Texte intégral
P.-L. Séguillon - Votre congrès s'est ouvert par la célébration de la victoire du contrat "première embauche", de l'unité syndicale retrouvée. Cela avait bien commencé mais cela a moins bien continué ; on a vu F. Chérèque, par exemple, votre homologue de la CFDT, qui était venu en hôte de votre congrès, être sifflé par les congressistes. C'est une unité syndicale qui était uniquement de circonstance ?
R - Je dois dire que cela a été un évènement marqué par une partie des congressistes. Vous avez que nous sommes en plein débat et que, notamment, s'agissant de notre stratégie syndicale qui domine depuis 1995, où nous prônons effectivement le "syndicalisme rassemblé", c'est-à-dire l'unité entre les syndicats, même lorsqu'ils ont et leur arrive d'avoir un certain nombre de différences sur un certain nombre de points, il y a des militants qui sont en désaccord, il faut le dire, avec ce choix stratégique qui place l'unité au coeur de notre démarche, et qui se sont manifestés, malheureusement, à l'occasion de la venue de F. Chérèque.
Q - La cohésion de la gauche en a pris un petit coup aussi, puisque M. Aubry, qui représentait le PS, a eu un accueil mitigé.
R - Oui mais cela relève, je crois, de la même démarche. Dans une salle de congrès qui est bondée, à quelques uns, il peut y avoir beaucoup de bruit d'organisé sans que cela représente pour autant la masse des adhérents et la majorité des militants. D'ailleurs, on le voit à l'occasion de votes sur le rapport d'activités, d'une part - cela a été le premier vote du congrès, l'activité passée de la direction confédérale a été approuvée à 82 %, c'est donc, vous le voyez, un soutien important de la part des syndicats à ce qui a été mis en oeuvre ces trois dernières années.
Q - Effectivement, vos mandants ont largement approuvé ce rapport d'activité, donc votre bilan. Va-t-il en être de la même manière pour le document d'orientation ? Autrement dit, est-ce qu'ils vont approuver vos choix stratégiques, ou comme certains souhaitaient davantage que l'on revienne à une dialectique de la lutte des classes ?
R - Il y a eu deux votes indicatifs sur les deux premières parties du document qui ont été approuvés par un vote à main levée très majoritairement. Nous allons voir à l'issue d'un troisième débat, qui, lui, va porter sur l'organisation, ce qu'il en sera du vote final. Mais je suis assez confiant compte tenu de la nature des débats et de la manière dont sont tranchées un certain nombre de questions qui étaient au coeur de notre document d'orientation.
Q - Après la bataille du contrat "première embauche", vous avez dit vouloir "faire la peau" - je reprends votre expression - du contrat "nouvelles embauches". Deux questions sur ce sujet : avez-vous le soutien de F. Chérèque, qui est venu vous voir à Lille, pour continuer ce combat contre le contrat "nouvelles embauches" - il a l'air d'être plutôt sceptique - et comment allez-vous mener cette bataille ?
R - F. Chérèque, ainsi que d'autres homologues syndicaux sont au moins d'accord sur une chose : il faut que nous fassions un point ensemble, que nous fassions l'analyse de la situation dans laquelle nous sommes. Je rappelle que le contrat "nouvelles embauches", instauré par voie d'ordonnances par le Premier ministre, durant l'été 2005, a déjà fait l'objet de mobilisations communes, notamment le 4 octobre, où nous étions plus d'un million dans les rues. Cela a parfois été rapidement oublié mais tous les syndicats avaient critiqué cette disposition. Dès lors que nous sommes parvenus à faire reculer sur le contrat "première embauche" au motif qu'il y avait deux critiques fondamentales sur le contrat "première embauche" - l'absence de motivation au licenciement et la période d'essai pour les salariés beaucoup plus longue que les conventions collectives ne le prévoient, ce sont deux dispositions applicables pour le contrat "nouvelles embauches" pour les petites entreprises, pour les salariés recrutés dans les petites entreprises - il n'y a pas de raison de laisser ces deux tares du code du travail pour ce type de recrutement, alors que nous avons fait reconnaître que pour d'autres modalités, on pouvait revenir en arrière. Donc, nous allons faire un point de cette situation et envisager le type de démarche commune que nous pourrions entreprendre. C'est le sens de ma proposition.
Q - Est-ce que l'on peut encore discuter avec l'actuel Premier ministre, D. de Villepin ? Sinon, envisagez-vous de nouvelles manifestations, par exemple ?
R - Il est souhaitable que l'on puisse discuter avec le Premier ministre. Tout dépend aussi de son attitude. Il a montré, dans les dernières semaines, qu'il n'était pas facilement à l'écoute des interlocuteurs syndicaux. Notre démarche est déjà d'obtenir des pouvoirs publics une interruption des recrutements en contrat "nouvelles embauches" et un réexamen des conditions applicables pour ceux qui sont déjà en contrat "nouvelles embauches". Il y a, même si c'est loin d'être dans les proportions qu'annonce le Gouvernement, plusieurs dizaines de milliers de salariés qui sont susceptibles d'être recrutés sous cette forme de contrat.
Q - Allez-vous manifester, samedi, aux côtés des associations qui appellent à défiler contre le projet de loi sur l'immigration ?
R - Samedi, nous serons au lendemain du congrès. Nous avons nos manifestations du 1er mai, où les revendications sociales vont porter critique sur le contrat "nouvelles embauches", sur une mobilisation qui doit se poursuivre pour faire reculer la précarité. Et puis, plus globalement - cela a d'ailleurs été exprimé dans notre congrès -, nous sommes effectivement particulièrement critiques sur la loi présenté par le Gouvernement sur l'immigration, qui représente, de notre point de vue, une approche très régressive vis-à-vis de l'immigration.
Q - Vous ne défilerez pas comme tel samedi ?
R - Il y aura sans doute des représentants de l'organisation samedi matin. Mais je vous avoue qu'un lendemain de congrès national, nous ne pouvons pas prétendre avoir toute la direction mobilisée à cette occasion.
Q - Est-ce que dans les batailles à venir, vous comptez développer une lutte contre le rapprochement, que vous avez critiqué, entre la Banque Populaire et les Caisses d'Epargne ?
R - Nous aimerions bien - c'était un sujet hier d'ailleurs dans nos textes - que se mette en place un pôle public de financement. Le fait que notre Etat n'ait plus à sa disposition, par les opérations de privatisation successives qui ont été opérées, d'outils publics pour financer un certain nombre de choix politiques, choix d'infrastructures, de programmes d'investissement dans différents domaines, est préjudiciable à notre pays. Les opérations financières qui sont faites, si elles découlent uniquement d'une recherche de rentabilité financière en privant la puissance publique d'outils d'intervention publique sur le terrain du financement, continueront de poser problème.
Q - Allez vous vous y opposer d'une manière ou d'une autre ?
R - Lorsque nous pensons que nous affaiblissons les outils publics pour le financement des besoins de notre pays, nous essayons d'apporter la contradiction, c'est vrai.
Q - Croyez-vous pouvoir encore empêcher la privatisation de Gaz de France ramenée à 34 % dans le cadre de son mariage avec Suez ?
R - Nous allons continuer à mener une campagne d'explication. Mais j'entends assez souvent, ces derniers jours, attribuer aux organisations syndicales la responsabilité d'obtenir soit l'annulation de processus de privatisation, processus d'ouverture du capital de certaines entreprises... J'aimerais bien aussi que l'on reconnaisse la vertu de l'intervention politique, de l'intervention des législateurs. Les syndicats ont des prérogatives et un rôle à occuper s'agissant des conditions sociales des salariés. Nous pouvons éclairer sur le fait qu'il est particulièrement préjudiciable pour l'activité, pour les usagers, d'aller dans la voie de la privatisation dans le secteur de l'énergie, dans une orientation de mise en concurrence des différents opérateurs qui est prônée au niveau européen, mais on ne peut pas demander aux syndicats de se substituer au législateur ou d'être d'un poids suffisamment fort pour contrarier sur des choix de ce type, qui engagent les citoyens, le Gouvernement.
Q - D'un mot, trouvez-vous la gauche trop timide ?
R - Je crois que nous n'avons pas suffisamment, dans ce pays, de débats politiques qui permettent aux citoyens d'intervenir sur des choix qui les concernent directement. Et l'on attend, de la part des organisations syndicales, qu'elles assument toutes ces responsabilités. Nous en avons, nous sommes prêts à les assumer, nous allons continuer les campagnes de mobilisation, de sensibilisation. Mais nous ne sommes pas les seuls acteurs pour décider du sort des entreprises publiques de notre pays. Même si, vous le savez, nous estimons qu'il y aurait un potentiel beaucoup plus important pour re-développer du secteur public dans un pays comme la France qui y est particulièrement attaché.Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 27 avril 2006
R - Je dois dire que cela a été un évènement marqué par une partie des congressistes. Vous avez que nous sommes en plein débat et que, notamment, s'agissant de notre stratégie syndicale qui domine depuis 1995, où nous prônons effectivement le "syndicalisme rassemblé", c'est-à-dire l'unité entre les syndicats, même lorsqu'ils ont et leur arrive d'avoir un certain nombre de différences sur un certain nombre de points, il y a des militants qui sont en désaccord, il faut le dire, avec ce choix stratégique qui place l'unité au coeur de notre démarche, et qui se sont manifestés, malheureusement, à l'occasion de la venue de F. Chérèque.
Q - La cohésion de la gauche en a pris un petit coup aussi, puisque M. Aubry, qui représentait le PS, a eu un accueil mitigé.
R - Oui mais cela relève, je crois, de la même démarche. Dans une salle de congrès qui est bondée, à quelques uns, il peut y avoir beaucoup de bruit d'organisé sans que cela représente pour autant la masse des adhérents et la majorité des militants. D'ailleurs, on le voit à l'occasion de votes sur le rapport d'activités, d'une part - cela a été le premier vote du congrès, l'activité passée de la direction confédérale a été approuvée à 82 %, c'est donc, vous le voyez, un soutien important de la part des syndicats à ce qui a été mis en oeuvre ces trois dernières années.
Q - Effectivement, vos mandants ont largement approuvé ce rapport d'activité, donc votre bilan. Va-t-il en être de la même manière pour le document d'orientation ? Autrement dit, est-ce qu'ils vont approuver vos choix stratégiques, ou comme certains souhaitaient davantage que l'on revienne à une dialectique de la lutte des classes ?
R - Il y a eu deux votes indicatifs sur les deux premières parties du document qui ont été approuvés par un vote à main levée très majoritairement. Nous allons voir à l'issue d'un troisième débat, qui, lui, va porter sur l'organisation, ce qu'il en sera du vote final. Mais je suis assez confiant compte tenu de la nature des débats et de la manière dont sont tranchées un certain nombre de questions qui étaient au coeur de notre document d'orientation.
Q - Après la bataille du contrat "première embauche", vous avez dit vouloir "faire la peau" - je reprends votre expression - du contrat "nouvelles embauches". Deux questions sur ce sujet : avez-vous le soutien de F. Chérèque, qui est venu vous voir à Lille, pour continuer ce combat contre le contrat "nouvelles embauches" - il a l'air d'être plutôt sceptique - et comment allez-vous mener cette bataille ?
R - F. Chérèque, ainsi que d'autres homologues syndicaux sont au moins d'accord sur une chose : il faut que nous fassions un point ensemble, que nous fassions l'analyse de la situation dans laquelle nous sommes. Je rappelle que le contrat "nouvelles embauches", instauré par voie d'ordonnances par le Premier ministre, durant l'été 2005, a déjà fait l'objet de mobilisations communes, notamment le 4 octobre, où nous étions plus d'un million dans les rues. Cela a parfois été rapidement oublié mais tous les syndicats avaient critiqué cette disposition. Dès lors que nous sommes parvenus à faire reculer sur le contrat "première embauche" au motif qu'il y avait deux critiques fondamentales sur le contrat "première embauche" - l'absence de motivation au licenciement et la période d'essai pour les salariés beaucoup plus longue que les conventions collectives ne le prévoient, ce sont deux dispositions applicables pour le contrat "nouvelles embauches" pour les petites entreprises, pour les salariés recrutés dans les petites entreprises - il n'y a pas de raison de laisser ces deux tares du code du travail pour ce type de recrutement, alors que nous avons fait reconnaître que pour d'autres modalités, on pouvait revenir en arrière. Donc, nous allons faire un point de cette situation et envisager le type de démarche commune que nous pourrions entreprendre. C'est le sens de ma proposition.
Q - Est-ce que l'on peut encore discuter avec l'actuel Premier ministre, D. de Villepin ? Sinon, envisagez-vous de nouvelles manifestations, par exemple ?
R - Il est souhaitable que l'on puisse discuter avec le Premier ministre. Tout dépend aussi de son attitude. Il a montré, dans les dernières semaines, qu'il n'était pas facilement à l'écoute des interlocuteurs syndicaux. Notre démarche est déjà d'obtenir des pouvoirs publics une interruption des recrutements en contrat "nouvelles embauches" et un réexamen des conditions applicables pour ceux qui sont déjà en contrat "nouvelles embauches". Il y a, même si c'est loin d'être dans les proportions qu'annonce le Gouvernement, plusieurs dizaines de milliers de salariés qui sont susceptibles d'être recrutés sous cette forme de contrat.
Q - Allez-vous manifester, samedi, aux côtés des associations qui appellent à défiler contre le projet de loi sur l'immigration ?
R - Samedi, nous serons au lendemain du congrès. Nous avons nos manifestations du 1er mai, où les revendications sociales vont porter critique sur le contrat "nouvelles embauches", sur une mobilisation qui doit se poursuivre pour faire reculer la précarité. Et puis, plus globalement - cela a d'ailleurs été exprimé dans notre congrès -, nous sommes effectivement particulièrement critiques sur la loi présenté par le Gouvernement sur l'immigration, qui représente, de notre point de vue, une approche très régressive vis-à-vis de l'immigration.
Q - Vous ne défilerez pas comme tel samedi ?
R - Il y aura sans doute des représentants de l'organisation samedi matin. Mais je vous avoue qu'un lendemain de congrès national, nous ne pouvons pas prétendre avoir toute la direction mobilisée à cette occasion.
Q - Est-ce que dans les batailles à venir, vous comptez développer une lutte contre le rapprochement, que vous avez critiqué, entre la Banque Populaire et les Caisses d'Epargne ?
R - Nous aimerions bien - c'était un sujet hier d'ailleurs dans nos textes - que se mette en place un pôle public de financement. Le fait que notre Etat n'ait plus à sa disposition, par les opérations de privatisation successives qui ont été opérées, d'outils publics pour financer un certain nombre de choix politiques, choix d'infrastructures, de programmes d'investissement dans différents domaines, est préjudiciable à notre pays. Les opérations financières qui sont faites, si elles découlent uniquement d'une recherche de rentabilité financière en privant la puissance publique d'outils d'intervention publique sur le terrain du financement, continueront de poser problème.
Q - Allez vous vous y opposer d'une manière ou d'une autre ?
R - Lorsque nous pensons que nous affaiblissons les outils publics pour le financement des besoins de notre pays, nous essayons d'apporter la contradiction, c'est vrai.
Q - Croyez-vous pouvoir encore empêcher la privatisation de Gaz de France ramenée à 34 % dans le cadre de son mariage avec Suez ?
R - Nous allons continuer à mener une campagne d'explication. Mais j'entends assez souvent, ces derniers jours, attribuer aux organisations syndicales la responsabilité d'obtenir soit l'annulation de processus de privatisation, processus d'ouverture du capital de certaines entreprises... J'aimerais bien aussi que l'on reconnaisse la vertu de l'intervention politique, de l'intervention des législateurs. Les syndicats ont des prérogatives et un rôle à occuper s'agissant des conditions sociales des salariés. Nous pouvons éclairer sur le fait qu'il est particulièrement préjudiciable pour l'activité, pour les usagers, d'aller dans la voie de la privatisation dans le secteur de l'énergie, dans une orientation de mise en concurrence des différents opérateurs qui est prônée au niveau européen, mais on ne peut pas demander aux syndicats de se substituer au législateur ou d'être d'un poids suffisamment fort pour contrarier sur des choix de ce type, qui engagent les citoyens, le Gouvernement.
Q - D'un mot, trouvez-vous la gauche trop timide ?
R - Je crois que nous n'avons pas suffisamment, dans ce pays, de débats politiques qui permettent aux citoyens d'intervenir sur des choix qui les concernent directement. Et l'on attend, de la part des organisations syndicales, qu'elles assument toutes ces responsabilités. Nous en avons, nous sommes prêts à les assumer, nous allons continuer les campagnes de mobilisation, de sensibilisation. Mais nous ne sommes pas les seuls acteurs pour décider du sort des entreprises publiques de notre pays. Même si, vous le savez, nous estimons qu'il y aurait un potentiel beaucoup plus important pour re-développer du secteur public dans un pays comme la France qui y est particulièrement attaché.Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 27 avril 2006