Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Avec JF. Copé, F. Loos et C. Lagarde, nous vous remercions de nous avoir rejoints ce matin pour notre 5e rendez vous trimestriel. Alors que l'actualité du moment traduit des blocages malheureusement trop fréquents de notre pays (débat économique insuffisant, gestion de l'adaptation difficile), c'est le côté pile de la France, je suis heureux de pouvoir mettre en avant ce matin le côté face, la France qui réussit à rebondir économiquement et qui respecte ses engagements. J'ai souhaité modifier le format de ces rencontres pour faire une brève intervention et laisser ainsi le maximum de places à vos questions.
A. FINANCES PUBLIQUES
A.1 - Exécution 2005
L'Insee l'a notifié à la Commission ce matin : la France n'est plus en situation de déficit excessif et notre déficit public, à 2,9 % ( -2,87 % exactement !), est rentré dans le rang européen en 2005 ! C'était l'engagement que j'avais pris devant les Françaises et les Français il y a un an en présentant mes objectifs de finances publiques. Cet engagement est tenu sans aucune ambiguïté, malgré les pronostics parfois négatifs et souvent dubitatifs que j'ai pu entendre ici ou là.
Je peux vous le dire aujourd'hui : la partie n'était pas gagnée d'avance. Avec un budget hérité de mon prédécesseur sur une croissance escomptée à 2,5 %, 2005 aura connu une activité qui aura finalement été plus faible d'un point, des dépenses de santé qu'il a fallu contenir malgré leur dynamisme spontané et une exécution budgétaire de l'État qu'il a fallu gérer avec précision. Mes services m'annonçaient en effet encore à l'été une dérive importante (3,4 % du PIB anticipé). Mais, comme je l'ai dit aux parlementaires cet automne, mon rôle de ministre des Finances, c'est avec le ministre délégué au Budget, JF. Copé, d'exécuter le budget comme il a été voté et de garantir, quoi qu'il arrive, le niveau déficit fixé. Ce résultat, il tient aux mesures qui ont été prises dès l'été : les gels puis les annulations de crédits, la bonne gestion de la trésorerie de l'État et une adaptation de l'acompte d'IS pour rééquilibrer ses effets de trésorerie etc.
Fondamentalement, cette excellente nouvelle sur le front des finances publiques envoie avant tout 2 messages à nos compatriotes :
- d'abord, la France revient après plusieurs années dans les clous du Traité de Maastricht comme elle s'y était engagée ;
- ensuite, plus crucial encore à mes yeux, cela montre que nous faisons ce que nous disons !
J'ai pris deux engagements : premièrement, pour 2005 tenir les 3 % de déficit ; deuxièmement, pour 2006 stabiliser pour la première fois depuis de nombreuses année le ratio « dette sur PIB » par rapport à l'année précédente.
Le 1er engagement est donc tenu ! C'est la clé du retour de la confiance, elle-même moteur de la croissance.
A.2 - Dette, désendettement et budget 2006
Concernant mon 2e engagement, je confirme que cet objectif pourra être atteint et j'espère même pouvoir engager une réduction du ratio dette sur PIB dès 2006 par rapport à 2005. Pour cela, il nous faut consolider la position de nos comptes publics en dessous des 3 %. Je me fixe donc pour cette année un nouvel objectif de déficit de 2,8 %, soit un progrès supplémentaire par rapport aux 2,9 % qui était notre objectif du PLF 2006. Ceci tient compte de l'amélioration obtenue sur 2005 dans la culture de progrès dans laquelle nous sommes engagés.
A.3 - Budget 2007 et suites de la Conférence nationale des Finances publiques
Au-delà de 2006, le Premier ministre a fixé des objectifs ambitieux à l'occasion de la conférence nationale des Finances publiques réunie à Bercy en janvier : revenir à l'équilibre des comptes publics et sous 60 % du PIB de dette d'ici 2010.
- d'abord, le budget de l'État sera construit en 2007 sur une base « -1 volume », c'est-à-dire que les dépenses de l'État progresseront 1 % moins vite que l'inflation. À cet effet, les discussions budgétaires ont commencé avec Jean-François COPÉ et l'ensemble de nos collègues ministres.
Pour sa part, Bercy s'engagera, dans le cadre des contrats de performance de ses grandes directions, à accentuer ses gains de productivité pour stabiliser son budget en euros courants dès 2007 (« 0 valeur »). Par ailleurs, les réductions d'effectifs à Bercy s'amplifieront : nous ferons mieux qu'en 2006 où 1 départ en retraite sur deux n'avaient pas été remplacé. Non pas par idéologie, mais parce que nous nous sommes mis en mesure de réaliser des gains de productivité massifs. Nous nous réorganisons (guichet fiscal unique), nous investissons dans les nouvelles technologies (déclaration d'impôt sur internet, télérèglements, ...), nous simplifions les formalités administratives (déclaration d'impôt préremplie). Nous sommes - et c'est une fierté pour tout Bercy - en pointe sur la réforme de l'État. Cet effort se traduira aussi par de très fortes avancées sociales parce que les réformes doivent payer pour nos agents. Je m'y suis engagé devant les syndicats du ministère dans le cadre de notre dialogue social ; c'est une priorité pour moi. Nous améliorons les carrières ; nous donnons des garanties sociales nouvelles ; nous intéressons directement les agents à leurs résultats. Pour la 1re fois cette année, 170 000 agents de Bercy toucheront sans doute sur leur paye d'avril ou de mai une prime d'intéressement de 120 euros sur la base des résultats de leur direction actuellement en cours de certification par l'IGF ;
- ensuite et surtout, la Conférence nationale des Finances publiques a été le point de départ d'une démarche très active pour identifier les voies et moyens qui permettront de mettre l'ensemble de nos finances publiques sur la trajectoire de désendettement annoncée par le Premier ministre à la suite de la remise du rapport Pébereau. Je suis en mesure de vous annoncer ce matin que le décret instituant la conférence annuelle des Finances publiques et le Conseil d'orientation des Finances publiques sera publié la semaine prochaine au Journal Officiel. Le Conseil d'orientation, est, je vous le rappelle, l'instance permanente de travail de la conférence des Finances publiques voulue par le Président de la République et annoncée par le Premier ministre en janvier dernier. Il proposera des mesures concrètes pour que, dès 2007, la dépense locale s'oriente progressivement vers le « 0 volume » et la dépense sociale vers le « +1 volume ».
B. CONJONCTURE / TABLEAU DE BORD / « RADAR »
J'en viens maintenant à la situation de notre économie.
B.1 - Où en sommes-nous aujourd'hui ?
L'économie française est aujourd'hui sortie de la succession de chocs qu'elle a connus depuis 2001 : la crise internationale de 2001-2002, le choc pétrolier progressif qu'a représenté le doublement du prix du brut de début 2004 à fin 2005 et son triplement depuis fin 2002, mais également - et je pense là plus particulièrement aux centaines de milliers de PME - le difficile ajustement aux 35 heures imposées qui a coûté si cher à notre économie.
Tout cela est derrière nous, et notre économie est aujourd'hui solidement en régime de croissance. J'en veux d'abord pour preuves la comparaison point par point de notre situation par rapport à celle d'il y a un an. J'ai demandé qu'on représente en un seul coup d'oeil cette évolution sous la forme de ce qu'on peut appeler le « radar » de l'économie française. Il se lit de façon simple ; mieux se portent les tendances de notre économie, plus le graphe est en expansion :
- concernant l'activité d'abord : l'Insee vient de réviser ses chiffres de croissance du 4e trimestre : la croissance s'est finalement élevée à + 0,4 % au 4e trimestre (contre + 0,2 % en première estimation). C'est une excellente nouvelle ! Au total, la croissance s'est donc bien installée dès le second semestre 2005 sur un rythme annualisé entre 2 et 2,5 %. C'est exactement ce que je vous avais annoncé depuis plusieurs mois et ce que l'Insee vient donc de confirmer ce matin. Mais, ce qui est sans doute plus important encore, c'est que la reprise de cette croissance est enfin équilibrée : c'est précisément ce que montre le radar en s'élargissant selon toutes ses dimensions par rapport à l'année dernière. La consommation reste très solide, les entreprises recommencent à investir et surtout les exportations rebondissent : elles ont progressé sur un rythme annualisé de près de 8 % en 2nde partie de 2005. Bien sûr nos exportations pourraient tirer encore plus notre croissance et beaucoup reste donc à faire dans ce domaine, auprès des PME notamment, comme le montre la comparaison avec l'Allemagne par exemple. Notre performance économique globale est aujourd'hui meilleure que celle de l'Allemagne, sauf sur les exportations. Comme vous le savez, la contrepartie, c'est une demande intérieure allemande atone : c'est ce que montre la forme aplatie du radar allemand par rapport à un radar français plus ouvert - c'est-à-dire des performances plus équilibrées.
- ensuite, l'emploi et le pouvoir d'achat , puisqu'en réalité c'est cela qui compte pour nos compatriotes : là encore, beaucoup reste à faire, mais force est de constater que la France va mieux qu'il y a un an. Le taux de chômage a baissé de 10,0 % à 9,6 %, le nombre de demandeurs d'emploi a diminué de 130 000, les créations d'emploi ont triplé dans le privé par rapport à 2004, la progression du salaire de base dans le privé est la plus forte depuis 13 ans, les gains de pouvoir d'achat de l'ensemble des revenus des ménages accélèrent par rapport à 2004 (+ 1,8 % contre + 1,6 %) ! Là encore tout ceci se lit sur le radar sur les branches emploi et pouvoir d'achat, sur lesquelles nous progressons progressivement vers l'extérieur. Vous me permettrez de vous présenter le radar France-Royaume-Uni, que je trouve très instructif. On constate qu'en réalité la France et le Royaume-Uni ont aujourd'hui des performances économiques et financières assez comparables : la croissance et la consommation notamment (même si le Royaume-Uni est en phase de ralentissement et nous en phase d'accélération), même si leur déficit public qui dépasse le notre est en dégradation. La principale différence, c'est la situation de l'emploi, avec un taux de chômage à 9,6 % en France contre 5,0 % au Royaume-Uni. Quand on cherche la différence, on tombe évidemment sur la flexibilité du marché du travail qui n'est sans doute pas étrangère à cet écart.
B.2 - Où serons-nous dans un an ?
Tout laisse penser aujourd'hui que la croissance s'est encore consolidée au 1er trimestre. J'attends au moins + 0,6 % de croissance.
- en matière d'emploi et de pouvoir d'achat : je partage le diagnostic de la Note de conjoncture de l'Insee d'une poursuite de la baisse du chômage (l'Insee table sur 9,2 % en juin) que je vois perdurer sur l'année qui vient : au rythme actuel le chômage devrait passer sous la barre des 9 % avant la fin de l'année et approcher 8,7 % - 8,8 % en avril prochain. Cette évolution très favorable, elle vient de la croissance bien sûr mais aussi des effets des mesures pour l'emploi du Gouvernement de Dominique de Villepin et notamment du CNE et du Plan de cohésion sociale. J'attends ainsi, comme la plupart des économistes d'ailleurs, environ 200 000 créations d'emploi au total pour 2006. Les gains de pouvoir d'achat également devraient se poursuivre et dépasser 2 % cette année : cela représente environ 500 euros supplémentaire par ménage en moyenne !
Au total, vous le voyez tous les signaux convergent : nous sommes mieux positionnés aujourd'hui qu'il y a un an et tout porte à penser que notre économie va continuer à monter en charge sur l'année qui vient. Je suis très confiant dans la capacité de notre économie à s'inscrire cette année dans la fourchette de croissance annoncée, entre + 2 % et + 2,5 %.
C. POLITIQUE ÉCONOMIQUE
Permettez-moi d'évoquer ici rapidement quelques têtes de chapitre des sujets sur lesquels nous travaillons particulièrement activement et sur lesquels j'aurai l'occasion de revenir plus précisément dans les mois qui viennent :
- Commission LEVY-JOUYET sur l'immatériel : vous le savez, j'ai installé cette Commission lundi. J'examinerai attentivement ses premières conclusions rendues en juin et prendrai toute disposition juridique ou fiscale utiles à faire progresser notre pays sur ce sujet stratégique.
- De nombreuses mesures législatives sont envisagées dans différents textes entre le printemps et la fin de l'année dans plusieurs domaines :
* croissance des PME : nous avons augmenté dans des proportions spectaculaires le nombre de créations d'entreprises ; nous allons nous concentrer sur le développement des PME. Nous sommes en train de mettre en place un mécanisme d'investissement en fonds propres pour 2 Md d'euros qui devra être opérationnel à l'été. Je souhaite prolonger cet effort en adaptant les relations entre l'État et les PME, en particulier sur les délais de paiement et en améliorant l'accès des PME aux financements et aux marchés publics ;
* secteur financier, diverses mesures pour améliorer l'accès des Français au crédit bancaire et aux produits d'épargne ;
* un volet pour les consommateurs : pour donner aux consommateurs les outils de leurs choix dans des marchés plus transparents et améliorer leur protection dans plusieurs domaines essentiels : lutte contre les pratiques commerciales déloyales et les clauses abusives, nouvelles garanties en matière de téléphonie suite aux tables rondes animées par F. Loos, notamment les délais de résiliation et la gratuité des temps d'attente dans les services d'assistance, nouvelles dispositions protectrices dans le secteur de l'immobilier...
* un volet « énergie » : afin de proposer notamment au Parlement les conditions nécessaires à la fusion Suez-Gaz de France à l'issue de la très importante concertation que j'ai engagée dès le lendemain de l'annonce de ce projet.
- Extension de l'hypothèque rechargeable : Je souhaite permettre aux Français qui sont actuellement en phase de remboursement de leur logement à convertir en hypothèque rechargeable leur crédit immobilier, qui est aujourd'hui le plus souvent un crédit garanti par une hypothèque légale, techniquement connue sous l'appellation « privilège du prêteur de deniers ». Je rappelle que l'encours des crédits immobiliers hypothécaires est de l'ordre de 250 Md d'euros. Quelles sont mes attentes dans cette réforme ?
* D'abord permettre aux ménages de pouvoir bénéficier de crédits moins chers. Le taux moyen des crédits à la consommation est de l'ordre de 6,2 % alors que celui des crédits hypothécaires est de 3,5 %.
* Ensuite pouvoir consommer davantage. Selon mes services, deux tiers des ménages ayant des crédits pour leur logement n'empruntent pas au titre du crédit consommation : je veux le leur permettre.
- La loi sur la participation et l'actionnariat salarié, vous connaissez ce projet de loi qui est essentiel pour pour consolider notre modèle économique et social français, à la fois en associant les salariés à la bonne marche des entreprises et pour contribuer à stabiliser leur actionnariat de long terme. Elle permettra l'attribution d'actions gratuites bénéficiant à tous les salariés, dans le cadre du PEE. Mes collaborateurs font actuellement la synthèse des remarques et des propositions que les différentes parties prenantes à ce débat émettent. Ainsi, en concertation avec G. Larcher, je serai en mesure de finaliser un projet de loi qui devrait pouvoir être présenté au Parlement avant l'été ;
- Enfin, et je terminerai sur ce sujet qui me tient particulièrement à coeur vous le savez et qui je crois prend en ce moment une acuité particulière : développer la pédagogie de l'économie.
Le constat, il est partagé par tout le monde : une inculture économique importante dans notre pays mais en même temps une énorme soif de comprendre le monde qui vient parmi nos concitoyens. Bercy, avec d'autres, le ministère de l'Éducation bien sûr, les médias écrits et télévisés, les initiatives privées comme celle de l'Institut de l'entreprise, se doit d'avoir une contribution à la hauteur de son rôle dans la gestion de l'économie. Je souhaite que Bercy fasse de cette réalité une de ses tâches permanentes à part entière. Il ne s'agit pas d'expliquer la politique économique du gouvernement ; il s'agit de favoriser la compréhension de l'économie tout court. Ce seront des clés pour mieux comprendre les adaptations nécessaires à notre monde. À cet effet, j'ai mis en place une mission chargée de me proposer les axes d'une action durable de Bercy intitulée « Mieux faire comprendre l'économie ». J'aurai l'occasion très prochainement de constituer un Conseil d'orientation pour la pédagogie économique que je vais mettre en place à mes côtés sur ce sujet et je vous présenterai également les résultats de plusieurs sondages menés ces dernières semaines auprès des Françaises et des Français sur leur compréhension exacte des mécanismes économiques et leurs attentes dans ce domaine ainsi que les premières initiatives concrètes.
Je vous remercie. Je serai très heureux de répondre maintenant à vos questions.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 31 mars 2006