Texte intégral
Q - Vous organisez aujourd'hui une journée "entreprises" au ministère des Affaires étrangères. Pourquoi une telle initiative ?
R - Notre idée est d'associer les forces vives économiques à l'action de la France dans la mondialisation. Je veux que l'expansion internationale de nos entreprises soit au coeur de l'action diplomatique de la France. Car la conquête du monde, aujourd'hui, est économique. Près de 430 entreprises ont répondu à l'invitation, ce qui prouve bien qu'il existe une demande importante de leur part. Elles seront reçues par une centaine de diplomates mobilisés pour l'occasion.
Q - Il existe déjà un important maillage de soutien aux entreprises au travers du réseau des ambassades et des missions économiques de Bercy. Cette action est-elle insuffisante ?
R - Non. Mais l'action extérieure de l'Etat mériterait d'être mieux harmonisée et mieux coordonnée. J'ai énormément de respect pour l'action à l'international menée par le réseau extérieur de la DGTPE, l'ex-DREE, mais j'aimerais qu'il puisse y avoir une nouvelle stratégie de coordination autour des ambassadeurs. C'est ce que j'essaye de faire régulièrement. J'ai, ces derniers mois, organisé deux tables rondes, l'une sur l'Asie, l'autre sur le Golfe, rassemblant des grands patrons sur leurs stratégies dans ces zones clefs. Cela se passait au Quai d'Orsay, mais nous avions travaillé avec Bercy, et j'avais invité François Loos, le ministre délégué à l'Industrie. Chaque fois que je fais un déplacement, j'emmène des chefs d'entreprise. C'était le cas en Turquie il y a un mois et demi, mais aussi en République tchèque ou bien en Ukraine. Notre enjeu majeur est de faire connaître aux entreprises, et notamment aux PME, la diversité des services que le ministère des Affaires étrangères peut leur apporter. Arrêtons de penser qu'il y a d'un côté la diplomatie avec les petits fours et de l'autre les affaires et l'économie.
Q - Vous manifestez ce souci d'une meilleure coordination des services de l'Etat depuis votre arrivée au Quai. Avez-vous le sentiment que les choses ont avancé dans le bon sens ?
R - Il y a encore beaucoup à faire. Nous travaillons mieux. Nous allons par exemple recevoir prochainement en France le ministre indien des Sciences et de la Technologie. Cette visite est organisée conjointement avec les services de Christine Lagarde, la ministre déléguée au Commerce extérieur. Il me paraît impensable qu'il en soit autrement. Nous aurons réussi lorsque nous serons parvenus à aider les entreprises dans trois domaines : la connaissance approfondie des pays où elles veulent s'implanter ; l'utilisation des leviers politiques locaux pour les aider, ce qui fait partie du métier des ambassadeurs ; et enfin l'accompagnement des Français qui vivent à l'étranger.
Q - N'y a-t-il pas, parfois, des risques de contradiction entre cette diplomatie d'influence, qui défend les intérêts des entreprises, et celle, plus traditionnelle, qui consiste à défendre un développement durable, la démocratie ou les Droits de l'Homme ?
R - Non, je ne crois pas. Aujourd'hui, défendre les Droits de l'Homme, c'est avant tout se battre contre la pauvreté et les pandémies. Mais quand je me déplace, je dis ce que j'ai à dire. Et aujourd'hui, qui ne travaille pas avec la Chine ? Le meilleur moyen d'aider un peuple c'est sans doute en investissant, en augmentant les salaires et le niveau de vie. Et cela passe le plus souvent par les entreprises.
Q - Le Quai d'Orsay, tout comme Bercy, réforme et redéploie son réseau. Comment les deux ministères travaillent-ils pour conserver une cohérence d'ensemble, notamment en Afrique, où les intérêts économiques et diplomatiques ne convergent pas toujours ?
R - Les entretiens que j'ai eus avec les présidents des commissions des Finances de l'Assemblée, mais aussi du Sénat, montrent qu'il y a un souhait de simplification et d'une meilleure efficacité, au meilleur coût, du réseau. La question est actuellement à l'étude sur l'Afrique. La secrétaire d'Etat américaine, Condoleeza Rice, a été amenée à faire un vaste mouvement diplomatique afin de suivre les effets essentiellement économiques de la mondialisation. Nous devrons faire la même chose.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 avril 2006