Texte intégral
C'est avec plaisir que j'ouvre cette 11ème conférence annuelle de l'industrie pharmaceutique. C'est l'occasion pour moi de vous redire combien le gouvernement est attaché au dialogue particulier qu'il entretient avec vous.
Ce dialogue que mes prédécesseurs et vous avez initié de longue date est pour moi la condition de la réussite de la politique du médicament en France, tout particulièrement en cette période où nous devons réussir une réforme difficile mais indispensable. La politique conventionnelle, les initiatives du gouvernement en matière de recherche et notre récente collaboration sur le chikungunya en sont le reflet.
L'accord cadre, sur le renouvellement duquel les discussions se sont réouvertes, est aussi un exemple qui montre la volonté du gouvernement de reconnaître et valoriser l'innovation.
Je crois que peu de pays sont arrivés à entretenir un tel partenariat, même si, pour chacun, les contraintes sont là.
J'ai eu l'occasion de vous dire lors de l'assemblée générale du LEEM, que j'ai conscience de vos inquiétudes quant aux impacts de la réforme de l'Assurance Maladie sur votre politique de prix.
Vous m'avez dit avoir besoin de visibilité. En tant que responsable budgétaire, je le comprends. Mais je tiens à souligner que, au delà des mesures qui peuvent être prises chaque année, la politique du médicament en France s'articule autour de 2 axes principaux :
- Privilégier l'accès rapide de tous les patients à l'innovation
- Promouvoir les génériques
J'entends parfois que la France ne serait plus attractive pour les industries innovantes. Ce que je veux vous dire aujourd'hui, c'est que, non seulement la France continue à attirer les entreprises en raison de ses nombreux atouts et qu'elle met en oeuvre tout une action en faveur de l'implantation et du développement des industries pharmaceutiques innovantes.
I- Des efforts sont demandés à l'industrie pharmaceutique, comme à l'ensemble des acteurs du système de santé. C'est la condition même de la pérennité et de la qualité de notre système de soins.
Vous le savez, vos efforts ont contribué et contribuent encore à la réussite de la réforme de l'Assurance Maladie. Les résultats des mesures prises depuis deux ans sont là. Le déficit de l'assurance maladie a été ramené à 8 milliards d'euros. Sans la réforme, il aurait atteint 16 milliards d'euros. Et je veux aller plus loin cette année avec un objectif de 6,1 milliards d'euros de déficit pour 2006.
Au delà des économies, je cherche à préserver un système qui est juste à la fois pour nos concitoyens et aussi pour l'ensemble de ses acteurs. En effet, il repose sur la solidarité, puisque nous cotisons selon nos moyens et nous sommes soignés selon nos besoins et il garantit la stabilité du marché des produits de santé. Le défi qui nous attend est de répondre à 2 évolutions :
- l'évolution démographique
- l'accès à l'innovation thérapeutique.
Pouvoir continuer à garantir l'accès de tous aux meilleurs soins dans les années qui viennent, voilà l'objectif que je souhaite atteindre avec vous.
Ainsi, payer, à l'instar d'autres pays européens, le médicament à son plus juste prix et en fonction de l'intérêt médical est non seulement une règle de bonne gestion, mais la condition de la réussite d'une politique qui privilégie l'accès aux thérapeutiques efficaces et à l'innovation pour tous. Je veux rappeler que nous avons veillé et veillerons à ce que ces mesures ne créent pas de distorsion entre les entreprises au niveau européen.
Nous avons d'abord choisi de renforcer notre politique en faveur du générique.
Le taux de pénétration progresse à près de 60% mais 89% des Français se déclarent favorables aux génériques. Il est donc possible d'accentuer nos efforts dans ce domaine.
Je suis persuadé que la politique du générique est un choix juste et équitable qui portera ses fruits par un changement dans la durée. Je veux cependant souligner que, contrairement à d'autres pays comme l'Allemagne, je ne suis pas favorable à un tarif forfaitaire de responsabilité appliqué à tout un groupe thérapeutique.
Nous avons ensuite fait le choix de privilégier les médicaments rendant un véritable service médical au patient.
La Haute Autorité de Santé a recommandé de ne plus prendre en charge 221 médicaments, dont le service médical rendu aux patients a été jugé insuffisant, et évalue actuellement le dernier groupe de ces médicaments.
Le terme de SMR insuffisant peut induire un certain nombre de difficultés pour l'avenir de ces médicaments qui peuvent être utilisés en automédication. Je souhaite que ce terme soit modifié pour ne pas induire de connotation négative. Ce sera chose faite dans le Décret Transparence qui fera l'objet d'une concertation.
En contrepartie, les nouvelles inscriptions représentent plus d'1 milliard d'euros de dépenses supplémentaires chaque année.
Nous nous sommes également engagés en faveur des médicaments les plus innovants en leur garantissant un accès rapide au marché, grâce aux ATUs, à la nouvelle procédure d'examen accéléré des médicaments innovants par la commission de la Transparence, et au dépôt de prix prévu par l'accord cadre. Ensemble, ces mesures représentent un progrès considérable par rapport à la situation d'il y a quelques années.
Enfin, la mise en oeuvre de la T2A à l'hôpital et de la liste de remboursement des produits onéreux a permis de prendre en charge sans restrictions des molécules très chères, que de nombreux pays ne prennent pas en charge à ce niveau de volume, en donnant l'égal accès à tous les patients quelque soient les établissements de soins dans lesquels ils sont suivis. C'est une avancée majeure pour les patients, qui solvabilise ce marché qui connaît une croissance importante.
Par ailleurs, l'automédication représente moins de 5% du marché des médicaments en France, un des chiffres les plus bas d'Europe. Mon objectif est de donner toute sa place à ce mode de traitement des troubles les plus courants, dans une démarche de responsabilisation et d'autonomisation des patients. Il ne relève pas seulement d'un choix économique, mais aussi d'une conception équilibrée et diversifiée du système de santé qui est celle de nombreux autres pays, où toute thérapeutique ne passe pas par la prescription. Mais je tiens à vous dire que je le ferai aussi avec un niveau d'exigence de qualité des soins sur lequel je ne transigerai pas.
La réflexion sur l'automédication s'engagera avec la réunion de l'ensemble des parties prenantes dès le mois de juin.
C'est également dans la concertation que se poursuivent les actions en faveur de la qualité de l'information délivrée aux médecins, avec la mise en place de la charte de la visite médicale. Vous avez été sur ce point des interlocuteurs constructifs, et je souhaite que les négociations aboutissent rapidement dans le cadre du CEPS, pour l'extension de cette charte à l'hôpital.
De la même façon, c'est en concertation avec l'ordre des médecins et vous et que nous pourrons établir des règles de bonnes pratiques sur la participation de l'industrie pharmaceutique à la formation médicale continue.
II- Vous avez aussi pris votre part, et de façon extrêmement réactive, à la prévention et la recherche face aux nouveaux risques infectieux.
La crise du chikungunya a été l'occasion de montrer que notre dialogue permanent, que j'évoquais tout à l'heure, peut porter ses fruits de façon extrêmement concrète, avec des conséquences directes sur l'amélioration de la santé de nos concitoyens.
Dès le 23 février, lorsque je vous ai réunis, vous avez répondu présent pour participer à la recherche de molécules ayant un effet sur le virus du chikungunya. Grâce à vous et à l'équipe remarquable de la cellule de coordination de la recherche sur le chikungunya, une molécule efficace avait été identifiée à peine un mois plus tard, et après seulement 3 mois, les essais cliniques vont débuter. Je sais également que plusieurs d'entre vous poursuivent activement les recherches sur d'autres voies thérapeutiques.
Je tiens à vous remercier pour cette collaboration très efficace et exemplaire, que nous avions déjà expérimentée, en matière de prévention, dans la préparation au risque de pandémie grippale.
III- Je suis convaincu de l'attractivité du territoire français pour l'industrie pharmaceutique. Et nous sommes tous convaincus de la nécessité pour notre pays de rester attractif.
A - Outre la taille de son marché, la France présente en effet des atouts majeurs pour demeurer un territoire d'implantation pour l'industrie pharmaceutique.
Malgré ce que peuvent en dire certains déclinologues patentés, la France, c'est une main d'oeuvre hautement qualifiée et ce sont d'excellentes conditions d'installation. Des études récentes telles que l'étude KPMG L'expansion, montrent que l'hexagone offre aux entreprises étrangères les coûts d'implantation les plus faibles des grands pays européens. Si une entreprise étrangère veut s'implanter en Europe, elle a tout intérêt à s'installer en France ! Ses atouts sont en effet nombreux, des coûts plus faibles dans les domaines de l'énergie, des transports, aux coûts d'acquisition du foncier. Enfin certaines idées reçues doivent être battues en brèche puisque la France présente même des coûts de mains d'oeuvre totaux - salaires et charges sociales - plus compétitifs que la plupart de ses grands voisins européens !
B - Nous souhaitons soutenir l'innovation pour que la France conserve sa place de premier producteur européen de médicaments. Et conscients de ce que la recherche d'aujourd'hui, ce sont les thérapies de demain, nous menons une politique qui vise à favoriser la recherche et le contact entre chercheurs et industries.
Je souhaite, en accord avec le Premier Ministre, et conjointement avec mon collègue François Loos, Ministre délégué à l'industrie, relancer les travaux du CSIS.
Nous nous sommes également engagés à garantir l'attractivité de la France pour les industries de santé innovantes.
Ainsi, à coût constant, le comité économique des produits de santé (CEPS) tient désormais compte, dans le calcul des remises de toute nature, conventionnelles ou non, de la présence industrielle de chaque laboratoire en Europe et particulièrement dans le domaine de la R&D. Nous travaillons en outre actuellement sur le renforcement des liens entre la recherche publique et les laboratoires pharmaceutiques
La mise en place des centres de gestion des essais de produits de santé (CEGEPS), à laquelle nous travaillons activement ensemble, et avec les CHU, est aussi une de mes priorités. J'ai la conviction qu'ils permettent de faciliter considérablement la mise en place d'essais cliniques en France.
La France s'engage aussi largement en Europe sur le soutien à l'innovation . Elle a été à l'initiative du règlement pédiatrique européen qui est sur le point d'être adopté et, vous le savez, a vigoureusement défendu les mesures d'incitations sans lesquelles ce règlement ne pourra porter ses fruits. De la même façon, elle apportera son soutien à l'initiative médicaments innovants.
Par ailleurs, le gouvernement a souhaité favoriser l'émergence de pôles de compétitivité rassemblant en un même lieu industries à forte valeur ajoutée, instituts de recherche, services aux entreprises. Il s'agit de cibler les aides et de faire émerger des dynamiques industrielles dans des zones déterminées. Les industries de santé bénéficieront de ce dispositif permettant de rapprocher les acteurs de la recherche et de l'entreprise et de favoriser la capacité d'investissement et la compétitivité des secteurs innovants.
Ce sont 11 nouveaux projets R&D en santé qui ont reçu des financements de l'Etat (13,4 M d'euros du FCE, Fonds de compétitivité économique) dans le cadre de ces pôles de compétitivité cette année. Je me réjouis de la diversité et de la richesse des projets proposés qui vont du développement de médicaments contre la maladie d'Alzheimer à l'identification et l'optimisation d'antiviraux inhibant les interactions protéine-protéine par « design » structural et chimio-informatique. Je salue à cette occasion le dynamisme du pôle Meditech Santé en Ile de France qui a su présenter cinq projets qui ont pu remporter des financements, mais aussi les pôles Innovations thérapeutiques en Alsace, Lyon Biopôle en Rhône Alpes et Nutrition-Santé- Longévité en Nord Pas de Calais.
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Comme vous l'avez compris, j'ai 3 objectifs principaux, rééquilibrer l'assurance maladie et pérenniser notre système de soins, faciliter le développement et l'accès aux médicaments innovants, et rendre la France attractive pour l'industrie qui innove. Ces objectifs sont sans aucun doute moins contradictoires qu'il n'y paraît si l'on accepte de se placer aussi dans une perspective de moyen ou long terme.
C'est ensemble que nous les atteindrons, et, avant de vous laisser débuter vos travaux, je voudrais vous redire ce que je vous avais déjà dit en décembre dernier : je souhaite continuer ce dialogue avec vous, rencontrer vos dirigeants, et avoir une visibilité sur vos projets innovants comme sur vos contraintes. C'est pour moi une des conditions de la réussite de la politique du médicament, de la réussite de la réforme de l'Assurance Maladie, indispensable pour converser et moderniser notre système de santé.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 31 mai 2006