Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle, sur la prévention des risques professionnels et l'évolution des accidents du travail et des maladies professionnelles, Paris le 24 mai 2006.

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Circonstance : Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels à Paris le 24 mai 2006

Texte intégral

I
J'ai le plaisir de vous retrouver à l'occasion de la séance plénière annuelle du Conseil Supérieur de la Prévention des Risques Professionnels. La prévention des risques professionnels me tenant, vous le savez particulièrement à coeur, je n'aurais, pour rien au monde, manqué ce rendez-vous.
Mais permettez- moi tout d'abord de saluer ici l'action de notre ancien vice-président Monsieur Hadas Lebel. Je le remercie pour la présidence de la commission permanente à laquelle il était particulièrement attaché. Je souhaite également la bienvenue à notre nouvelle vice-présidente, Madame Moreau, à qui je présente mes meilleurs voeux pour la tâche passionnante qui s'ouvre à elle.
D'importantes évolutions ont eu lieu depuis notre dernier rendez-vous plénier : le PST a été lancé et de grands chantiers tels que la mise en place de l'AFSSET ont été ouverts. Je vais d'ailleurs tout à l'heure me déplacer à Maisons-Alfort, au siège de l'AFSSET, pour rencontrer les « recrues » du département santé au travail et les assurer de mon soutien.
Les grandes tendances : évolution des AT /MP
L'analyse de l'évolution des accidents du travail et des maladies professionnels invite, cette année encore, à poursuivre nos efforts. Certes l'évolution est globalement positive : en 20 ans, le nombre des accidents graves a été divisé par 2, celui des accidents mortels par 3. Cette année encore, les accidents de travail avec arrêt diminuent et connaissent leur plus forte baisse depuis 1996, en nombre (-4%) mais également en fréquence (-2 %). De même, le nombre de décès au travail diminue de 5.3%. Mais cela demeure toujours trop !
Et le paysage demeure contrasté : les accidents graves augmentent de près de 6,2% en 2004. Cette augmentation pour la 3ème année consécutive est particulièrement préoccupante. De même, le nombre de maladies professionnelles reconnues en 2003 augmente de 7% par rapport à 2002. Je suis aussi sensible à la nouvelle progression des TMS qui tient sans doute à l'évolution de certaines conditions de travail.
Face à ces résultats, je n'ai pas l'intention de baisser la garde et j'invite chacun d'entre vous à être le relais de cette volonté. Les 6 grandes orientations de travail pour l'année 2006, qui s'inscrivent dans le cadre du Plan Santé au Travail et dans la continuité des actions engagées en 2005, me paraissent devoir être les suivantes.
1- La recherche et la connaissance sur les risques professionnels doivent être promues
Il s'agit de développer la recherche fondamentale et la connaissance des risques en milieu professionnel. L'appel à projets organisé en 2005 avec le ministère de la recherche a permis de retenir 49 projets financés à hauteur de 10 Meuros dont 17 sur le thème santé - travail. Un nouvel appel à projets a été récemment lancé en mars 2006.
En outre, des pôles régionaux pluridisciplinaires (regroupant universités et laboratoires) seront mis en place en 2006 en Ile de France et autour de Lyon, Bordeaux, Toulouse et Marseille. Je souhaite également qu'un séminaire international d'échanges scientifiques soit organisé sur les thématiques santé-environnement-travail et de ce point de vue, je me réjouis de ce que la Fête de la Science soit consacrée cette année à la santé au travail.
La création d'une agence publique était nécessaire, elle est désormais effective. Après l'ordonnance du 1er septembre 2005, le décret d'organisation de l'AFSSET, qui étend les structures de l'Agence au champ de la santé au travail, est sur le point d'être signé par les ministres de tutelle. S'agissant du Conseil d'administration, j'ai veillé à ce que les partenaires sociaux y soient représentés dans un collège dédié. L'AFSSET dispose de moyens significatifs pour constituer un pôle d'expertise sur les risques professionnels : de 5,6 Meuros en 2005, ses crédits ont été portés à 8.6 Meuros en 2006.
Le Département Santé au Travail disposera bientôt de 20 experts. Ses travaux sont lancés et les premiers rapports seront rendus avant la fin de l'année : ils concernent en priorité des produits chimiques et des risques émergents (nanomatériaux). L'AFSSET est également chargée de missions permanentes, notamment d'une veille scientifique.
Dans le cadre de son rôle de tête de réseau, l'AFSSET enrichit dès à présent ses partenariats avec les organismes compétents. Une convention-cadre entre l'AFSSET et l'INRS sera signée tout à l'heure, montrant ainsi l'intérêt que nous attachons à la mise en place de synergies faisant avancer la recherche. Des études épidémiologiques pour le milieu professionnel seront par ailleurs coordonnées par l'InVS, qui apporte aussi son soutien au réseau sentinelle des médecins du travail et au recueil d'informations auprès des médecins traitants sur les maladies présumées d'origine professionnelle.
2 La réglementation et son contrôle doivent être encore renforcés.
Les cellules régionales pluridisciplinaires sont progressivement mises en place pour apporter un appui scientifique, technique et méthodologique à l'inspection du travail de formation généraliste.
En 2005, 7 régions ont été dotées de 30 postes d'ingénieurs et de médecins. Cette opération se poursuit en 2006 dans 8 nouvelles régions (Alsace, Bretagne, Basse-Normandie, Centre, Lorraine, Pays de Loire, Picardie, Poitou-Charentes) qui bénéficieront de 32 nouveaux postes dont 15 d'ingénieurs de la prévention, 7 médecins et 10 praticiens du contrôle. En 2007, le dispositif sera généralisé à l'ensemble du territoire.
Vous connaissez ma volonté de combler rapidement le retard de la France par rapport à ses voisins concernant les effectifs de l'inspection du travail, dans le cadre du plan de modernisation que j'ai annoncé en mars 2006 : il s'agit d'un effort sans précédent puisqu'il nous faut à terme 700 agents supplémentaires.
3. Les instances de pilotage vont être renforcées
Sur ce sujet, je tiens à ce que nous achevions ensemble, au cours de l'année 2006, la modernisation des instances de pilotage de la prévention des risques professionnels.
Les premiers échanges sont constructifs et devraient permettre d'aboutir à un CSPRP doté de plus de marges d'initiatives ainsi qu'à la structuration d'instances régionales, les comités régionaux de prévention des risques professionnels.
J'ai tenu à ce qu'il y ait, au sein de ces comités régionaux, une complémentarité entre les administrations régionales de l'Etat, les partenaires sociaux et les organismes de prévention. La première tâche des comités régionaux sera d'établir un diagnostic et des orientations partagées pour élaborer les Plans régionaux de santé au travail. Je souhaite que ces derniers puissent être présentés en fin d'année.
Je vais également solliciter le Premier ministre pour que soit mise en place, avant la fin de cette année, la Commission d'orientation stratégique pour la prévention des risques professionnels, prévue par le Plan santé au travail et dont l'objectif est de fédérer l'action des différents ministères.
4. Le développement d'une culture de prévention en entreprise est indispensable.
Un des éléments de la prévention passe par la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Une mission d'appui aux partenaires sociaux a été confiée à l'IGAS. A cet égard, je me félicite de l'ouverture des négociations des partenaires sociaux sur l'ensemble de la branche AT/MP. L'accord gouvernance conclu début avril est un premier pas, mais les échéances annoncées pour les sujets de fond (mi 2007 voire fin 2007) me paraissent tardives. Je viens donc d'écrire à la CNAMTS avec Xavier BERTRAND, pour que rapidement, elle mette à disposition des simulations en appui de vos travaux.
La prévention passe en outre par l'engagement des organismes professionnels : en ce sens, la convention que j'ai signée avec l'OPPBTP en mars 2006 revêt un caractère exemplaire. Elle doit maintenant être mise en oeuvre, en priorité, je le souhaite, en direction des intérimaires et des personnes récemment embauchées, premières victimes des accidents de travail, et en direction des très petites entreprises pour les aider dans leur démarche d'évaluation des risques et de prévention.
La prévention passe aussi par la modernisation de l'action des services de santé au travail. L'accent a été mis sur la politique d'agrément des services de santé au travail, ainsi que sur la contractualisation et la pluridisciplinarité. Deux ans après la réforme de la médecine du travail, il me semble utile de faire un premier bilan : je vais lancer une évaluation et une réflexion sur l'évolution des missions et des moyens de la médecine du travail.
5. Je souhaite maintenant revenir plus particulièrement sur l'amiante et le risque chimique.
La gestion des risques sanitaires liés à l'amiante est une priorité absolue. Des recommandations ont été formulées par deux rapports parlementaires : celui du Sénat en octobre 2005 et celui de l'Assemblée nationale en février 2006. Ces rapports établissent une feuille de route intéressante pour l'ensemble du Gouvernement dans les différents volets de l'amiante.
Pour ce qui me concerne, j'ai l'intention de renforcer la réglementation pour la protection des travailleurs. Le décret de 1996 va être révisé pour tenir compte de l'évolution des connaissances scientifiques et réglementaires. Le Conseil d'Etat a rendu hier son avis sur ce nouveau décret, qui sera donc publié dans quelques semaines. Les exigences techniques mais aussi de formation et de compétences seront ainsi étendues aux interventions sur l'amiante non friable, ce qui permettra de mieux protéger les salariés du BTP. Les députés ont souligné que ce secteur était particulièrement exposé et la campagne d'information que l'INRS vient de lancer en direction des salariés du BTP du second oeuvre me paraît absolument essentielle.
Les parlementaires soulignent également la nécessité de renforcer les contrôles. Dans le prolongement des campagnes de contrôle sur les chantiers de désamiantage de 2004 et 2005, la France participera cet automne à une campagne conjointe des inspections du travail des 25 Etats membres de l'Union européenne. J'attends beaucoup de cette campagne, notamment après les résultats 2005 que j'ai rendu publics en novembre dernier et qui indiquaient que 2/3 des chantiers étaient en infraction.
Mais au-delà de la prévention, il est indispensable d'optimiser la prise en charge de ceux qui ont été massivement exposés par le passé.
Depuis la création du FCAATA, plus de 1500 établissements et 30 000 salariés ont bénéficié des préretraites amiante. Il faut aujourd'hui revoir ce dispositif qui génère des incompréhensions, des injustices et des lourdeurs administratives et financières. C'est pourquoi, Xavier BERTRAND et moi-même, avons demandé à l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) d'engager une réflexion sur le fonctionnement du dispositif, et de faire des propositions de réforme.
Le rapport rendu fin décembre 2005, fait l'objet d'analyses et d'arbitrages interministériels. Le sujet, complexe et lourd d'enjeux pour les personnes concernées, nécessite un approfondissement : il n'est pas certain que nous puissions aboutir dès le PLFSS de cette année.
Concernant le suivi médical post-professionnel, un décret est en cours de préparation pour garantir un suivi médical à toute personne ayant été exposée qui en ferait la demande auprès d'une CRAM.
Mais vous le savez, parallèlement au risque amiante, un des principaux risques professionnels est aujourd'hui le risque chimique. Il est essentiel de tirer les enseignements de l'amiante et de prévenir ce risque en engageant un certain nombre d'actions concrètes.
Un vaste chantier de remise à plat des valeurs limites d'exposition professionnelle (VLEP) a été ouvert. Plusieurs décrets élaborés en 2005 prévoient de fixer réglementairement des VLEP, de les rendre contraignantes ou d'abaisser leur niveau selon le cas. Pour 2006, je tiens en particulier à ce que la VLEP relative aux fibres céramiques réfractaires soit rendue contraignante et soit abaissée.
Par ailleurs, nous allons mettre en oeuvre le dispositif d'arrêt d'activité « risque chimique » prévu à l'article L. 231-12 du code du travail. Ce dispositif, construit sur le modèle de l'arrêt de chantier applicable aux chantiers de désamiantage, sera entouré de garanties et permettra de prononcer un arrêt temporaire d'activité pour mettre fin à une situation dangereuse pour les salariés, qui résulterait d'un dépassement réitéré d'une valeur limite d'exposition.
Je souhaite enfin annoncer le lancement en juin, d'une campagne de contrôle spécifique sur les produits cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction.
6. Enfin, je vous rappelle que les actions de la politique de santé et sécurité au travail s'inscrivent dans une dimension européenne
Nos orientations pour 2006 prennent leur sens dans la stratégie communautaire 2002-2006 dont découlent le PNSE et le PST. Alors que la stratégie 2007-2012 est en cours d'élaboration, il importe que l'influence française - une influence tripartite - continue de s'exercer. C'est tout le sens de notre ténacité dans la négociation du système REACH. C'est tout le sens aussi de la prochaine Conférence internationale du travail qui va s'ouvrir à Genève début juin, dont l'objectif est de bâtir un cadre promotionnel de la sécurité au travail. J'y interviendrai le 5 juin prochain, notamment en faveur de l'interdiction mondiale de l'amiante.
Vous me permettrez, enfin, de saluer le secrétaire général du Conseil, Marc BOISNEL, qui participe aujourd'hui à son dernier Conseil, après tant d'années au service de la prévention, dont il a contribué à l'évolution. Au-delà de Marc Boisnel, c'est aussi Jean-Denis Combrexelle et toute son équipe que je souhaite remercier, car elle est mise à contribution de manière importante, y compris sur les crises sanitaires récentes, telles que la grippe aviaire et l'épidémie de Chikungunya.
Le ministère du travail se mobilise, mais la réussite de ces actions réside dans notre capacité à travailler à l'unisson : votre investissement est essentiel pour diffuser l'esprit de prévention sur le terrain, dans les entreprises.
Voilà Mesdames et Messieurs, l'essentiel de ce que je voulais souligner devant vous ce matin, sans entrer dans le détail des actions que vous avez dans vos dossiers, mais simplement donner un éclairage avant d'entendre vos suggestions et vos remarques éventuelles.Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 31 mai 2006