant, on est dans le temps de l'adaptation et du dialogue. Dans le cadre de l'article 8, cette loi permet à tout le monde de s'exprimer et c'est ce que le Premier ministre fait. Qu'est-ce qu'il fait depuis maintenant des jours et des jours ? Il écoute les uns et les autres dans le cadre de la loi votée, parce que nous sommes en République.
Q - Vous nous obligez à vous poser sans arrêt la question : pourquoi vous n'avez pas fait ces consultations avant la loi ? C'était aussi une phase de démocratie. La consultation prévue par la loi sur la négociation sociale.
R - Le lieu de ceci s'appelle le Parlement. Dans le cadre du Parlement, il y a eu des heures, des centaines d'heures de débat. La loi se fait, on semble l'ignorer dans ce pays, au Parlement. La loi a été votée après des heures et des centaines d'heures de débat.
Q - Personne ne conteste que la loi se fasse au Parlement. Mais avant la loi, on peut discuter.
R - Maintenant, nous en sommes dans le cadre de l'adaptation. Cette loi prévoit dans le cadre de son article 8, la possibilité maintenant d'aménager tout cela. C'est pour ça qu'on consulte les chefs d'entreprise, les patrons de PME, les étudiants, les organisations syndicales et que l'on nous demande de venir pour adapter maintenant dans le cadre de la loi.
Q - Est-ce que je peux vous faire remarquer que vous consultez surtout les chefs d'entreprise qui sont dans l'ensemble favorables au CPE, avec quelques modifications, les étudiants oui mais pas l'UNEF. C'est vrai que l'UNEF n'a pas voulu venir. Mais pas les grands syndicats.
R - La main est tendue à tout le monde car en fait c'est tout le monde qui est concerné. Aujourd'hui, ce sujet concerne tous les Français et nous demandons maintenant à chacun qui se sent concerné de venir dans le cadre de cet article...Tenez, hier par exemple, on a avec le Premier ministre reçu les patrons. J'entends "les grands patrons" : ce n'est pas vrai. Il y avait des patrons de petites entreprises, de très petites entreprises et puis chacun s'est exprimé. Certains ont dit : "nous si on l'utilise c'est formidable, on va l'utiliser comme ça". D'autres ont dit "moi par exemple, je ne licencie jamais quelqu'un..."
Q - Il y en a aucun qui vous a dit "on n'en veut pas ?'
R - Non, jamais. Il y en a aucun qui a dit "je n'en veux pas". Tous ont dit : "voilà comment nous on veut l'utiliser". Nous, encore une fois, on prend tout cela et puis le Premier ministre fera la synthèse.
Q - Tout cela, les journalistes d'Europe 1 l'ont raconté. Justement ils vous ont demandé de raccourcir la durée à un an, de justifier le licenciement. Est-ce que vous êtes prêts à la modifier, à en tenir compte ?
R - Ils n'ont pas demandé, ils ont dit : "Voilà comment nous allons l'appliquer" car derrière, ce sont les branches qui vont l'utiliser, car derrière ce sont les entreprises. Le cadre de la loi leur permet de faire ce qu'ils veulent. Si jamais, ils veulent utiliser le CPE en un an, ils peuvent le faire. Ils nous ont dit voilà comment nous allons le faire. Et nous, on en tire effectivement la façon de progresser...
Q - Quand allez-vous le dire ?
R - Mais on est en train de le finir.
Q - Est-ce que le Premier ministre s'exprime aujourd'hui ?
R - Encore une fois, on regarde maintenant, on écoute tout le monde. On est dans le temps de l'adaptation et puis je voudrais ajouter une chose, on sera ensuite dans le temps du bilan, dans six mois, car il faut trouver les solutions pragmatiques. Regardez pour le CNE, personne ne pensait que ça marcherait. On fait un bilan six mois après, il y a plus de 400.000 contrats qui ont été signés. Plus de 142.000 emplois qui ont été créés l'année dernière, selon l'ACOSS. C'est tombé du ciel ça ? Non, c'est parce que nous avons une démarche pragmatique avec tout le monde sans laisser personne sur le bord de la route.
Q - Mais en même temps, vous dites que si dans six mois ça ne marche pas, vous retirez le CPE ?
R - On discutera, le Premier ministre s'y est engagé. On va discuter, on n'a pas la science infuse, on verra ce qui marche et ce qui marche pas. C'est ça la méthode Villepin.
Q - Les syndicats unis maintiennent leur rythme de manifestations et bientôt de grèves. Est-ce que les effets de cette crise, de ces manifestations à répétition sont préoccupants pour l'économie, pour la croissance ? Et je demande au ministre de l'Economie.
R - Dans une économie tertiarisée effectivement, chaque jour où on ne travaille pas, c'est de la croissance en moins. Il y a des moyens d'expression : on peut s'exprimer en manifestant, on peut s'exprimer dans les médias. Mais c'est vrai que lorsque l'on bloque l'économie, c'est tout le monde qui en pâtit. C'est la croissance qui en pâtit.
Q - Est-ce que les jours de grève seront payés ?
R - Non, ils ne seront pas payés, ça ne change pas évidemment.
Q - Absolument, ça ne change pas. C. Marguerite d'Europe 1 nous disait tout à l'heure que la consommation en février, d'après ce qu'elle sait, a augmenté, qu'il y aurait de bons résultats. Est-ce que vous le confirmez ?
R - C. Margueritte est bien informée parce qu'effectivement, la croissance - [les chiffres vont] sortir dans quelques minutes - la croissance de la consommation est tout à fait exceptionnelle. On va annoncer effectivement un chiffre qui va être de l'ordre de 1,8% au mois de février. Du jamais vu ! Cela veut donc dire qu'on atteint un record historique de consommation au mois de février. Cela veut dire qu'en fait non seulement les Français consomment, mais aussi qu'il y a plus de Français qui consomment. Et vous savez pourquoi il y a plus de Français qui consomment ? Parce qu'en fait nous avons plus de Français aujourd'hui au travail grâce à tout ce qui a été mise en oeuvre. Plus de Français qui travaillent, c'est plus de Français qui consomment donc c'est la croissance qui repart. Et ça c'est un signe extrêmement fort. Souvenez-vous qu'on avait du mal à mesurer les créations d'emploi des entreprises de moins de 10 salariés. Eh bien là, on les voit, on voit qu'effectivement les prévisions aujourd'hui de Bercy, c'est plus 200.000 créations d'emploi au moins en 2006. On y est vraiment.
Q - Dans quels domaines la consommation a t-elle augmenté ?
R - Dans les biens manufacturiers, dans tout ce qui concerne l'habillement. Plus 6,3 dans l'habillement. Cela veut dire que vraiment, c'est un secteur, permettez-moi l'expression, qui explose. Et puis également dans tout ce qui concerne les biens d'équipement du logement où on a plus de 3% de progression. Donc oui les Français consomment mais encore une fois, cela veut dire qu'il y a plus de Français qui sont en capacité de le faire. C'est tout le combat de D. de Villepin et du Gouvernement.
Q - Donc il peut y avoir de bonnes nouvelles.
R - Il y a plus de bonnes nouvelles qu'on ne pense.
Q - La solution au CPE, est-ce qu'elle est possible avant le 28 mars ? La France peut t-elle échapper à ce prochain mardi noir qui se profile ?
R - Encore une fois, nous invitons tout le monde. Il faut maintenant, il y a une urgence. Pourquoi veut-on mettre le CPE très vite en oeuvre ? Parce que les vacances arrivent. Parce que quand il y a des vacances, les jeunes le savent, ce sont plein de petits jobs, de petits boulots, de petits emplois. On prend les jeunes, on leur donne un travail pour un mois, pour deux mois, pour trois mois. Grâce au CPE, ils vont pouvoir faire leurs preuves. Et si ça marche, on peut le garder davantage. C'est pour ça que nous voulons mettre, encore une fois, ce contrat en place avant les vacances car c'est un contrat pour les jeunes. En plus, ce n'est pas pour se substituer au CDI. C'est en plus. Il faut le mettre vite en oeuvre avec tous les amendements que les uns et les autres auront souhaités de façon à ce qu'un jeune lorsqu'il va vouloir faire un petit boulot d'été, eh bien si ça marche, il pourra rester dans l'entreprise, et ça c'est formidable parce qu'il pourra se créer sa propre dynamique. Il pourra se créer sa propre activité au sein de l'entreprise. Et l'entreprise partage le risque avec l'Etat qui assume, si ça ne marche pas, la formation complémentaire, les droits de licenciement, le droit au chômage et tout ce qui concerne le Locapass et l'ensemble des éléments qui sont autour. Un CPE c'est beaucoup plus qu'un CDI pour un jeune. C'est lui permettre de mettre le pied pour la première fois dans l'entreprise. Ca ne se substitue pas du tout au CDI. C'est en plus.
Q - Je vous écoute avec beaucoup d'intérêt, mais devant les risques de confrontation sociale, est-ce que la seule méthode reste la mystique de la fermeté et de l'intransigeance ?
R - Non c'est le dialogue. C'est la dialectique du dialogue, de la main tendue.
Q - Est-ce que, même si ça semble un peu dépassé à 8 heures 20, je peux vous donner le conseil que donnait au 17ème siècle le jésuite espagnol Balthazar Gracian à son prince : " Certains se font un honneur de leur erreur et parce qu'ils se sont trompés au départ, ils croient de leur constance de continuer. Il ne faut être esclave ni de la promesse inconsidérée, ni de l'entreprise erronée. Il ne faut point persévérer dans l'erreur ". Parce qu'il y a une grande partie du pays qui pense ça.
R - Et moi je vais vous répondre par ce que disait Jean Bodin : "Il n'y a de richesse que d'hommes. Ne les laissez pas sur le bord de la route, faites les entrer, trouver des solutions, inventez ensemble". C'est peut-être parce que je ne suis pas jésuite que je vous réponds comme ça.
Q - [Les jésuites] de temps en temps, il faut les écouter surtout quand ils étaient au 17ème siècle.
R - Vous dites ça à un protestant !
Q - Je ne vous dis pas qui vous le dit non plus. Est-ce que les chefs d'entreprise et le Medef vous aident beaucoup en ce moment ?
R - Les chefs d'entreprise sont les premiers qui vont pouvoir inventer ensemble ces nouveaux emplois pour les jeunes. La CGPME a été formidable parce que c'est eux qui vont en embaucher le plus. Je crois que le Medef vient de comprendre maintenant qu'effectivement il y avait un intérêt, un grand intérêt - ils l'ont dit hier - à utiliser ce contrat.
Q - Donc il met du temps. Est-ce que pour 2007 ce conflit renforce la droite et ses candidats potentiels ?
R - Vous savez, si jamais effectivement nous avons, comme le prévoyons, plus de 200.000 créations d'emploi en 2006, oui je crois que cela renforcera la droite car le vrai combat c'est le combat contre le chômage. Et si on le gagne, je crois qu'on aura réalisé notre mission avec D. de Villepin.
Q - Vous avez reçu le fils de Lashkmi Mittal hier, qui vous a remis ou à votre cabinet le projet industriel Mittal pour l'OPA d'Arcelor. Quelle est votre première impression ?
R - Mon cabinet a effectivement reçu l'entreprise Mittal Steel qui lui a remis, j'allais presque dire enfin, parce qu'on l'attendait depuis un certain temps, le projet industriel. Donc après deux mois. Maintenant, j'ai une équipe qui est en train de l'analyser. On leur a dit que nous allons leur faire part de nos questions. Il y a une analyse assez approfondie qui est faite et on fera part de nos questions. Il y a beaucoup de questions.
Q - Mais c'est vous qui déciderez ?
R - C'est nous qui ferons part de nos questions. Ce n'est pas nous qui décidons. Encore une fois, ce sont les actionnaires qui décident. Par contre, l'Etat en tant que partie prenante non actionnaire doit s'exprimer et je revendique cette expression. Nous le ferons sur un document, nous le ferons de façon professionnelle.
Q - Même chose à propos de Suez/Gaz de France. Les deux patrons se sont expliqués hier devant la Commission de Bruxelles. Aujourd'hui, c'est le patron d'Enel, l'Italien Conti, qui est à Bruxelles. Est-ce que vous encouragez un compromis Suez-Gaz de France-Enel ?
R - Moi je n'encourage rien. J'encourage uniquement que les entreprises fassent leur travail, qu'elles aient les partenariats avec qui elles veulent. Par contre, le premier actionnaire de Gaz de France, l'Etat français, a indiqué qu'il était favorable à ce projet de fusion. Le premier actionnaire de Suez, le groupe Bruxelles-Lambert a fait de même. Et maintenant aux entreprises de bâtir ce projet.
Q - Mais s'il y a trop de contreparties, est-ce que les dépeçages et la reconstruction...
R - Ca c'est le cadre encore une fois de la concurrence, tout le monde le sait. A partir du moment où il y a une fusion, il faut aller s'expliquer devant la Commission. Il y aura effectivement certainement un certain nombre d'actifs à céder mais ça c'est normal.
Q - Il y aurait beaucoup d'autres questions à vous poser, il est tard. On voit bien qu'il se passe décidément beaucoup de choses dans l'économie dans le monde. Il y a ce que vous disiez tout à l'heure sur la consommation. Pouvez-vous confirmer que le Premier ministre aujourd'hui va s'expliquer ? Pas seulement devant les députés et les sénateurs UMP à Matignon, mais qu'il va s'expliquer sur le CPE ?
R - Je vous confirme qu'il est en dialogue permanent et qu'il reçoit tous ceux qui veulent dialoguer avec lui. Et aujourd'hui, c'est mardi, c'est donc le temps de l'Assemblée, c'est le temps du Parlement. Il va recevoir beaucoup de parlementaires.
Q - Et il parlera aux Français ?
R - Il parle beaucoup aux Français donc il parlera aux Français. Mais aujourd'hui, c'est le temps du Parlement.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 22 mars 2006