Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureuse de vous accueillir ici pour la clôture de cette première journée européenne et internationale du Ministère de l'Emploi et de la Solidarité.
Je salue nos conseillers pour les affaires sociales et tous les agents du Ministère et je souhaite la bienvenue aux conseillers des ambassades étrangères à Paris et aux partenaires sociaux membres du comité du dialogue social pour les questions européennes et internationales.
Comme vous le savez, c'est la première fois que nous organisons cette manifestation. Jusqu'à présent, le traditionnel séminaire de travail qui réunissait une fois par an nos conseillers pour les affaires sociales se terminait par une réception restreinte. J'ai souhaité que cette année ce séminaire dure plus longtemps, avec des intervenants très divers et qu'il se termine surtout par une journée européenne et internationale largement ouverte à tous.
Je me réjouis donc de vous voir si nombreux, et j'y vois un encouragement à poursuivre et à développer cette initiative.
Le dynamisme du réseau des conseillers pour les affaires sociales et la réussite de cette journée européenne et internationale illustrent l'intégration croissante de la dimension européenne et internationale dans l'action de l'Etat dans le domaine social. C'était beaucoup moins le cas il y a encore dix ans. Aujourd'hui, même si l'importance des enjeux nationaux tend parfois à l'occulter, peu de secteurs de ce grand ministère sont totalement à l'écart des négociations internationales, et plus encore européennes.
Je me réjouis vivement de cette mobilisation du ministère et j'y attache une attention particulière car elle reflète tout à la fois (1) le rééquilibrage de la construction européenne en faveur de la dimension sociale, (2) la plus grande prise en compte de la dimension sociale par l'ensemble des institutions internationales, et enfin (3) la richesse de notre coopération bilatérale.
Sans rechercher une exhaustivité difficile à atteindre compte tenu du champ très vaste de ce ministère, j'évoquerai donc les grands chantiers pour ces trois secteurs.
Bernard Kouchner, qui a retrouvé depuis peu ces sujets auxquels je sais qu'il est également très attaché, reviendra après moi plus spécifiquement sur l'action européenne et internationale du ministère en matière de santé.
I- Un rééquilibrage de la construction européenne
Nous avons déjà beaucoup parlé des résultats de la Présidence française et je sais que le séminaire des conseillers pour les affaires sociales a débuté par une présentation par les différentes Directions du ministère du bilan de la Présidence française dans le domaine social.
Je n'y reviendrai donc que très brièvement, notamment pour souligner le rééquilibrage de la construction européenne au profit de sa dimension sociale et l'immense travail effectué par les agents du ministère, en collaboration avec tous les acteurs concernés.
Je retrouve les questions sociales européennes au bout de trois ans, et je constate avec plaisir que le rééquilibrage souhaité par le gouvernement dès son arrivée a bien été amorcé. Pendant longtemps, la constitution d'un espace économique unifié et de la monnaie unique a concentré toutes les énergies. Cela était nécessaire, mais pas suffisant. L'efficacité économique ne saurait être séparée du progrès et de la justice sociale. C'est là une des richesses du modèle européen.
Des avancées importantes ont été réalisées en ce sens, depuis le Conseil européen d'Amsterdam, à la demande de Lionel Jospin. Au Conseil européen de Luxembourg, nous nous sommes dotés d'objectifs communs pour lutter ensemble contre le chômage. Au Conseil européen de Lisbonne, nous nous sommes donnés pour perspective le plein emploi et pour objectif une croissance d'au moins 3 % en moyenne.
Dans cette perspective, et même si ce n'est pas ce dont on parle dans l'immédiat, je suis sûre que l'on s'appuiera dans l'avenir sur le volet social de la Présidence française. Celui-ci, adopté au Conseil européen de Nice, est ambitieux.
Je me réjouis vivement que les chefs d'Etat et de gouvernement aient adopté toutes les contributions du Conseil Emploi et Politique sociale que Martine Aubry et moi avons présidé, et qu'ils poursuivent ainsi au plus haut niveau le rééquilibrage de la construction européenne en faveur du progrès social. Il s'agit de l'agenda social européen, de la stratégie européenne pour l'emploi, de la stratégie européenne pour l'exclusion.
L'agenda social particulièrement est une concrétisation importante de la plus grande priorité donnée à l'Europe sociale, avec l'objectif d'améliorer et de moderniser le modèle social européen.
C'est une feuille de route pour les cinq ans à venir, et pour la première fois, les engagements concrets qui y figurent seront suivis annuellement à travers un tableau de bord. La Présidence suédoise commencera cet exercice lors du Conseil européen de Stockholm, qui constitue donc une étape importante.
Mais nous sommes également parvenus à un accord sur des sujets moins médiatiques mais très importants par nos concitoyens. Je pense notamment à la directive sur la protection des travailleurs exposés à des vibrations (tracteurs, marteau-piqueur) qui sont à l'origine d'importantes maladies professionnelles des muscles et du squelette.
Si je fais le bilan, outre la Charte des droits fondamentaux et l'agenda social, nous sommes parvenus à des accords sur deux stratégies (stratégie européenne pour l'emploi, stratégie européenne contre l'exclusion), sur trois programmes avec des financements européens à la clef (sur l'égalité hommes-femmes, sur l'exclusion, sur les discriminations) et sur cinq directives (discriminations dans l'emploi, échafaudages, vibrations, temps de travail dans l'aviation civile, société européenne).
De mes fonctions antérieures, je connais bien les contraintes et les limites de la Présidence tournante de l'Union européenne. Et je peux donc dire que je trouve que ce bilan est impressionnant. Je sais que nos partenaires et ceux qui connaissent l'Europe sociale partagent mon appréciation.
Nous devons ce bilan à nos partenaires européens, mais aussi à la mobilisation remarquable de l'ensemble du ministère tout au long de l'année 2000.
Si la Présidence française est finie, les travaux communautaires ne s'en poursuivent pas moins, avec des échéances importantes. Il nous appartient notamment de faire en sorte que le fil rouge du social soit poursuivi par les Présidences suédoises et belges, afin que la dimension sociale soit au cur de l'Union.
Rien n'est jamais acquis en ce domaine, et le Conseil Emploi et Politique Sociale, qui rassemble les quinze ministres de l'Union européenne doit garder son dynamisme et renforcer encore son rôle, notamment vis à vis d'autres formations du Conseil, afin que l'équilibre entre la politique économique et la politique sociale soit respecté.
A cet égard, le Conseil européen de Stockholm, les 23 et 24 mars prochains, consacré aux questions économiques et sociales, comme désormais chaque Conseil européen de printemps, est une étape importante puisqu'il va faire le bilan des progrès réalisés depuis un an -et l'agenda social en est un élément- et proposer de nouvelles perspectives pour l'année qui vient.
Vous savez que la France, dans sa contribution à la préparation de ce Conseil, a notamment souhaité que les discussions entre chefs d'Etat et de gouvernement portent sur la qualité des emplois, la coordination des politiques économiques et le vieillissement démographique. Le Conseil Emploi et Politique sociale du 6 mars préparera ces discussions.
Bien entendu, de nombreux autres textes qui concernent le ministère devront faire l'objet de décisions sous Présidence suédoise : je pense notamment à la directive sur l'information et la consultation des travailleurs, sur laquelle nous avons presque abouti sous Présidence française, à la révision de la directive sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou encore à la directive sur la protection des travailleurs contre le bruit.
La Présidence belge, au second semestre 2001, devrait également être très riche en matière sociale, puisqu'elle devra notamment faire un premier bilan des plans nationaux d'action contre l'exclusion sociale et faire adopter les lignes directrices pour l'emploi pour 2002.
Toutes ces décisions européennes ont des prolongements concrets au plan national.
Bien entendu, les directives doivent être transposées dans notre législation interne ; le gouvernement a d'ailleurs procédé à une transposition par ordonnance pour accélérer la procédure.
Quant aux processus non législatifs, nous les déclinons dans des plans nationaux adoptés en concertation avec les différents acteurs concernés. Nous devons notamment remettre à la Commission européenne, en application des objectifs adoptés au Conseil européen de Nice, notre Plan National d'action pour l'Emploi pour le 1er mai prochain et notre Plan National d'action contre l'exclusion sociale pour le 1er juin prochain.
II- Une meilleure prise en compte de la dimension sociale de la mondialisation
Soutenue par une mobilisation remarquable de la " société civile ", la dimension sociale de la mondialisation est devenue une préoccupation majeure de la communauté internationale.
Il s'agit d'affirmer, faisant ainsi écho à la politique menée au sein de l'UE, que loin de s'opposer au développement économique, le développement social en est une condition déterminante. Cette contribution du progrès social au développement économique doit conduire à proposer une gestion plus sociale de la mondialisation, comme condition d'un développement équilibré.
C'est ce que le sommet de Copenhague de 1995 avait déjà mis en valeur, en invitant les Etats à réorienter les actions en faveur du développement social, pour atteindre trois objectifs principaux : l'élimination de la pauvreté ; la croissance de l'emploi productif et l'amélioration de l'intégration sociale.
Le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, en liaison avec le Ministère des Affaires Etrangères, est au cur de cette problématique et oriente son action dans trois directions :
- Première direction : le renforcement de la dimension sociale dans l'activité des organisations internationales " généralistes ". Je pense à l'ONU, qui doit assurer un suivi permanent des conclusions des grands sommets " sociaux " comme ceux consacrés au développement social (Copenhague) ou aux droits des femmes (Pékin). Le Conseil de Sécurité peut également être un espace de mobilisation puisqu'à deux reprises en 2000, nous avons provoqué un débat sur le Sida en Afrique.
Je pense aussi au G7-G8, et nous sommes dans la bonne direction. J'ai en effet été frappée lors du G8 des ministres de l'emploi auquel j'ai participé à Turin en novembre dernier de " l'appropriation " des concepts que l'Union européenne défend par les ministres américains, canadiens, japonais et russe : qualité de l'emploi, interaction entre progrès social et performance économique, équilibre entre souplesse pour les entreprises et sécurité pour les travailleurs, importance de l'implication des travailleurs dans les changements structurels de l'économie, promotion des droits fondamentaux de l'homme au travail dans tous les pays. Il faut à présent veiller à ce que le G8 des chefs d'Etat et de gouvernement qui se réunira à Gênes en juin prochain reprenne ces sujets.
- Deuxième axe : conforter les efforts des organisations économiques pour mieux prendre en compte la dimension sociale de la mondialisation: il s'agit notamment de l'OCDE, du FMI et de la Banque Mondiale.
Je souhaite ainsi que nous travaillions davantage avec l'OCDE, qui commence aujourd'hui à mieux prendre en considération la performance globale, économique et sociale dans son évaluation des politiques menées.
Les institutions financières internationales comme la Banque Mondiale ou le Fonds Monétaire International, sous l'impulsion de Michel Camdessus, ont également exprimé une " préoccupation sociale ", avec un souci de promouvoir " la dimension sociale des ajustements structurels ", par exemple avec une attention plus grande portée aux conséquences des ajustements dans le domaine de la santé, de l'éducation ou encore de l'environnement.
Bien évidemment, ces institutions choisissent un angle d'attaque bien particulier : la protection sociale comme instrument de lutte contre la pauvreté, et ce, dans le cadre d'un ajustement structurel pour lequel la dimension sociale a pour objet d'en atténuer les effets.
Nous allons plaider pour que cette approche de la protection sociale soit élargie. La protection sociale ne saurait en effet se limiter à un instrument de lutte contre la pauvreté. Elle vise aussi à la réduction des inégalités entre les individus ou entre les groupes, à l'élargissement de l'accès aux services d'intérêt général et notamment à la santé et à l'éducation ou encore au soutien à la croissance.
- Enfin, troisième et dernier axe de travail dans le champ multilatéral : le renforcement du poids des organisations sociales dans le système multilatéral : je pense bien entendu à l'Organisation Internationale du Travail (OIT) et à l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Juan SOMAVIA, en tant que nouveau directeur général, a su redonner à l'OIT une place centrale dans le système international et en renforcer la crédibilité. Lors de la conférence annuelle de l'OIT de 1998, les ministres chargés de l'emploi et des affaires sociales ont, à son initiative, mis la question des normes sociales au cur de notre agenda international en adoptant la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux de l'homme au travail lors de la conférence annuelle de l'OIT en 1998.
L'OIT est donc aujourd'hui une institution de référence pour l'élaboration des normes sociales mondiales et leur promotion, dans les pays en développement en premier lieu. Nous soutenons activement la démarche de l'OIT visant à assurer l'application effective des normes sociales, notamment par notre coopération, dans le cadre de l'accord France-BIT signé en 1999, pour la mise en place d'actions d'assistance aux pays qui ratifient les conventions internationales et prennent des dispositions pour les appliquer dans les faits.
Mais, au-delà de ce rôle, l'OIT devrait être un lieu d'accueil naturel pour les débats sociaux que nos sociétés développées traversent, quand la modernisation des économies nous conduit à repenser et à améliorer encore le contrat social dans nos pays. En effet, son histoire, mais aussi son fonctionnement tripartite garantissant une représentation des intérêts des gouvernements, des salariés et des employeurs lui donnent une légitimité particulière pour parler de ces sujets au niveau international. Je ne pense en effet pas que nous puissions laisser aux seuls experts et décideurs des institutions économiques et financières, malgré l'indispensable travail d'aide à la décision et d'expertise qu'ils fournissent, le droit de prédire ou de dicter l'avenir social, et de décider en fin de compte pour nous et sans nous.
C'est le sens premier des premières rencontres France-OIT sur " l'avenir du travail, de l'emploi, et de la protection sociale " que Juan SOMAVIA et moi-même avons organisé à Annecy en janvier dernier, avec de nombreux chercheurs, chefs d'entreprises, et syndicalistes. Nous avons commencé là un travail important et fructueux qui sera poursuivi.
Il faut également, notamment dans la perspective de la reprise des discussions sur le nouveau cycle de l'Organisation Mondiale du Commerce à la réunion de Doha en novembre prochain, favoriser une coopération effective entre OMC et OIT, comme l'avait proposé l'Union européenne.
L'OMS pour sa part reconquiert progressivement grâce à sa Directrice Générale, Madame Bruntland, son rôle d'acteur de référence des enjeux sanitaires internationaux.
La santé est un droit consacré par bon nombre de conventions internationales. C'est même le droit le plus vital et pourtant le moins assuré.
Tout comme avec l'OIT, je souhaite développer un véritable partenariat avec l'OMS en liaison avec Hubert Védrine et Charles Josselin, et pour cela appliquer la même méthode :
- engager l'OMS à travailler sur les sujets de santé qui compteront dans les années qui viennent. Je propose en particulier que nous coopérions ensemble à réformer les sommes de santé dans un sens plus égalitaire ;
- développer des réseaux de surveillance des maladies transmissibles sur le continent et vers nos voisins euro-méditerranéens mais aussi en Asie, en s'appuyant notamment sur le pôle OMS de Lyon qui a été inauguré, il y a quelques jours ;
- aider l'OMS à prendre en charge les risques sanitaires très importants que sont le développement des multirésistances à la tuberculose dans les pays de l'Est et en Russie ou encore des phénomènes de dépendances : drogues, alcool qui se développent dans ces mêmes pays.
Mais Bernard Kouchner y reviendra plus en détail.
Enfin, je voudrais signaler qu'à l'initiative des deux ministères de l'Emploi et de la Solidarité et des Affaires Etrangères, le Premier ministre a confié à Claude Evin une mission sur les enjeux internationaux de la protection sociale. Les conclusions de son rapport qu'il a achevé très récemment feront l'objet d'un examen attentif, mais je partage notamment sa conviction de la nécessité de renforcer la capacité d'intervention de l'OIT pour la protection sociale et de l'OMS pour le financement des systèmes de santé afin de proposer aux pays en transmission.
III- Poursuivre et enrichir notre coopération bilatérale
J'en viens à présent à au dernier grand domaine que je souhaitais évoquer devant vous, la coopération bilatérale. En effet, les différentes stratégies que nous souhaitons mener dans les organisations internationales doivent pouvoir s'appuyer sur des relations bilatérales intenses.
Schématiquement, on peut dire que nos coopérations bilatérales diffèrent selon les catégories de pays.
1- Avec les grands pays développés (hors UE), il s'agit avant tout d'échange d'expériences. Ces échanges, qui se sont développés avec succès depuis quelques années avec divers partenaires européens, doivent être étendus à de grands pays non européens : par exemple aux Etats-Unis, avec qui nous sommes en train de lancer des échanges de bonnes pratiques et d'informations sur la prise en charge des malades du SIDA, au Japon, avec qui nous avons des échanges sur l'adaptation de nos systèmes de protection sociale et sur la prévention des maladies transmissibles ou encore au Canada, avec qui nous avons eu de premiers échanges sur la politique de la petite enfance.
2- Avec les pays en développement, nous agissons en partenariat avec le Ministère des Affaires Etrangères ou avec l'OIT, pour que les politiques sociales soient au cur des politiques de coopération.
Dans le domaine du travail de l'emploi et de la formation professionnelle, le GIP-Inter depuis 10 ans a contribué à la refonte des codes du travail, à la création d'agences nationales pour l'emploi et de centres de formation professionnelle dans une vingtaine de pays ; au premier rang desquels les pays méditerranéens.
Nous avons accordé une attention particulière à l'Afrique, avec la création des postes de conseiller pour les affaires sociales au Maroc en 1999 et à Dakar cette année.
3- Nos relations sont de nature différente avec les membres ou futurs membres de l'Union européenne.
Depuis 1999 le Ministère a entrepris une politique ambitieuse de formalisation de notre coopération bilatérale -qui concerne toutes les directions du ministère- avec des Etats-membres de l'UE.
A ce jour, des programmes de coopération ont été signés avec l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas. Alors que les processus de convergence se multiplient en sein de l'Union Européenne -stratégie pour l'emploi et stratégie contre l'exclusion sociale par exemple- il est indispensable de se rendre compte sur le terrain de la validité des politiques que nous comparons et des bonnes pratiques sélectionnées par les uns et les autres. Nous souhaitons élargir cette démarche aux pays nordiques, qui pèsent d'un poids important au sein de l'Union et font figure de référence dans le domaine social. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de nommer dans les tous prochains jours un conseiller pour les affaires sociales à Stockholm.
4- Avec les pays d'Europe centrale et orientale, les relations sont centrées sur la préparation de ces pays à l'adhésion et à la reprise de l'acquis communautaire dans le domaine social.
Des actions sont mises en uvre par le GIP International qui regroupe les services d'administration centrale et les organismes placés sous leur tutelle (ANPE, AFPA, ANACT) et par l'Adecri (Association pour le développement et la coordination des relations internationales) qui regroupe l'ensemble des organismes de sécurité sociale.
Par ailleurs, dans le cadre du programme Phare Consensus, lancé au printemps dernier, un certain nombre de jumelages, remportés par la France soit en qualité de leader soit en consortium avec un autre Etat membre, sont en cours de finalisation ou sur le point de débuter. La France a par exemple remporté un jumelage institutionnel, dans le domaine de la santé et de la sécurité des travailleurs sur leur lieu de travail, en Pologne.
Au-delà de ces actions, un renforcement des relations politiques et administratives avec les pays candidats est nécessaire. Dans cette perspective, un conseiller pour les affaires sociales qui s'occupe d'élargissement et qui est basé en Pologne a été nommé à l'automne dernier.
En conclusion, je dirais que la mise en uvre de ces chantiers requiert une mobilisation de l'ensemble des services du ministère. J'insisterais particulièrement sur le rôle essentiel de nos conseillers pour les affaires sociales dans ce cadre.
Eux seuls peuvent fournir des communications régulières et complètes sur la situation sociale de nos partenaires, sur l'évolution de la politique sociale qui y est conduite, l'état du dialogue social et sur les raisons de politique interne qui justifient les positions défendues par ces pays au sein des instances communautaires et internationales.
Au-delà de cette mission d'information et de liaison, il leur appartient de participer activement au développement des politiques de coopération bilatérale entre nos pays.
Cela ne signifie pas que le rôle premier des conseillers pour les affaires sociales -faire connaître la politique sociale française- ait disparu, au contraire. Leur rôle est d'abord de faire connaître et d'expliquer à nos amis étrangers notre système social, notre système de santé, et de présenter l'originalité de nos politiques.
Mais nous devons aussi, sur tous ces sujets, travailler en partenariat avec les autres acteurs concernés. Je pense bien entendu aux autres administrations, mais aussi aux parlementaires, aux partenaires sociaux, aux chercheurs, aux associations.
C'est pourquoi, dans la plupart de nos colloques ou ateliers internationaux, nous souhaitons donner la possibilité d'une forte participation des partenaires sociaux, des chercheurs, et des autres acteurs.
De même, j'ai tenu à une association systématique et le plus en amont possible des partenaires sociaux au sein du Comité du dialogue social pour les affaires européennes et internationales, Je pense enfin aux ONG avec l'importance prise, notamment au plan communautaire, par les débats relatifs à la lutte contre l'exclusion.
Mais je sais que tous font déjà un travail formidable et je les en remercie.
Cher Bernard, je te passe la parole.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 16 février 2001)
Je suis très heureuse de vous accueillir ici pour la clôture de cette première journée européenne et internationale du Ministère de l'Emploi et de la Solidarité.
Je salue nos conseillers pour les affaires sociales et tous les agents du Ministère et je souhaite la bienvenue aux conseillers des ambassades étrangères à Paris et aux partenaires sociaux membres du comité du dialogue social pour les questions européennes et internationales.
Comme vous le savez, c'est la première fois que nous organisons cette manifestation. Jusqu'à présent, le traditionnel séminaire de travail qui réunissait une fois par an nos conseillers pour les affaires sociales se terminait par une réception restreinte. J'ai souhaité que cette année ce séminaire dure plus longtemps, avec des intervenants très divers et qu'il se termine surtout par une journée européenne et internationale largement ouverte à tous.
Je me réjouis donc de vous voir si nombreux, et j'y vois un encouragement à poursuivre et à développer cette initiative.
Le dynamisme du réseau des conseillers pour les affaires sociales et la réussite de cette journée européenne et internationale illustrent l'intégration croissante de la dimension européenne et internationale dans l'action de l'Etat dans le domaine social. C'était beaucoup moins le cas il y a encore dix ans. Aujourd'hui, même si l'importance des enjeux nationaux tend parfois à l'occulter, peu de secteurs de ce grand ministère sont totalement à l'écart des négociations internationales, et plus encore européennes.
Je me réjouis vivement de cette mobilisation du ministère et j'y attache une attention particulière car elle reflète tout à la fois (1) le rééquilibrage de la construction européenne en faveur de la dimension sociale, (2) la plus grande prise en compte de la dimension sociale par l'ensemble des institutions internationales, et enfin (3) la richesse de notre coopération bilatérale.
Sans rechercher une exhaustivité difficile à atteindre compte tenu du champ très vaste de ce ministère, j'évoquerai donc les grands chantiers pour ces trois secteurs.
Bernard Kouchner, qui a retrouvé depuis peu ces sujets auxquels je sais qu'il est également très attaché, reviendra après moi plus spécifiquement sur l'action européenne et internationale du ministère en matière de santé.
I- Un rééquilibrage de la construction européenne
Nous avons déjà beaucoup parlé des résultats de la Présidence française et je sais que le séminaire des conseillers pour les affaires sociales a débuté par une présentation par les différentes Directions du ministère du bilan de la Présidence française dans le domaine social.
Je n'y reviendrai donc que très brièvement, notamment pour souligner le rééquilibrage de la construction européenne au profit de sa dimension sociale et l'immense travail effectué par les agents du ministère, en collaboration avec tous les acteurs concernés.
Je retrouve les questions sociales européennes au bout de trois ans, et je constate avec plaisir que le rééquilibrage souhaité par le gouvernement dès son arrivée a bien été amorcé. Pendant longtemps, la constitution d'un espace économique unifié et de la monnaie unique a concentré toutes les énergies. Cela était nécessaire, mais pas suffisant. L'efficacité économique ne saurait être séparée du progrès et de la justice sociale. C'est là une des richesses du modèle européen.
Des avancées importantes ont été réalisées en ce sens, depuis le Conseil européen d'Amsterdam, à la demande de Lionel Jospin. Au Conseil européen de Luxembourg, nous nous sommes dotés d'objectifs communs pour lutter ensemble contre le chômage. Au Conseil européen de Lisbonne, nous nous sommes donnés pour perspective le plein emploi et pour objectif une croissance d'au moins 3 % en moyenne.
Dans cette perspective, et même si ce n'est pas ce dont on parle dans l'immédiat, je suis sûre que l'on s'appuiera dans l'avenir sur le volet social de la Présidence française. Celui-ci, adopté au Conseil européen de Nice, est ambitieux.
Je me réjouis vivement que les chefs d'Etat et de gouvernement aient adopté toutes les contributions du Conseil Emploi et Politique sociale que Martine Aubry et moi avons présidé, et qu'ils poursuivent ainsi au plus haut niveau le rééquilibrage de la construction européenne en faveur du progrès social. Il s'agit de l'agenda social européen, de la stratégie européenne pour l'emploi, de la stratégie européenne pour l'exclusion.
L'agenda social particulièrement est une concrétisation importante de la plus grande priorité donnée à l'Europe sociale, avec l'objectif d'améliorer et de moderniser le modèle social européen.
C'est une feuille de route pour les cinq ans à venir, et pour la première fois, les engagements concrets qui y figurent seront suivis annuellement à travers un tableau de bord. La Présidence suédoise commencera cet exercice lors du Conseil européen de Stockholm, qui constitue donc une étape importante.
Mais nous sommes également parvenus à un accord sur des sujets moins médiatiques mais très importants par nos concitoyens. Je pense notamment à la directive sur la protection des travailleurs exposés à des vibrations (tracteurs, marteau-piqueur) qui sont à l'origine d'importantes maladies professionnelles des muscles et du squelette.
Si je fais le bilan, outre la Charte des droits fondamentaux et l'agenda social, nous sommes parvenus à des accords sur deux stratégies (stratégie européenne pour l'emploi, stratégie européenne contre l'exclusion), sur trois programmes avec des financements européens à la clef (sur l'égalité hommes-femmes, sur l'exclusion, sur les discriminations) et sur cinq directives (discriminations dans l'emploi, échafaudages, vibrations, temps de travail dans l'aviation civile, société européenne).
De mes fonctions antérieures, je connais bien les contraintes et les limites de la Présidence tournante de l'Union européenne. Et je peux donc dire que je trouve que ce bilan est impressionnant. Je sais que nos partenaires et ceux qui connaissent l'Europe sociale partagent mon appréciation.
Nous devons ce bilan à nos partenaires européens, mais aussi à la mobilisation remarquable de l'ensemble du ministère tout au long de l'année 2000.
Si la Présidence française est finie, les travaux communautaires ne s'en poursuivent pas moins, avec des échéances importantes. Il nous appartient notamment de faire en sorte que le fil rouge du social soit poursuivi par les Présidences suédoises et belges, afin que la dimension sociale soit au cur de l'Union.
Rien n'est jamais acquis en ce domaine, et le Conseil Emploi et Politique Sociale, qui rassemble les quinze ministres de l'Union européenne doit garder son dynamisme et renforcer encore son rôle, notamment vis à vis d'autres formations du Conseil, afin que l'équilibre entre la politique économique et la politique sociale soit respecté.
A cet égard, le Conseil européen de Stockholm, les 23 et 24 mars prochains, consacré aux questions économiques et sociales, comme désormais chaque Conseil européen de printemps, est une étape importante puisqu'il va faire le bilan des progrès réalisés depuis un an -et l'agenda social en est un élément- et proposer de nouvelles perspectives pour l'année qui vient.
Vous savez que la France, dans sa contribution à la préparation de ce Conseil, a notamment souhaité que les discussions entre chefs d'Etat et de gouvernement portent sur la qualité des emplois, la coordination des politiques économiques et le vieillissement démographique. Le Conseil Emploi et Politique sociale du 6 mars préparera ces discussions.
Bien entendu, de nombreux autres textes qui concernent le ministère devront faire l'objet de décisions sous Présidence suédoise : je pense notamment à la directive sur l'information et la consultation des travailleurs, sur laquelle nous avons presque abouti sous Présidence française, à la révision de la directive sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou encore à la directive sur la protection des travailleurs contre le bruit.
La Présidence belge, au second semestre 2001, devrait également être très riche en matière sociale, puisqu'elle devra notamment faire un premier bilan des plans nationaux d'action contre l'exclusion sociale et faire adopter les lignes directrices pour l'emploi pour 2002.
Toutes ces décisions européennes ont des prolongements concrets au plan national.
Bien entendu, les directives doivent être transposées dans notre législation interne ; le gouvernement a d'ailleurs procédé à une transposition par ordonnance pour accélérer la procédure.
Quant aux processus non législatifs, nous les déclinons dans des plans nationaux adoptés en concertation avec les différents acteurs concernés. Nous devons notamment remettre à la Commission européenne, en application des objectifs adoptés au Conseil européen de Nice, notre Plan National d'action pour l'Emploi pour le 1er mai prochain et notre Plan National d'action contre l'exclusion sociale pour le 1er juin prochain.
II- Une meilleure prise en compte de la dimension sociale de la mondialisation
Soutenue par une mobilisation remarquable de la " société civile ", la dimension sociale de la mondialisation est devenue une préoccupation majeure de la communauté internationale.
Il s'agit d'affirmer, faisant ainsi écho à la politique menée au sein de l'UE, que loin de s'opposer au développement économique, le développement social en est une condition déterminante. Cette contribution du progrès social au développement économique doit conduire à proposer une gestion plus sociale de la mondialisation, comme condition d'un développement équilibré.
C'est ce que le sommet de Copenhague de 1995 avait déjà mis en valeur, en invitant les Etats à réorienter les actions en faveur du développement social, pour atteindre trois objectifs principaux : l'élimination de la pauvreté ; la croissance de l'emploi productif et l'amélioration de l'intégration sociale.
Le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, en liaison avec le Ministère des Affaires Etrangères, est au cur de cette problématique et oriente son action dans trois directions :
- Première direction : le renforcement de la dimension sociale dans l'activité des organisations internationales " généralistes ". Je pense à l'ONU, qui doit assurer un suivi permanent des conclusions des grands sommets " sociaux " comme ceux consacrés au développement social (Copenhague) ou aux droits des femmes (Pékin). Le Conseil de Sécurité peut également être un espace de mobilisation puisqu'à deux reprises en 2000, nous avons provoqué un débat sur le Sida en Afrique.
Je pense aussi au G7-G8, et nous sommes dans la bonne direction. J'ai en effet été frappée lors du G8 des ministres de l'emploi auquel j'ai participé à Turin en novembre dernier de " l'appropriation " des concepts que l'Union européenne défend par les ministres américains, canadiens, japonais et russe : qualité de l'emploi, interaction entre progrès social et performance économique, équilibre entre souplesse pour les entreprises et sécurité pour les travailleurs, importance de l'implication des travailleurs dans les changements structurels de l'économie, promotion des droits fondamentaux de l'homme au travail dans tous les pays. Il faut à présent veiller à ce que le G8 des chefs d'Etat et de gouvernement qui se réunira à Gênes en juin prochain reprenne ces sujets.
- Deuxième axe : conforter les efforts des organisations économiques pour mieux prendre en compte la dimension sociale de la mondialisation: il s'agit notamment de l'OCDE, du FMI et de la Banque Mondiale.
Je souhaite ainsi que nous travaillions davantage avec l'OCDE, qui commence aujourd'hui à mieux prendre en considération la performance globale, économique et sociale dans son évaluation des politiques menées.
Les institutions financières internationales comme la Banque Mondiale ou le Fonds Monétaire International, sous l'impulsion de Michel Camdessus, ont également exprimé une " préoccupation sociale ", avec un souci de promouvoir " la dimension sociale des ajustements structurels ", par exemple avec une attention plus grande portée aux conséquences des ajustements dans le domaine de la santé, de l'éducation ou encore de l'environnement.
Bien évidemment, ces institutions choisissent un angle d'attaque bien particulier : la protection sociale comme instrument de lutte contre la pauvreté, et ce, dans le cadre d'un ajustement structurel pour lequel la dimension sociale a pour objet d'en atténuer les effets.
Nous allons plaider pour que cette approche de la protection sociale soit élargie. La protection sociale ne saurait en effet se limiter à un instrument de lutte contre la pauvreté. Elle vise aussi à la réduction des inégalités entre les individus ou entre les groupes, à l'élargissement de l'accès aux services d'intérêt général et notamment à la santé et à l'éducation ou encore au soutien à la croissance.
- Enfin, troisième et dernier axe de travail dans le champ multilatéral : le renforcement du poids des organisations sociales dans le système multilatéral : je pense bien entendu à l'Organisation Internationale du Travail (OIT) et à l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Juan SOMAVIA, en tant que nouveau directeur général, a su redonner à l'OIT une place centrale dans le système international et en renforcer la crédibilité. Lors de la conférence annuelle de l'OIT de 1998, les ministres chargés de l'emploi et des affaires sociales ont, à son initiative, mis la question des normes sociales au cur de notre agenda international en adoptant la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux de l'homme au travail lors de la conférence annuelle de l'OIT en 1998.
L'OIT est donc aujourd'hui une institution de référence pour l'élaboration des normes sociales mondiales et leur promotion, dans les pays en développement en premier lieu. Nous soutenons activement la démarche de l'OIT visant à assurer l'application effective des normes sociales, notamment par notre coopération, dans le cadre de l'accord France-BIT signé en 1999, pour la mise en place d'actions d'assistance aux pays qui ratifient les conventions internationales et prennent des dispositions pour les appliquer dans les faits.
Mais, au-delà de ce rôle, l'OIT devrait être un lieu d'accueil naturel pour les débats sociaux que nos sociétés développées traversent, quand la modernisation des économies nous conduit à repenser et à améliorer encore le contrat social dans nos pays. En effet, son histoire, mais aussi son fonctionnement tripartite garantissant une représentation des intérêts des gouvernements, des salariés et des employeurs lui donnent une légitimité particulière pour parler de ces sujets au niveau international. Je ne pense en effet pas que nous puissions laisser aux seuls experts et décideurs des institutions économiques et financières, malgré l'indispensable travail d'aide à la décision et d'expertise qu'ils fournissent, le droit de prédire ou de dicter l'avenir social, et de décider en fin de compte pour nous et sans nous.
C'est le sens premier des premières rencontres France-OIT sur " l'avenir du travail, de l'emploi, et de la protection sociale " que Juan SOMAVIA et moi-même avons organisé à Annecy en janvier dernier, avec de nombreux chercheurs, chefs d'entreprises, et syndicalistes. Nous avons commencé là un travail important et fructueux qui sera poursuivi.
Il faut également, notamment dans la perspective de la reprise des discussions sur le nouveau cycle de l'Organisation Mondiale du Commerce à la réunion de Doha en novembre prochain, favoriser une coopération effective entre OMC et OIT, comme l'avait proposé l'Union européenne.
L'OMS pour sa part reconquiert progressivement grâce à sa Directrice Générale, Madame Bruntland, son rôle d'acteur de référence des enjeux sanitaires internationaux.
La santé est un droit consacré par bon nombre de conventions internationales. C'est même le droit le plus vital et pourtant le moins assuré.
Tout comme avec l'OIT, je souhaite développer un véritable partenariat avec l'OMS en liaison avec Hubert Védrine et Charles Josselin, et pour cela appliquer la même méthode :
- engager l'OMS à travailler sur les sujets de santé qui compteront dans les années qui viennent. Je propose en particulier que nous coopérions ensemble à réformer les sommes de santé dans un sens plus égalitaire ;
- développer des réseaux de surveillance des maladies transmissibles sur le continent et vers nos voisins euro-méditerranéens mais aussi en Asie, en s'appuyant notamment sur le pôle OMS de Lyon qui a été inauguré, il y a quelques jours ;
- aider l'OMS à prendre en charge les risques sanitaires très importants que sont le développement des multirésistances à la tuberculose dans les pays de l'Est et en Russie ou encore des phénomènes de dépendances : drogues, alcool qui se développent dans ces mêmes pays.
Mais Bernard Kouchner y reviendra plus en détail.
Enfin, je voudrais signaler qu'à l'initiative des deux ministères de l'Emploi et de la Solidarité et des Affaires Etrangères, le Premier ministre a confié à Claude Evin une mission sur les enjeux internationaux de la protection sociale. Les conclusions de son rapport qu'il a achevé très récemment feront l'objet d'un examen attentif, mais je partage notamment sa conviction de la nécessité de renforcer la capacité d'intervention de l'OIT pour la protection sociale et de l'OMS pour le financement des systèmes de santé afin de proposer aux pays en transmission.
III- Poursuivre et enrichir notre coopération bilatérale
J'en viens à présent à au dernier grand domaine que je souhaitais évoquer devant vous, la coopération bilatérale. En effet, les différentes stratégies que nous souhaitons mener dans les organisations internationales doivent pouvoir s'appuyer sur des relations bilatérales intenses.
Schématiquement, on peut dire que nos coopérations bilatérales diffèrent selon les catégories de pays.
1- Avec les grands pays développés (hors UE), il s'agit avant tout d'échange d'expériences. Ces échanges, qui se sont développés avec succès depuis quelques années avec divers partenaires européens, doivent être étendus à de grands pays non européens : par exemple aux Etats-Unis, avec qui nous sommes en train de lancer des échanges de bonnes pratiques et d'informations sur la prise en charge des malades du SIDA, au Japon, avec qui nous avons des échanges sur l'adaptation de nos systèmes de protection sociale et sur la prévention des maladies transmissibles ou encore au Canada, avec qui nous avons eu de premiers échanges sur la politique de la petite enfance.
2- Avec les pays en développement, nous agissons en partenariat avec le Ministère des Affaires Etrangères ou avec l'OIT, pour que les politiques sociales soient au cur des politiques de coopération.
Dans le domaine du travail de l'emploi et de la formation professionnelle, le GIP-Inter depuis 10 ans a contribué à la refonte des codes du travail, à la création d'agences nationales pour l'emploi et de centres de formation professionnelle dans une vingtaine de pays ; au premier rang desquels les pays méditerranéens.
Nous avons accordé une attention particulière à l'Afrique, avec la création des postes de conseiller pour les affaires sociales au Maroc en 1999 et à Dakar cette année.
3- Nos relations sont de nature différente avec les membres ou futurs membres de l'Union européenne.
Depuis 1999 le Ministère a entrepris une politique ambitieuse de formalisation de notre coopération bilatérale -qui concerne toutes les directions du ministère- avec des Etats-membres de l'UE.
A ce jour, des programmes de coopération ont été signés avec l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas. Alors que les processus de convergence se multiplient en sein de l'Union Européenne -stratégie pour l'emploi et stratégie contre l'exclusion sociale par exemple- il est indispensable de se rendre compte sur le terrain de la validité des politiques que nous comparons et des bonnes pratiques sélectionnées par les uns et les autres. Nous souhaitons élargir cette démarche aux pays nordiques, qui pèsent d'un poids important au sein de l'Union et font figure de référence dans le domaine social. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de nommer dans les tous prochains jours un conseiller pour les affaires sociales à Stockholm.
4- Avec les pays d'Europe centrale et orientale, les relations sont centrées sur la préparation de ces pays à l'adhésion et à la reprise de l'acquis communautaire dans le domaine social.
Des actions sont mises en uvre par le GIP International qui regroupe les services d'administration centrale et les organismes placés sous leur tutelle (ANPE, AFPA, ANACT) et par l'Adecri (Association pour le développement et la coordination des relations internationales) qui regroupe l'ensemble des organismes de sécurité sociale.
Par ailleurs, dans le cadre du programme Phare Consensus, lancé au printemps dernier, un certain nombre de jumelages, remportés par la France soit en qualité de leader soit en consortium avec un autre Etat membre, sont en cours de finalisation ou sur le point de débuter. La France a par exemple remporté un jumelage institutionnel, dans le domaine de la santé et de la sécurité des travailleurs sur leur lieu de travail, en Pologne.
Au-delà de ces actions, un renforcement des relations politiques et administratives avec les pays candidats est nécessaire. Dans cette perspective, un conseiller pour les affaires sociales qui s'occupe d'élargissement et qui est basé en Pologne a été nommé à l'automne dernier.
En conclusion, je dirais que la mise en uvre de ces chantiers requiert une mobilisation de l'ensemble des services du ministère. J'insisterais particulièrement sur le rôle essentiel de nos conseillers pour les affaires sociales dans ce cadre.
Eux seuls peuvent fournir des communications régulières et complètes sur la situation sociale de nos partenaires, sur l'évolution de la politique sociale qui y est conduite, l'état du dialogue social et sur les raisons de politique interne qui justifient les positions défendues par ces pays au sein des instances communautaires et internationales.
Au-delà de cette mission d'information et de liaison, il leur appartient de participer activement au développement des politiques de coopération bilatérale entre nos pays.
Cela ne signifie pas que le rôle premier des conseillers pour les affaires sociales -faire connaître la politique sociale française- ait disparu, au contraire. Leur rôle est d'abord de faire connaître et d'expliquer à nos amis étrangers notre système social, notre système de santé, et de présenter l'originalité de nos politiques.
Mais nous devons aussi, sur tous ces sujets, travailler en partenariat avec les autres acteurs concernés. Je pense bien entendu aux autres administrations, mais aussi aux parlementaires, aux partenaires sociaux, aux chercheurs, aux associations.
C'est pourquoi, dans la plupart de nos colloques ou ateliers internationaux, nous souhaitons donner la possibilité d'une forte participation des partenaires sociaux, des chercheurs, et des autres acteurs.
De même, j'ai tenu à une association systématique et le plus en amont possible des partenaires sociaux au sein du Comité du dialogue social pour les affaires européennes et internationales, Je pense enfin aux ONG avec l'importance prise, notamment au plan communautaire, par les débats relatifs à la lutte contre l'exclusion.
Mais je sais que tous font déjà un travail formidable et je les en remercie.
Cher Bernard, je te passe la parole.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 16 février 2001)