Interview de M. Bernard Van Craeynest, président de la CFE-CGC, à BFM le 24 avril 2006, sur le retrait du CPE, le congrès de la CGT à Lille et les relations intersyndicales.

Prononcé le

Média : BFM

Texte intégral

Stéphane Soumier : (...) Vous serez donc, cet après-midi, à Lille, devant le congrès de la CGT.
Bernard van Craeynest : Oui, tout à fait.
SS : Est-ce que ça veut dire que la CGT est en train d'évoluer et que vous la considérez maintenant comme un partenaire solide potentiel ?
BVC : Déjà il faut souligner que je réponds à une invitation traditionnelle entre organisations syndicales. Je me souviens que Bernard Thibault était venu lui-même en juin 1999 à l'un de nos congrès à Tours, et indépendamment de l'affaire du CPE, je serais de toute façon allé à ce congrès de Lille.
SS : Même s'il y avait eu une contestation radicale de la ligne Bernard Thibault, ce qui n'aura pas lieu, enfin tout le monde le dit en tout cas, et même si c'est le climat avait été délicat, vous y seriez allé ?
BVC : Oh, je n'aurais en aucun cas voulu interférer dans les affaires de cette organisation, mais entre collègues même si nous ne partageons pas toujours les mêmes vues, loin de là, sur nos problèmes économiques et sociaux, je pense que le respect des hommes est important pour faire en sorte de se comprendre et de faire évoluer notre système social.
SS : Est-ce que ça veut dire que la CGT, je repose ma question, est en train de devenir un partenaire ? Il l'est déjà d'ailleurs, il y a un chiffre qui circule ce matin et qui est très intéressant, qui est que la CGT signe quand même 85 % des accords d'entreprise.
BVC : Oui, et notamment lorsque la CGT est face à ses responsabilités, c'est-à-dire lorsqu'elle est quasiment seule dans les organisations, mais on a pu voir cette organisation évoluer ces dernières années, en particulier avec la signature de l'accord interprofessionnel sur la formation en 2003 et il est clair que par rapport aux défis et aux enjeux que nous avons devant nous, il est important que nous soyons en capacité de nous parler pour faire évoluer les systèmes, et il faut faire taire les querelles inutiles et stériles pour essayer de nous adapter à notre environnement.
SS : L'une des phrases clés de Bernard Thibault pendant ce congrès, ce sera de dire que les syndicats ne sont pas organisés pour l'entreprise moderne. Alors, lui, il appelle ça " la précarité ", mais en gros les salariés qui restent de longues années dans la même structure, oui, ça les syndicats savent faire, les salariés qui bougent et qui changent d'entreprise assez rapidement, les syndicats ne savent pas faire.
BVC : C'est exact, et pourtant en ce qui concerne la CFE-CGC, nous avions appréhendé ce phénomène depuis fort longtemps puisqu'en 1998 nous avions eu une réforme de nos statuts que nous avions baptisé les " Assisses de la modernité ", et nous avions utilisé le vocable de professionnel, en parlant des salariés qui sont amenés dans leur carrière, effectivement, à changer plusieurs fois d'employeurs, voire à changer de statut, pouvant passer en travailleurs indépendants ou en profession libérale et il est bien évident qu'il faut que nous soyons en capacité d'offrir une aide, un accompagnement, une réponse à ces évolutions d'organisation du travail.
SS : Ca veut dire peut-être un discours aussi plus proche de leurs préoccupations.
BVC : Bien évidemment, c'est un souci constant.
SS : Et deuxième enjeu pour Bernard Thibault, "repeupler les déserts syndicaux que sont aujourd'hui les PME". Là encore, je reprends les phrases qu'il employait lors de sa conférence de presse pour préparer le congrès.
BVC : Oui, ça c'est un problème récurrent pour toutes les organisations syndicales. Il est clair que nous sommes bien implantés dans le secteur public, para-public et dans les grandes entreprises, parfois aussi dans quelques moyennes, mais il y a une vraie difficulté pour organiser le dialogue social dans les petites structures où les patrons considèrent les syndicats comme des "empêcheurs de tourner en rond" alors que pour faire face à toutes les évolutions que nous connaissons, et également pour tenir compte d'un rapport de force déséquilibré entre les grands donneurs d'ordres et les fournisseurs, et les sous-traitants, il est indispensable que nous soyons en capacité d'établir un partenariat. Ca ne veut pas dire que nous sommes d'accord sur tout mais qu'au moins nous devons être en capacité de dialoguer sur les problèmes qui se posent dans tous les types d'entreprises.
SS : Oui, mais ça veut dire quand même que la CGT, puisqu'on parle d'elle, doit se considérer aussi comme un partenaire et non plus comme un adversaire des patrons dans les PME.
BVC : Je crois qu'il faut distinguer deux choses, les patrons indélicats ça existe, l'arbitraire patronal a toujours existé et ça existera toujours et les organisations syndicales sont là pour exercer un contre-pouvoir. Pour le reste, c'est-à-dire la grande majorité des entreprises, il y a des comportements tout à fait normaux et équitables et il faut que nous soyons en capacité d'en tenir compte pour parler des vrais problèmes, les affronter et rechercher ensemble des solutions. Nous sommes dans une compétition économique mondiale, si nous voulons faire valoir pleinement les atouts de la France, il est indispensable que nous soyons en capacité de tenir compte des réalités.
SS : Un mot : c'est l'heure de l'union syndicale ? Il est temps ?
BVC : Il est temps effectivement. Je crois que les enjeux sont énormes mais il faut encore une fois savoir dépasser les petits problèmes de rivalités et de concurrence entre organisations qui n'apportent pas grand-chose dans un contexte où nous avons finalement les uns et les autres 92 % du champ salarial à conquérir.
SS : Merci beaucoup d'avoir été en direct sur BFM. Source http://www.cfecgc.org, le 26 avril 2006