Extraits d'un entretien de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, à France Info le 2 mai 2006, sur la politique d'immigration et le co-développement.

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Média : France Info

Texte intégral


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Q - Le projet de loi de Nicolas Sarkozy sur l'immigration met en avant une immigration choisie. En clair, il s'agit de sélectionner les meilleurs étrangers qui auront droit à des cartes de séjour au détriment de leur pays d'origine. Cela ne heurte-t-il pas la ministre de la Coopération que vous êtes ?
R - Cela ne me heurte pas parce que vous ne parlez que d'un volet du sujet.
Q - Et vous allez donc nous parler du second.
R - Cette politique d'immigration est complètement liée à notre politique de développement et de coopération. Nous travaillons dans un partenariat nord-sud ; lorsque l'on parle d'immigration choisie, il faut bien voir que, dans les pays de départ, il doit aussi y avoir une politique d'émigration choisie. Ce choix doit être partagé, car ces flux migratoires n'engendrent pas que des conséquences négatives comme on l'entend trop souvent.
Je vous renvoie pour cela à une étude de la Banque mondiale, publiée récemment, qui indique que l'apport des migrants au revenu mondial sera de 800 milliards de dollars en 2025. Quel problème cette richesse créée par les flux migratoires pose-t-elle : il faut qu'elle soit équitablement répartie entre le nord et le sud, il faut que ces flux migratoires soient mutuellement profitables au nord et au sud. Pour cela, il faut des réponses, que la France apporte, avec ce que l'on appelle le co-développement, réponse qui est de plus en plus suivie par nos partenaires européens.
De quoi s'agit-il ? Il y a, en fait, deux grandes catégories de migrants. Ceux qui partent, qui quittent leur terre natale, le désespoir au coeur, qui fuient la misère. Et puis, il y a ceux qui souhaitent venir en France, en Europe pour se former, pour acquérir des formations qualifiantes.
Aux uns comme aux autres, quelles réponses pouvons-nous apporter ?
Tout d'abord, à ceux qui sont en situation d'échec chez eux et qui arrivent ici en situation d'échec : il faut essayer de les accompagner dans un retour mais pas seulement en donnant un pécule et en leur facilitant finalement un nouveau retour en France, pour finalement s'apercevoir que l'on ne règle rien.
Ce que nous essayons de faire avec le co-développement, c'est d'accompagner ces migrants dans des projets, dans des micro-projets de développement, avec des formations et des accompagnements financés.
Je vous donne un exemple que nous avons mis en oeuvre avec le Mali : nous avons accompagné 350 Maliens l'an dernier dans des micro-projets d'agriculture, d'artisanat et ces 350 Maliens qui sont retournés chez eux, dans la dignité je dirai, après avoir reçu ce minimum de formation en France, ont créé sur place 700 emplois.
Nous voyons donc que nous nous trouvons dans une stratégie gagnant-gagnant et c'est cela que nous voulons faire avec ce type de migrants.
Maintenant, il y a les autres migrants qui sont, par exemple, les étudiants, les jeunes qui veulent acquérir des formations en France et que nous encourageons à venir, car s'ils ne viennent pas chez nous, ils iront au Canada ou aux Etats-Unis.
Là se pose un autre problème : comment faire en sorte que cette élite, qui devient une élite qualifiée, comment faire en sorte qu'elle ne soit pas perdue pour le pays d'origine ? Comment, en quelque sorte, lutter contre la fuite des cerveaux ?
Là aussi, nous avons des réponses avec le co-développement, nous essayons d'associer cette diaspora qualifiée au développement de son pays d'origine de deux façons : premièrement, en utilisant les nouvelles technologies et en les associant à des opérations d'éducation et de formation, mais aussi en profitant de la réforme de notre système de coopération qui est de plus en plus utilisateur, si je puis dire, d'assistance technique de courte durée. C'est-à-dire que, par exemple en Afrique, nous envoyons de plus en plus d'experts sur des missions de courte durée, de quelques mois ; et nous voulons offrir en priorité ces possibilités à cette diaspora africaine qualifiée en lui proposant ces missions de courte durée, ce qui ne constitue pas une remise en cause de son installation en France mais ce qui lui permet de contribuer au développement du pays d'origine, sur une base volontaire.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 mai 2006