Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, sur les priorités du prochain Conseil européen pour l'avenir de l'Union européenne, Paris le 14 juin 2006.

Prononcé le

Circonstance : Débat préalable au Conseil européen des 15 et 16 juin 2006, au Sénat le 14

Texte intégral

Malgré les doutes et les interrogations, malgré les critiques trop souvent injustes qui lui sont adressées, l'Europe fonctionne et continue d'avancer. Depuis un an, la France a pleinement joué son rôle d'initiative et de proposition. Ainsi, les perspectives budgétaires adoptées pour la période 2007-2013 assureront le financement équitable de l'élargissement tout en préservant les politiques auxquelles nous tenons, en particulier la Politique agricole commune la proposition de directive sur les services a été révisée afin de sauvegarder nos services publics et d'abandonner le principe du pays d'origine, et les jalons d'une véritable politique européenne de l'énergie ont été posés.
D'autres avancées s'imposent pour répondre aux préoccupations légitimes des citoyens. C'est dans cet esprit que la France abordera le prochain Conseil européen.
Sur la question du traité constitutionnel, les chefs d'Etat et de gouvernement ont engagé, il y a un an, une période de réflexion pour apprécier l'ensemble des débats nationaux et convenir de la suite à donner au processus. Quinze Etats membres ont procédé à la ratification du traité, dont cinq depuis le mois de juin 2005. Plusieurs pays ont choisi de ne pas se déterminer. Cet état des lieux implique de tenir compte de la décision prise par quinze de nos partenaires, ainsi que du vote des électeurs français et néerlandais.
Notre responsabilité est de donner à l'Union élargie les moyens d'être plus efficace, plus transparente et plus démocratique. Nous attendons du prochain Conseil européen qu'il décide de délais raisonnables pour la poursuite de la période de réflexion, qui doit aboutir à des propositions concrètes.
Comme l'ont dit il y a quelques jours le président de la République et Mme Merkel, nous souhaitons que la future présidence allemande présente des propositions au premier semestre 2007, qui déboucheraient sur la prise de décisions, notamment pendant la présidence française au second semestre 2008. Une réforme du cadre institutionnel européen reste plus que jamais nécessaire après l'élargissement à vingt-cinq, et bientôt à vingt-sept pays.
L'autre grand défi auquel nous sommes confrontés est celui de restaurer la confiance, ce qui suppose de faire de l'Union un projet compris et partagé. La France, depuis un an, travaille à apporter des réponses concrètes aux attentes des citoyens : c'est l'Europe des projets, une Europe pragmatique, comme l'a souhaité le Premier ministre dans son discours à l'université Humboldt, une Europe qui fait la preuve de sa valeur ajoutée.
Le prochain Conseil européen sera l'occasion de poser de nouveaux jalons, touchant notamment à la dimension extérieure de la politique européenne de l'énergie, un enjeu stratégique pour l'avenir. Nous examinerons sur ce point une contribution soumise par Javier Solana conjointement avec la commission. Des progrès peuvent également être accomplis sur les questions migratoires, sujet sensible s'il en est. Les îles Canaries sont actuellement confrontées à des arrivées massives de migrants. Le prochain Conseil européen doit donner les impulsions nécessaires pour que la solidarité européenne s'exprime ici concrètement. Il ne s'agit évidemment pas du problème de l'Espagne, mais de l'Union européenne dans son ensemble. Nous attendons beaucoup de la conférence sur les migrations et le développement des 10 et 11 juillet à Rabat, organisée à l'initiative de l'Espagne, du Maroc et de la France. Là, nous pourrons envisager la question migratoire à travers les préoccupations des pays d'origine, des pays d'accueil et de ceux où transitent de plus en plus d'immigrés en route vers l'Europe.
Pour avancer sur ces sujets, nous devons envisager toutes les options permettant de préserver la capacité d'action et de décision de l'Union. La France a présenté des propositions qui visent à améliorer le dispositif institutionnel, dans le cadre des traités existants. Catherine Colonna a pris une part active dans ces initiatives, qui ont reçu un accueil généralement positif. Nous disposons donc d'une base sur laquelle le Conseil européen peut s'appuyer. Trois orientations communes s'imposent. La première, et vous y êtes particulièrement attachés, concerne les Parlements nationaux qui doivent être associés de manière bien plus étroite aux processus de décision. La deuxième suppose le renforcement de la cohérence de l'action extérieure : il s'agirait de confier à Javier Solana, le Haut Représentant de l'Union, des mandats précis afin que l'Europe tienne la place qui lui revient sur la scène internationale. Ainsi, lors d'une visite récente à Téhéran, il représentait non seulement l'Union européenne, mais aussi la communauté internationale. Cela s'impose notamment sur la question du Proche-Orient. La troisième orientation porte sur la sécurité intérieure, qui doit être consolidée, notamment dans des domaines tels que la coopération policière et pénale.
La question de l'élargissement sera également discutée au Conseil européen, qui a motivé nombre des inquiétudes exprimées le 29 mai 2005. Trop souvent, les Français ont eu le sentiment d'un élargissement trop rapide, non maîtrisé, préjudiciable au projet européen lui-même.
Nous devons apporter des réponses claires et précises à cette préoccupation, que le commissaire européen Oli Rehn qualifie de "fatigue de l'élargissement". Les futurs élargissements doivent être vécus comme un choix. C'est pourquoi notre pays a décidé de les soumettre, à l'avenir, à référendum. Il est impératif de prendre en compte la capacité de l'Union à assimiler de nouveaux membres. Ce qui implique de répondre à des questions simples : dans une Union à trente ou plus, quelle sera la nature des politiques communes ? Quelles en seront les modalités de financement, les nouvelles institutions ? Quel sera enfin le soutien apporté par les citoyens, qui attendent d'être mieux associés aux décisions qui engagent leur avenir ? Il ne s'agit pas de remettre en cause les engagements contractés, notamment la perspective européenne des pays des Balkans occidentaux. Mais l'Europe ne se fera pas sans les peuples de l'Union. A nous de leur apporter des réponses adaptées.
En conclusion, je souhaite rendre hommage à la présidence autrichienne qui, ces derniers mois et en dépit d'un contexte difficile, a su mener les travaux de l'Union avec intelligence, dynamisme et efficacité.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 juin 2006