Texte intégral
Le monde compte aujourd'hui plus de 6 milliards d'habitants. L'Europe, qui représentait 20% de la population mondiale en 1970, ne compte aujourd'hui que pour 5%. La France suit le même chemin et représente moins de 1% de ce total.
Mais, dans le même temps, son degré d'ouverture à l'économie mondiale, qui mesure le rapport entre les échanges internationaux de la France et son PIB, est passé de 11% en 1960 à 22% en 2005. Durant cette période, la France s'est ouverte à l'économie mondiale et aux capitaux étrangers, tandis que les grandes entreprises françaises prenaient une stature européenne, voire internationale.
L'économie française représente aujourd'hui 5% des échanges mondiaux. En 2005, la France était 5e exportateur mondial de marchandises (avec plus de 350 Mds d'euros) et 4e exportateur mondial de services (plus de 90 Mds d'euros).
La France semble donc tirer son épingle du jeu dans la compétition internationale. Mais dans le même temps, les Français expriment leur crainte des excès de la mondialisation en votant Non au référendum du 29 mai et les délocalisations les plus spectaculaires, comme celle de Hewlett Packard, figurent régulièrement en une des journaux.
PLAN
Mon propos, aujourd'hui, est de réfléchir avec vous sur le sens de la mondialisation et, en passant, de tordre le cou à quelques idées fausses sur la mondialisation :
1. La France est-elle victime de la mondialisation ?
2. La régulation de la mondialisation : l'OMC
3. Le Droit comme outil de régulation de la Mondialisation
Qu'est-ce que la mondialisation ?
Vous le savez, la mondialisation désigne d'abord l'accroissement des échanges commerciaux et financiers à l'échelle de la planète, mais aussi l'interdépendance croissante des Etats entre eux et des régions du monde entre elles.
Mais, la mondialisation ne désigne pas seulement une réalité économique à laquelle on la réduit trop souvent. Elle renvoie aussi à une transformation de la nature des échanges internationaux. Les TIC, les technologies de l'information et de la communication créent une société de la connaissance. Ex : Des téléphones portables à Internet, des Ipod aux micro-ordinateurs, c'est toute la structure du monde du travail, mais aussi notre vie quotidienne, qui en sortent transformées.
Enfin, la mondialisation représente aussi une démarche active et volontariste des Etats visant à établir des règles communes à l'échelle de la planète pour vaincre la pauvreté et promouvoir le développement, pour tenter de résoudre des problèmes globaux : politique, social, économique ou encore climatique.
Ces tentatives s'inscrivent bien sûr dans le cadre multilatéral des organisations internationales, comme l'ONU ou l'OMC. Mais, elles sont aussi le fait des multinationales qui élaborent des réglementations et des normes communes pour résoudre leurs litiges et disposer d'un langage juridique commun.
Ces trois manières de définir la mondialisation illustrent la difficulté de cerner le phénomène. Elles montrent surtout combien la réalité en marche est complexe et potentiellement génératrice de peurs nouvelles et notamment celle d'être victime de la mondialisation.
1. La France est-elle victime de la mondialisation ?
Les Français peuvent avoir l'impression d'être entraînés dans un mouvement qui les dépasse. Ils redoutent parfois d'être victimes de ce mouvement. Ex : référendum du 29 mai.
1.1. En fait, l'ouverture aux échanges impose à la France des disciplines extérieures bénéfiques
- l'ouverture au commerce international rend les entreprises françaises plus compétitives sur les marchés européens et internationaux. Ex de champions français : Publicis, Loreal, Airbus...
- l'harmonisation européenne renforce notre discipline budgétaire.
Ex : critères de Maastricht : 3% de déficit public.
- l'ouverture commerciale, en stimulant la concurrence, bénéficie directement au consommateur et favorise la baisse des prix. Ex : les télécommunications : accès à Internet haut débit
Dans un système économique ouvert, le respect des règles de la concurrence, la chasse aux monopoles nationaux ou européens, sont la meilleure garantie que les droits des consommateurs et des citoyens seront respectés.
L'ouverture au commerce international peut être un moyen de faire sauter nos verrous intérieurs, nos lignes Maginot. Ex : fin du monopole de France Telecom grâce à l'Europe a bénéficié à tous les consommateurs.
La mondialisation, qu'elle prenne le visage de l'Europe ou de l'ouverture aux échanges internationaux, n'est pas source de menaces pour les entreprises et les citoyens français.
Car :
1.2. La France a des atouts dans la compétition internationale
En fait, la France est tout à fait prête à affronter la concurrence internationale. Son arme principale tient à son degré de développement technologique qui lui permet d'innover constamment dans le domaine des biens et des services, quand elle est concurrencée sur le terrain des coûts de production. Et c'est bien là tout l'objet de la « société de la connaissance » que l'Union Européenne veut mettre en place grâce à l'agenda de Lisbonne.
Les Airbus, TGV, Ariane, Galileo et autres produits de haute technologie sont bien la preuve que la France, avec l'Europe, sait relever les défis de la mondialisation.
Le taux de productivité horaire des Français est le 2e au sein de l'OCDE après la Norvège.
Le coût horaire de la main d'oeuvre est un des plus bas d'Europe au niveau de l'Espagne et de l'Italie.
En termes de compétitivité, les entreprises ont su relever le défi du développement multinational. Il y a 30 ans, la France n'avait aucun leader mondial en économie. Aujourd'hui, elle en a vingt, y compris dans les secteurs d'activité de pointe.
1.3. Délocalisations, emplois et mondialisation
Mais dans le même temps, des Français souffrent du chômage. Ils sont parfois victimes de délocalisations. Les délocalisations frappent bien sûr le territoire national et le cas de Hewlett Packard en est l'exemple le plus récent.
Mais gardons bien à l'esprit que pour un emploi détruit, deux autres sont créés en France dans le même temps par les investissements étrangers.
Toutes les études économiques convergent pour montrer que moins de 5% des emplois détruits en France chaque année le sont à cause de délocalisations.
Les médias nous montrent la face tragique de la mondialisation -et c'est leur rôle d'informer les Français des malheurs qui touchent la communauté nationale. Mais dans le même temps, ils ne nous informent pas des entreprises et des emplois qui se créent grâce aux investissements étrangers, -et c'est bien normal, tant le phénomène est banal et quotidien.
Dans les faits, les entreprises étrangères créent des emplois en France. Rappelons qu'en 2005, la France était la 3e terre d'accueil par le montant des IDE (Investissements directs étrangers en stock) et la 2e si l'on excepte le cas particulier du Luxembourg
- l'ouverture de notre pays a permis le développement sur notre territoire d'industries compétitives dans le monde ;
- les investisseurs étrangers sont aujourd'hui à l'origine de 45% des exportations françaises. La France reste attractive :
- la France n'est pas une friche industrielle : les difficultés de certains secteurs vont de pair avec la progression d'autres (industries agroalimentaires, pharmacie, cosmétiques)
Les délocalisations nourrissent les peurs, mais investir à l'étranger, c'est une marque de bonne santé et un impératif dans un monde plus ouvert :
- les marchés de demain sont en Inde et en Chine.
- les dix secteurs industriels français qui ont le plus investi à l'étranger ont parallèlement créé 100.000 emplois en France.
- les délocalisations au sens strict, c'est-à-dire les transferts à l'étranger d'une production industrielle qui est vendue en France, représentent moins de 4% des investissements à l'étranger.
Par ailleurs, les emplois détruits ne le sont pas à cause de l'ouverture aux échanges. En fait, ils sont détruits avant tout du fait de la transformation du marché du travail, de l'émergence d'une société de la connaissance. La baisse des effectifs industriels tient avant tout à l'exigence de productivité et à l'automatisation ;
Les emplois se requalifient. Demain, l'industrie recrutera plus de cols blancs que de cols bleus et les personnels moins formés iront dans les services plutôt que dans l'industrie.
Le progrès technologique nous impose d'avancer, d'anticiper sur les évolutions à venir. Nous ne pouvons plus refuser la révolution informatique. Elle est déjà là. A nous d'en tirer le meilleur parti et l'ouverture aux échanges est justement le meilleur moyen de nous adapter aux évolutions technologiques et sociales en cours.
Dans ce contexte, le refus du changement nous précipiterait dans des malheurs plus graves. La France décrocherait dès lors du peloton de tête. D'acteur de la mondialisation, elle en deviendrait une victime.
2. Une forme de régulation de la mondialisation : l'OMC
Face à la mondialisation, la France dispose de certains instruments dans le jeu économique international.
A l'échelon international, la France n'est pas inactive. Elle est un des membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU.
Elle participe aux négociations de l'OMC, l'Organisation Mondiale du Commerce. En décembre 2005 à Hong Kong, les Etats membres ont avancé sur la voie d'un nouvel accord non seulement sur les tarifs, mais aussi sur des avancées concrètes en faveur des PMA.
La France sait donc se défendre des excès de la mondialisation à l'intérieur de ses frontières, mais aussi à l'extérieur, car elle est aussi le porte-parole des pays en développement dans les instances internationales.
2.1. Qu'est-ce que l'OMC ?
Successeur du GATT, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a vu le jour le 1er janvier 1995. Son premier rôle est d'arbitrer les conflits commerciaux entre pays membres. L'organe de règlement des conflits confère à l'OMC un pouvoir de sanction considérable en matière de droit commercial, unique dans le droit international.
Les grandes puissances, Etats-Unis et Union Européenne, y sont régulièrement condamnées et contraintes de se soumettre aux règles communes.
Ex : les Etats-Unis ont été condamnés à plusieurs reprises pour leur soutien aux producteurs de coton qui pénalisent les producteurs d'Afrique.
Mais l'OMC a aussi un autre rôle : celui d'encadrer le système économique mondial par des accords multilatéraux qui permettent de poser des règles du jeu.
L'OMC compte aujourd'hui 150 membres qui sont engagés depuis 2001 dans une vaste négociation internationale dont une des étapes essentielles a eu lieu à Hong Kong en décembre dernier.
2.2. Une organisation au coeur du débat sur la mondialisation
En dépit de sa création récente (1995), l'Organisation mondiale du commerce (OMC) se trouve régulièrement au coeur du débat sur la mondialisation.
La coopération économique internationale est devenue une priorité après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle est née d'un rêve : que la liberté du commerce entre nations permette de retrouver la prospérité par l'échange et la paix par l'interdépendance commerciale. Ce rêve est devenu réalité.
Dès 1948, le GATT devient l'instrument de régulation du commerce. Il vise à éliminer les entraves au commerce. Les droits de douane moyens sur les produits industriels passent ainsi de 40 % en 1948 à moins de 6 % en 2000.
Les « Trente Glorieuses » et la forte croissance, de plus de 5% par an, que connurent les pays développés jusqu'au début des années 70, en furent un des résultats les plus tangibles.
Aujourd'hui, sur le même modèle, grâce au commerce international, les pays émergents, comme la Chine, le Brésil ou la Corée du Sud sont en phase de rattrapage et suivent le même chemin, avec des taux de croissance dignes des « 30 glorieuses ». Ces pays dits « émergents » sont bien la preuve que le développement est possible par l'ouverture au commerce mondial et l'industrialisation.
2.3. Une organisation au coeur du développement
Il va de soi que si la mondialisation économique n'est pas la source de tous nos maux, elle n'est pas non plus la solution à tous nos problèmes. A elle seule, elle ne peut garantir à tous le bien-être, la prospérité et la paix. Elle ne peut pas être considérée comme une fin, mais seulement comme un moyen, comme l'outil d'un progrès.
Le commerce peut être un facteur d'intégration à l'économie mondiale, une clé du développement pour les pays du Sud, ou un vecteur des valeurs démocratiques universelles, mais jamais à lui seul. Comme la construction européenne, il doit être encadré par un processus politique.
L'OMC représente justement la dimension politique de la mondialisation. Par les règles internationales qu'elle édicte, l'OMC permet de mettre en place les conditions du développement et d'une mondialisation maîtrisée et équitable.
De même qu'à l'échelon national, l'Etat fixe les règles du jeu et joue le rôle d'arbitre entre les intérêts privés, de même, à l'échelon international, l'OMC représente l'arbitrage de la puissance publique pour réglementer les relations commerciales entre les Etats. L'OMC est devenue le symbole de la mondialisation, parce qu'elle est la seule instance de régulation internationale disposant d'un système juridique contraignant.
2.4. Quels sont les objectifs des négociations du cycle de Doha ?
Le cycle du développement qui a été lancé à Doha en novembre 2001 est un cycle ambitieux qui vise 3 objectifs :
(i) poursuivre l'ouverture mondiale des échanges
(ii) élaborer de nouvelles règles multilatérales pour encadrer ces échanges
(iii) mieux intégrer les pays en voie de développement dans le commerce mondial
A Hong Kong, la France et l'UE ont réalisé des avancées sur une plus grande ouverture des échanges de biens et de services, tout en adoptant des mesures pour les pays les moins avancés.
Les sujets en négociation qui doivent aboutir pour fin 2006 :
- l'agriculture : L'abaissement des aides à l'agriculture et l'ouverture aux produits agricoles des PED doit permettre leur développement et leur accès aux marchés occidentaux.
En échange, les pays développés souhaitent pouvoir exporter produits industriels et services vers les PED.
- les produits industriels : accès au marché des produits non agricoles.
- les services représentent l'économie moderne, les ¾ de nos emplois sont dans ce secteur. Objectif : faciliter les échanges de services (transport maritime, services environnementaux (traitement des eaux, des déchets), distribution (implantation de centres Carrefour)
- le développement
Le volet développement est un objectif prioritaire pour la France.
Le Cycle de Doha est avant tout le «Cycle du développement» et il doit absolument bénéficier aux pays les plus pauvres.
o Enjeu fondamental pour le continent africain qui, dans sa partie sub-saharienne, reste le grand oublié du commerce international.
Trois sujets importants ont progressé à Hong Kong :
1. traitement spécial : accès sans droits de douane pour les pays les moins avancés,
2. fin des subventions à l'export sur le coton qui ne représentent qu'une faible partie des subventions,
3. l'accès aux médicaments : pour la France, les règles commerciales sur la protection de la propriété intellectuelle ne doivent pas freiner l'approvisionnement en médicaments des pays en voie de développement qui connaissent des problèmes de santé publique grave,
3. le Droit comme instrument de régulation de la mondialisation.
Pour finir, je souhaiterais évoquer les possibilités de régulation de la mondialisation que peut apporter le droit ou plutôt les diverses formes de droit.
Selon moi, une des grandes questions que pose la mondialisation est la suivante :
La globalisation de l'économie constitue-t-elle le vecteur d'une harmonisation des normes juridiques et favorisera-t-elle l'émergence d'une mondialisation humanisée ?
Très vite, j'ai acquis la conviction qu'il ne fallait pas dissocier les droits de l'homme du droit économique, car, si les droits de l'homme restent notre boussole, l'économie est devenue le véritable moteur de la mondialisation.
Face aux inégalités économiques croissantes qui mettent en cause l'universalité des droits de l'homme, la mondialisation du droit est-elle pratiquement possible ?
Témoin des évolutions internationales du droit à la fois dans le domaine économique et politique, je suis convaincue que, dans une économie mondiale, les Etats demeurent et doivent rester les auteurs essentiels de la norme juridique internationale par des négociations bilatérales ou multilatérales. Du point de vue de la méthode, c'est l'harmonisation qui doit être privilégiée par rapport à l'unification.
En effet, l'économie multinationale fait naître une norme juridique concurrente de celle des Etats. Elle fait apparaître un nouvel acteur international, créateur de normes, l'entreprise privée. Elle tend vers une plus grande unification. Il s'agit le plus souvent d'un droit modélisé, non contraignant, dont la force obligatoire dépend de l'accord des opérateurs.
Il devient de plus en plus difficile pour les Etats de maintenir leur rôle face aux revendications dans un espace entièrement contrôlé par l'autorégulation.
De fait, les ordres juridiques tels qu'on les connaît ne résistent pas à la mondialisation : la pratique s'est largement affranchie de la soumission du commerce international à un ou plusieurs systèmes juridiques nationaux grâce aux standards contractuels et à l'arbitrage.
Le contrat s'émancipe par rapport aux ordres juridiques nationaux. Nous avons là tous les composants d'une sorte de Common Law internationale qui naîtrait des pratiques des opérateurs du commerce international. Le marché a en effet une force unificatrice.
C'est le problème de la place de l'Etat dans le processus de régulation qui se trouve ainsi posé, comme il se trouve posé par le développement de l'arbitrage qui se substitue le plus souvent aux procédures judiciaires quand il s'agit d'un litige concernant le commerce international. Conçu comme une alternative à la justice étatique, l'arbitrage lui-même n'échappe pas au paradoxe d'une institutionnalisation croissante.
L'internationalisation des pratiques est telle qu'il faut régler des conflits de compétences de plus en plus nombreux et de plus en plus difficiles tant l'enchevêtrement des normes, nationales et internationales, s'accroît, à mesure que la prolifération normative se développe.
Par rapport à ce double risque, d'éclatement d'un côté, d'hégémonie de l'autre, il n'y a pas de modèle préexistant. Voici les juristes contraints à inventer du neuf.
Ainsi, l'image d'un droit mondial qui aurait réussi la synthèse de toutes les familles juridiques est encore impensable aujourd'hui, même si le droit chinois qui picore à plusieurs traditions peut nous en donner un avant-goût. A défaut, c'est d'harmonisation qu'il s'agit, donc d'un rapprochement des systèmes qui ne supprime pas pour autant toutes les différences. Politiquement, l'harmonisation est d'ailleurs beaucoup plus facile à accepter que l'unification derrière laquelle on redoute toujours le danger hégémonique.
Ce droit n'a pas nécessairement comme objet d'assurer la satisfaction de l'intérêt général. Les relais des institutions internationales sont alors nécessaires. Les observateurs les plus optimistes dont je fais partie constateront ainsi l'émergence d'une « gouvernance mondiale ».
L'Europe, d'où étaient parties, pendant le 20e siècle, deux guerres mondiales, donne aujourd'hui l'image plus apaisée d'une lente marche vers la création d'un droit commun. Des représentants des ennemis dits héréditaires siègent désormais côte à côte dans deux assemblées, celle du conseil de l'Europe et celle de l'UE. Des juges relevant de traditions juridiques longtemps opposées - common law et système romano-germanique- délibèrent ensemble et ont condamné des Etats et des entreprises, y compris ceux dont ils sont originaires. Aujourd'hui, il existe un droit commun européen, si insuffisant soit-il, et des juridictions pour en contrôler l'application effective. Cet exemple n'est certes pas transposable en tous points à l'échelle mondiale. Mais il n'en reste pas moins que l'expérience du « laboratoire européen », même en ces temps de pessimisme constitutionnel, peut fournir d'utiles repères pour l'édification d'un droit mondial.
Au demeurant, de premiers résultats apparaissent qui ne doivent pas être négligés. C'est ainsi que l'accord obtenu pour la création d'une Cour Pénale Internationale (CPI), malgré tous les pronostics d'échec et la persistante opposition de l'Etat le plus puissant, va permettre, pour la première fois dans l'histoire, de faire siéger dans une juridiction permanente des juges venus des cinq continents qui appliqueront ensemble des principes universellement définis.
On entrevoit ainsi la possibilité de concevoir un droit commun pluraliste, construit par ajustements successifs.
Source http://www.exporter.gouv.fr, le 5 mai 2006
Mais, dans le même temps, son degré d'ouverture à l'économie mondiale, qui mesure le rapport entre les échanges internationaux de la France et son PIB, est passé de 11% en 1960 à 22% en 2005. Durant cette période, la France s'est ouverte à l'économie mondiale et aux capitaux étrangers, tandis que les grandes entreprises françaises prenaient une stature européenne, voire internationale.
L'économie française représente aujourd'hui 5% des échanges mondiaux. En 2005, la France était 5e exportateur mondial de marchandises (avec plus de 350 Mds d'euros) et 4e exportateur mondial de services (plus de 90 Mds d'euros).
La France semble donc tirer son épingle du jeu dans la compétition internationale. Mais dans le même temps, les Français expriment leur crainte des excès de la mondialisation en votant Non au référendum du 29 mai et les délocalisations les plus spectaculaires, comme celle de Hewlett Packard, figurent régulièrement en une des journaux.
PLAN
Mon propos, aujourd'hui, est de réfléchir avec vous sur le sens de la mondialisation et, en passant, de tordre le cou à quelques idées fausses sur la mondialisation :
1. La France est-elle victime de la mondialisation ?
2. La régulation de la mondialisation : l'OMC
3. Le Droit comme outil de régulation de la Mondialisation
Qu'est-ce que la mondialisation ?
Vous le savez, la mondialisation désigne d'abord l'accroissement des échanges commerciaux et financiers à l'échelle de la planète, mais aussi l'interdépendance croissante des Etats entre eux et des régions du monde entre elles.
Mais, la mondialisation ne désigne pas seulement une réalité économique à laquelle on la réduit trop souvent. Elle renvoie aussi à une transformation de la nature des échanges internationaux. Les TIC, les technologies de l'information et de la communication créent une société de la connaissance. Ex : Des téléphones portables à Internet, des Ipod aux micro-ordinateurs, c'est toute la structure du monde du travail, mais aussi notre vie quotidienne, qui en sortent transformées.
Enfin, la mondialisation représente aussi une démarche active et volontariste des Etats visant à établir des règles communes à l'échelle de la planète pour vaincre la pauvreté et promouvoir le développement, pour tenter de résoudre des problèmes globaux : politique, social, économique ou encore climatique.
Ces tentatives s'inscrivent bien sûr dans le cadre multilatéral des organisations internationales, comme l'ONU ou l'OMC. Mais, elles sont aussi le fait des multinationales qui élaborent des réglementations et des normes communes pour résoudre leurs litiges et disposer d'un langage juridique commun.
Ces trois manières de définir la mondialisation illustrent la difficulté de cerner le phénomène. Elles montrent surtout combien la réalité en marche est complexe et potentiellement génératrice de peurs nouvelles et notamment celle d'être victime de la mondialisation.
1. La France est-elle victime de la mondialisation ?
Les Français peuvent avoir l'impression d'être entraînés dans un mouvement qui les dépasse. Ils redoutent parfois d'être victimes de ce mouvement. Ex : référendum du 29 mai.
1.1. En fait, l'ouverture aux échanges impose à la France des disciplines extérieures bénéfiques
- l'ouverture au commerce international rend les entreprises françaises plus compétitives sur les marchés européens et internationaux. Ex de champions français : Publicis, Loreal, Airbus...
- l'harmonisation européenne renforce notre discipline budgétaire.
Ex : critères de Maastricht : 3% de déficit public.
- l'ouverture commerciale, en stimulant la concurrence, bénéficie directement au consommateur et favorise la baisse des prix. Ex : les télécommunications : accès à Internet haut débit
Dans un système économique ouvert, le respect des règles de la concurrence, la chasse aux monopoles nationaux ou européens, sont la meilleure garantie que les droits des consommateurs et des citoyens seront respectés.
L'ouverture au commerce international peut être un moyen de faire sauter nos verrous intérieurs, nos lignes Maginot. Ex : fin du monopole de France Telecom grâce à l'Europe a bénéficié à tous les consommateurs.
La mondialisation, qu'elle prenne le visage de l'Europe ou de l'ouverture aux échanges internationaux, n'est pas source de menaces pour les entreprises et les citoyens français.
Car :
1.2. La France a des atouts dans la compétition internationale
En fait, la France est tout à fait prête à affronter la concurrence internationale. Son arme principale tient à son degré de développement technologique qui lui permet d'innover constamment dans le domaine des biens et des services, quand elle est concurrencée sur le terrain des coûts de production. Et c'est bien là tout l'objet de la « société de la connaissance » que l'Union Européenne veut mettre en place grâce à l'agenda de Lisbonne.
Les Airbus, TGV, Ariane, Galileo et autres produits de haute technologie sont bien la preuve que la France, avec l'Europe, sait relever les défis de la mondialisation.
Le taux de productivité horaire des Français est le 2e au sein de l'OCDE après la Norvège.
Le coût horaire de la main d'oeuvre est un des plus bas d'Europe au niveau de l'Espagne et de l'Italie.
En termes de compétitivité, les entreprises ont su relever le défi du développement multinational. Il y a 30 ans, la France n'avait aucun leader mondial en économie. Aujourd'hui, elle en a vingt, y compris dans les secteurs d'activité de pointe.
1.3. Délocalisations, emplois et mondialisation
Mais dans le même temps, des Français souffrent du chômage. Ils sont parfois victimes de délocalisations. Les délocalisations frappent bien sûr le territoire national et le cas de Hewlett Packard en est l'exemple le plus récent.
Mais gardons bien à l'esprit que pour un emploi détruit, deux autres sont créés en France dans le même temps par les investissements étrangers.
Toutes les études économiques convergent pour montrer que moins de 5% des emplois détruits en France chaque année le sont à cause de délocalisations.
Les médias nous montrent la face tragique de la mondialisation -et c'est leur rôle d'informer les Français des malheurs qui touchent la communauté nationale. Mais dans le même temps, ils ne nous informent pas des entreprises et des emplois qui se créent grâce aux investissements étrangers, -et c'est bien normal, tant le phénomène est banal et quotidien.
Dans les faits, les entreprises étrangères créent des emplois en France. Rappelons qu'en 2005, la France était la 3e terre d'accueil par le montant des IDE (Investissements directs étrangers en stock) et la 2e si l'on excepte le cas particulier du Luxembourg
- l'ouverture de notre pays a permis le développement sur notre territoire d'industries compétitives dans le monde ;
- les investisseurs étrangers sont aujourd'hui à l'origine de 45% des exportations françaises. La France reste attractive :
- la France n'est pas une friche industrielle : les difficultés de certains secteurs vont de pair avec la progression d'autres (industries agroalimentaires, pharmacie, cosmétiques)
Les délocalisations nourrissent les peurs, mais investir à l'étranger, c'est une marque de bonne santé et un impératif dans un monde plus ouvert :
- les marchés de demain sont en Inde et en Chine.
- les dix secteurs industriels français qui ont le plus investi à l'étranger ont parallèlement créé 100.000 emplois en France.
- les délocalisations au sens strict, c'est-à-dire les transferts à l'étranger d'une production industrielle qui est vendue en France, représentent moins de 4% des investissements à l'étranger.
Par ailleurs, les emplois détruits ne le sont pas à cause de l'ouverture aux échanges. En fait, ils sont détruits avant tout du fait de la transformation du marché du travail, de l'émergence d'une société de la connaissance. La baisse des effectifs industriels tient avant tout à l'exigence de productivité et à l'automatisation ;
Les emplois se requalifient. Demain, l'industrie recrutera plus de cols blancs que de cols bleus et les personnels moins formés iront dans les services plutôt que dans l'industrie.
Le progrès technologique nous impose d'avancer, d'anticiper sur les évolutions à venir. Nous ne pouvons plus refuser la révolution informatique. Elle est déjà là. A nous d'en tirer le meilleur parti et l'ouverture aux échanges est justement le meilleur moyen de nous adapter aux évolutions technologiques et sociales en cours.
Dans ce contexte, le refus du changement nous précipiterait dans des malheurs plus graves. La France décrocherait dès lors du peloton de tête. D'acteur de la mondialisation, elle en deviendrait une victime.
2. Une forme de régulation de la mondialisation : l'OMC
Face à la mondialisation, la France dispose de certains instruments dans le jeu économique international.
A l'échelon international, la France n'est pas inactive. Elle est un des membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU.
Elle participe aux négociations de l'OMC, l'Organisation Mondiale du Commerce. En décembre 2005 à Hong Kong, les Etats membres ont avancé sur la voie d'un nouvel accord non seulement sur les tarifs, mais aussi sur des avancées concrètes en faveur des PMA.
La France sait donc se défendre des excès de la mondialisation à l'intérieur de ses frontières, mais aussi à l'extérieur, car elle est aussi le porte-parole des pays en développement dans les instances internationales.
2.1. Qu'est-ce que l'OMC ?
Successeur du GATT, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a vu le jour le 1er janvier 1995. Son premier rôle est d'arbitrer les conflits commerciaux entre pays membres. L'organe de règlement des conflits confère à l'OMC un pouvoir de sanction considérable en matière de droit commercial, unique dans le droit international.
Les grandes puissances, Etats-Unis et Union Européenne, y sont régulièrement condamnées et contraintes de se soumettre aux règles communes.
Ex : les Etats-Unis ont été condamnés à plusieurs reprises pour leur soutien aux producteurs de coton qui pénalisent les producteurs d'Afrique.
Mais l'OMC a aussi un autre rôle : celui d'encadrer le système économique mondial par des accords multilatéraux qui permettent de poser des règles du jeu.
L'OMC compte aujourd'hui 150 membres qui sont engagés depuis 2001 dans une vaste négociation internationale dont une des étapes essentielles a eu lieu à Hong Kong en décembre dernier.
2.2. Une organisation au coeur du débat sur la mondialisation
En dépit de sa création récente (1995), l'Organisation mondiale du commerce (OMC) se trouve régulièrement au coeur du débat sur la mondialisation.
La coopération économique internationale est devenue une priorité après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle est née d'un rêve : que la liberté du commerce entre nations permette de retrouver la prospérité par l'échange et la paix par l'interdépendance commerciale. Ce rêve est devenu réalité.
Dès 1948, le GATT devient l'instrument de régulation du commerce. Il vise à éliminer les entraves au commerce. Les droits de douane moyens sur les produits industriels passent ainsi de 40 % en 1948 à moins de 6 % en 2000.
Les « Trente Glorieuses » et la forte croissance, de plus de 5% par an, que connurent les pays développés jusqu'au début des années 70, en furent un des résultats les plus tangibles.
Aujourd'hui, sur le même modèle, grâce au commerce international, les pays émergents, comme la Chine, le Brésil ou la Corée du Sud sont en phase de rattrapage et suivent le même chemin, avec des taux de croissance dignes des « 30 glorieuses ». Ces pays dits « émergents » sont bien la preuve que le développement est possible par l'ouverture au commerce mondial et l'industrialisation.
2.3. Une organisation au coeur du développement
Il va de soi que si la mondialisation économique n'est pas la source de tous nos maux, elle n'est pas non plus la solution à tous nos problèmes. A elle seule, elle ne peut garantir à tous le bien-être, la prospérité et la paix. Elle ne peut pas être considérée comme une fin, mais seulement comme un moyen, comme l'outil d'un progrès.
Le commerce peut être un facteur d'intégration à l'économie mondiale, une clé du développement pour les pays du Sud, ou un vecteur des valeurs démocratiques universelles, mais jamais à lui seul. Comme la construction européenne, il doit être encadré par un processus politique.
L'OMC représente justement la dimension politique de la mondialisation. Par les règles internationales qu'elle édicte, l'OMC permet de mettre en place les conditions du développement et d'une mondialisation maîtrisée et équitable.
De même qu'à l'échelon national, l'Etat fixe les règles du jeu et joue le rôle d'arbitre entre les intérêts privés, de même, à l'échelon international, l'OMC représente l'arbitrage de la puissance publique pour réglementer les relations commerciales entre les Etats. L'OMC est devenue le symbole de la mondialisation, parce qu'elle est la seule instance de régulation internationale disposant d'un système juridique contraignant.
2.4. Quels sont les objectifs des négociations du cycle de Doha ?
Le cycle du développement qui a été lancé à Doha en novembre 2001 est un cycle ambitieux qui vise 3 objectifs :
(i) poursuivre l'ouverture mondiale des échanges
(ii) élaborer de nouvelles règles multilatérales pour encadrer ces échanges
(iii) mieux intégrer les pays en voie de développement dans le commerce mondial
A Hong Kong, la France et l'UE ont réalisé des avancées sur une plus grande ouverture des échanges de biens et de services, tout en adoptant des mesures pour les pays les moins avancés.
Les sujets en négociation qui doivent aboutir pour fin 2006 :
- l'agriculture : L'abaissement des aides à l'agriculture et l'ouverture aux produits agricoles des PED doit permettre leur développement et leur accès aux marchés occidentaux.
En échange, les pays développés souhaitent pouvoir exporter produits industriels et services vers les PED.
- les produits industriels : accès au marché des produits non agricoles.
- les services représentent l'économie moderne, les ¾ de nos emplois sont dans ce secteur. Objectif : faciliter les échanges de services (transport maritime, services environnementaux (traitement des eaux, des déchets), distribution (implantation de centres Carrefour)
- le développement
Le volet développement est un objectif prioritaire pour la France.
Le Cycle de Doha est avant tout le «Cycle du développement» et il doit absolument bénéficier aux pays les plus pauvres.
o Enjeu fondamental pour le continent africain qui, dans sa partie sub-saharienne, reste le grand oublié du commerce international.
Trois sujets importants ont progressé à Hong Kong :
1. traitement spécial : accès sans droits de douane pour les pays les moins avancés,
2. fin des subventions à l'export sur le coton qui ne représentent qu'une faible partie des subventions,
3. l'accès aux médicaments : pour la France, les règles commerciales sur la protection de la propriété intellectuelle ne doivent pas freiner l'approvisionnement en médicaments des pays en voie de développement qui connaissent des problèmes de santé publique grave,
3. le Droit comme instrument de régulation de la mondialisation.
Pour finir, je souhaiterais évoquer les possibilités de régulation de la mondialisation que peut apporter le droit ou plutôt les diverses formes de droit.
Selon moi, une des grandes questions que pose la mondialisation est la suivante :
La globalisation de l'économie constitue-t-elle le vecteur d'une harmonisation des normes juridiques et favorisera-t-elle l'émergence d'une mondialisation humanisée ?
Très vite, j'ai acquis la conviction qu'il ne fallait pas dissocier les droits de l'homme du droit économique, car, si les droits de l'homme restent notre boussole, l'économie est devenue le véritable moteur de la mondialisation.
Face aux inégalités économiques croissantes qui mettent en cause l'universalité des droits de l'homme, la mondialisation du droit est-elle pratiquement possible ?
Témoin des évolutions internationales du droit à la fois dans le domaine économique et politique, je suis convaincue que, dans une économie mondiale, les Etats demeurent et doivent rester les auteurs essentiels de la norme juridique internationale par des négociations bilatérales ou multilatérales. Du point de vue de la méthode, c'est l'harmonisation qui doit être privilégiée par rapport à l'unification.
En effet, l'économie multinationale fait naître une norme juridique concurrente de celle des Etats. Elle fait apparaître un nouvel acteur international, créateur de normes, l'entreprise privée. Elle tend vers une plus grande unification. Il s'agit le plus souvent d'un droit modélisé, non contraignant, dont la force obligatoire dépend de l'accord des opérateurs.
Il devient de plus en plus difficile pour les Etats de maintenir leur rôle face aux revendications dans un espace entièrement contrôlé par l'autorégulation.
De fait, les ordres juridiques tels qu'on les connaît ne résistent pas à la mondialisation : la pratique s'est largement affranchie de la soumission du commerce international à un ou plusieurs systèmes juridiques nationaux grâce aux standards contractuels et à l'arbitrage.
Le contrat s'émancipe par rapport aux ordres juridiques nationaux. Nous avons là tous les composants d'une sorte de Common Law internationale qui naîtrait des pratiques des opérateurs du commerce international. Le marché a en effet une force unificatrice.
C'est le problème de la place de l'Etat dans le processus de régulation qui se trouve ainsi posé, comme il se trouve posé par le développement de l'arbitrage qui se substitue le plus souvent aux procédures judiciaires quand il s'agit d'un litige concernant le commerce international. Conçu comme une alternative à la justice étatique, l'arbitrage lui-même n'échappe pas au paradoxe d'une institutionnalisation croissante.
L'internationalisation des pratiques est telle qu'il faut régler des conflits de compétences de plus en plus nombreux et de plus en plus difficiles tant l'enchevêtrement des normes, nationales et internationales, s'accroît, à mesure que la prolifération normative se développe.
Par rapport à ce double risque, d'éclatement d'un côté, d'hégémonie de l'autre, il n'y a pas de modèle préexistant. Voici les juristes contraints à inventer du neuf.
Ainsi, l'image d'un droit mondial qui aurait réussi la synthèse de toutes les familles juridiques est encore impensable aujourd'hui, même si le droit chinois qui picore à plusieurs traditions peut nous en donner un avant-goût. A défaut, c'est d'harmonisation qu'il s'agit, donc d'un rapprochement des systèmes qui ne supprime pas pour autant toutes les différences. Politiquement, l'harmonisation est d'ailleurs beaucoup plus facile à accepter que l'unification derrière laquelle on redoute toujours le danger hégémonique.
Ce droit n'a pas nécessairement comme objet d'assurer la satisfaction de l'intérêt général. Les relais des institutions internationales sont alors nécessaires. Les observateurs les plus optimistes dont je fais partie constateront ainsi l'émergence d'une « gouvernance mondiale ».
L'Europe, d'où étaient parties, pendant le 20e siècle, deux guerres mondiales, donne aujourd'hui l'image plus apaisée d'une lente marche vers la création d'un droit commun. Des représentants des ennemis dits héréditaires siègent désormais côte à côte dans deux assemblées, celle du conseil de l'Europe et celle de l'UE. Des juges relevant de traditions juridiques longtemps opposées - common law et système romano-germanique- délibèrent ensemble et ont condamné des Etats et des entreprises, y compris ceux dont ils sont originaires. Aujourd'hui, il existe un droit commun européen, si insuffisant soit-il, et des juridictions pour en contrôler l'application effective. Cet exemple n'est certes pas transposable en tous points à l'échelle mondiale. Mais il n'en reste pas moins que l'expérience du « laboratoire européen », même en ces temps de pessimisme constitutionnel, peut fournir d'utiles repères pour l'édification d'un droit mondial.
Au demeurant, de premiers résultats apparaissent qui ne doivent pas être négligés. C'est ainsi que l'accord obtenu pour la création d'une Cour Pénale Internationale (CPI), malgré tous les pronostics d'échec et la persistante opposition de l'Etat le plus puissant, va permettre, pour la première fois dans l'histoire, de faire siéger dans une juridiction permanente des juges venus des cinq continents qui appliqueront ensemble des principes universellement définis.
On entrevoit ainsi la possibilité de concevoir un droit commun pluraliste, construit par ajustements successifs.
Source http://www.exporter.gouv.fr, le 5 mai 2006