Texte intégral
Monsieur le Président (Emmanuel DURET),
Monsieur le Directeur Général (Yves-Jean DUPUIS)
Mesdames, Messieurs,
Depuis sa fondation, en 1936, la fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif s'est fait votre porte-parole. Vous êtes devenus depuis longtemps des interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics. Je suis heureux de pouvoir rendre hommage aujourd'hui à votre engagement, heureux de saluer tous ceux qui, dans vos établissements et vos services, se dévouent auprès des personnes âgées ou handicapées.
Le secteur privé à but non lucratif assure 70 % des prises en charge à domicile. Ses structures accueillent également 30 % des personnes âgées et 70 % des personnes handicapées hébergées en établissements. C'est dire votre rôle dans les champs sanitaire, social et médico-social.
Acteur majeur de la prise en charge à domicile ou en établissement, vous êtes aussi une force de proposition. Je peux le constater chaque semaine sur le terrain.
Ces trois jours de congrès vont vous permettre - et vous ont déjà permis depuis hier - de faire des propositions pour l'avenir en tentant de répondre aux défis qui nous sont lancés : combler notre retard en équipement, c'est-à-dire en nombre de places, moderniser et humaniser les conditions d'hébergement en établissement, diversifier les services offerts aux personnes âgées ou handicapées pour mieux répondre aux besoins de chaque personne, mieux répondre en particulier à l'aspiration profonde à une vie autonome qui ne soit synonyme ni d'insécurité ni d'isolement, renforcer les moyens humains mobilisés auprès de chaque personne.
Cette ambition est aussi la mienne.
Je souhaite aujourd'hui non seulement revenir sur un certain nombre de décisions prises depuis un an, mais aussi tracer les grandes lignes de ce que sera notre stratégie pour les années à venir.
I. Nous avons déjà fait de grands progrès au cours des années récentes.
A. Ces progrès, ce sont d'abord des moyens nouveaux.
1. J'ai souhaité que nous accélérions notre effort pour médicaliser les établissements pour personnes âgées.
Nous sommes en présence d'une véritable lame de fond de la dépendance qui implique une révolution pour nos établissements. Cette révolution est en cours, mais elle est loin d'être achevée.
Les conventions tripartites nous permettent depuis 2001 de dégager plus de moyens pour médicaliser nos maisons de retraite. Près de 4.500 ont été signées en 4 années dont environ 1.000 en 2005, la loi de financement de la sécurité sociale nous permettant d'en signer plus de 1.400 en 2006. Aujourd'hui, les conventions tripartites couvrent à peu près 66 % des personnes âgées accueillies en établissement et environ 65 % des établissements eux-mêmes. A la fin de l'année ce sera respectivement 80 % et 85 %.
En 2006, grâce à la journée de solidarité et au redressement des comptes de l'assurance maladie, les crédits médico-sociaux accordés aux établissements pour personnes âgées et pour personnes handicapées augmentent respectivement de 13,5 % et de 6 %. C'est un effort sans précédent, même si nous avons tous conscience qu'il devra être poursuivi pendant plusieurs années encore pour apporter une réponse pleinement satisfaisante aux besoins croissants de nos compatriotes les plus lourdement dépendants.
La démographie de la dépendance est galopante. Elle donne la mesure des défis auxquels nous sommes confrontés. Grâce à l'effort des Français, tant pour la journée de solidarité que par un comportement de plus en plus responsable vis à vis de la sécurité sociale, nous nous donnons les moyens d'y faire face - ce qui ne signifie pas bien sûr que toutes les difficultés peuvent être résolues du jour au lendemain.
Il y avait 12,5 millions de personnes de 60 ans et plus dans notre pays en 2000 : elles seront sans doute 17 millions en 2020 (soit + 40 % en 20 ans) et près de 21,5 millions en 2040 (ce qui représentera près du tiers de la population totale). Et il y aura 4 millions de personnes de 80 ans et plus en 2020 : elles seront 7 millions en 2040, soit 3 fois plus qu'en 2000!
Or, la prévalence de la dépendance augmente de manière très forte avec l'âge, surtout à partir de 75/80 ans : entre 60 et 69 ans, seulement 2 % des personnes sont dépendantes, contre 10 % des personnes de 80 ans, 18 % de celles de 85 ans et 30 % de celles âgées de 90 ans.
Sur les 12,5 millions de personnes âgées de 60 ans ou plus, 800 000 à 950 000, soit une fourchette de 6,6 % à 7,85 %, feraient l'objet d'une perte d'autonomie moyenne ou sévère. C'est à l'évidence beaucoup, même si je tiens à souligner qu'il n'y a pas de malédiction du grand âge : contrairement aux idées reçues, les personnes âgées très dépendantes restent heureusement minoritaires dans toutes les classes d'âge et le seront de plus en plus si nous savons organiser une prévention efficace, c'est possible et j'y reviendrai dans un instant.
2. Pour mettre aux normes un plus grand nombre d'établissements, lutter contre la vétusté, humaniser les conditions d'accueil, améliorer les conditions de travail du personnel, renforcer la sécurité et aussi favoriser le conventionnement, j'ai lancé en 2006 un grand plan d'investissement.
Au total, 500 millions d'euros seront investis cette année pour l'humanisation et la modernisation des établissements, dont 150 millions pour les établissements accueillant des personnes handicapées. Au cours des 5 années précédentes, seuls 50 millions avaient pu être consacrés à cette priorité. On fait cette année 10 fois plus qu'au cours des 5 années précédentes.
Cet effort a, lui aussi, été rendu possible par la journée de solidarité, en faisant appel aux crédits de la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie restés disponibles à la fin de l'année 2005. Les Directions régionales des affaires sanitaires et sociales rassemblent et transmettent en ce moment même les projets déposés.
La liste des investissements retenus sera arrêtée avant la fin du mois de juin.
3. J'ai aussi souhaité que chaque établissement soit fiscalement considéré comme le domicile de la personne âgée ou handicapée.
Je suis particulièrement attaché à ce point. L'établissement est la continuité du domicile. Il était normal que la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux travaux de rénovation ou d'aménagement soit la même que pour un domicile privé.
Le Gouvernement a décidé que la TVA applicable pour ces travaux serait de 5,5 % en établissement médicalisé au lieu de 19,6 % comme pour les hôpitaux, et cela à compter du mois d'avril 2006.
La conséquence est claire : des emprunts moins importants, des remboursements plus légers et surtout, en fin de compte, la possibilité de faire des travaux jusque là inabordables sans faire exploser le prix de journée.
B. Ces progrès, c'est un effort tout aussi important pour le fonctionnement des établissements.
1. Je pense bien sûr aux créations de places.
En 2006, nous avons poursuivi un rythme soutenu de créations grâce aux efforts conjugués de l'Assurance maladie, de la Caisse Nationale de Solidarité pour l'autonomie et de l'Etat :
5.000 places supplémentaires en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, ce qui portera le total de créations à 20 000 entre 2004 et 2007,
4.250 places en services de soins infirmiers et d'aide à domicile,
2.125 places d'accueil de jour
et 1.125 places d'hébergement temporaire sont financées cette année.
2. Je pense aussi à l'amélioration de la gestion de notre système.
Je m'étais engagé à ce que les établissements puissent connaître beaucoup plus tôt les budgets qui leur sont alloués. C'est aujourd'hui chose faite. Les budgets sont à présent notifiés aux établissements avant le 30 avril. Cela signifie que les gestionnaires ont plus de visibilité pour agir, pour embaucher, pour planifier leurs dépenses.
Il fallait également que les établissements puissent mieux prévoir leurs dépenses. Ces prévisions ont été rendues possibles grâce à l'anticipation, dès le mois de novembre, de la campagne budgétaire de l'année suivante.
3. Enfin, j'ai voulu résoudre les difficultés structurelles que rencontraient certains établissements et sur lesquels la FEHAP avait alerté les pouvoirs publics.
* J'ai lancé un plan pour le rebasage des crédits.
* Ce rebasage représente de fait :
16 millions d'euros supplémentaires pour les établissements et services d'aide par le travail,
10 millions d'euros pour les établissements accueillant des personnes âgées
et 21,5 millions d'euros pour les établissements accueillant des personnes handicapées.
II - Il faut maintenant définir les stratégies de l'avenir pour la prise en charge de personnes âgées et handicapées.
A. L'avenir de notre système réside dans une prise en charge globale de la dépendance, au-delà des cloisonnements administratifs
1. Pour mieux prendre en charge globalement la personne dépendante, il faut d'abord accentuer notre effort sur la prévention et la recherche.
La prévention parce qu'elle est efficace à tous les âges, les études le montrent.
Prévenir la dépendance, c'est lutter contre l'inactivité des seniors, la sédentarité. Ainsi dans certaines communes sont développées des activités multigénérationnelles.
C'est promouvoir une bonne hygiène alimentaire pour éviter les carences. C'est le cas des interventions de diététiciens pour l'information des personnes âgées et au-delà des familles (enfants, parents).
C'est favoriser la pratique d'activités physiques adaptées, comme la marche à pied ou la gymnastique.
C'est parfois aussi prescrire des traitements préventifs. Ce sont notamment les campagnes de prévention contre l'hypertension artérielle ou les facteurs des risques vasculaires et la lutte contre l'ostéoporose.
J'ai mis en place un groupe de travail chargé de faire des propositions pour qu'une visite de prévention puisse être systématiquement proposée aux personnes âgées qui le souhaitent. Un protocole devra être défini pour que cette visite de prévention incite la personne âgée à adopter les modes de vie, les activités et les comportements qui favoriseront le maintien de son autonomie. Il s'agit aussi d'assurer le dépistage précoce des pathologies, notamment la maladie d'Alzheimer dont le diagnostic trop tardif diminue aujourd'hui les chances d'un traitement efficace.
La recherche, également essentielle pour prévenir et traiter les maladies du grand âge.
Les maladies neuro-dégénératives sont l'un des facteurs principaux de la dépendance. Si nous les connaissons mieux, nous saurons mieux les prévenir. Nous saurons mieux retarder leur apparition et leur développement. Nous saurons mieux les soigner.
La maladie d'Alzheimer est l'un des principaux enjeux sanitaires de demain. Aujourd'hui, 850.000 patients sont atteints par cette maladie ou par une maladie apparentée, c'est-à-dire autant que le cancer, ne l'oublions jamais ! Et à l'avenir, les prévisions montrent que plus de 200.000 nouveaux cas seront diagnostiqués chaque année.
Je souhaite que notre pays soit à la pointe de la recherche internationale dans ce domaine. A la pointe de la recherche fondamentale bien sûr. A la pointe de la recherche clinique, également, et de la recherche épidémiologique.
Cela suppose que les appels d'offre de l'ANR et les PHRC prennent mieux en compte les maladie du grand âge. Nous y travaillons avec Xavier BERTRAND et François GOULARD.
Nous devons parallèlement développer la gériatrie universitaire, en commençant dès maintenant. Car il faut dix ans pour former un gériatre. Dès cette année, nous avons, avec François GOULARD, créé trois nouveaux postes dans cette discipline pour l'année 2006, ce qui constitue une véritable accélération et une reconnaissance indispensable pour cette spécialité.
Trois professeurs des universités, un professeur associé et deux maîtres de conférence seront ainsi nommés en 2006.
2. Développer une culture de la qualité va de pair avec le renforcement de l'évaluation.
Le comité national d'évaluation sociale et médico-sociale a commencé ses travaux. Je souhaite que son rôle puisse être renforcé. Le calendrier d'évaluation interne et externe d'évaluation des établissements doit aussi être maintenu.
Enfin, il nous faut redonner au volet « qualité » une véritable force, notamment à l'occasion du renouvellement des conventions tripartites. Il s'agit d'assurer le suivi de l'application de ce volet et de mesurer les résultats.
B. J'en viens au deuxième axe capital pour dessiner l'avenir de notre dispositif de prise en charge : je veux parler bien sûr de l'emploi.
La bataille pour l'emploi est la priorité du Gouvernement de Dominique de Villepin. C'est aussi la priorité du secteur médico-social parce que nous devons continuer d'améliorer les conditions de prise en charge de nos personnes âgées.
Pour médicaliser nos maisons de retraite, nous avons déjà recruté nombre de professionnels.
Concrètement, chaque convention s'est traduite, en moyenne, par un renfort de 8 agents par établissement.
Au total, grâce aux conventions tripartites, ce sont :
5.700 emplois d'infirmiers diplômés d'État et 21.000 emplois d'aides-soignants et d'aides médico-psychologiques qui ont été créés au cours des 5 dernières années.
Le secteur social et médico-social sera encore plus dynamique dans les années à venir.
Si nous voulons affronter avec sérénité le défi de la longévité, nous devrons recruter 400.000 professionnels dans les dix ans à venir.
Cela représente 200.000 emplois nouveaux pour répondre à l'accroissement du nombre de personnes âgées d'ici 2015. Cela représente aussi 200.000 emplois pour remplacer les départs en retraite. Ce sont autant d'emplois non délocalisables et professionnalisants. Ce sont autant d'emplois qui offrent de bonnes perspectives d'évolution de carrière. Ce sont autant d'emplois d'une formidable richesse humaine.
Pour recruter toutes celles et tous ceux dont ont besoin les personnes âgées et handicapées, nous devons tout mettre en oeuvre. C'est ce que nous faisons !
Nous modernisons les diplômes d'accès.
Nous offrons des passerelles entre les secteurs et les lieux d'activité. C'est le cas du diplôme d'auxiliaire de vie sociale, pour lequel les passerelles avec les métiers d'aide-soignant ou d'aide médico-psychologique ont été renforcées.
Nous valorisons davantage les savoirs tirés de la pratique professionnelle au titre de la validation des acquis de l'expérience. Ainsi en est-il depuis le 8 mars dernier du diplôme d'aide médico-psychologique ouvert à la validation des acquis de l'expérience.
Nous renforçons les places offertes dans les écoles et les filières. C'est ainsi que le nombre des places offertes dans la formation d'aides soignants est passé de 13.000 à 20.000 depuis deux ans.
Je pourrais aussi citer les accords passés avec les conseils généraux - 17 actuellement - pour la formation des aides à domicile, depuis la circulaire du 17 février 2006.
Enfin, nous faisons connaître aux jeunes et aux demandeurs d'emploi la variété de ces professions et les opportunités qu'elles présentent. La deuxième campagne des métiers du grand âge, qui s'est déroulée le mois dernier, a montré que nous devons continuer à faire découvrir ces professions.
C. Enfin, j'en arrive au dernier point de cette stratégie : comment mieux respecter les choix de vie.
En juin dernier, le Commissariat au Plan m'a soumis cinq scénarios possibles pour la prise en charge des personnes dépendantes à l'horizon des vingt prochaines années.
J'ai souhaité que le Plan concentre ses recherches sur le scénario que les Français privilégient : le scénario du libre choix.
1. Ce scénario du libre choix implique d'accentuer notre effort de médicalisation des établissements : les personnes qui sont accueillies en établissement aujourd'hui sont déjà en moyenne plus âgées et plus dépendantes qu'il y a seulement cinq ans. De nouveaux besoins apparaissent, qui nous imposent d'évoluer au même rythme que la dépendance des personnes accueillies.
Le renouvellement des conventions tripartites est une occasion que nous devons mettre à profit pour renforcer la médicalisation. Un effort devra être fait également pour les établissements qui accueillent les personnes les plus sévèrement dépendantes.
2. Ce scénario du libre choix, c'est aussi de permettre à chacun de rester chez soi s'il le souhaite.
Cela passe bien sûr par le développement de toutes les formes d'aide à domicile.
Je pense aux services de soins infirmiers et d'aides à domicile.
Je pense à l'hospitalisation à domicile qui doit être plus sollicitée.
Je pense aux aides ménagères dont nous devons diversifier les services.
Et je pense aussi aux multiples formes possibles d'aides aux aidants familiaux qui feront l'objet des travaux de la conférence de la famille de cette année.
3. Laisser libre la personne dépendante de choisir ses conditions de vie, c'est aussi imaginer d'autres types de prises en charge qui vont plus loin que la simple alternative : rester chez soi ou bien être accueilli dans un établissement.
Nous devons imaginer la maison de retraite de demain : un espace plus ouvert sur l'extérieur inséré dans un réseau de soins; un lieu qui soit pleinement la continuité du domicile et assure la continuité des soins, des aides que la personne âgée a pu recevoir chez elle.
Nous devons ouvrir tout l'éventail des possibles en matière de prise en charge des personnes âgées.
- Imaginer des plates-formes de soins comme au Québec.
- Développer davantage encore l'accueil temporaire et l'accueil de jour.
- Inventer des accueils d'urgence, des formules nouvelles d'accueil pour permettre aux aidants familiaux de souffler lorsque la prise en charge d'un être cher se fait trop lourde.
Ces objectifs seront développés et précisés au cours des prochaines semaines, mais je souhaitais vous donner, dès aujourd'hui, les principaux axes de ma réflexion :
Parce que vous êtes les premiers concernés par ce plan.
Et parce que vous êtes ceux qui assumez jour après jour la mission d'accueillir, d'aider et de soigner les personnes vulnérables que sont nos personnes handicapées et nos personnes âgées.
Si nous faisons de la recherche, de la prévention et de l'emploi les priorités de notre action, nous serons en mesure, j'en suis sûr, de faire face au défi de la longévité. Et si nous donnons les moyens aux personnes âgées et à leur famille de choisir le cadre dans lequel elles souhaitent vivre, nous aurons aussi réussi à bâtir un réseau de prise en charge solidaire et juste.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie.
source http://www.personnes-agees.gouv.fr, le 25 avril 2006
Monsieur le Directeur Général (Yves-Jean DUPUIS)
Mesdames, Messieurs,
Depuis sa fondation, en 1936, la fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif s'est fait votre porte-parole. Vous êtes devenus depuis longtemps des interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics. Je suis heureux de pouvoir rendre hommage aujourd'hui à votre engagement, heureux de saluer tous ceux qui, dans vos établissements et vos services, se dévouent auprès des personnes âgées ou handicapées.
Le secteur privé à but non lucratif assure 70 % des prises en charge à domicile. Ses structures accueillent également 30 % des personnes âgées et 70 % des personnes handicapées hébergées en établissements. C'est dire votre rôle dans les champs sanitaire, social et médico-social.
Acteur majeur de la prise en charge à domicile ou en établissement, vous êtes aussi une force de proposition. Je peux le constater chaque semaine sur le terrain.
Ces trois jours de congrès vont vous permettre - et vous ont déjà permis depuis hier - de faire des propositions pour l'avenir en tentant de répondre aux défis qui nous sont lancés : combler notre retard en équipement, c'est-à-dire en nombre de places, moderniser et humaniser les conditions d'hébergement en établissement, diversifier les services offerts aux personnes âgées ou handicapées pour mieux répondre aux besoins de chaque personne, mieux répondre en particulier à l'aspiration profonde à une vie autonome qui ne soit synonyme ni d'insécurité ni d'isolement, renforcer les moyens humains mobilisés auprès de chaque personne.
Cette ambition est aussi la mienne.
Je souhaite aujourd'hui non seulement revenir sur un certain nombre de décisions prises depuis un an, mais aussi tracer les grandes lignes de ce que sera notre stratégie pour les années à venir.
I. Nous avons déjà fait de grands progrès au cours des années récentes.
A. Ces progrès, ce sont d'abord des moyens nouveaux.
1. J'ai souhaité que nous accélérions notre effort pour médicaliser les établissements pour personnes âgées.
Nous sommes en présence d'une véritable lame de fond de la dépendance qui implique une révolution pour nos établissements. Cette révolution est en cours, mais elle est loin d'être achevée.
Les conventions tripartites nous permettent depuis 2001 de dégager plus de moyens pour médicaliser nos maisons de retraite. Près de 4.500 ont été signées en 4 années dont environ 1.000 en 2005, la loi de financement de la sécurité sociale nous permettant d'en signer plus de 1.400 en 2006. Aujourd'hui, les conventions tripartites couvrent à peu près 66 % des personnes âgées accueillies en établissement et environ 65 % des établissements eux-mêmes. A la fin de l'année ce sera respectivement 80 % et 85 %.
En 2006, grâce à la journée de solidarité et au redressement des comptes de l'assurance maladie, les crédits médico-sociaux accordés aux établissements pour personnes âgées et pour personnes handicapées augmentent respectivement de 13,5 % et de 6 %. C'est un effort sans précédent, même si nous avons tous conscience qu'il devra être poursuivi pendant plusieurs années encore pour apporter une réponse pleinement satisfaisante aux besoins croissants de nos compatriotes les plus lourdement dépendants.
La démographie de la dépendance est galopante. Elle donne la mesure des défis auxquels nous sommes confrontés. Grâce à l'effort des Français, tant pour la journée de solidarité que par un comportement de plus en plus responsable vis à vis de la sécurité sociale, nous nous donnons les moyens d'y faire face - ce qui ne signifie pas bien sûr que toutes les difficultés peuvent être résolues du jour au lendemain.
Il y avait 12,5 millions de personnes de 60 ans et plus dans notre pays en 2000 : elles seront sans doute 17 millions en 2020 (soit + 40 % en 20 ans) et près de 21,5 millions en 2040 (ce qui représentera près du tiers de la population totale). Et il y aura 4 millions de personnes de 80 ans et plus en 2020 : elles seront 7 millions en 2040, soit 3 fois plus qu'en 2000!
Or, la prévalence de la dépendance augmente de manière très forte avec l'âge, surtout à partir de 75/80 ans : entre 60 et 69 ans, seulement 2 % des personnes sont dépendantes, contre 10 % des personnes de 80 ans, 18 % de celles de 85 ans et 30 % de celles âgées de 90 ans.
Sur les 12,5 millions de personnes âgées de 60 ans ou plus, 800 000 à 950 000, soit une fourchette de 6,6 % à 7,85 %, feraient l'objet d'une perte d'autonomie moyenne ou sévère. C'est à l'évidence beaucoup, même si je tiens à souligner qu'il n'y a pas de malédiction du grand âge : contrairement aux idées reçues, les personnes âgées très dépendantes restent heureusement minoritaires dans toutes les classes d'âge et le seront de plus en plus si nous savons organiser une prévention efficace, c'est possible et j'y reviendrai dans un instant.
2. Pour mettre aux normes un plus grand nombre d'établissements, lutter contre la vétusté, humaniser les conditions d'accueil, améliorer les conditions de travail du personnel, renforcer la sécurité et aussi favoriser le conventionnement, j'ai lancé en 2006 un grand plan d'investissement.
Au total, 500 millions d'euros seront investis cette année pour l'humanisation et la modernisation des établissements, dont 150 millions pour les établissements accueillant des personnes handicapées. Au cours des 5 années précédentes, seuls 50 millions avaient pu être consacrés à cette priorité. On fait cette année 10 fois plus qu'au cours des 5 années précédentes.
Cet effort a, lui aussi, été rendu possible par la journée de solidarité, en faisant appel aux crédits de la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie restés disponibles à la fin de l'année 2005. Les Directions régionales des affaires sanitaires et sociales rassemblent et transmettent en ce moment même les projets déposés.
La liste des investissements retenus sera arrêtée avant la fin du mois de juin.
3. J'ai aussi souhaité que chaque établissement soit fiscalement considéré comme le domicile de la personne âgée ou handicapée.
Je suis particulièrement attaché à ce point. L'établissement est la continuité du domicile. Il était normal que la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux travaux de rénovation ou d'aménagement soit la même que pour un domicile privé.
Le Gouvernement a décidé que la TVA applicable pour ces travaux serait de 5,5 % en établissement médicalisé au lieu de 19,6 % comme pour les hôpitaux, et cela à compter du mois d'avril 2006.
La conséquence est claire : des emprunts moins importants, des remboursements plus légers et surtout, en fin de compte, la possibilité de faire des travaux jusque là inabordables sans faire exploser le prix de journée.
B. Ces progrès, c'est un effort tout aussi important pour le fonctionnement des établissements.
1. Je pense bien sûr aux créations de places.
En 2006, nous avons poursuivi un rythme soutenu de créations grâce aux efforts conjugués de l'Assurance maladie, de la Caisse Nationale de Solidarité pour l'autonomie et de l'Etat :
5.000 places supplémentaires en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, ce qui portera le total de créations à 20 000 entre 2004 et 2007,
4.250 places en services de soins infirmiers et d'aide à domicile,
2.125 places d'accueil de jour
et 1.125 places d'hébergement temporaire sont financées cette année.
2. Je pense aussi à l'amélioration de la gestion de notre système.
Je m'étais engagé à ce que les établissements puissent connaître beaucoup plus tôt les budgets qui leur sont alloués. C'est aujourd'hui chose faite. Les budgets sont à présent notifiés aux établissements avant le 30 avril. Cela signifie que les gestionnaires ont plus de visibilité pour agir, pour embaucher, pour planifier leurs dépenses.
Il fallait également que les établissements puissent mieux prévoir leurs dépenses. Ces prévisions ont été rendues possibles grâce à l'anticipation, dès le mois de novembre, de la campagne budgétaire de l'année suivante.
3. Enfin, j'ai voulu résoudre les difficultés structurelles que rencontraient certains établissements et sur lesquels la FEHAP avait alerté les pouvoirs publics.
* J'ai lancé un plan pour le rebasage des crédits.
* Ce rebasage représente de fait :
16 millions d'euros supplémentaires pour les établissements et services d'aide par le travail,
10 millions d'euros pour les établissements accueillant des personnes âgées
et 21,5 millions d'euros pour les établissements accueillant des personnes handicapées.
II - Il faut maintenant définir les stratégies de l'avenir pour la prise en charge de personnes âgées et handicapées.
A. L'avenir de notre système réside dans une prise en charge globale de la dépendance, au-delà des cloisonnements administratifs
1. Pour mieux prendre en charge globalement la personne dépendante, il faut d'abord accentuer notre effort sur la prévention et la recherche.
La prévention parce qu'elle est efficace à tous les âges, les études le montrent.
Prévenir la dépendance, c'est lutter contre l'inactivité des seniors, la sédentarité. Ainsi dans certaines communes sont développées des activités multigénérationnelles.
C'est promouvoir une bonne hygiène alimentaire pour éviter les carences. C'est le cas des interventions de diététiciens pour l'information des personnes âgées et au-delà des familles (enfants, parents).
C'est favoriser la pratique d'activités physiques adaptées, comme la marche à pied ou la gymnastique.
C'est parfois aussi prescrire des traitements préventifs. Ce sont notamment les campagnes de prévention contre l'hypertension artérielle ou les facteurs des risques vasculaires et la lutte contre l'ostéoporose.
J'ai mis en place un groupe de travail chargé de faire des propositions pour qu'une visite de prévention puisse être systématiquement proposée aux personnes âgées qui le souhaitent. Un protocole devra être défini pour que cette visite de prévention incite la personne âgée à adopter les modes de vie, les activités et les comportements qui favoriseront le maintien de son autonomie. Il s'agit aussi d'assurer le dépistage précoce des pathologies, notamment la maladie d'Alzheimer dont le diagnostic trop tardif diminue aujourd'hui les chances d'un traitement efficace.
La recherche, également essentielle pour prévenir et traiter les maladies du grand âge.
Les maladies neuro-dégénératives sont l'un des facteurs principaux de la dépendance. Si nous les connaissons mieux, nous saurons mieux les prévenir. Nous saurons mieux retarder leur apparition et leur développement. Nous saurons mieux les soigner.
La maladie d'Alzheimer est l'un des principaux enjeux sanitaires de demain. Aujourd'hui, 850.000 patients sont atteints par cette maladie ou par une maladie apparentée, c'est-à-dire autant que le cancer, ne l'oublions jamais ! Et à l'avenir, les prévisions montrent que plus de 200.000 nouveaux cas seront diagnostiqués chaque année.
Je souhaite que notre pays soit à la pointe de la recherche internationale dans ce domaine. A la pointe de la recherche fondamentale bien sûr. A la pointe de la recherche clinique, également, et de la recherche épidémiologique.
Cela suppose que les appels d'offre de l'ANR et les PHRC prennent mieux en compte les maladie du grand âge. Nous y travaillons avec Xavier BERTRAND et François GOULARD.
Nous devons parallèlement développer la gériatrie universitaire, en commençant dès maintenant. Car il faut dix ans pour former un gériatre. Dès cette année, nous avons, avec François GOULARD, créé trois nouveaux postes dans cette discipline pour l'année 2006, ce qui constitue une véritable accélération et une reconnaissance indispensable pour cette spécialité.
Trois professeurs des universités, un professeur associé et deux maîtres de conférence seront ainsi nommés en 2006.
2. Développer une culture de la qualité va de pair avec le renforcement de l'évaluation.
Le comité national d'évaluation sociale et médico-sociale a commencé ses travaux. Je souhaite que son rôle puisse être renforcé. Le calendrier d'évaluation interne et externe d'évaluation des établissements doit aussi être maintenu.
Enfin, il nous faut redonner au volet « qualité » une véritable force, notamment à l'occasion du renouvellement des conventions tripartites. Il s'agit d'assurer le suivi de l'application de ce volet et de mesurer les résultats.
B. J'en viens au deuxième axe capital pour dessiner l'avenir de notre dispositif de prise en charge : je veux parler bien sûr de l'emploi.
La bataille pour l'emploi est la priorité du Gouvernement de Dominique de Villepin. C'est aussi la priorité du secteur médico-social parce que nous devons continuer d'améliorer les conditions de prise en charge de nos personnes âgées.
Pour médicaliser nos maisons de retraite, nous avons déjà recruté nombre de professionnels.
Concrètement, chaque convention s'est traduite, en moyenne, par un renfort de 8 agents par établissement.
Au total, grâce aux conventions tripartites, ce sont :
5.700 emplois d'infirmiers diplômés d'État et 21.000 emplois d'aides-soignants et d'aides médico-psychologiques qui ont été créés au cours des 5 dernières années.
Le secteur social et médico-social sera encore plus dynamique dans les années à venir.
Si nous voulons affronter avec sérénité le défi de la longévité, nous devrons recruter 400.000 professionnels dans les dix ans à venir.
Cela représente 200.000 emplois nouveaux pour répondre à l'accroissement du nombre de personnes âgées d'ici 2015. Cela représente aussi 200.000 emplois pour remplacer les départs en retraite. Ce sont autant d'emplois non délocalisables et professionnalisants. Ce sont autant d'emplois qui offrent de bonnes perspectives d'évolution de carrière. Ce sont autant d'emplois d'une formidable richesse humaine.
Pour recruter toutes celles et tous ceux dont ont besoin les personnes âgées et handicapées, nous devons tout mettre en oeuvre. C'est ce que nous faisons !
Nous modernisons les diplômes d'accès.
Nous offrons des passerelles entre les secteurs et les lieux d'activité. C'est le cas du diplôme d'auxiliaire de vie sociale, pour lequel les passerelles avec les métiers d'aide-soignant ou d'aide médico-psychologique ont été renforcées.
Nous valorisons davantage les savoirs tirés de la pratique professionnelle au titre de la validation des acquis de l'expérience. Ainsi en est-il depuis le 8 mars dernier du diplôme d'aide médico-psychologique ouvert à la validation des acquis de l'expérience.
Nous renforçons les places offertes dans les écoles et les filières. C'est ainsi que le nombre des places offertes dans la formation d'aides soignants est passé de 13.000 à 20.000 depuis deux ans.
Je pourrais aussi citer les accords passés avec les conseils généraux - 17 actuellement - pour la formation des aides à domicile, depuis la circulaire du 17 février 2006.
Enfin, nous faisons connaître aux jeunes et aux demandeurs d'emploi la variété de ces professions et les opportunités qu'elles présentent. La deuxième campagne des métiers du grand âge, qui s'est déroulée le mois dernier, a montré que nous devons continuer à faire découvrir ces professions.
C. Enfin, j'en arrive au dernier point de cette stratégie : comment mieux respecter les choix de vie.
En juin dernier, le Commissariat au Plan m'a soumis cinq scénarios possibles pour la prise en charge des personnes dépendantes à l'horizon des vingt prochaines années.
J'ai souhaité que le Plan concentre ses recherches sur le scénario que les Français privilégient : le scénario du libre choix.
1. Ce scénario du libre choix implique d'accentuer notre effort de médicalisation des établissements : les personnes qui sont accueillies en établissement aujourd'hui sont déjà en moyenne plus âgées et plus dépendantes qu'il y a seulement cinq ans. De nouveaux besoins apparaissent, qui nous imposent d'évoluer au même rythme que la dépendance des personnes accueillies.
Le renouvellement des conventions tripartites est une occasion que nous devons mettre à profit pour renforcer la médicalisation. Un effort devra être fait également pour les établissements qui accueillent les personnes les plus sévèrement dépendantes.
2. Ce scénario du libre choix, c'est aussi de permettre à chacun de rester chez soi s'il le souhaite.
Cela passe bien sûr par le développement de toutes les formes d'aide à domicile.
Je pense aux services de soins infirmiers et d'aides à domicile.
Je pense à l'hospitalisation à domicile qui doit être plus sollicitée.
Je pense aux aides ménagères dont nous devons diversifier les services.
Et je pense aussi aux multiples formes possibles d'aides aux aidants familiaux qui feront l'objet des travaux de la conférence de la famille de cette année.
3. Laisser libre la personne dépendante de choisir ses conditions de vie, c'est aussi imaginer d'autres types de prises en charge qui vont plus loin que la simple alternative : rester chez soi ou bien être accueilli dans un établissement.
Nous devons imaginer la maison de retraite de demain : un espace plus ouvert sur l'extérieur inséré dans un réseau de soins; un lieu qui soit pleinement la continuité du domicile et assure la continuité des soins, des aides que la personne âgée a pu recevoir chez elle.
Nous devons ouvrir tout l'éventail des possibles en matière de prise en charge des personnes âgées.
- Imaginer des plates-formes de soins comme au Québec.
- Développer davantage encore l'accueil temporaire et l'accueil de jour.
- Inventer des accueils d'urgence, des formules nouvelles d'accueil pour permettre aux aidants familiaux de souffler lorsque la prise en charge d'un être cher se fait trop lourde.
Ces objectifs seront développés et précisés au cours des prochaines semaines, mais je souhaitais vous donner, dès aujourd'hui, les principaux axes de ma réflexion :
Parce que vous êtes les premiers concernés par ce plan.
Et parce que vous êtes ceux qui assumez jour après jour la mission d'accueillir, d'aider et de soigner les personnes vulnérables que sont nos personnes handicapées et nos personnes âgées.
Si nous faisons de la recherche, de la prévention et de l'emploi les priorités de notre action, nous serons en mesure, j'en suis sûr, de faire face au défi de la longévité. Et si nous donnons les moyens aux personnes âgées et à leur famille de choisir le cadre dans lequel elles souhaitent vivre, nous aurons aussi réussi à bâtir un réseau de prise en charge solidaire et juste.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie.
source http://www.personnes-agees.gouv.fr, le 25 avril 2006