Interview de M. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, à Europe 1 le 4 avril 2006, sur le retrait du CPE, la négociation avec l'UMP et l'emploi des jeunes.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q- Bonjour J.-C. Mailly, secrétaire général de Force ouvrière. Est-ce que vous considérez, comme E. Balladur hier matin, que le CPE est mort ?
R- Non, pas encore. Il bouge encore, dans la limite où il est promulgué. Je vous rappelle qu'il peut, quoi que l'on dise, être utilisé aujourd'hui par un employeur. Non, ce que je voudrais dire, c'est que l'on a l'impression d'un dépareillage extraordinaire. On a un président de la République qui dit des choses vendredi, où beaucoup de gens on du mal à s'y retrouver. On laisse entendre ce week-end que, finalement, tout est ouvert et que cela peut aller très loin - sous entendu, le retrait. Hier, on a des déclarations qui disent qu'il faut que les parlementaires soient d'accord avec le Premier ministre ? Qu'est-ce que cela veut dire, tout cela ? Moi, je pense qu'il est temps d'avoir de la lisibilité.
Q- Cela veut dire que ce n'est pas sûr que vous répondrez à l'invitation de B. Accoyer ?
R- Il faut voir la lettre que l'on aura.
Q- Quelles conditions fixez-vous ?
R- En tous les cas, on ne peut pas discuter des aménagements, on le sait. Le pays a besoin de lisibilité.
Q- Quand le président de la République dit : "je vais réduire la période d'essai de deux ans"....
R- Non,non,non
Q- Ça, c'est fini, il faut oublier tout ça ? Ça ne peut pas être dans le panier de la négociation ?
R- Non, ça s'appelle "des aménagements".
Q- Et cela, vous n'en voulez pas ?
R- Non, bien sûr ! On le dit depuis deux mois. Je pense que les organisations syndicales...
Q- Quel est le mot qui doit figurer dans la lettre pour que vous veniez ?
R- Nous, on le sait bien, ce n'est pas compliqué : si l'ouverture est assez grande pour que l'on puisse y aller, le message est simple ; c'est : est-ce que vous abrogez le CPE ? C'est cela, la question qui va être posée. Et la lisibilité, elle est là. Écoutez, moi j'entends, y compris hier, un député de la majorité publiquement expliquer que, à titre personnel, qu'il faut sortir de la crise - c'est monsieur Jego - et que pour sortir de la crise, il faut abroger le CPE. Monsieur Jego, je pense qu'il a compris la réalité e la situation.
Q- Une loi d'abrogation, c'est ce que vous demandez ce matin ?
R- Il faut abroger le CPE pour que l'on puisse enfin discuter sur de bonnes bases. Or, aujourd'hui, cela part dans tous les sens. Et moi, je ne pense pas que ce soit mettre ce comportement de "un coup, c'est blanc ; un coup, c'est noir ; un coup, c'est gris", etc, que ce soit à mettre au compte de la démocratie.
Q- Mais vous avez eu au téléphone B. Accoyer - j'imagine -, N. Sarkozy. Vous ont-ils dit clairement que l'on oubliait et la période d'essai et la justification du licenciement ?
R- En tous les cas, oui, ils nous ont dit que ce n'était pas les bases de discussion. On va voir si ce ne sont pas les bases de discussion. On nous a laissé entendre également que cela pouvait aller très loin. Quand je dis "aller très loin", cela veut dire que l'on parle d'autres choses.
Q- Alors, qu'est-ce que c'est ? De quoi doit-on parler ?
R- Vous savez, on ne va pas se faire instrumentaliser. Moi, je n'aime pas beaucoup les subterfuges, je n'aime pas les trucs qui ne sont pas clairs. Nous, on a un discours clair. Alors, j'attends des parlementaires, qui ont là, selon moi, l'occasion de redorer ou d'honorer le rôle du Parlement, qu'ils prennent leurs responsabilités clairement, qu'ils n'essayent pas de nous embobiner d'une certaine manière. Moi, je suis très prudent avec tout cela.
Q- Instrumentaliser ! A la solde de qui ? Pour qui ?
R- Qui n'a pas compris, aujourd'hui ? Que disent les gens aujourd'hui dans la rue ? Les gens dans la rue disent : "ils n'en ont rien à faire des jeunes ; ils n'en ont rien à faire des contrats de travail ; tout ce qui les intéresse, ce sont les petites bagarres intestines politiciennes". C'est cela qui ressort. Est-ce que ça, c'est bon pour la démocratie ? En 2002, tout le monde s'est félicité que les jeunes, au moment du deuxième tour de l'élection présidentielle, s'intéressaient à la vie, s'intéressaient à la vie citoyenne, etc. Aujourd'hui, quand ils s'expriment, y compris - je ne parle même pas des syndicats de salariés, des syndicats de jeunes -, c'est la même chose, ils s'intéressent à la vie publique. Qu'est ce qu'on leur laisse quand on se comporte comme cela ? Quelle est l'image pour la démocratie ?
Q- Parlons du fond et de la discussion que vous souhaitez voir mener. La CGT et la CGC demandent que l'on élargisse la discussion au CNE ? Faut-il aussi, pour vous, tuer le contrat "nouvelles embauches" dans le cadre de la discussion qui va s'engager ?
R- La priorité, aujourd'hui, c'est l'abrogation du CPE. Après, que l'on discute des conséquences sur le CNE, c'est une deuxième chose. Mais il y aura des conséquences.
Q- Mais vous n'en faites pas un préalable ?
R- Non, la priorité, aujourd'hui... Le CNE aura des conséquences à un moment donné, mais le CNE existe depuis quelques mois déjà...
Q- Est-ce qu'il faudra, là aussi, discuter de sa suppression ?
R- Il faut regarder les conséquences, une évaluation précise, que l'on respecte ses engagements, que le gouvernement n'a pas respectés, par exemple, sur le CNE. Mais il y aura des conséquences et l'on posera le problème des conséquences. Mais la priorité aujourd'hui, c'est : "que faites-vous du CPE ?". Attendez ! On promulgue.. Ça n'existe pas... C'est "cafouillou" comme ce n'est pas possible. Et moi, je le dis, ce n'est pas à l'honneur de la démocratie. Que veut-on faire concrètement ? Nous, on sait ; maintenant, c'est aux parlementaires, puisque ce sont eux qui ont le ballon dans les mains d'une certaine manière, d'annoncer clairement la couleur.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 avril 2006