Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur l'importance de la mer et des océans dans l'histoire des civilisations et sur la nécessité d'assurer leur protection, Paris le 3 mai 2006.

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Circonstance : Inauguration de l'exposition "Planète Mers" au Sénat le 3 mai 2006

Texte intégral

Monsieur le Directeur général,
Chers Collègues,
Cher ami, cher Nicolas Hulot,
Chers Laurent Ballesta et Pierre Descamp,
Mesdames et Messieurs,
C'est à la découverte du prodigieux spectacle des mers du globe que nous invitent Laurent Ballesta et Pierre Descamp pour cette 14e exposition sur les Grilles du Jardin du Sénat. Comme « installés » dans le sous marin de Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne (le fameux Nautilus du capitaine Nemo !), « Planète mers » nous plonge à la découverte des fonds sous marins, en même temps qu'elle nous invite à la réflexion...
Émerveillés, nous voguons à la rencontre de nombreux poissons multicolores et chamarrés, parfois dangereux : comme les requins ou les raies torpilles ; des baleines : ces « Gargantua des mers » et autres cétacés ; des crustacés : plus ou moins agressifs ; des algues, des jardins, des plaines et des forêts minéralisées... composant la plus fantastique des mosaïques de couleurs !
Autrefois redoutés et respectés des hommes, les mystères et les secrets des mers et des océans ont constitué pendant des siècles, des univers à part, inconnus et inquiétants. Source d'imaginaire, la mer a donné libre cours aux constructions les plus fantaisistes de l'esprit : tout paraissait possible en provenance de la masse énorme, étrange et généreuses des eaux marines !
Le mouvement de la mer, sa puissance, ses colères ont inspiré nombre d'écrivains, de musiciens et de peintres. Ce face-à-face que l'artiste entretient avec l'océan est à l'origine d'une foisonnante création littéraire avec des oeuvres majeures comme Les Travailleurs de la Mer de Victor Hugo, Vingt mille lieux sous les mers que j'évoquais il y a quelques instants ou La Mer de Jules Michelet... de créations graphiques avec les Vagues de Courbet ou de Renoir, la série de Mer agitée de Monet... et, bien sûr, de créations musicales avec La Mer de Claude Debussy.
Dans la confrontation avec l'océan, l'homme ne cesse d'interroger son rapport à l'infini et le vertige de l'illimité lui fait éprouver sa propre finitude.
Pendant des siècles, les civilisations ont constitué des univers séparés les uns des autres d'infranchissables étendues océaniques. Royaume incontesté de Poséidon, muni de son trident et chevauchant sur les flots, c'est lui qui décide du calme ou de la tempête et, fermant à Ulysse le chemin du retour à Ithaque, il en fait le « prisonnier de la mer »...
La mer est de mieux en mieux connue à mesure que se multiplient les navigations. C'est la « mare nostrum » des Romains, précédés avec une étonnante maîtrise par les Phéniciens et les Grecs. Mais l'océan reste un défi : peu s'aventurent au delà des « colonnes d'Hercule », considérées comme les bornes du monde.
Malgré cela, dès le Moyen Age, l'océan infranchissable fait l'objet d'incursions de marins hardis. La mer devient comme « un chemin vers de nouvelles contrées ». Christophe Colomb gagne les « Indes Occidentales », Vasco de Gama ouvre au Portugal la maîtrise de l'océan indien, Magellan accomplit, lui, le premier tour du monde. Bougainville, Cook, La Pérouse partent à la recherche des ressources qu'offre la planète.
Au cours du 19e siècle, ces missions deviennent océanographiques, s'intéressant au monde marin lui même. Aujourd'hui, « le Monde du Silence » -cher au Commandant Cousteau- a commencé à être exploré et ses richesses nous sont de plus en plus accessibles, grâce aux films et aux photographies qui nous sont offertes.
Dans votre exposition, cher Laurent Ballesta, cher Pierre Descamp, vous nous offrez le visage de la mer, d'une mer "toujours recommencée" nous dirait Paul Valéry, mer souriante et féconde, au rythme lancinant et envoûtant des mouvements de l'océan "qui chante et chante et chante ainsi qu'un grand poète", selon la formule de Guillaume Apollinaire.
Permettez-moi, en forme de conclusion, de profiter de ce moment pour vous poser quelques questions qui me tracassent... :
Lors de vos nombreuses excursions dans la « grande bleue », avez-vous vraiment rencontré ces ondoyantes silhouettes dont nous parlent les poètes... ? Avez-vous été entraîné par des sirènes dans les abysses ? !
Ces « princesses des mers » vous auraient donc guidé sous l'eau, pour nous rapporter ces si belles photographies...
Au delà de l'évasion et du rêve que cette exposition procurera, sans nul doute, au coeur de notre capitale... je souhaite formuler un voeu :
Je souhaite que « Planète Mers » nous incite à faire preuve de la ferme volonté de conserver les trésors de nos océans, de gérer notre « Planète mers » sans cupidité et sans pollution, enfin conscients qu'elle est notre bien commun.
Soyons incités à ouvrir les yeux sur la nécessaire perspective d'une gestion, internationale, raisonnable des ressources de notre « planète mers », dont les océans couvrent 70% de la surface.
En un mot à « toujours chérir la mer » -nous dirait Baudelaire- car elle est notre « miroir ».
Je ne veux pas achever mon propos sans remercier chaleureusement la société EDF ; la Fondation Nicolas Hulot ; les Editions Michel Lafon, sans lesquels cette exposition de Laurent Ballesta et Pierre Descamp n'aurait pu voir le jour sur les Grilles du jardin du Sénat.
Je vous remercie.
Source http://www.senat.fr, le 5 mai 2006