Texte intégral
Je voudrais remercier pour son accueil chaleureux mon homologue et amie Tzipi Livni avec laquelle j'entretiens une relation de confiance. Nos relations sont excellentes. J'ai souhaité renouveler ici l'engagement de la France aux côtés d'Israël dont la saison française est un témoignage parce que cette saison permettra au public israélien de découvrir une grande variété de créateurs français et je n'oublie pas que ce projet est né de la visite chaleureuse d'Ariel Sharon en juillet dernier. C'était une manière aussi de lui dire et de dire au peuple israélien que nous continuons ce que nous avons décidé de faire ensemble.
En attendant, les discussions que nous venons d'avoir ont naturellement porté sur le contexte créé par le gouvernement dirigé par le Hamas dans les Territoires palestiniens. Nous voulons créer les conditions d'un dialogue avec le gouvernement palestinien.
C'est bien aux dirigeants du Hamas d'évoluer et de donner des signes clairs qu'ils sont prêts à renoncer à la violence, à reconnaître Israël, et à reconnaître le droit d'Israël tout simplement à exister. Et pour autant, nous pensons que la victoire du Hamas ne doit pas nous faire renoncer à l'objectif de deux Etats, deux Etats vivant côte à côte en paix et en sécurité.
Il est nécessaire, en outre, de tout faire pour éviter une crise humanitaire dans les Territoires palestiniens. Nous étions d'accord tous les deux pour le dire lors du déjeuner. Dans cet esprit, nous avons discuté avec Mme Livni, de façon ouverte, de la proposition exprimée par le Quartet de mettre en place un mécanisme multilatéral qui permettrait de faire fonctionner l'administration de l'Autorité palestinienne, en particulier les écoles et les hôpitaux, sans passer par le gouvernement du Hamas.
J'ai également dit à Mme Livni que la communauté internationale et l'Union européenne ont un rôle à jouer pour permettre aux parties de surmonter les obstacles pour le retour à la négociation. L'Union européenne, et la France en particulier, sont prêtes à assumer leurs responsabilités à cet égard. La France ne se résigne pas au statu quo. Elle est convaincue qu'il n'y a pas de fatalité de la guerre au Proche-Orient. La communauté internationale a l'obligation d'agir. La Feuille de route reste le document de référence sur lequel nous nous basons pour parvenir à une paix juste et négociée entre les parties. Le retour à ce cadre est essentiel et toute initiative de paix ne peut que s'inscrire dans cette démarche, seule capable d'amener Israéliens et Palestiniens à la négociation.
Je terminerai en disant que nous avons procédé à des échanges de vues sur les principaux dossiers internationaux, au premier rang desquels se trouve le dossier iranien, et dire que je suis heureux de revenir en Israël. J'y étais venu dès que j'avais été élu à la mairie de Toulouse en 2001, une période terrible. Une période où les attentats étaient au maximum. Une période où un Israélien qui allait au restaurant n'était pas sûr de pouvoir revenir, ou, en accompagnant ses enfants, il n'était pas sûr de les voir revenir non plus. Un jour où j'étais ici, je suis venu au lycée français juste après un attentat qui a touché ce dernier. Je sais ce que vous avez vécu. Je sais ce que vous vivez. Sachez que la France est bien évidemment plus que jamais décidée à jouer un rôle pour la paix, entre les deux parties, et sachez que la France est l'amie d'Israël.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez parlé de cette période de l'intifada. C'était aussi la période des tensions, des malentendus entre la France et Israël, et aujourd'hui on parle de lune de miel, on fait des feux d'artifice. Comment expliquez-vous ces changements ? Quelles ont été les clés de ce changement relativement rapide ?
R - Je pense que la visite d'Ariel Sharon en juillet a été un tournant, que cela a été l'occasion aussi pour les deux responsables de nos Etats de se parler, de se comprendre. De comprendre que la ligne d'horizon n'était qu'une chose : la paix et le dialogue. Et je dois reconnaître que le désengagement de Gaza, décidé certes de manière unilatérale, mais décidé et évacué par Ariel Sharon a été un élément bien évidemment positif. Donc, maintenant nous devons en effet souhaiter qu'Ehud Olmert et Mahmoud Abbas puissent se parler, se rencontrer, qu'un processus de dialogue politique s'installe. Quant au Hamas, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises : la France a toujours dit qu'il fallait qu'il renonce explicitement à la violence.
Q - Si je comprends bien vos propos, vous avez dit que la position de la France est qu'il ne fallait pas poursuivre le statu quo du conflit israélo-palestinien. Si nous parlons de la solution politique et pas des aspects humanitaires, entre le plan de regroupement proposé par le Premier ministre, Ehud Olmert, et entre les négociations avec les Palestiniens, avec d'un côté le Hamas, qui est un gouvernement avec lequel on ne peut parler et de l'autre, Abou Mazen considéré comme quelqu'un qui ne peut pas imposer un accord sur son peuple : quelle est la position de la France ? Faut-il opter pour le plan de regroupement ou des négociations bilatérales ?
R - D'abord, je voulais dire combien il est important pour nous de souligner la visibilité de M. Abbas et donc du président de l'Autorité palestinienne, Autorité palestinienne qui est une des grandes avancées institutionnelles de la dernière décennie. Et puis je voudrais saluer le nouveau gouvernement israélien avec lequel naturellement la France entend entretenir les mêmes excellentes relations qu'elle avait avec le précédent. J'ai également, avant de vous répondre sur le plan de convergence de M. Olmert, une pensée pour M. Sharon et pour sa famille dans l'épreuve qu'ils traversent actuellement.
Nous avons observé évidemment avec attention et, pour ne pas vous le cacher, avec satisfaction les déclarations de M. Olmert indiquant qu'il était prêt à donner sa chance à la négociation. Nous attendons la traduction en actes de ces déclarations et sommes prêts à apporter notre aide. Nous avons pris connaissance avec intérêt de l'existence d'un projet du gouvernement israélien visant à définir un plan de convergence ou plus exactement de regroupement des colons de Cisjordanie. Nous attendons d'en connaître les modalités exactes pour le commenter.
Nous voulons rappeler quelques éléments de base de la position française, qui est également la position européenne et du Quartet. Il n'est de solution juste et durable au conflit qu'à travers une négociation qui débouche sur un accord entre les parties. La deuxième chose que je voulais vous dire est que l'unilatéralisme ne permettra à aucune des parties d'atteindre ses objectifs, ni d'un côté, ni de l'autre. Il est totalement exclu qu'une frontière définie unilatéralement puisse faire l'objet d'une reconnaissance internationale.
Q - Corrigez moi si je n'ai pas compris : il me semble que la position du gouvernement français au sein de l'Union européenne était qu'il soutenait le transfert de fonds pour les salaires de la plupart des fonctionnaires de l'Autorité palestinienne ?
R - La France pense qu'il n'est pas possible de donner le sentiment au peuple palestinien qu'on le laisse tomber. Car si le peuple palestinien a cette impression, nous sommes persuadés qu'il se radicalisera, et ce qui est exactement le contraire de ce que nous voulons. Personne ne peut espérer cette radicalisation.
Ma deuxième remarque est que ceux qui pensent que l'on peut fragiliser le gouvernement du Hamas par une diminution de l'aide palestinienne se trompent.
La troisième remarque, c'est qu'en effet, il faut être sûr que l'argent qui sera donné via l'Autorité palestinienne aille bien aux instituteurs, aux professeurs, avec des programmes qui soient totalement respectueux de la vérité historique. Que les infirmières, que les médecins, que les magistrats, que les juges anti-corruption soient bien destinataires de l'argent. Ca, c'est notre rôle et ce que le président Chirac a évoqué devant le président Mahmoud Abbas il y a 15 jours à Paris, c'est l'idée de faire transiter l'aide internationale par un fonds fiduciaire, dépendant de la Banque mondiale ou d'une autre institution et qui permettrait ainsi à l'Autorité palestinienne de pouvoir payer les fonctionnaires.
Il me paraît essentiel, après avoir passé cette journée à Jérusalem et après avoir entendu un certain nombre de personnes, à la fois du côté israélien mais aussi du côté palestinien, que l'aide humanitaire doit s'acheminer le plus vite possible, que tout manquement à l'urgence que représentent les besoins des équipements hospitaliers serait terrible, serait une grave erreur. Et je suis content d'avoir pu parler avec mon homologue israélienne de cela dans un total accord.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 mai 2006