Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Le Ministre de la Culture et de la Communication vient de vous rappeler l'attachement du Gouvernement à plusieurs éléments essentiels concernant la politique d'emploi dans le secteur du spectacle, et notamment le dispositif de couverture du risque chômage pour les artistes et techniciens du secteur.
Je souhaiterais rappeler certains de ces éléments qui étaient à nos yeux essentiels :
Il s'agit d'abord d'une répartition intelligente et efficace des rôles de chacun.
Le maintien d'une couverture du risque chômage au sein de la solidarité interprofessionnelle constitue un élément central.
En complément, l'intervention de l'Etat est légitime, sans se substituer à l'action des partenaires sociaux, lorsque ses modes d'intervention relèvent de la solidarité nationale, afin d'assurer une protection aux plus démunis, notamment ceux arrivant en fin de droits.
Il s'agit ensuite de la reconnaissance des spécificités de ce secteur professionnel au sein des différents dispositifs, sans que la légitime prise en compte de ces spécificités n'aboutisse à détourner les dispositifs de leur finalité.
- Il n'appartient pas à l'assurance chômage d'assurer un revenu de complément aux professionnels du secteur.
- Il n'appartient à l'Etat de se substituer aux partenaires sociaux en matière d'assurance chômage.
Il s'agit enfin d'un dispositif qui s'inscrive en cohérence avec la politique de l'emploi, notamment avec l'objectif d'une plus grande professionnalisation du secteur du spectacle.
Ces différents éléments étaient à nos yeux essentiels et nous avons oeuvré de concert pour atteindre ces objectifs.
Ces objectifs sont-ils atteints ?
Il est évidemment difficile d'en juger aujourd'hui puisque l'accord des partenaires sociaux n'est pas signé.
Toutefois, je souhaite d'ores et déjà saluer le travail accompli par les partenaires sociaux, en lien avec les services de l'Unédic et avec le soutien de Jean-Paul Guillot et de son équipe.
De véritables négociations, de sérieuses expertises techniques, des propositions constructives, des avancées réelles... Nous pouvons reconnaître tout cela.
Sur le fond, en tant que ministre en charge de l'emploi, je ne peux me prononcer sur la question de l'agrément de l'Etat avant qu'un texte soit effectivement signé. Toutefois, j'ai déjà en tête plusieurs éléments :
Le Ministre la Culture a déjà évoqué un certain nombre de points qui nous semblent positifs dans le nouveau système qui se dessine :
- une meilleure prise en compte de la saisonnalité de l'activité culturelle ;
- une meilleure prise en compte de l'activité, grâce à la nouvelle formule de calcul de l'allocation ;
- une protection sociale plus complète.
Par ailleurs, nous avons recueilli ces derniers jours les analyses des différentes confédérations de salariés.
Enfin, j'ai étudié avec intérêt le document que nous a remis Jean-Paul Guillot et dont la tonalité m'est apparue très positive.
J'ai bien pris note des appréciations portées sur le projet des partenaires sociaux, sur l'engagement de l'Etat, mais aussi des quelques réserves apportées, que la rencontre d'aujourd'hui permet d'ailleurs largement de lever.
Pour vous en convaincre, permettez-moi de revenir sur trois sujets :
- d'abord, la couverture chômage, avec le fond pérenne de solidarité et les mesures transitoires ;
- ensuite, l'avancement des conventions collectives dans le secteur ;
- enfin, la lutte contre les abus.
Concernant, le dispositif de solidarité et les mesures transitoires, en premier lieu, je voudrais redire quelques mots sur le dispositif de solidarité et les mesures transitoires d'indemnisation.
- Il sera mis en place, de façon pérenne, un dispositif de couverture chômage au titre de la solidarité nationale.
Le ministre de la Culture en a détaillé tout à l'heure les principales caractéristiques.
Je rappellerai seulement un point qui me paraît essentiel, au regard d'une préoccupation forte affichée par les professionnels du secteur, à savoir la saisonnalité.
L'effet du nouveau dispositif est d'assurer une couverture chômage durant toute l'année. Une personne effectuant 507 heures sur 12 mois arrive aux termes de ses droits aux annexes au bout d'une dizaine de mois, du fait des règles de décalage. La durée minimale du dispositif de solidarité étant de 2 mois, la personne bénéficie donc d'une couverture chômage durant au moins 12 mois.
Cette période d'indemnisation supplémentaire donnera du temps pour effectuer les heures permettant de se maintenir dans le dispositif d'indemnisation, s'il s'agit d'un professionnel qui n'a rencontré qu'un accident de carrière.
- Par ailleurs, au-delà de ce dispositif pérenne, le ministère en charge de l'emploi financera également un second dispositif, transitoire, afin d'assurer aux professionnels du secteur une couverture chômage prenant en compte les salaires précédemment perçus.
L'allocation perçue, pour une durée de trois mois, sera calculée de la même façon que dans les annexes VIII et X, mais sera plafonnée à 45 euros.
Ce dispositif transitoire prendra fin au 31 décembre 2007, soit un an après la signature des nouvelles conventions collectives. Elles auront donc eu le temps de produire leurs effets.
Jean-Paul Guillot a montré que les professionnels du secteur avaient déjà su entamer leur adaptation au nouveau contexte. La politique de l'emploi menée par les ministères en charge de l'emploi et en charge de la culture les y incitent et les y aident. La structuration du secteur par les nouvelles conventions collectives constitue un élément essentiel de cette politique.
En effet, il est grand temps que l'emploi, dans le secteur du spectacle comme dans tous les grands secteurs économiques de notre pays, soit organisé et régulé par des conventions collectives et non plus, comme cela a été trop longtemps le cas, par l'assurance chômage.
Nous avons fixé un objectif ambitieux sur le fond : restructurer le secteur, avec une limitation du nombre de conventions collectives à huit. L'objectif est également ambitieux sur le calendrier : aboutir avant fin 2006.
Depuis septembre dernier, de nombreux efforts ont été déployés. Les discussions ont avancé dans les 8 secteurs. Plus de 50 réunions en commissions mixtes paritaires se sont déjà tenues.
Sur le fond, dans la quasi-totalité des commissions mixtes paritaires, les partenaires sociaux ont pu définir le champ d'application des conventions collectives et accords professionnels. La définition des fonctions pour lesquelles il est d'usage de recourir à un contrat à durée déterminée a constitué le coeur des négociations. Plusieurs propositions en matière de salaires minima et de rémunération ont pu être largement débattues ; elles visent notamment à favoriser l'allongement de la durée moyenne des contrats de travail. Enfin, la question du temps de travail a été abordée dans plusieurs CMP afin de trouver les moyens de mieux prendre en compte le temps de travail effectif des salariés et les spécificités du secteur en la matière.
Si aucun accord global portant sur l'ensemble de ces points n'a pu être trouvé à ce stade, de nombreuses pistes de compromis ont déjà été explorées par les partenaires sociaux ce qui pourrait ouvrir la voie à la conclusion d'accords au cours des prochaines semaines.
Toutefois, j'ai aussi pu constater les problèmes rencontrés par les partenaires sociaux pour atteindre rapidement les objectifs visés et certaines organisations m'ont fait part des difficultés pour satisfaire l'ensemble des objectifs fixés avant la fin de l'année 2006.
Ces difficultés étaient inévitables dans un premier temps, compte tenu de la complexité des sujets à traiter, des nombreuses spécificités du secteur et de la diversité des interlocuteurs.
Nous mettrons tout en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés dans les délais prévus. Nous vous rappelons que les secteurs non couverts par les nouvelles conventions collectives au 31 décembre 2006, ne pourront pas recourir au CDD d'usage.
A mon sens, très concrètement, il importe donc que les partenaires sociaux traitent en priorité la question du champ du CDD d'usage. Son périmètre doit être défini de façon précise et maîtrisée, c'est-à-dire se limiter aux seuls emplois pour lesquels le recours à ce type de contrat est réellement justifié. C'est un point fondamental et soyez sûrs que j'y serai extrêmement vigilant.
Afin de lever les difficultés rencontrées, j'ai demandé au Directeur des relations du travail qu'un appui supplémentaire soit apporté aux partenaires sociaux pour accélérer le processus de négociation des conventions collectives du secteur du spectacle :
. Les présidents de CMP seront de nouveau réunis dans les prochaines semaines par le Directeur des relations du travail.
. Sur le plan technique, les services de la Direction des relations du travail pourront fournir un appui pour aider les partenaires sociaux à délimiter les champs professionnels des 8 conventions collectives et accords professionnels.
. Je vous propose également d'engager des négociations au niveau inter-branches sur la question de la prévoyance. Il semble préférable de négocier un accord cadre sur le sujet couvrant les 8 secteurs, tout en laissant la possibilité aux partenaires sociaux de chaque secteur de compléter cet accord cadre. La négociation en CMP pourrait débuter avant l'été. Je suis certain que les partenaires sociaux seront intéressés par cette proposition.
. Enfin, s'agissant de la question du financement du paritarisme, qui a déjà été débattue largement dans certains secteurs, je vous propose qu'un groupe de travail soit constitué entre les organisations patronales et syndicales de l'ensemble du secteur du spectacle vivant et enregistré afin de définir des principes communs qui pourront être mis en oeuvre ensuite dans chaque CMP.
Je pense que ces propositions sont susceptibles d'accélérer les négociations sur les sujets prioritaires au sein des 8 secteurs.
Nous vous remercions par avance d'apporter, au niveau qui est le vôtre, le concours que vous jugerez le plus approprié à l'avancement de ces négociations, qui dépendent, évidemment, avant tout des partenaires sociaux du secteur.
Dans cette perspective, je tiens ici à vous exprimer toute ma confiance et je suis certain qu'en conjuguant nos efforts, les objectifs que nous nous sommes fixés pour la fin de l'année seront atteints.
Enfin, je voudrais évoquer aujourd'hui devant vous un troisième grand thème.
La lutte contre les abus dans le secteur du spectacle est autre élément important de notre politique.
Dans ce domaine, il faut envisager tous les moyens d'actions.
Les textes législatifs et réglementaires nécessaires à l'effectivité et à l'efficacité des contrôles ont été complétés :
- Le gouvernement a pris les décret et arrêtés rendant possible le croisement des fichiers des organismes sociaux, et par là même un contrôle plus effectif de la part du régime d'assurance chômage.
- Le renforcement des sanctions administratives et financières dans la lutte contre le travail illégal a été prévu par la loi du 2 août 2005 et le décret du 22 février 2006. Les autorités compétentes (la CNC, les DRAC, la DMDTS) ont désormais la possibilité de refuser toute aide aux structures qui se sont rendues coupables d'infractions relatives au travail illégal.
Au-delà de l'adaptation des bases juridiques, l'amélioration des procédures déclaratives permet également de lutter contre les abus.
Des travaux sont en cours sur plusieurs sujets.
Le comité de pilotage du GUSO - le guichet unique pour le spectacle occasionnel - travaille à l'amélioration des procédures de déclarations. La simplification et la fiabilisation de ces procédures permettront d'avoir des déclarations plus exhaustives.
Par ailleurs, la lutte contre la multiplicité et l'émiettement des contrats passe aussi par une meilleure traçabilité de l'emploi. C'est l'idée du « numéro d'objet » qui serait mentionné sur les contrats, permettant ainsi d'identifier les individus et entreprises travaillant sur un même projet.
Je sais que l'Unédic y travaille, notamment en lien avec la FESAC.
Enfin, je souhaite vous rappeler mon attachement à la lutte contre les abus dans le secteur culturel par la voie des contrôles.
La commission nationale de lutte contre le travail illégal, au sein de laquelle siègent les partenaires sociaux, a validé le 26 janvier dernier le plan national de lutte contre le travail illégal pour les années 2006 et 2007.
Le secteur du spectacle a été spécifiquement désigné parmi les secteurs prioritaires pour plusieurs des objectifs de ce plan, relatifs à la lutte contre la non-déclaration, le développement des bonnes pratiques en matière de sous-traitance et surtout le respect des conditions de recours aux statuts spécifiques, dont le CDD d'usage.
Un bilan de l'application de ce plan sur le début de l'année 2006 sera effectué en juin, lors de la prochaine réunion du Comité de lutte contre le travail illégal.
Il s'agit de continuer sur la lancée de l'année 2005 qui a vu une augmentation des contrôles dans le secteur du spectacle, avec 322 entreprises du secteur du spectacle enregistré et 1894 entreprises du spectacle vivant qui ont fait l'objet de contrôles.
Surtout, l'action menée commence à produire des effets. La continuité de l'action dans ce domaine fait changer les comportements.
En 2005, le taux d'infraction constaté, même s'il reste sensiblement supérieur à la moyenne des infractions constatées dans l'ensemble des secteurs, a considérablement baissé par rapport à 2004.
La lutte contre le travail illégal demeure évidemment un élément fort et nécessaire de la politique de l'emploi dans tous les secteurs du spectacle.
De manière générale, je vous rappelle les efforts que j'ai engagés dans le cadre du plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail, avec notamment le renforcement des moyens de l'inspection du travail par la création de 700 postes en 5 ans.
Nous vous rappelons enfin que, si les contrôles extérieurs des services de l'Etat sont nécessaires, indispensables, il reste nécessaire que la profession, dans son ensemble, s'approprie les règles et conditions de travail applicables aux artistes et aux techniciens, leur accorde une valeur morale et une importance aussi grandes que la valeur artistique d'une production.
C'est l'objet de notre politique de l'emploi dans le secteur et vous pouvez être assurés de notre détermination à poursuivre dans ce sens !Source http://www.culture.gouv.fr, le 24 mai 2006