Déclaration de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la situation économique actuelle, le désendettement et sur le rapprochement entre Gaz de France et Suez, Bercy le 19 mai 2006.

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Circonstance : Conférence de presse à Bercy le 19 mai 2006.

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de nous avoir rejoints ce matin pour notre 6e rendez-vous. J'ai souhaité profiter de la publication ce matin de l'estimation précoce du chiffre de croissance du 1er trimestre pour vous parler d'économie et de politique économique car, je vous le confirme, Bercy est plus que jamais au travail ! C'est d'ailleurs ce que les Françaises et les Français attendent de nous dans la situation actuelle, et ils peuvent me faire confiance pour poursuivre l'action que j'ai entreprise il y a 15 mois.
Pour laisser le maximum de places à vos questions, je me limiterai à un bref commentaire sur le diagnostic conjoncturel positif qui ressort des chiffres de ce matin et je ferai un petit point sur l'actualité du dossier Suez / Gaz de France. Et puis surtout, j'ai des annonces à vous faire en matière de dette !
LA SITUATION ÉCONOMIQUE ACTUELLE
1. Les résultats du 1er trimestre que l'INSEE vient de publier ce matin, sont bons, bien que légèrement en deçà de ce que laissaient attendre les enquêtes de conjoncture :
- Avec un solide +0,5 % (c'est précisément +0,54 %, soit 2,1/2,2 % en rythme annualisé), la croissance au premier trimestre installe donc bien l'activité pour cette année sur un rythme entre 2 et 2,5 % ;
- Je vous rappelle qu'il s'agit d'ailleurs d'une première estimation, qui pourrait très bien être rehaussée tant le déstockage massif qu'elle intègre est exceptionnel (forte contribution négative de -0,7 %). A titre illustratif, si le stockage des entreprises avait été plus conforme à leur comportement habituel, la croissance au premier trimestre aurait dépassé 1 %!
- La composition de cette croissance confirme l'excellente dynamique de deux des moteurs de notre économie :
premier moteur de l'activité, la consommation des ménages progresse très vivement à +0,9 %. Cette forte hausse est cohérente avec celle de la consommation en produits manufacturés (+4,4 % en rythme annuel au premier trimestre) mais étend cette bonne orientation aux autres dépenses : la consommation des ménages s'affiche donc aujourd'hui sur des rythmes annuels extrêmement rapides de +3,6 % ;
second moteur, l'exportation qui poursuit son net redressement depuis l'été 2005, en affichant une nouvelle progression de +3 % sur le premier trimestre (+12 % en rythme annuel) soit le meilleur résultat depuis 6 ans. Cela permet enfin au commerce extérieur d'apporter une contribution fortement positive à la croissance (+0,5 %). Je note plus particulièrement que la croissance des exportations vers les 25 pays cibles connaît quant à elle une progression spectaculaire de +13,4 % en valeur contre +6,3 % au dernier trimestre 2005.
- Certes l'investissement des entreprises fléchit quelque peu, après deux très bons trimestres mais, d'une part ceci semble dû essentiellement au fort recul de l'investissement en automobiles, d'autre part l'enquête de l'Insee sur les investissements publiée mercredi dernier est très favorable : les industriels anticipent une progression de 5 % de leurs investissements pour cette année : c'est le meilleur chiffre depuis 2000 !
- Enfin, dernier commentaire sur ce chiffre qui vient de sortir : il fait ressortir assez clairement que les demandes des ménages et de nos partenaires commerciaux ont surpris par leur vigueur nos entreprises qui ont dû déstocker massivement pour les satisfaire ! C'est une bonne nouvelle pour les prochains trimestres puisqu'il faut s'attendre à ce qu'elles reconstituent leurs stocks, et ce d'autant plus durablement d'ailleurs que la demande restera vive tant du côté des ménages que du côté des exportations, ce qui semble être le cas selon toutes les enquêtes disponibles : je note par exemple que l'enquête sur les commandes dans l'industrie qui est publiée ce matin atteint un point haut historique tout à fait significatif.
2. Les autres indicateurs confirment d'ailleurs assez largement cet optimisme sur le second trimestre :
- La situation de l'emploi ne cesse de s'améliorer : le taux de chômage a diminué à 9,5 % fin mars, ce qui le place sur la trajectoire prévue permettant de passer sous la barre des 9 % en fin d'année ; c'est le résultat des nombreuses créations d'emploi à la fois dans le secteur marchand - plus de +20 000 sur le seul 1er trimestre, avant même prise en compte du plein impact du CNE (puisque ces chiffres ne portent que sur les entreprises de plus de 10 salariés) - et dans le secteur non marchand avec les contrats aidés du Plan de Cohésion sociale. Cette bonne nouvelle vient après la révision à la hausse des créations d'emplois marchands au 4ème trimestre (+30 000 contre +20 000 précédemment).
- Les enquêtes disponibles pointent vers une poursuite voire une accélération de cette dynamique au 2e trimestre :
- les résultats des enquêtes dans l'industrie (Insee et Banque de France) sont au plus haut depuis 5 ans ;
- les résultats des enquêtes dans les autres secteurs (services et construction notamment) sont nettement au-dessus de leur moyenne de long terme, notamment sur l'indicateur de perspectives ;
- Enfin, l'inflation reste extrêmement bien contenue (+1,7 % en avril sur un an) malgré la hausse du prix du pétrole : contrairement à ce que certains commentateurs ont pu écrire récemment, je ne vois pas d'effet de second tour dans les chiffres d'inflation : l'inflation sous jacente, - c'est-à-dire hors prix volatils en particulier du pétrole - reste très faible à +1,2 %. Pour ce qui est de l'ensemble de la zone Euro, mon diagnostic est similaire : la hausse du sous jacent à +1,6 % s'explique essentiellement par des effets de calendrier liés aux vacances de Pâques.
Vous le voyez, la phase de reprise conjoncturelle qu'a connu l'économie française au deuxième semestre de l'an dernier, est bel et bien derrière nous : notre économie est désormais installée durablement sur une tendance de 2 %-2,5 %, soit la fourchette sous-jacente au PLF. Je note d'ailleurs que le consensus des économistes vient de se rallier à cette fourchette (+2 %), comme quoi elle ne devait pas être si irréaliste que cela !
ACCÉLÉRER LE DÉSENDETTEMENT
La consolidation de notre croissance suppose plus que jamais - je n'ai de cesse de le répéter depuis des mois - le retour de la confiance dans notre pays. Ce retour de la confiance, il a un nom : le désendettement.
1. C'est ce choix qui marque toutes mes actions depuis 15 mois :
Dans un mois, le Gouvernement présentera lors du Débat d'orientation budgétaire (DOB) les voies et moyens permettant d'atteindre les objectifs de désendettement que nous nous sommes fixés en janvier dernier (revenir à l'équilibre des comptes et sous les 60 % d'endettement d'ici 2010). C'est la prochaine étape d'une action que j'assume, que je revendique même pleinement depuis mon arrivée à Bercy, car l'État, c'est comme un ménage, il a trois moyens pour se désendetter : réduire ses coûts, vendre des actifs non stratégiques et augmenter ses revenus en relevant son niveau d'activité. Les mesures que j'ai prises depuis 15 mois se répartissent selon ces 3 axes :
D'abord le contrôle des coûts avec la maîtrise accrue des dépenses publiques : c'est bien le respect pour la troisième année consécutive du "0 volume" qui a permis d'amorcer le reflux de notre déficit sous les 3 % (-2,88 %), dans un contexte conjoncturel moins bon qu'escompté (croissance de 1,3 % contre 2,5 % en LFI) ; ça n'a pas été facile mais on l'a fait !
Ensuite la cession d'actifs non stratégiques qui est dorénavant une politique délibérée et réfléchie d'aide au désendettement : l'an dernier et cette année, ce sont plus de 15 Mdseuros de recettes de cessions qui auront été affectés au désendettement direct de la France.
Enfin, les recettes de cessions ne servant pas directement au désendettement ont permis de doter l'ANR, l'AII et l'AFITF afin de préparer l'avenir, ou encore de recapitaliser diverses entreprises publiques pour leur permettre de mieux se développer (GIAT, RATP, SNCF, SNCM, BULL) : ce sont autant d'économies budgétaires pour l'État. Car c'est bien le relèvement de notre croissance qui doit nous permettre de dégager les ressources nécessaires pour financer les dépenses publiques supplémentaires inéluctables (vieillissement, couverture sociale, investissements). C'est bien l'ambition du Plan d'urgence pour l'emploi avec la création du CNE (500 000 contrats signés à ce jour) mais aussi de la plus importante réforme fiscale des 25 dernières années. Celle-ci soutiendra fortement la croissance en mobilisant les énergies au travail, en améliorant l'attractivité de notre territoire et en orientant l'épargne vers les investissements les plus productifs!
2. Il n'y a pas de temps à perdre. C'est pourquoi, dès cette année, j'ai souhaité que l'on identifie les moyens d'aller le plus loin possible, le plus tôt possible dans la réduction de cette dette. J'ai donc fait mettre sous revue tous les éléments concourant au niveau de notre endettement.
Et ceci pour aller au delà de la stabilisation que j'avais indiquée l'été dernier et au-delà de la réduction de 0,3 point de PIB annoncée au moment de la notification du 1er avril dernier. Notre économie et notre politique économique sont en effet évaluées par les marchés financiers comme par nos partenaires commerciaux sur la base de ce critère de dette maastrichtienne. C'est le "scoring" de la France : il faut donc tout mettre en oeuvre pour le faire baisser rapidement.
Sur la base de cet examen scrupuleux des leviers disponibles, je prends devant vous un engagement fort , celui de faire baisser notre ratio d'endettement d'au moins 2 points de PIB d'ici la fin de cette année (revenir de 66,6 % à moins de 64,6 % du PIB).
De même que l'an dernier, grâce au travail des équipes de Bercy, nous avons pu ramener malgré les nombreux sceptiques le déficit en dessous de 3 % comme je m'y étais engagé, cette année, grâce à ces mêmes équipes, et je le dis devant les Directeurs réunis devant moi ce matin, nous tiendrons ce nouvel engagement.
3. Comment y arriver ?
- D'abord par une exécution du budget 2006 tenue de manière rigoureuse, à l'euro près. Nous avons, vous le savez, mis en réserve 6 Mdeuros dès le début de l'année, aux termes de la LOLF : ils permettront de faire face aux impondérables sans pour autant dépenser 1 seul euro de plus que l'autorisation parlementaire ;
- Ensuite, je vous annonce que, comme nous nous étions engagés l'été denier, nous affecterons 100 % des surplus de recettes à la baisse du déficit, c'est-à-dire au désendettement. Je le dis d'autant plus volontiers que les premiers chiffres d'exécution (situation mensuelle budgétaire de mars) laissent envisager des recettes excédentaires, autre signal positif sur la conjoncture d'ailleurs ;
- Par ailleurs, les recettes de cessions d'actifs seront prioritairement affectées au désendettement : comme je l'avais annoncé il y a plusieurs mois, le produit des cessions des concessions autoroutières va nous permettre de racheter 10 Mdeuros de dette. Ces opérations seront lancées dès la semaine prochaine par l'Agence France Trésor (AFT) qui procèdera à un premier rachat de valeurs du Trésor. Mes équipes ont préparé cette opération importante hier soir avec les spécialistes en valeur du Trésor sélectionnés. Conformément aux orientations qu'il a prises lors de la Conférence nationale des Finances publiques en janvier, je proposerai par ailleurs au Premier Ministre d'affecter les recettes tirées de la vente des titres d'Alstom et bientôt d'ADP (plus de 2 Mdeuros supplémentaires) également au désendettement direct de la France dès 2006 ;
- Enfin, j'ai décidé de modifier sensiblement l'orientation du pilotage de la trésorerie de l'État selon un principe très simple : pas 1 euro d'endettement de plus que le strict nécessaire pour faire face à la gestion courante. Par exemple, comme je vous l'avais indiqué, les bonnes surprises de recettes de fin d'exécution budgétaire 2005 avaient augmenté la trésorerie gérée par l'AFT jusqu'à 40 Mdeuros, relevant artificiellement la dette au sens de Maastricht, sans que nos outils actuels nous permettent de réagir suffisamment rapidement. Par conséquent, j'ai décidé 3 mesures fortes d'adaptation de ces outils :
D'abord, je vais demander à l'ensemble des administrations et établissements dont la trésorerie converge chaque jour à l'AFT d'améliorer sensiblement les remontées d'information à l'AFT. Ainsi le trésorier de l'État pourra mieux anticiper les besoins de trésorerie et les recettes. De ce fait, l'Agence pourra diminuer le matelas de trésorerie dont elle dispose et atténuer d'autant la dette au sens de Maastricht. C'est un effort concret de réforme de l'État ;
Naturellement, cela ne doit nuire aucunement à la capacité de l'Agence de disposer de la trésorerie dont l'État a besoin. Je lui ai donc demandé de se doter des nouveaux outils nécessaires pour gérer les tensions ponctuelles de liquidités qu'elle pourrait rencontrer. J'ai ainsi autorisé l'AFT à créer très prochainement une nouvelle valeur du Trésor à très court terme, sur le modèle des valeurs dont dispose par exemple le Trésor américain. Le Directeur général me fera des propositions détaillées en ce sens d'ici la fin du mois.
Enfin, la dette publique au sens de Maastricht, ce n'est pas seulement la dette de l'État. C'est la dette de l'ensemble des acteurs publics : État, organismes sociaux, collectivités locales, sans oublier des structures comme la CADES, le Fonds de Réserve des Retraites par exemple. C'est l'ensemble de cette dette que nous nous sommes engagés à réduire. Pour cela, nous avons engagé un dialogue avec l'ensemble des partenaires. Dans l'esprit de la Conférence nationale des Finances publiques, nous mettrons en oeuvre ensemble les moyens d'agir concrètement pour optimiser la gestion de la dette publique.
SUEZ/GDF
J'en viens aux questions énergétiques. Vous le savez bien, la question l'après-pétrole est une préoccupation majeure du Gouvernement. Je pars d'ailleurs une nouvelle fois en Arabie saoudite tout à l'heure et je vous donne rendez vous à mon retour pour une présentation plus complète des enjeux et des réponses que je souhaite y apporter.
Je me contenterai aujourd'hui de faire un point sur le dossier Gaz de France - Suez, porteur de croissance et d'emploi, dans un contexte où les acteurs majeurs de l'énergie de demain sont en train de se constituer.
Une concertation approfondie a été mise en place avec les organisations syndicales ; au terme de près de 30 réunions, des réponses écrites à leurs 71 questions vont leur être adressées. Cette concertation va se poursuivre, en particulier autour du projet de loi que nous soumettrons bientôt au Parlement. Nous nous mettons en position pour que le Parlement puisse saisir le premier créneau disponible avant l'automne. Ce projet de loi :
* rendra possible la fusion de Suez et de Gaz de France. Le Conseil d'État a confirmé le 11 mai la compatibilité du projet de fusion avec le préambule de la constitution de 1946 ;
* assurera la mise en place d'un contrôle de l'État sur le nouveau groupe, par le moyen d'une action spécifique, en vue de garantir la pérennité du service public en France et la sécurité de l'approvisionnement énergétique de la France : c'est un élément décisif du débat parlementaire. Je rappelle que l'État aura bien évidemment, comme il a toujours été dit, plus du tiers du capital dans le futur groupe ;
* permettra de défendre les intérêts des consommateurs, tout en respectant nos engagements européens en matière d'ouverture complète du marché de l'énergie au 1er juillet 2007. La possibilité sera offerte aux Français qui le souhaitent de conserver l'accès aux tarifs administrés du gaz et de l'électricité. La loi permettra également à ceux qui souhaitent changer de fournisseur de le faire.
Le projet soumis au Parlement tiendra compte de la concertation mise en place pour le projet de fusion Suez - Gaz de France, ainsi que des conclusions du travail de concertation que nous avons confié avec François Loos à Jean-Claude Lenoir, président du Conseil Supérieur de l'Électricité et du Gaz.
Je vous remercie de votre attention et suis prêt à répondre maintenant à vos questions.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 19 mai 2006