Texte intégral
Q - Vous êtes ministre déléguée aux Affaires européennes. Demain, c'est la Journée de l'Europe, elle aura cette année une ampleur particulière, vous allez nous en dire un peu plus dans quelques minutes. Mais d'abord, une question : en pleine actualité, l'Affaire Clearstream est loin d'être terminée, on l'a vu tout le week-end avec des débats, petites phrases, démentis, rumeurs sur ce que le chef de l'Etat aurait, ou pas, l'intention de faire. Catherine Colonna, comment, aujourd'hui, sortir du scandale ?
R - Sur ce sujet, je ne ferai aucun commentaire. Le Premier ministre a encore longuement parlé de cette question il y a quelques jours, lors de sa conférence de presse. La seule chose à dire, c'est que, comme lui, comme tous, je souhaite que la vérité soit faite, et le plus rapidement possible.
Q - Au-delà, vous êtes toujours totalement solidaire du Premier ministre ?
R - Bien sûr. Et le gouvernement est au travail. Chacun assume ses responsabilités, j'assume les miennes, ce matin, en vous parlant d'Europe.
Q - Vous êtes ministre des Affaires européennes, quelles sont les réactions de vos collègues européens face à ce qui se passe en France ? Est-ce qu'ils ne sont pas un peu effarés ?
R - Nous en parlons peu. Chacun nous observe, bien sûr. C'est quelque chose que nous devons garder en tête pour, peut-être, avoir davantage de maîtrise et de sang-froid, de sens des responsabilités. Pour ma part, je ne ferai pas de commentaires, contrairement à d'autres.
Q - Demain, ce sera donc le 9 mai, on célèbrera la vingtième édition de la Journée de l'Europe. Une fête d'habitude plutôt discrète, mais, cette année, elle devrait être plus visible, la ministre déléguée aux Affaires européennes, Catherine Colonna, est ce matin l'invité de la "Question d'info".
R - On va faire, en effet, quelque chose qu'on n'a jamais fait, une Journée de l'Europe qui se voit, avec beaucoup d'événements. La Tour Eiffel sera illuminée en bleu, aux couleurs de l'Europe. D'autres grands monuments parisiens aussi, l'Arc de Triomphe, le Quai d'Orsay, l'Assemblée nationale, le Sénat. Et puis, partout en France, il y aura des chorales à 18 heures qui descendront dans la rue et qui chanteront l'hymne européen et puis d'autres choses. On pourra aller au cinéma, on pourra faire du roller, on pourra jouer au tiercé : un tiercé, quarté, quinté + spécial Fête de l'Europe. Beaucoup d'autres choses, le Quai d'Orsay et toutes les ambassades ouvertes. Alors, pourquoi ? Parce que le 9 mai n'est pas une date qui a été choisie au hasard, il y a vingt ans. C'est en hommage au 9 mai 1950, déclaration Schuman, début de la construction européenne. Donc, cela doit aussi être un moment pour réfléchir sur le sens de l'histoire, de regarder ce qu'a fait l'Europe depuis cinquante ans, du bon travail, et puis d'avoir envie de l'améliorer encore.
Q - Alors, des illuminations, des visites guidées, beaucoup d'initiatives, mais est-ce que ça va suffire pour réconcilier les Français avec l'idée européenne ?
R - L'Europe, c'est tous les jours qu'on la construit, tous les jours qu'il faut donner les réponses aux attentes des citoyens. Mais cette journée-là est un peu particulière, c'est l'occasion de prendre le temps de la réflexion, un moment de recul par rapport à l'événement ou aux négociations du moment et de s'apercevoir de tout ce qui a été fait, mesurer, je voudrais vraiment le redire, mesurer ce que l'Europe nous a apporté. On est parti de l'immédiat après-guerre, d'une Europe en ruines, divisée en deux, ravagée génération après génération par les guerres et l'Europe nous a apporté la paix. Rien que pour ça, il faudrait lui dire merci. Mais aussi davantage de prospérité économique et puis, aujourd'hui, dans la mondialisation, c'est une chance supplémentaire. Alors, améliorons-là, mais elle dépend de nous tous.
Q - Pourtant, il y a beaucoup de critiques. Il y a un an, les partisans du "non" ont gagné, ceux du "oui" au référendum sur la constitution annonçaient parfois carrément l'apocalypse en cas de victoire du non, la fin de l'Europe, la France en quarantaine. Un an après, on en est quand même pas vraiment là. Est-ce qu'on a pas raconté un peu n'importe quoi pendant cette campagne, puisque c'est l'heure d'un premier bilan ?
R - Il y a, en effet, pas mal de gens qui ont raconté n'importe quoi. Ceux qui ont fait croire au peuple français que les lendemains seraient joyeux, qu'il suffirait de voter non pour que tout aille mieux, ça n'est pas vrai et on l'a vu. Nous avons, à l'heure actuelle, un traité qui est plutôt moins bon que le traité que l'on aurait pu avoir, mais le peuple s'est exprimé, je n'ai rien d'autre à dire. L'Europe continue, elle avance. Il y a eu des moments plus favorables, mais elle continue à prendre des décisions, bien sûr. Elle a su faire un budget après six mois de négociations difficiles, puis, jour après jour, elle se construit. Il faut, je pense, regarder au-delà de l'événement particulier pour retrouver le sens de la construction européenne.
Q - Vous savez bien que cette journée de l'Europe demain, même pleine de bons sentiments, ça ne suffira pas pour relancer la construction européenne. Est-ce que la France a des idées ?
R - Depuis un an, nous avons pris beaucoup d'initiatives. Le contexte est difficile, je crois que c'est une raison supplémentaire, justement, pour être en initiative. Le budget a été une bataille difficile : six mois pour convaincre de la façon de faire un bon budget répondant aux ambitions européennes. Nous avons pris aussi des initiatives sur l'énergie pour faire une Europe plus efficace, plus concrète, plus proche des préoccupations des citoyens, l'augmentation des bourses pour les étudiants, davantage d'argent pour la recherche et l'innovation, ou encore, tout récemment, des propositions que la France a faites à ses partenaires sur les améliorations que l'on peut faire des institutions européennes sans modifier les traités. La question du traité constitutionnel reste ouverte, elle reste entière, mais on peut déjà améliorer les choses. Non seulement ce serait possible, mais ce serait nécessaire.
Q - Est-ce que cette question là reste ouverte, ou est-ce que le rêve de la grande Europe, grande puissance politique - le rêve des fondateurs qu'on va fêter demain avec cette journée de l'Europe - est-ce que cela n'est pas mort avec le "non" au référendum il y a un an ?
R - Je ne le crois pas du tout. L'Europe, en ce moment, manque d'ambition collective mais l'objectif doit demeurer et cette journée de l'Europe nous offre aussi l'occasion de réfléchir à la construction européenne, de savoir ce qu'on veut : faire l'Europe ou ne pas la faire, et la faire comment. Elle ne vient pas de nulle part, elle ne vient pas d'ailleurs, elle dépend de décisions prises jour après jour, et, si on veut l'améliorer, faisons-le, ça ne dépend que de nous tous, collectivement.
Q - Merci Catherine Colonna.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 mai 2006