Texte intégral
Jean-Michel Aphatie : Bonjour, François Hollande.
François Hollande : Bonjour.
Q- Le recours des députés socialistes devant le Conseil Constitutionnel a échoué. Le C.P.E est constitutionnel et la loi va être promulguée, tout à l'heure, par le président de la république. Acceptez-vous votre défaite, François Hollande ?
R- Je prends acte des décisions du Conseil Constitutionnel, de celle-là en particulier. Mais le problème n'est plus juridique : c'était le sens de notre démarche de voir si le texte était conforme, ou non, à la constitution. Le problème est politique.
Q- Et la loi sera promulguée tout à l'heure.
R- Et donc, Jacques Chirac a la responsabilité majeure. Il peut promulguer le texte.
Q- Il le fera : vous le savez !
R- Je ne sais pas, vous avez des informations que moi que je n'ai pas encore, à cet instant.
Q- Vous avez lu les journaux, vous avez écoutez la radio.
R- Mais cela ne suffit pas. J'attends que le Président de la République s'exprime, car je suis en république. C'est lui qui a la décision. S'il décide de ne pas promulguer : et c'est ce que je lui demande à votre micro - permettez - puisqu'il ne va parler que ce soir, il a encore le temps de la réflexion.
Q- Il vous écoute.
R- S'il ne promulgue pas le texte, il prend, à ce moment-là, une décision d'apaisement. Il ouvre, forcément, la possibilité d'une nouvelle discussion du texte "égalité des chances", ce qu'on appelle une seconde lecture. Et là, je veux même être précis. Cette seconde lecture, devant le Parlement, doit porter uniquement sur l'article 8, c'est-à-dire le C.P.E, de manière que les fondements même du C.P.E, ceux qui ont été critiqués, contestés, mis en cause - pas simplement par la rue, mais également dans l'opposition, c'était bien le moins - y compris aussi de la majorité. Ces deux principes : la non-motivation de licenciement, et le délai de 2 ans de la période d'essai. Ces principes sont, à ce moment-là, remis en cause par cette nouvelle lecture, et je crois qu'une issue à la crise est trouvée. C'est cette solution que je lui demande de faire prévaloir.
Q- On l'a entendu. S'il promulgue le texte, François Hollande, que ferez-vous ?
R- L'autre décision, c'est-à-dire, la promulgation. Alors, c'est lui qui ouvre une crise majeure. La crise est déjà là : on peut la régler. S'il promulgue le texte, il amplifie la crise, et il en sait les raisons. Toutes les organisations syndicales - je dis bien : toutes - y compris les plus modérées, ont averti. Il n'y aura pas de négociation possible sur le C.P.E, si le C.P.E est promulgué. Les organisations de jeunesse qui sont les responsables, dans ce moment, ont également lancé une alerte. Il ne peut pas y avoir de retour dans les établissements, si le C.P.E est promulgué.
Q- Pourquoi ?
R- Parce que cela voudrait dire quoi, si le texte est promulgué ? Les premiers contrats première embauche pourraient être signés dès lundi. Comment aller faire comprendre, pas simplement à des jeunes, mais à des salariés, qu'il serait possible de discuter du C.P.E, de ses modalités d'application, voire de ses fondements dans ce que l'on appelle un "grenelle social" si - et c'est bien l'intention du premier ministre, je ne sais pas encore du président de la république - les premiers contrats sont signés, les employeurs offrent ces formules d'embauche à leurs salariés, alors même qu'il y aurait discussions. On voit bien qu'on est dans la manoeuvre. Et moi, je refuse les manoeuvres, les faux-semblants : je demande simplement qu'on sorte de la crise. Et là, maintenant, c'est une affaire de responsabilité. L'opposition est responsable. Les syndicats sont responsables. Nous disons au président de la république : "Nous pouvons sortir de la crise". C'est lui, maintenant, qui a la réponse.
Q- Si des C.P.E sont signés, c'est légal et c'est républicain de respecter la loi. Vous encouragez à la poursuite des occupations des facultés, des universités, après la promulgation de la loi, François Hollande ?
R- Vous ai-je parlé de mépris du droit, ou de manquement aux règles de la république ? A aucun moment.
Q- Mais plus rien ne justifiera l'occupation des universités, si la loi est promulguée.
R- Ce n'est pas parce qu'une loi est conforme à la constitution, qu'une loi est promulguée, qu'une loi s'applique, qu'elle est la solution pour le pays. Elle n'est pas la solution. Elle est contestée, non seulement par quelques éléments dans la rue : non. Pas simplement par quelques syndicats. Elle est contestée massivement par une très grande majorité de nos concitoyens. Alors si, au nom du droit, au nom d'une majorité parlementaire - dois-je rappeler que le C.P.E, dans le cadre de la loi "égalité des chances", a été adopté avec le 49-3, c'est-à-dire sans vote par l'Assemblée. Croyez-vous que c'est la bonne manière, la bonne démarche pour retrouver l'issue au conflit ?
Q- Soyons précis. Si le Président de la République promulgue la loi, y a-t-il encore une légitimité à occuper les universités, selon vous ?
R- Ce n'est pas parce qu'un dispositif est légal qu'il n'y a pas de légitimité à contester ce dispositif.
Q- Donc, vous encouragerez les étudiants à continuer à occuper les universités, après la promulgation de la loi ?
R- Je n'encouragerai personne car ce n'est pas mon rôle. Je dis simplement que le Président de la République est informé. Il sait quelle est l'attitude des syndicats. Il sait quelle est la frustration de beaucoup de jeunes. Croyez-vous que, pour beaucoup de jeunes et pour beaucoup de salariés qui, depuis 2 mois, luttent contre ce texte, considèrent qu'il n'a été concerté - avec les organisations syndicales - ni à impliquer les mouvements de jeunesse ? Croyez-vous que ces jeunes, qui manifestent depuis 2 mois, comprendraient la décision du président de la république ? Vous pensez que ce serait facteur d'apaisement ? Vous pensez que ce serait facteur de solution pour le pays ?
Q- Dans une démocratie, maintenant, n'est-ce pas aux urnes de trancher le problème ? Est-ce que la manifestation ou l'occupation, ce n'est pas dépassé, maintenant ?
R- Heureusement que dans une démocratie, il y a, aussi des formes de contestation ! Que je sache, la liberté de grève est consacrée, dans nos institutions. La liberté de manifester aussi. La liberté d'opinion. Et puis, j'allais dire, au-delà des libertés fondamentales, il y a aussi ce qu'est une opinion. L'opinion est connue, aujourd'hui. Et, sans aller jusqu'aux urnes, et sans penser que les sondages - ce sont des élections car, telle n'est pas ma conception de la démocratie. Mais, quand même, quand plus de 80% des français disent, dans les sondages, qu'ils voudraient que le C.P.E soit retiré ou, à tout le moins, suspendu. Quand les deux tiers disent que le C.P.E ne correspond pas à leurs aspirations. Cela, pour un Président de la République qui a été élu dans les conditions que l'on sait, en 2002. Par rapport non pas à un vote qui était un mandat - qui lui était accordé sur une politique, mais à un refus : celui de l'extrême droite. Quand un Président de la République doit, justement, être un arbitre capable de faire fonctionner convenablement nos institutions : alors, il ne peut pas prendre les risques de l'épreuve de force. S'il prend ce risque, s'il prend cette responsabilité, alors, c'est vrai que, effectivement, il prend le risque de l'aventure.
Q- L'épreuve de force, l'aventure : si la loi est promulguée, vous serez dans la rue, mardi, avec les syndicats ?
R- J'essaie de faire revenir le texte.
Q- Vous serez dans la rue avec les syndicats ?
R- Bien sûr, je l'ai été. Et je l'étais depuis 2 mois.
Q- Vous le serez ?
R- Je le serai parce que je considère que ce combat est juste. Mais quand même, si on dit : "Il ne faut pas que la rue ait le dernier mot" - et je ne le souhaite pas - il faut que le Parlement l'ait.
Q- Mais le Parlement l'a eu.
R- Ce que je demande, c'est une nouvelle lecture, par le Parlement, du texte contesté et, ainsi, nous pourrons clore un conflit qui n'aurait jamais dû être. Quant à la question politique, je ne demande la démission de personne. Je ne demande que la démission du C.P.E : voilà mon sens. Le sens de mon combat.
François Hollande - qui attend ce que Jacques Chirac dira, ce soir, sur RTL - était l'invité de RTL, ce matin.
Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 avril 2006
François Hollande : Bonjour.
Q- Le recours des députés socialistes devant le Conseil Constitutionnel a échoué. Le C.P.E est constitutionnel et la loi va être promulguée, tout à l'heure, par le président de la république. Acceptez-vous votre défaite, François Hollande ?
R- Je prends acte des décisions du Conseil Constitutionnel, de celle-là en particulier. Mais le problème n'est plus juridique : c'était le sens de notre démarche de voir si le texte était conforme, ou non, à la constitution. Le problème est politique.
Q- Et la loi sera promulguée tout à l'heure.
R- Et donc, Jacques Chirac a la responsabilité majeure. Il peut promulguer le texte.
Q- Il le fera : vous le savez !
R- Je ne sais pas, vous avez des informations que moi que je n'ai pas encore, à cet instant.
Q- Vous avez lu les journaux, vous avez écoutez la radio.
R- Mais cela ne suffit pas. J'attends que le Président de la République s'exprime, car je suis en république. C'est lui qui a la décision. S'il décide de ne pas promulguer : et c'est ce que je lui demande à votre micro - permettez - puisqu'il ne va parler que ce soir, il a encore le temps de la réflexion.
Q- Il vous écoute.
R- S'il ne promulgue pas le texte, il prend, à ce moment-là, une décision d'apaisement. Il ouvre, forcément, la possibilité d'une nouvelle discussion du texte "égalité des chances", ce qu'on appelle une seconde lecture. Et là, je veux même être précis. Cette seconde lecture, devant le Parlement, doit porter uniquement sur l'article 8, c'est-à-dire le C.P.E, de manière que les fondements même du C.P.E, ceux qui ont été critiqués, contestés, mis en cause - pas simplement par la rue, mais également dans l'opposition, c'était bien le moins - y compris aussi de la majorité. Ces deux principes : la non-motivation de licenciement, et le délai de 2 ans de la période d'essai. Ces principes sont, à ce moment-là, remis en cause par cette nouvelle lecture, et je crois qu'une issue à la crise est trouvée. C'est cette solution que je lui demande de faire prévaloir.
Q- On l'a entendu. S'il promulgue le texte, François Hollande, que ferez-vous ?
R- L'autre décision, c'est-à-dire, la promulgation. Alors, c'est lui qui ouvre une crise majeure. La crise est déjà là : on peut la régler. S'il promulgue le texte, il amplifie la crise, et il en sait les raisons. Toutes les organisations syndicales - je dis bien : toutes - y compris les plus modérées, ont averti. Il n'y aura pas de négociation possible sur le C.P.E, si le C.P.E est promulgué. Les organisations de jeunesse qui sont les responsables, dans ce moment, ont également lancé une alerte. Il ne peut pas y avoir de retour dans les établissements, si le C.P.E est promulgué.
Q- Pourquoi ?
R- Parce que cela voudrait dire quoi, si le texte est promulgué ? Les premiers contrats première embauche pourraient être signés dès lundi. Comment aller faire comprendre, pas simplement à des jeunes, mais à des salariés, qu'il serait possible de discuter du C.P.E, de ses modalités d'application, voire de ses fondements dans ce que l'on appelle un "grenelle social" si - et c'est bien l'intention du premier ministre, je ne sais pas encore du président de la république - les premiers contrats sont signés, les employeurs offrent ces formules d'embauche à leurs salariés, alors même qu'il y aurait discussions. On voit bien qu'on est dans la manoeuvre. Et moi, je refuse les manoeuvres, les faux-semblants : je demande simplement qu'on sorte de la crise. Et là, maintenant, c'est une affaire de responsabilité. L'opposition est responsable. Les syndicats sont responsables. Nous disons au président de la république : "Nous pouvons sortir de la crise". C'est lui, maintenant, qui a la réponse.
Q- Si des C.P.E sont signés, c'est légal et c'est républicain de respecter la loi. Vous encouragez à la poursuite des occupations des facultés, des universités, après la promulgation de la loi, François Hollande ?
R- Vous ai-je parlé de mépris du droit, ou de manquement aux règles de la république ? A aucun moment.
Q- Mais plus rien ne justifiera l'occupation des universités, si la loi est promulguée.
R- Ce n'est pas parce qu'une loi est conforme à la constitution, qu'une loi est promulguée, qu'une loi s'applique, qu'elle est la solution pour le pays. Elle n'est pas la solution. Elle est contestée, non seulement par quelques éléments dans la rue : non. Pas simplement par quelques syndicats. Elle est contestée massivement par une très grande majorité de nos concitoyens. Alors si, au nom du droit, au nom d'une majorité parlementaire - dois-je rappeler que le C.P.E, dans le cadre de la loi "égalité des chances", a été adopté avec le 49-3, c'est-à-dire sans vote par l'Assemblée. Croyez-vous que c'est la bonne manière, la bonne démarche pour retrouver l'issue au conflit ?
Q- Soyons précis. Si le Président de la République promulgue la loi, y a-t-il encore une légitimité à occuper les universités, selon vous ?
R- Ce n'est pas parce qu'un dispositif est légal qu'il n'y a pas de légitimité à contester ce dispositif.
Q- Donc, vous encouragerez les étudiants à continuer à occuper les universités, après la promulgation de la loi ?
R- Je n'encouragerai personne car ce n'est pas mon rôle. Je dis simplement que le Président de la République est informé. Il sait quelle est l'attitude des syndicats. Il sait quelle est la frustration de beaucoup de jeunes. Croyez-vous que, pour beaucoup de jeunes et pour beaucoup de salariés qui, depuis 2 mois, luttent contre ce texte, considèrent qu'il n'a été concerté - avec les organisations syndicales - ni à impliquer les mouvements de jeunesse ? Croyez-vous que ces jeunes, qui manifestent depuis 2 mois, comprendraient la décision du président de la république ? Vous pensez que ce serait facteur d'apaisement ? Vous pensez que ce serait facteur de solution pour le pays ?
Q- Dans une démocratie, maintenant, n'est-ce pas aux urnes de trancher le problème ? Est-ce que la manifestation ou l'occupation, ce n'est pas dépassé, maintenant ?
R- Heureusement que dans une démocratie, il y a, aussi des formes de contestation ! Que je sache, la liberté de grève est consacrée, dans nos institutions. La liberté de manifester aussi. La liberté d'opinion. Et puis, j'allais dire, au-delà des libertés fondamentales, il y a aussi ce qu'est une opinion. L'opinion est connue, aujourd'hui. Et, sans aller jusqu'aux urnes, et sans penser que les sondages - ce sont des élections car, telle n'est pas ma conception de la démocratie. Mais, quand même, quand plus de 80% des français disent, dans les sondages, qu'ils voudraient que le C.P.E soit retiré ou, à tout le moins, suspendu. Quand les deux tiers disent que le C.P.E ne correspond pas à leurs aspirations. Cela, pour un Président de la République qui a été élu dans les conditions que l'on sait, en 2002. Par rapport non pas à un vote qui était un mandat - qui lui était accordé sur une politique, mais à un refus : celui de l'extrême droite. Quand un Président de la République doit, justement, être un arbitre capable de faire fonctionner convenablement nos institutions : alors, il ne peut pas prendre les risques de l'épreuve de force. S'il prend ce risque, s'il prend cette responsabilité, alors, c'est vrai que, effectivement, il prend le risque de l'aventure.
Q- L'épreuve de force, l'aventure : si la loi est promulguée, vous serez dans la rue, mardi, avec les syndicats ?
R- J'essaie de faire revenir le texte.
Q- Vous serez dans la rue avec les syndicats ?
R- Bien sûr, je l'ai été. Et je l'étais depuis 2 mois.
Q- Vous le serez ?
R- Je le serai parce que je considère que ce combat est juste. Mais quand même, si on dit : "Il ne faut pas que la rue ait le dernier mot" - et je ne le souhaite pas - il faut que le Parlement l'ait.
Q- Mais le Parlement l'a eu.
R- Ce que je demande, c'est une nouvelle lecture, par le Parlement, du texte contesté et, ainsi, nous pourrons clore un conflit qui n'aurait jamais dû être. Quant à la question politique, je ne demande la démission de personne. Je ne demande que la démission du C.P.E : voilà mon sens. Le sens de mon combat.
François Hollande - qui attend ce que Jacques Chirac dira, ce soir, sur RTL - était l'invité de RTL, ce matin.
Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 avril 2006