Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie, tout d'abord, d'avoir répondu à mon invitation. Aujourd'hui c'est de la musique que je vais vous parler. Toutefois je vous dis d'emblée que je me réserve d'entrer plus avant dans les musiques actuelles lors d'un autre rendez vous. J'ai pu apprécier leur richesse au dernier Printemps de Bourges, comme au Jardin moderne de Rennes, au Mix Move et tout récemment au MIDEM, où j'ai eu l'occasion de m'exprimer sur l'industrie musicale.
A mes côtés, Sylvie Hubac dont la direction couvre toutes les formes du spectacle vivant, qui est donc en charge de la musique ainsi que son Directeur adjoint Michel Rebut-Sarda.
Le premier constat que je veux partager avec vous, c'est celui d'une très grande vitalité musicale, inimaginable il y a trente ans. A l'époque, le concert classique apparaissait comme une survivance ; le succès des orchestres régionaux, puis des festivals, relayé aujourd'hui par des opérations spectaculaires telles que la " folle journée " de Nantes, démontre qu'il a encore un bel avenir. On disait l'opéra lui aussi voué à la disparition, or il a retrouvé une place de premier plan. Il suffit de voir le succès de l'Opéra de Paris, dont le public a triplé. Nous accusions un retard sur nos voisins dans l'utilisation des instruments anciens. Non seulement il est comblé mais une nouvelle génération - celle qui compte entre autres Christophe Rousset, Marc Minkowski, Denis Raisin-Dardre ou Jean Tubéry, a rejoint celle des grands pionniers que furent Jean-Claude Malgoire, William Christie ou Philippe Herreweghe.
Parce qu'ils ont su intégrer les apports de la musique afro-américaine comme ceux des traditions populaires et de la création contemporaine de notre continent, nos musiciens de jazz sont parmi les plus admirés en Europe, et dans le reste du monde : Claude Barthélémy, Louis Sclavis, Aldo Romano ou Erik Truffaz ont gagné leur public. La chanson française abonde, elle aussi, en nouveaux talents, et je remarque qu'elle occupe une place de premier plan sur les ondes et dans le marché intérieur (elle représente aujourd'hui 60% du marché). Le dernier Midem a démontré que sa position internationale s'affermit, grâce notamment aux efforts menés par mon ministère en concertation avec les ministères des Affaires Etrangères et du Commerce extérieur.
Créativité et création définissent bien l'évolution à laquelle nous avons assisté depuis vingt ans. Et Pierre Boulez ne me démentira pas si je dis que la relève des compositeurs a régulièrement été assurée. Chaque génération a connu sa moisson de talents. Il faudrait les citer tous. Je mentionnerai seulement Tristan Murail, Philippe Manoury et Philippe Fénelon ... puis Pascal Dusapin, Frédéric Durieux, Marc-André Dalbavie ... et aujourd'hui Brice Pauset ou Bruno Mantovani.
Par ailleurs, la créativité s'est étendue à des formes de musique populaire, nées des pratiques amateurs, comme le rap et la techno qui ont immédiatement trouvé une audience considérable.
Le résultat est un élargissement, et souvent un rajeunissement des publics, conforté par la création de nouveaux lieux. Et, au premier chef, la Cité de la musique de La Villette, dont la programmation éclectique mais cohérente a su recueillir tous les suffrages. On pourrait mentionner aussi les auditoriums des musées, le réseau des Zéniths et des salles de musiques actuelles. Toutes ont su attirer leurs publics, le fidéliser et lui inculquer cette vertu cardinale de l'expérience culturelle, la curiosité. Il est de la responsabilité des Pouvoirs publics de conforter cette situation.
Mais tout cela ne se bâtit pas " en l'air " . Il faut s 'appuyer sur deux actions déterminées :
1- un socle institutionnel dense et fort
2- Une politique attentive au public.
I- Le socle institutionnel et professionnel est un atout.
La France musicale repose sur des forces certaines, qui ont montré leur solidité et aussi leur faculté d'adaptation.
Pardonnez moi un inventaire un peu à la Prévert mais c'est l'intérêt et la rançon d'une vie musicale multiforme .
1-. Les deux Conservatoires supérieurs nationaux de Paris et Lyon : deux institutions qui doivent travailler de concert. Ce sont des pôles centraux et vous savez que ce gouvernement est très attaché au développement des formations supérieures, gages d'excellence dans l'Europe de demain. J'ai nommé avant l'été deux nouveaux directeurs, Alain Poirier et Henry Fourès. Je leur ai demandé d'oeuvrer à ce que leurs deux établissements collaborent davantage, ce qu'ils ont commencé à faire puisque des échanges, des concerts communs, voire des formations partagées sont prévus. Il faut qu'ils s'affirment têtes de réseaux dans le paysage national et établissements de référence dans le paysage européen.
2- La formation des maîtres de demain est un souci démocratique majeur, car en dépend la transmission du savoir à un haut niveau d'exigence et d'égalité. Les centres de formation des maîtres de danse et de musique (les CEFEDEM) constituent un réseau qui s'est progressivement étendu, en plein accord avec nos partenaires territoriaux - particulièrement les Régions - qui en mesurent l'enjeu et bénéficient de leurs résultats. En 2001, avec plus de 5 MF de mesures nouvelles, ce réseau sera renforcé et complété avec deux nouveaux centres en Pays de Loire et Bretagne, ainsi qu'en Lorraine.
3- Une interrogation demeure quant à l'articulation entre les établissements d'enseignement supérieur et le reste du réseau national (conservatoires nationaux de région, écoles nationales de musique). Elle se pose en termes d'insuffisance de l'offre d'enseignement supérieur et de manque de coordination. J'ai donc confié une mission sur ces sujets à Gilbert Amy, compositeur et ancien directeur du conservatoire supérieur de Lyon, qui remettra un rapport d'analyse et surtout de propositions pour l'été prochain.
* Parallèlement, j'ai demandé une réflexion à Pascal Dumay sur l'enseignement du chant et de l'art lyrique dans notre pays. Je souhaite que notre école de chant retrouve le lustre qu'elle a connu jadis et que les programmes de nos théâtres lyriques puissent afficher des artistes formés dans nos institutions.
4- A côté du réseau de l'enseignement, il y a le réseau de la diffusion, qui est son prolongement naturel. Depuis le plan de Marcel Landowski, le premier à penser au niveau de la région, il s'est ramifié et diversifié, effet heureux d'une décentralisation qui doit être menée désormais jusqu'au bout de ses implications et conséquences, en faisant confiance aux élus locaux. Ses repères sont bien situés : les festivals, les opéras et orchestres régionaux. Il faut que ces institutions intègrent la nécessité de l'élargissement de leurs répertoires et de leurs publics afin que la création soit favorisée et que soit assuré le plus grand accès de tous à la musique.
5- S'agissant des festivals, ma position est claire : se concentrer sur ceux qui portent au delà d'un seul lieu ou une seule esthétique. L'Etat doit favoriser les échanges, les brassages, qu'ils soient géographiques ou culturels. D'où notre soutien au festival d'Aix-en-Provence, dont les activités de diffusion lyrique locale ont été étendues par Stéphane Lissner à la pédagogie ouverte au public et à une diffusion nationale et internationale. Ou encore au réseau européen " Varèse " dont le festival Musica de Strasbourg a été l'instigateur. Ou enfin du festival musique ancienne et baroque de Saintes. Je peux annoncer aujourd'hui, le prochain soutien de mon Ministère à l'extension du Festival de Beaune dans toute la région de Bourgogne et sur toute la saison, à l'action de fédération de plusieurs festivals locaux en Languedoc-Roussillon, et la mise à l'étude de projets en région Centre et Rhône-Alpes, autour du festival d'Ambronay.
6- Je souhaite désormais que les maisons d'opéra ouvrent l'éventail de leur programmation, des origines du genre jusqu'à la création. Elles doivent d'abord reposer sur une programmation de qualité, conduire une action de rayonnement dans leurs Régions et dans les départements, susciter les contributions financières des collectivités territoriales. Ce sont ces trois critères qui m'ont incitée à décerner le label d'opéra national, déjà accordé aux Opéras de Lyon et de Strasbourg, à celui de Bordeaux en 2001, en attendant celui de Montpellier dès 2002. Par ailleurs, j'ai dit aux élus des Pays de Loire tout mon intérêt pour le projet d'un nouvel opéra qui unirait les destins des maisons de Nantes et Angers et leur permettrait de couvrir toute la région et je sais qu'ils y travaillent bien.
7- Le même souci d'ancrage territorial guide notre politique en faveur des orchestres. Là encore, il s'agit d'outils principalement portés par les collectivités territoriales mais qui sont garants d'une irrigation de tout le pays. Aussi mon Ministère s'engage -t-il à leurs côtés dès que se dessine un projet de qualité artistique et de dimension territoriale. Il le fera prochainement avec les créations programmées d'un Orchestre de Franche-Comté, issu de l'actuel Orchestre de Besançon, et d'un Orchestre Régional du Centre dont les modalités sont à l'étude.
8- Mais je ne voudrais pas donner à croire que Paris n'est plus Paris. D'ailleurs tout notre territoire y perdrait. Paris a ses phares, dont l'Opéra et l'Orchestre qui portent son nom et l'Opéra-Comique.
1. L'Opéra national de Paris, sous la direction d'Hugues Gall a imposé une belle réussite artistique. Il a réussi son pari d'origine d'amener à l'art lyrique un public nombreux et neuf. Je tiens à en féliciter Hugues Gall que j'ai d'ailleurs reconduit dans ses fonctions jusqu'en juillet 2004 et toute l'équipe artistique Brigitte Lefebvre, Claude Bessy et James Conlon.
2. L'Opéra-Comique, sous la direction de Jérôme Savary conduit une programmation originale et populaire qui devrait lui permettre de tenir son rôle dans le paysage lyrique parisien où il occupe traditionnellement une place particulière.
3. Quant à l'Orchestre de Paris dont le lieu de travail nous préoccupe tous, Paris, pourtant bien doté en équipements, n'aura plus, en 2002 lorsque la Salle Pleyel sera fermée pour travaux, de salle de concerts de jauge suffisante pour accueillir nos grandes formations et notamment l'Orchestre de Paris. Le projet d'auditorium de La Villette demeure notre projet, je vais en parler, mais à un horizon plus lointain que prévu. Aussi ai-je décidé, avec la participation de la Ville de Paris que je remercie, la mise à niveau, notamment sur le plan acoustique, du Théâtre Mogador. J'ai également sollicité la région Ile-de-France dont j'espère qu'elle se joindra à nous sur ce choix. La situation et la jauge me paraissent devoir permettre le meilleur accueil en résidence de l'Orchestre de Paris. Je remercie Jack-Henri Soumère, le directeur de cette salle, qui a bien voulu mettre au point avec nous cette solution et donner ainsi une nouvelle image musicale à Mogador. La convention entre l'Orchestre de Paris et lui vient d'être signée.
Je n'oublie pas les deux orchestres de Radio-France, dont l'activité n'a cessé de se développer et où viennent d'être nommés deux nouveaux chefs.
4. La Cité de la musique est devenue un pôle essentiel à l'Est de Paris, à conforter et à renforcer.
Il faut vraiment s'en féliciter : ce projet, dont Pierre Boulez fut le promoteur et Jack Lang le défenseur, est une pleine réussite. Grâce à la programmation intelligente, diversifiée et risquée de Brigitte Marger, la Cité de la musique a conquis un public nombreux, jeune et curieux. Je peux en attester, pour en être une spectatrice assidue. Chère Brigitte Marger, l'occasion ne me sera jamais offerte de façon aussi publique de vous rendre hommage, à la veille d'un départ que vous avez soigneusement préparé.
J'ai décidé sur proposition du Conseil d'Administration de la Cité, de nommer à votre succession Laurent Bayle, qui prendra ses fonctions effectives au 1er janvier 2002. Vous avez proposé avec élégance, et souci de l'efficacité, qu'il puisse préparer au plus tôt la passation du relais en pleine harmonie avec vous. Afin que les objectifs et les activités de la Cité de la musique répondent au mieux aux nouveaux modes d'approche de la société dans ce domaine et à ses attentes, j'ai demandé à Laurent Bayle d'étudier, en liaison avec vous, le développement de la politique éducative de la Cité et l'élargissement de ses fonctions documentaires. Et ce dans un double souci : la prise en compte des nouvelles technologies et des réseaux, la diversification des publics.
Mais outre élargir les activités de la Cité, il faut la compléter. C'est en ce sens que je souhaite remettre sur le métier le projet de grand auditorium qui appartenait à sa conception d'origine, et qui devrait permettre d'y accueillir le répertoire symphonique (l'orchestre de Paris de façon privilégiée mais aussi les orchestres de la Radio, les orchestre régionaux et les grandes formations étrangères) mais aussi de grands concerts de jazz ou de variété de qualité. Plusieurs études ont déjà été remises sur ce projet. J'ai chargé Laurent Bayle de les actualiser et de bâtir un projet artistique et culturel le plus complet possible. Mais tout cet investissement institutionnel que nous développons avec constance ne prend pleinement son sens que dans la mesure où il apporte réponse aux attentes du public d'aujourd'hui et à deux objectifs essentiels pour notre gouvernement : la diversité culturelle et l'égal accès de tous à ses expressions.
II-CELA REQUIERT UNE POLITIQUE POUR LES PLUS LARGES PUBLICS ET POUR LA DIVERSITE DES REPERTOIRES ET DES VOIES D'ACCES AUX MUSIQUES
Si l'audience et la pratique de la musique ont beaucoup progressé en quelques décennies, il nous faut encore redoubler d'efforts pour l'amener dans la vie quotidienne de nos concitoyens, et pour ce faire :
- multiplier les modes d'approche entre la musique et ses publics, et notamment les modes informatifs et pédagogiques ;
- soutenir résolument la recherche et la création qui sont générateurs de nouvelles esthétiques et donc du répertoire et des publics de demain.
Une fois n'est pas coutume dans ces murs, je voudrais commencer par vous parler de La pratique amateur, un vecteur prioritaire de la démocratisation culturelle.
Je voudrais mettre l'accent sur les pratiques amateurs et notamment les pratiques vocales et le chant choral, qui offrent une voie d'accès collective, égalitaire et joyeuse à la musique. Nous sommes très en retard, dans notre pays, au regard de nos voisins anglo-saxons et il nous faut faire des efforts pour nous mettre à niveau. C'est à cet effet que nous avons consolidé le réseau des centres d'art polyphonique, rebaptisés depuis peu missions-voix. Ils se révèlent très efficaces pour la formation et l'encadrement des amateurs mais aussi susceptibles d'actions de promotion. Du coup, leurs missions ont été élargies à la réalisation d'états des lieux des pratiques vocales, à l'échelle nationale. J'ai noté avec plaisir que Jack Lang faisait de la création d'une chorale par école l'une de ses priorités.
Mais c'est sur l'ensemble du champ des pratiques amateurs que s'élabore, depuis deux ans une véritable stratégie. Pour témoigner de l'intérêt que je porte à l'essor considérable des pratiques instrumentales, qui réunit de nombreuses et ardentes volontés (fédérations, associations régionales et départementales ...), j'ai confié une mission à Jean-Louis Vicart qui rassemblera toutes les commandes et créations qui ont été faites au plan national depuis dix ans dans le répertoire des harmonies-fanfares . Et je vous annonce la création d'un orchestre de batteries-fanfares avec la confédération musicale de France.
- L'importance de la formation est capitale, elle est multiforme
- les conservatoires et les écoles de musique, qui restent le socle sur lequel peut s'appuyer notre enseignement supérieur, ont beaucoup évolué ces dernières années. Beaucoup conduisent des actions novatrices, qui lient patrimoine et création, esthétiques nouvelles et musiques anciennes, musiques traditionnelles de toutes origines géographiques et musiques actuelles, osant ainsi des croisements heureux, des greffes qui secouent les habitudes et renouvellent les mentalités.
- Le partenariat avec le Ministère de l'Education Nationale est devenu une nécessité évidente, affirmée lors de notre conférence de presse conjointe avec Jack Lang du 14 décembre dernier. Un plan de cinq ans assurera ainsi une présence accrue des musiciens aux côtés des professeurs des écoles primaires pour proposer aux élèves une formation musicale de base et de qualité. Je n'y reviens donc pas.
- Le cursus délivré dans les Centres de Formation de Musiciens Intervenants, CFMI en collaboration avec les neuf Universités qui en possèdent, seront étendus de la formation des musiciens à celle des interprètes et des compositeurs qui le souhaitent. Leur nombre, de neuf actuellement, sera porté à treize d'ici 2004 avec de nouvelles implantations en Normandie, Aquitaine, Ile-de-France et Languedoc-Roussillon. Parallèlement, un plan destiné à accélérer la formation continue d'intervenants est mis en uvre dès cette année dans les centres d'Orsay, Toulouse et Poitiers.
* La recherche et la création Comme l'enseignement supérieur, la recherche est un domaine où la responsabilité de l'Etat restera toujours prépondérante. Mon ministère mène dans ce domaine une politique ambitieuse où la recherche musicale tient une place particulièrement importante.
Elle répond en effet à deux missions essentielles : développer des outils d'expertise et de conservation du patrimoine; encourager la création en favorisant l'émergence de nouveaux moyens et techniques d'expression. Je ne prendrai que deux exemples pour illustrer ce propos : celui de l'édition patrimoniale et celui de l'orgue.
- Editer les partitions tombées dans l'oubli est une mise en valeur d'un patrimoine qui, sans cela, ne sortirait pas du cercle des spécialistes. Outre les travaux du Centre de Musique Baroque de Versailles, du Centre d'Etude de la Renaissance de Tours, un élan nouveau a été donné avec le programme " Musica Gallica ", fondé avec la Fondation Salabert et la Chambre Syndicale des Editeurs de Musique de France. Il a permis la reprise de l'édition critique des oeuvres de Debussy et la mise en chantier d'une intégrale des opéras de Rameau.
Mais l'édition doit rester en lien avec les interprètes. C'est pourquoi nous soutiendrons le projet de Christophe Coin, pour le château de La Borie, autour de l'organologie et de l'interprétation, qu'il conduira avec son Ensemble baroque de Limoges. Ce souci de travailler sur la recherche et sur ses prolongements marque aussi notre politique dans le domaine de l'orgue. Vous savez quel remarquable travail d'inventaire d'abord, puis de restauration et de construction d'orgues, a été mené depuis vingt ans par ce Ministère. Cette politique prend d'autant plus de sens qu'elle s'accompagne d'un soutien au Centre national de formation d'apprentis facteurs d'orgue d'Eschau, fondé en collaboration avec les ministères de l'Education et de l'Artisanat, et de la Chambre des Métiers d'Alsace.
Le savoir-faire de nos centres de recherche en matière de traitement et de synthèse du son et, plus généralement, d'outils informatiques pour la création et l'analyse, est reconnu dans le monde entier. Le nouveau programme développé par l'Ircam, qui grâce à l'Internet permet à des créateurs d'accéder à distance aux outils de composition les plus innovants, est un moyen de rayonnement des plus efficaces. Nous disposons d'autres pôles forts avec le GRM basé à l'INA, l'ACROE à Grenoble ou encore le CEMAMU à Issy-les-Moulineaux. Ils trouvent dans le multimédia et les univers dits virtuels de nouveaux champs d'application scientifique et artistique et donc de nouvelles audiences.
- La recherche ne prend tout son sens que dans sa relation avec la création et l'innovation. L'aide à la création est une priorité.
Les studios installés sur le territoire, notamment dans les quatre centres nationaux de création musicale de Lyon, Bourges, Nice et Marseille, vont être consolidés cependant que nous allons en aider d'autres, tels que la Muse en Circuit en Ile de France ou le Groupe de Musique électro-acoustique d'Albi, en Midi-Pyrénées ;
- l'obligation doit être faite, conventionnellement, à certaines institutions de diffusion d'inscrire la création dans leurs activités. Ainsi des orchestres de Lyon et des Pays de Loire ;
- une nouvelle politique d'aide aux équipes qui s'organisent en ensembles ou compagnies. En 2002, seront mises en place des commissions inter-régionales (sur le mode de celles qui existent pour la création chorégraphique et pour les compagnies dramatiques) dont l'éventail des soutiens ira de l'aide au projet au conventionnement.
- La politique des résidences doit être amplifiée, qui permet une relation privilégiée entre les créateurs, les interprètes et le public de proximité. Il existe des résidences de jazz, des résidences de chanson (Ignatus à Trappes, Xavier Lacouture à Ivry, les Têtes raides à Calais), des résidences de compositeurs (Pascal Dusapin à l'Orchestre National de Lyon, Ahmed Essyad et Georges Aperghis à Strasbourg, Marc-André Dalbavie à l'Orchestre de Paris, Philippe Fénelon à Albi). L'avenir, je le crois, grâce à ces résidences est à la multiplication et à la confrontation entre disciplines artistiques.
- les commandes d'Etat, outil essentiel de soutien aux compositeurs, permettent de les rétribuer directement pour leur travail de création. Il faut toutefois adapter ce dispositif aux situations que rencontrent les compositeurs dans leurs relations avec les nouvelles technologies. Des procédures nouvelles sont étudiées, dont l'institution de deux fonds, l'un pour la création numérique, l'autre pour le multiscénique.
- L'aide aux lieux : une impérieuse nécessité
Elle conditionne l'existence quotidienne des formations musicales, de quelque nature et genre qu'elles soient et donc leur développement. Nous avons un retard à combler au regard de nos voisins européens, même si un effort réel a été fait depuis quinze ans qui a permis la construction de lieux tels que l'Arsenal de Metz, le Palais des Congrès de Nantes, l'Auditorium de Dijon et verra bientôt une nouvelle salle de musique pour la scène nationale de Poitiers.
Je voudrais évoquer ici le programme des " scènes de musiques actuelles " (elles sont 120) qui atteste de notre présence auprès des collectivités territoriales , des artistes et des publics jeunes dans ce domaine. Mon ministère apporte son concours dès lors que les projets privilégient la création et l'accompagnement des artistes en début de carrière. Le principe qui nous anime est de favoriser les liens entre les pratiques amateurs et l'insertion professionnelle des jeunes artistes. Pour cela, il faut nouer des liens conventionnels entre les SMAC, les établissements d'enseignement général relevant de l'Education Nationale, les écoles de musique ayant intégré la dimension des musiques actuelles et enfin les studios de répétition. Ce dispositif, qui s'inscrit dans le cadre législatif des coopérations inter-communales, permettra de consolider des lieux déjà aidés, tels que l'Aéronef à Lille, le Médiator à Perpignan, le Chabada à Angers, le Brise-Glace à Annecy, la Luciole à Alençon, et d'en aider de nouveaux dès cette année.
- Encourager la diversité des répertoires et les formations qui les servent
Là j'exprime une pensée de gratitude à l'égard de Maurice Fleuret qui le premier dans une responsabilité administrative éminente, à la Direction de la Musique, a su porter un regard curieux, tout en restant exigeant sur toutes sortes de musique, loin des académismes et des chapelles. Grâce à lui, c'est tout le champ de la politique musicale qui s'est enfin ouvert à toutes les musiques. C'est dans ce sens que je veux poursuivre. L'expansion et la diversification de la production musicale dans notre pays a été si considérable que les pouvoirs publics, comme les collectivités territoriales ont parfois eu du mal à suivre la demande. Il faut viser désormais la consolidation du paysage de la diffusion musicale. Elle passe par :
- l'expression de tous les genres et courants qui ont émergé au cours des décennies passées ou récentes : le jazz (l'Orchestre National de Jazz que nous soutenons et où Paolo Damiani vient de succéder à Didier Levallet, mais aussi les ensembles et collectifs tels que l'Arfi, Transes-Européennes, Hask...), les musiques traditionnelles, où se côtoient et se complètent des réseaux et des centres déjà installés et des artistes tels que Marc Perrone, Eric Montbel, Erik Marchand ou Valentin Clastrier ; nos grands ensembles vocaux, dont le Choeur Accentus de Laurence Equilbey, ou Les Jeunes Solistes de Rachid Safir.
- la mise à disposition de lieux où travailler, ou bien l'installation dans une structure de diffusion déjà existante. Tel a été le cas de Musicatreize, installé à Marseille, l'Ensemble Matteus en Bretagne ou le Parlement de Musique à Strasbourg. Et nous poursuivons cette année avec Sagittarius en Aquitaine, et des Talens lyriques de Christophe Rousset à Montpellier, en attendant celle de Doulce Mémoire, l'ensemble de Denis Raisin-Dardre, au château de Fougères, en région Centre.
- l'ouverture résolue des scènes nationales à la dimension musicale. Je souhaite qu'on l'encourage et que cette vocation soit formalisée dans des accords. J'ai ainsi signé il y a quinze jours à Quimper, avec les collectivités territoriales, la nouvelle convention du Théâtre de Cornouaille, à la tête duquel Michel Rostain a su accomplir un remarquable travail en faveur de toutes les formes et genres musicaux et c'est un musicien, Didier Levallet qui a été nommé à la tête de la scène nationale de Montbéliard. L'action du ministère pour la diffusion se trouve d'ailleurs prolongée et amplifiée par celle de l'Office national de diffusion artistique.
On sait que, dans le domaine de l'enseignement spécialisé comme dans celui de la pratique amateur, la charge qui pèse sur les communes est parfois à la limite de leurs capacités, les départements s'impliquent inégalement et les régions doivent cibler leur effort sur des aspects spécifiques. Michel Duffour et moi-même leur avons donc proposé de travailler à des protocoles de décentralisation qui permettront, à partir d'états des lieux précis, de déterminer les acquis et les besoins non satisfaits, d'établir une carte régionale, précisant l'existence de pôles spécialisés, analysant l'équilibre entre les actions de proximité et celles qui nécessitent un regroupement.... Deux des huit protocoles mis en uvre dès cette année concernent justement les enseignements artistiques : en Nord-Pas-de-Calais et dans les Pays de Loire.
Mais ce dialogue renouvelé avec les collectivités territoriales ne peut être efficace que si l'Etat, au préalable, affirme les conceptions qui sont les siennes dans le champ de l'enseignement artistique et de la pratique amateur. Après un large travail de concertation avec les collectivités territoriales et les professionnels concernés, je viens de boucler une charte des enseignements artistiques qui servira de guide, quant aux grandes missions et aux responsabilités que chacun aura à assumer pour le développement de ce secteur, enjeu démocratique prioritaire à mes yeux.
En conclusion, je dirais que notre société est plus musicienne, plus musicale qu'elle ne l'a jamais été, sans doute parce que dans toutes ses couches sociales et ses générations différentes, la musique est l'un des témoins les plus fidèles et les plus engagés de son évolution. La Fête de la Musique en est le meilleur symbole. Elle a évolué, comme nous évoluons tous, comme les musiques qui nous entourent changent elles aussi. Mais elle est toujours là. Nous fêterons en 2001 sa vingtième édition et placerons cette édition sous le signe des moins de vingt ans, de ceux pour qui la Fête du 21 juin a donc toujours existé, et pour qui la musique a toujours quelque chose d'une fête.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 31 janvier 2001)
Je vous remercie, tout d'abord, d'avoir répondu à mon invitation. Aujourd'hui c'est de la musique que je vais vous parler. Toutefois je vous dis d'emblée que je me réserve d'entrer plus avant dans les musiques actuelles lors d'un autre rendez vous. J'ai pu apprécier leur richesse au dernier Printemps de Bourges, comme au Jardin moderne de Rennes, au Mix Move et tout récemment au MIDEM, où j'ai eu l'occasion de m'exprimer sur l'industrie musicale.
A mes côtés, Sylvie Hubac dont la direction couvre toutes les formes du spectacle vivant, qui est donc en charge de la musique ainsi que son Directeur adjoint Michel Rebut-Sarda.
Le premier constat que je veux partager avec vous, c'est celui d'une très grande vitalité musicale, inimaginable il y a trente ans. A l'époque, le concert classique apparaissait comme une survivance ; le succès des orchestres régionaux, puis des festivals, relayé aujourd'hui par des opérations spectaculaires telles que la " folle journée " de Nantes, démontre qu'il a encore un bel avenir. On disait l'opéra lui aussi voué à la disparition, or il a retrouvé une place de premier plan. Il suffit de voir le succès de l'Opéra de Paris, dont le public a triplé. Nous accusions un retard sur nos voisins dans l'utilisation des instruments anciens. Non seulement il est comblé mais une nouvelle génération - celle qui compte entre autres Christophe Rousset, Marc Minkowski, Denis Raisin-Dardre ou Jean Tubéry, a rejoint celle des grands pionniers que furent Jean-Claude Malgoire, William Christie ou Philippe Herreweghe.
Parce qu'ils ont su intégrer les apports de la musique afro-américaine comme ceux des traditions populaires et de la création contemporaine de notre continent, nos musiciens de jazz sont parmi les plus admirés en Europe, et dans le reste du monde : Claude Barthélémy, Louis Sclavis, Aldo Romano ou Erik Truffaz ont gagné leur public. La chanson française abonde, elle aussi, en nouveaux talents, et je remarque qu'elle occupe une place de premier plan sur les ondes et dans le marché intérieur (elle représente aujourd'hui 60% du marché). Le dernier Midem a démontré que sa position internationale s'affermit, grâce notamment aux efforts menés par mon ministère en concertation avec les ministères des Affaires Etrangères et du Commerce extérieur.
Créativité et création définissent bien l'évolution à laquelle nous avons assisté depuis vingt ans. Et Pierre Boulez ne me démentira pas si je dis que la relève des compositeurs a régulièrement été assurée. Chaque génération a connu sa moisson de talents. Il faudrait les citer tous. Je mentionnerai seulement Tristan Murail, Philippe Manoury et Philippe Fénelon ... puis Pascal Dusapin, Frédéric Durieux, Marc-André Dalbavie ... et aujourd'hui Brice Pauset ou Bruno Mantovani.
Par ailleurs, la créativité s'est étendue à des formes de musique populaire, nées des pratiques amateurs, comme le rap et la techno qui ont immédiatement trouvé une audience considérable.
Le résultat est un élargissement, et souvent un rajeunissement des publics, conforté par la création de nouveaux lieux. Et, au premier chef, la Cité de la musique de La Villette, dont la programmation éclectique mais cohérente a su recueillir tous les suffrages. On pourrait mentionner aussi les auditoriums des musées, le réseau des Zéniths et des salles de musiques actuelles. Toutes ont su attirer leurs publics, le fidéliser et lui inculquer cette vertu cardinale de l'expérience culturelle, la curiosité. Il est de la responsabilité des Pouvoirs publics de conforter cette situation.
Mais tout cela ne se bâtit pas " en l'air " . Il faut s 'appuyer sur deux actions déterminées :
1- un socle institutionnel dense et fort
2- Une politique attentive au public.
I- Le socle institutionnel et professionnel est un atout.
La France musicale repose sur des forces certaines, qui ont montré leur solidité et aussi leur faculté d'adaptation.
Pardonnez moi un inventaire un peu à la Prévert mais c'est l'intérêt et la rançon d'une vie musicale multiforme .
1-. Les deux Conservatoires supérieurs nationaux de Paris et Lyon : deux institutions qui doivent travailler de concert. Ce sont des pôles centraux et vous savez que ce gouvernement est très attaché au développement des formations supérieures, gages d'excellence dans l'Europe de demain. J'ai nommé avant l'été deux nouveaux directeurs, Alain Poirier et Henry Fourès. Je leur ai demandé d'oeuvrer à ce que leurs deux établissements collaborent davantage, ce qu'ils ont commencé à faire puisque des échanges, des concerts communs, voire des formations partagées sont prévus. Il faut qu'ils s'affirment têtes de réseaux dans le paysage national et établissements de référence dans le paysage européen.
2- La formation des maîtres de demain est un souci démocratique majeur, car en dépend la transmission du savoir à un haut niveau d'exigence et d'égalité. Les centres de formation des maîtres de danse et de musique (les CEFEDEM) constituent un réseau qui s'est progressivement étendu, en plein accord avec nos partenaires territoriaux - particulièrement les Régions - qui en mesurent l'enjeu et bénéficient de leurs résultats. En 2001, avec plus de 5 MF de mesures nouvelles, ce réseau sera renforcé et complété avec deux nouveaux centres en Pays de Loire et Bretagne, ainsi qu'en Lorraine.
3- Une interrogation demeure quant à l'articulation entre les établissements d'enseignement supérieur et le reste du réseau national (conservatoires nationaux de région, écoles nationales de musique). Elle se pose en termes d'insuffisance de l'offre d'enseignement supérieur et de manque de coordination. J'ai donc confié une mission sur ces sujets à Gilbert Amy, compositeur et ancien directeur du conservatoire supérieur de Lyon, qui remettra un rapport d'analyse et surtout de propositions pour l'été prochain.
* Parallèlement, j'ai demandé une réflexion à Pascal Dumay sur l'enseignement du chant et de l'art lyrique dans notre pays. Je souhaite que notre école de chant retrouve le lustre qu'elle a connu jadis et que les programmes de nos théâtres lyriques puissent afficher des artistes formés dans nos institutions.
4- A côté du réseau de l'enseignement, il y a le réseau de la diffusion, qui est son prolongement naturel. Depuis le plan de Marcel Landowski, le premier à penser au niveau de la région, il s'est ramifié et diversifié, effet heureux d'une décentralisation qui doit être menée désormais jusqu'au bout de ses implications et conséquences, en faisant confiance aux élus locaux. Ses repères sont bien situés : les festivals, les opéras et orchestres régionaux. Il faut que ces institutions intègrent la nécessité de l'élargissement de leurs répertoires et de leurs publics afin que la création soit favorisée et que soit assuré le plus grand accès de tous à la musique.
5- S'agissant des festivals, ma position est claire : se concentrer sur ceux qui portent au delà d'un seul lieu ou une seule esthétique. L'Etat doit favoriser les échanges, les brassages, qu'ils soient géographiques ou culturels. D'où notre soutien au festival d'Aix-en-Provence, dont les activités de diffusion lyrique locale ont été étendues par Stéphane Lissner à la pédagogie ouverte au public et à une diffusion nationale et internationale. Ou encore au réseau européen " Varèse " dont le festival Musica de Strasbourg a été l'instigateur. Ou enfin du festival musique ancienne et baroque de Saintes. Je peux annoncer aujourd'hui, le prochain soutien de mon Ministère à l'extension du Festival de Beaune dans toute la région de Bourgogne et sur toute la saison, à l'action de fédération de plusieurs festivals locaux en Languedoc-Roussillon, et la mise à l'étude de projets en région Centre et Rhône-Alpes, autour du festival d'Ambronay.
6- Je souhaite désormais que les maisons d'opéra ouvrent l'éventail de leur programmation, des origines du genre jusqu'à la création. Elles doivent d'abord reposer sur une programmation de qualité, conduire une action de rayonnement dans leurs Régions et dans les départements, susciter les contributions financières des collectivités territoriales. Ce sont ces trois critères qui m'ont incitée à décerner le label d'opéra national, déjà accordé aux Opéras de Lyon et de Strasbourg, à celui de Bordeaux en 2001, en attendant celui de Montpellier dès 2002. Par ailleurs, j'ai dit aux élus des Pays de Loire tout mon intérêt pour le projet d'un nouvel opéra qui unirait les destins des maisons de Nantes et Angers et leur permettrait de couvrir toute la région et je sais qu'ils y travaillent bien.
7- Le même souci d'ancrage territorial guide notre politique en faveur des orchestres. Là encore, il s'agit d'outils principalement portés par les collectivités territoriales mais qui sont garants d'une irrigation de tout le pays. Aussi mon Ministère s'engage -t-il à leurs côtés dès que se dessine un projet de qualité artistique et de dimension territoriale. Il le fera prochainement avec les créations programmées d'un Orchestre de Franche-Comté, issu de l'actuel Orchestre de Besançon, et d'un Orchestre Régional du Centre dont les modalités sont à l'étude.
8- Mais je ne voudrais pas donner à croire que Paris n'est plus Paris. D'ailleurs tout notre territoire y perdrait. Paris a ses phares, dont l'Opéra et l'Orchestre qui portent son nom et l'Opéra-Comique.
1. L'Opéra national de Paris, sous la direction d'Hugues Gall a imposé une belle réussite artistique. Il a réussi son pari d'origine d'amener à l'art lyrique un public nombreux et neuf. Je tiens à en féliciter Hugues Gall que j'ai d'ailleurs reconduit dans ses fonctions jusqu'en juillet 2004 et toute l'équipe artistique Brigitte Lefebvre, Claude Bessy et James Conlon.
2. L'Opéra-Comique, sous la direction de Jérôme Savary conduit une programmation originale et populaire qui devrait lui permettre de tenir son rôle dans le paysage lyrique parisien où il occupe traditionnellement une place particulière.
3. Quant à l'Orchestre de Paris dont le lieu de travail nous préoccupe tous, Paris, pourtant bien doté en équipements, n'aura plus, en 2002 lorsque la Salle Pleyel sera fermée pour travaux, de salle de concerts de jauge suffisante pour accueillir nos grandes formations et notamment l'Orchestre de Paris. Le projet d'auditorium de La Villette demeure notre projet, je vais en parler, mais à un horizon plus lointain que prévu. Aussi ai-je décidé, avec la participation de la Ville de Paris que je remercie, la mise à niveau, notamment sur le plan acoustique, du Théâtre Mogador. J'ai également sollicité la région Ile-de-France dont j'espère qu'elle se joindra à nous sur ce choix. La situation et la jauge me paraissent devoir permettre le meilleur accueil en résidence de l'Orchestre de Paris. Je remercie Jack-Henri Soumère, le directeur de cette salle, qui a bien voulu mettre au point avec nous cette solution et donner ainsi une nouvelle image musicale à Mogador. La convention entre l'Orchestre de Paris et lui vient d'être signée.
Je n'oublie pas les deux orchestres de Radio-France, dont l'activité n'a cessé de se développer et où viennent d'être nommés deux nouveaux chefs.
4. La Cité de la musique est devenue un pôle essentiel à l'Est de Paris, à conforter et à renforcer.
Il faut vraiment s'en féliciter : ce projet, dont Pierre Boulez fut le promoteur et Jack Lang le défenseur, est une pleine réussite. Grâce à la programmation intelligente, diversifiée et risquée de Brigitte Marger, la Cité de la musique a conquis un public nombreux, jeune et curieux. Je peux en attester, pour en être une spectatrice assidue. Chère Brigitte Marger, l'occasion ne me sera jamais offerte de façon aussi publique de vous rendre hommage, à la veille d'un départ que vous avez soigneusement préparé.
J'ai décidé sur proposition du Conseil d'Administration de la Cité, de nommer à votre succession Laurent Bayle, qui prendra ses fonctions effectives au 1er janvier 2002. Vous avez proposé avec élégance, et souci de l'efficacité, qu'il puisse préparer au plus tôt la passation du relais en pleine harmonie avec vous. Afin que les objectifs et les activités de la Cité de la musique répondent au mieux aux nouveaux modes d'approche de la société dans ce domaine et à ses attentes, j'ai demandé à Laurent Bayle d'étudier, en liaison avec vous, le développement de la politique éducative de la Cité et l'élargissement de ses fonctions documentaires. Et ce dans un double souci : la prise en compte des nouvelles technologies et des réseaux, la diversification des publics.
Mais outre élargir les activités de la Cité, il faut la compléter. C'est en ce sens que je souhaite remettre sur le métier le projet de grand auditorium qui appartenait à sa conception d'origine, et qui devrait permettre d'y accueillir le répertoire symphonique (l'orchestre de Paris de façon privilégiée mais aussi les orchestres de la Radio, les orchestre régionaux et les grandes formations étrangères) mais aussi de grands concerts de jazz ou de variété de qualité. Plusieurs études ont déjà été remises sur ce projet. J'ai chargé Laurent Bayle de les actualiser et de bâtir un projet artistique et culturel le plus complet possible. Mais tout cet investissement institutionnel que nous développons avec constance ne prend pleinement son sens que dans la mesure où il apporte réponse aux attentes du public d'aujourd'hui et à deux objectifs essentiels pour notre gouvernement : la diversité culturelle et l'égal accès de tous à ses expressions.
II-CELA REQUIERT UNE POLITIQUE POUR LES PLUS LARGES PUBLICS ET POUR LA DIVERSITE DES REPERTOIRES ET DES VOIES D'ACCES AUX MUSIQUES
Si l'audience et la pratique de la musique ont beaucoup progressé en quelques décennies, il nous faut encore redoubler d'efforts pour l'amener dans la vie quotidienne de nos concitoyens, et pour ce faire :
- multiplier les modes d'approche entre la musique et ses publics, et notamment les modes informatifs et pédagogiques ;
- soutenir résolument la recherche et la création qui sont générateurs de nouvelles esthétiques et donc du répertoire et des publics de demain.
Une fois n'est pas coutume dans ces murs, je voudrais commencer par vous parler de La pratique amateur, un vecteur prioritaire de la démocratisation culturelle.
Je voudrais mettre l'accent sur les pratiques amateurs et notamment les pratiques vocales et le chant choral, qui offrent une voie d'accès collective, égalitaire et joyeuse à la musique. Nous sommes très en retard, dans notre pays, au regard de nos voisins anglo-saxons et il nous faut faire des efforts pour nous mettre à niveau. C'est à cet effet que nous avons consolidé le réseau des centres d'art polyphonique, rebaptisés depuis peu missions-voix. Ils se révèlent très efficaces pour la formation et l'encadrement des amateurs mais aussi susceptibles d'actions de promotion. Du coup, leurs missions ont été élargies à la réalisation d'états des lieux des pratiques vocales, à l'échelle nationale. J'ai noté avec plaisir que Jack Lang faisait de la création d'une chorale par école l'une de ses priorités.
Mais c'est sur l'ensemble du champ des pratiques amateurs que s'élabore, depuis deux ans une véritable stratégie. Pour témoigner de l'intérêt que je porte à l'essor considérable des pratiques instrumentales, qui réunit de nombreuses et ardentes volontés (fédérations, associations régionales et départementales ...), j'ai confié une mission à Jean-Louis Vicart qui rassemblera toutes les commandes et créations qui ont été faites au plan national depuis dix ans dans le répertoire des harmonies-fanfares . Et je vous annonce la création d'un orchestre de batteries-fanfares avec la confédération musicale de France.
- L'importance de la formation est capitale, elle est multiforme
- les conservatoires et les écoles de musique, qui restent le socle sur lequel peut s'appuyer notre enseignement supérieur, ont beaucoup évolué ces dernières années. Beaucoup conduisent des actions novatrices, qui lient patrimoine et création, esthétiques nouvelles et musiques anciennes, musiques traditionnelles de toutes origines géographiques et musiques actuelles, osant ainsi des croisements heureux, des greffes qui secouent les habitudes et renouvellent les mentalités.
- Le partenariat avec le Ministère de l'Education Nationale est devenu une nécessité évidente, affirmée lors de notre conférence de presse conjointe avec Jack Lang du 14 décembre dernier. Un plan de cinq ans assurera ainsi une présence accrue des musiciens aux côtés des professeurs des écoles primaires pour proposer aux élèves une formation musicale de base et de qualité. Je n'y reviens donc pas.
- Le cursus délivré dans les Centres de Formation de Musiciens Intervenants, CFMI en collaboration avec les neuf Universités qui en possèdent, seront étendus de la formation des musiciens à celle des interprètes et des compositeurs qui le souhaitent. Leur nombre, de neuf actuellement, sera porté à treize d'ici 2004 avec de nouvelles implantations en Normandie, Aquitaine, Ile-de-France et Languedoc-Roussillon. Parallèlement, un plan destiné à accélérer la formation continue d'intervenants est mis en uvre dès cette année dans les centres d'Orsay, Toulouse et Poitiers.
* La recherche et la création Comme l'enseignement supérieur, la recherche est un domaine où la responsabilité de l'Etat restera toujours prépondérante. Mon ministère mène dans ce domaine une politique ambitieuse où la recherche musicale tient une place particulièrement importante.
Elle répond en effet à deux missions essentielles : développer des outils d'expertise et de conservation du patrimoine; encourager la création en favorisant l'émergence de nouveaux moyens et techniques d'expression. Je ne prendrai que deux exemples pour illustrer ce propos : celui de l'édition patrimoniale et celui de l'orgue.
- Editer les partitions tombées dans l'oubli est une mise en valeur d'un patrimoine qui, sans cela, ne sortirait pas du cercle des spécialistes. Outre les travaux du Centre de Musique Baroque de Versailles, du Centre d'Etude de la Renaissance de Tours, un élan nouveau a été donné avec le programme " Musica Gallica ", fondé avec la Fondation Salabert et la Chambre Syndicale des Editeurs de Musique de France. Il a permis la reprise de l'édition critique des oeuvres de Debussy et la mise en chantier d'une intégrale des opéras de Rameau.
Mais l'édition doit rester en lien avec les interprètes. C'est pourquoi nous soutiendrons le projet de Christophe Coin, pour le château de La Borie, autour de l'organologie et de l'interprétation, qu'il conduira avec son Ensemble baroque de Limoges. Ce souci de travailler sur la recherche et sur ses prolongements marque aussi notre politique dans le domaine de l'orgue. Vous savez quel remarquable travail d'inventaire d'abord, puis de restauration et de construction d'orgues, a été mené depuis vingt ans par ce Ministère. Cette politique prend d'autant plus de sens qu'elle s'accompagne d'un soutien au Centre national de formation d'apprentis facteurs d'orgue d'Eschau, fondé en collaboration avec les ministères de l'Education et de l'Artisanat, et de la Chambre des Métiers d'Alsace.
Le savoir-faire de nos centres de recherche en matière de traitement et de synthèse du son et, plus généralement, d'outils informatiques pour la création et l'analyse, est reconnu dans le monde entier. Le nouveau programme développé par l'Ircam, qui grâce à l'Internet permet à des créateurs d'accéder à distance aux outils de composition les plus innovants, est un moyen de rayonnement des plus efficaces. Nous disposons d'autres pôles forts avec le GRM basé à l'INA, l'ACROE à Grenoble ou encore le CEMAMU à Issy-les-Moulineaux. Ils trouvent dans le multimédia et les univers dits virtuels de nouveaux champs d'application scientifique et artistique et donc de nouvelles audiences.
- La recherche ne prend tout son sens que dans sa relation avec la création et l'innovation. L'aide à la création est une priorité.
Les studios installés sur le territoire, notamment dans les quatre centres nationaux de création musicale de Lyon, Bourges, Nice et Marseille, vont être consolidés cependant que nous allons en aider d'autres, tels que la Muse en Circuit en Ile de France ou le Groupe de Musique électro-acoustique d'Albi, en Midi-Pyrénées ;
- l'obligation doit être faite, conventionnellement, à certaines institutions de diffusion d'inscrire la création dans leurs activités. Ainsi des orchestres de Lyon et des Pays de Loire ;
- une nouvelle politique d'aide aux équipes qui s'organisent en ensembles ou compagnies. En 2002, seront mises en place des commissions inter-régionales (sur le mode de celles qui existent pour la création chorégraphique et pour les compagnies dramatiques) dont l'éventail des soutiens ira de l'aide au projet au conventionnement.
- La politique des résidences doit être amplifiée, qui permet une relation privilégiée entre les créateurs, les interprètes et le public de proximité. Il existe des résidences de jazz, des résidences de chanson (Ignatus à Trappes, Xavier Lacouture à Ivry, les Têtes raides à Calais), des résidences de compositeurs (Pascal Dusapin à l'Orchestre National de Lyon, Ahmed Essyad et Georges Aperghis à Strasbourg, Marc-André Dalbavie à l'Orchestre de Paris, Philippe Fénelon à Albi). L'avenir, je le crois, grâce à ces résidences est à la multiplication et à la confrontation entre disciplines artistiques.
- les commandes d'Etat, outil essentiel de soutien aux compositeurs, permettent de les rétribuer directement pour leur travail de création. Il faut toutefois adapter ce dispositif aux situations que rencontrent les compositeurs dans leurs relations avec les nouvelles technologies. Des procédures nouvelles sont étudiées, dont l'institution de deux fonds, l'un pour la création numérique, l'autre pour le multiscénique.
- L'aide aux lieux : une impérieuse nécessité
Elle conditionne l'existence quotidienne des formations musicales, de quelque nature et genre qu'elles soient et donc leur développement. Nous avons un retard à combler au regard de nos voisins européens, même si un effort réel a été fait depuis quinze ans qui a permis la construction de lieux tels que l'Arsenal de Metz, le Palais des Congrès de Nantes, l'Auditorium de Dijon et verra bientôt une nouvelle salle de musique pour la scène nationale de Poitiers.
Je voudrais évoquer ici le programme des " scènes de musiques actuelles " (elles sont 120) qui atteste de notre présence auprès des collectivités territoriales , des artistes et des publics jeunes dans ce domaine. Mon ministère apporte son concours dès lors que les projets privilégient la création et l'accompagnement des artistes en début de carrière. Le principe qui nous anime est de favoriser les liens entre les pratiques amateurs et l'insertion professionnelle des jeunes artistes. Pour cela, il faut nouer des liens conventionnels entre les SMAC, les établissements d'enseignement général relevant de l'Education Nationale, les écoles de musique ayant intégré la dimension des musiques actuelles et enfin les studios de répétition. Ce dispositif, qui s'inscrit dans le cadre législatif des coopérations inter-communales, permettra de consolider des lieux déjà aidés, tels que l'Aéronef à Lille, le Médiator à Perpignan, le Chabada à Angers, le Brise-Glace à Annecy, la Luciole à Alençon, et d'en aider de nouveaux dès cette année.
- Encourager la diversité des répertoires et les formations qui les servent
Là j'exprime une pensée de gratitude à l'égard de Maurice Fleuret qui le premier dans une responsabilité administrative éminente, à la Direction de la Musique, a su porter un regard curieux, tout en restant exigeant sur toutes sortes de musique, loin des académismes et des chapelles. Grâce à lui, c'est tout le champ de la politique musicale qui s'est enfin ouvert à toutes les musiques. C'est dans ce sens que je veux poursuivre. L'expansion et la diversification de la production musicale dans notre pays a été si considérable que les pouvoirs publics, comme les collectivités territoriales ont parfois eu du mal à suivre la demande. Il faut viser désormais la consolidation du paysage de la diffusion musicale. Elle passe par :
- l'expression de tous les genres et courants qui ont émergé au cours des décennies passées ou récentes : le jazz (l'Orchestre National de Jazz que nous soutenons et où Paolo Damiani vient de succéder à Didier Levallet, mais aussi les ensembles et collectifs tels que l'Arfi, Transes-Européennes, Hask...), les musiques traditionnelles, où se côtoient et se complètent des réseaux et des centres déjà installés et des artistes tels que Marc Perrone, Eric Montbel, Erik Marchand ou Valentin Clastrier ; nos grands ensembles vocaux, dont le Choeur Accentus de Laurence Equilbey, ou Les Jeunes Solistes de Rachid Safir.
- la mise à disposition de lieux où travailler, ou bien l'installation dans une structure de diffusion déjà existante. Tel a été le cas de Musicatreize, installé à Marseille, l'Ensemble Matteus en Bretagne ou le Parlement de Musique à Strasbourg. Et nous poursuivons cette année avec Sagittarius en Aquitaine, et des Talens lyriques de Christophe Rousset à Montpellier, en attendant celle de Doulce Mémoire, l'ensemble de Denis Raisin-Dardre, au château de Fougères, en région Centre.
- l'ouverture résolue des scènes nationales à la dimension musicale. Je souhaite qu'on l'encourage et que cette vocation soit formalisée dans des accords. J'ai ainsi signé il y a quinze jours à Quimper, avec les collectivités territoriales, la nouvelle convention du Théâtre de Cornouaille, à la tête duquel Michel Rostain a su accomplir un remarquable travail en faveur de toutes les formes et genres musicaux et c'est un musicien, Didier Levallet qui a été nommé à la tête de la scène nationale de Montbéliard. L'action du ministère pour la diffusion se trouve d'ailleurs prolongée et amplifiée par celle de l'Office national de diffusion artistique.
On sait que, dans le domaine de l'enseignement spécialisé comme dans celui de la pratique amateur, la charge qui pèse sur les communes est parfois à la limite de leurs capacités, les départements s'impliquent inégalement et les régions doivent cibler leur effort sur des aspects spécifiques. Michel Duffour et moi-même leur avons donc proposé de travailler à des protocoles de décentralisation qui permettront, à partir d'états des lieux précis, de déterminer les acquis et les besoins non satisfaits, d'établir une carte régionale, précisant l'existence de pôles spécialisés, analysant l'équilibre entre les actions de proximité et celles qui nécessitent un regroupement.... Deux des huit protocoles mis en uvre dès cette année concernent justement les enseignements artistiques : en Nord-Pas-de-Calais et dans les Pays de Loire.
Mais ce dialogue renouvelé avec les collectivités territoriales ne peut être efficace que si l'Etat, au préalable, affirme les conceptions qui sont les siennes dans le champ de l'enseignement artistique et de la pratique amateur. Après un large travail de concertation avec les collectivités territoriales et les professionnels concernés, je viens de boucler une charte des enseignements artistiques qui servira de guide, quant aux grandes missions et aux responsabilités que chacun aura à assumer pour le développement de ce secteur, enjeu démocratique prioritaire à mes yeux.
En conclusion, je dirais que notre société est plus musicienne, plus musicale qu'elle ne l'a jamais été, sans doute parce que dans toutes ses couches sociales et ses générations différentes, la musique est l'un des témoins les plus fidèles et les plus engagés de son évolution. La Fête de la Musique en est le meilleur symbole. Elle a évolué, comme nous évoluons tous, comme les musiques qui nous entourent changent elles aussi. Mais elle est toujours là. Nous fêterons en 2001 sa vingtième édition et placerons cette édition sous le signe des moins de vingt ans, de ceux pour qui la Fête du 21 juin a donc toujours existé, et pour qui la musique a toujours quelque chose d'une fête.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 31 janvier 2001)