Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Pour la première fois depuis le début de l'épidémie, on assiste à une stabilisation du nombre de nouveaux cas dans le monde. Ce sont plus de 7 000 personnes qui ont découvert leur séropositivité en France en 2004. Ces chiffres nous montrent qu'il ne faut jamais relâcher nos efforts en matière de prévention face au sida. Si la culture de la prévention fait normalement partie du paysage pour la majorité de la population, cette réussite présente aussi un danger, celui de la saturation et surtout de la banalisation du message : aujourd'hui notre principal ennemi c'est la banalisation. Il s'agit non seulement des messages généraux, mais aussi des messages plus ciblés car la recrudescence de l'épidémie est inquiétante. Il faut orienter la prévention sans stigmatiser. C'est notamment le cas pour les personnes atteintes du VIH : faire accepter la séropositivité, c'est améliorer la vie de nos compatriotes touchés par le VIH, c'est mettre fin à des discriminations que notre société solidaire ne peut tolérer. Mais c'est aussi le moyen de sortir de la peur, des non-dits, et permettre à chacun, séropositif comme séronégatif, de vivre sa sexualité sans prise de risque. Tel est l'objectif de cette campagne de l'INPES qui doit amener un changement de regard profond dans la société.
I/ Lutter contre les discriminations c'est tout d'abord une exigence pour faire vivre le pacte républicain dans notre Nation.
* C'est l'exigence d'offrir une vie sociale et professionnelle normale ; c'est aussi un moyen de renforcer la prévention et l'information sur les maladies.
- La HALDE, installée en mars 2005, possède ce rôle de vigie contre les discriminations. Je me suis personnellement entretenu le 24 octobre dernier avec son Président Louis Schweitzer de nos objectifs et de nos possibilités d'actions.
- C'est aussi le sens de la convention Belorgey, signée le 19 septembre 2001. Celle-ci devait permettre l'accès à l'emprunt et à l'assurance des personnes présentant un risque de santé aggravé. Je veux d'ailleurs rappeler à ce propos qu'il n'est pas possible de dire que l'espérance de vie des séropositifs est diminuée, et que la discrimination à leur encontre est donc profondément scandaleuse. Avec Thierry Breton, nous poursuivons jusqu'au 23 juin la concertation avec les banquiers et les assureurs, afin de parvenir, comme le Président de la République l'a demandé, à une nouvelle convention plus respectueuse du droit à l'intégration des malades et de ceux qui l'ont été. Un texte législatif est également en préparation, afin de pérenniser ce dispositif.
II/ La campagne de lutte contre les discriminations lancée aujourd'hui par l'INPES est un élément essentiel de notre action.
* Elle doit promouvoir un changement de regard sur les personnes séropositives.
- Une meilleure acceptation sociale des personnes atteintes du VIH a des implications directes en matière de prévention. D'une part, elle permet l'amélioration du bien-être des personnes touchées, les incitant à un meilleur suivi thérapeutique et une meilleure observance des traitements. D'autre part, les phénomènes de discriminations peuvent avoir des implications fortes en matière de prises de risques.
- Cette campagne estimée à plus de 2 MA, devrait être vue au moins par 83 % de la population.
- Auparavant, deux temps de campagne de lutte contre le sida étaient organisés, en juin et en décembre ; j'ai demandé à ce que nous portions ce nombre à quatre, soit une campagne par trimestre, qui rythment l'année, pour que le message de prévention ne passe jamais au second plan. En effet, trop souvent, la journée du 1er décembre est la seule occasion de mettre en avant notre mobilisation ; pourtant, tout au long de l'année, les associations s'engagent pour relayer les messages de prévention. Comme je le disais le 1er décembre dernier, si en 2005 la lutte contre le sida était grande cause nationale, en 2006 cela est toujours pour le cas pour nous. A cet effet, l'INPES, dont le directeur général, Philippe Lamoureux, va vous présenter plus en détail ces spots, consacre ¼ de son budget à la lutte contre le sida.
III/ Lutter contre les discriminations, c'est aussi inciter à la prévention
- La lutte contre les discriminations envers les personnes séropositives ou contre l'homophobie participe pleinement de la prévention : une société sans discrimination est une société où il est plus facile de vivre librement sa sexualité, où l'information et la prévention jouent pleinement leur rôle, où les pratiques à risque sont moins nombreuses.
- C'est en ce sens que nous travaillons actuellement avec l'EFS et les associations à une modification du questionnaire du don du sang qui serait centrée sur la question des pratiques à risques, et éviterait toute stigmatisation, et qui en outre participerait du travail de prévention et à l'information.
- L'exclusion de la société amène souvent à une auto-exclusion de la prévention et de la protection : c'est cela que nous voulons éviter. Cela est particulièrement vrai pour certaines parties de notre territoire, comme les Départements français d'Amérique. Par exemple, j'ai souhaité l'ouverture d'un CRIPS en Guyane avant la fin de cette année ; à cet effet, Monsieur Antonio Ugidos, Directeur du CRIPS, se rendra sur place dans les prochains jours. L'action de ce centre sera très orientée vers la lutte contre les discriminations, essentielle pour faire reculer l'épidémie par la prévention.
- A cet égard, nous devons veiller à rendre le matériel de prévention accessible. Ainsi, 5 millions de préservatifs masculins gratuits seront distribués par l'INPES en 2006 contre 3 millions en 2000, et 1 million de préservatifs féminins contre 300 000 en 2000.
- Au-delà, il n'est pas acceptable que le coût des préservatifs puisse être une entrave à la protection. C'est pourquoi le Président de la République a souhaité que le préservatif masculin à 20 centimes d'euros soit désormais très largement accessible. Nous avons réuni les fabricants et les distributeurs de préservatifs afin de voir quelles pourraient être les modalités pour rendre accessible ce moyen de protection. Nous devons désormais voir avec les pharmacies, les grandes surfaces, et pourquoi pas d'autres distributeurs, les modalités de distribution de ces préservatifs. A cet égard, je salue l'initiative des buralistes de Côte d'Or qui vendent ces préservatifs à 20 centimes d'euros et reversent 5% leurs bénéfices à AIDES. Au regard des résultats obtenus, j'étudierai, dans le seul cadre de la lutte contre le sida et les IST, la généralisation de ce dispositif au niveau national.
- Conformément au voeu du Président, nous travaillons à l'installation de distributeurs de préservatifs à 20 centimes dans les lycées : les premiers devraient être installés pour la rentrée.
- En effet, il est très important que les jeunes soient sensibilisés très tôt à la fois à la prévention et à la lutte contre les discriminations. Les enseignants sont formés sur ces deux aspects, à l'aide de différents supports pédagogiques, et une information permanente doit être disponible dans tous les lycées.
IV/ Lutter contre les discriminations, c'est également inciter au dépistage.
- Nos actions de prévention sont là pour rappeler que les rapports sexuels doivent être protégés. Mais en cas de doute, le dépistage doit devenir un geste courant, dénué de toute honte : il n'est pas normal que la peur d'être séropositif et donc discriminé au quotidien éloigne du dépistage des personnes qui risquent ainsi de retarder leur traitement, voire d'être facteurs de nouvelles contaminations.
- Nous avons souhaité rendre le dépistage plus accessible : l'accès aux CDAG a été facilité par un arrêté de 2005 qui prévoit, comme le demandaient les associations, leur ouverture en dehors des heures de bureau. Désormais, à Paris par exemple, il y a toujours au moins un CDAG ouvert de 8 h 45 à 20 h tous les jours (21 h le mercredi), et le samedi de 8 h 45 à 12 h 45.
- Si nous devons éviter toute moralisation parfois improductive, le dépistage doit être accompagné du rappel des règles de prévention et de protection.
- Concernant Sida Info Service, ce relais essentiel de l'information et de la prévention, je n'ignore pas les difficultés de gestion que connaît cette association. Des solutions pérennes sont en cours d'étude grâce notamment à la nomination dans les tous prochains jours d'un chargé de mission exceptionnel.
V/ Enfin, lutter contre les discriminations, cela se passe aussi au niveau mondial
* Dans certains pays en développement, le déni de la maladie, et les discriminations dont sont victimes les séropositifs, empêchent la mise en place d'une véritable politique de prévention. La lutte contre les discriminations doit donc être intégrée à tous les programmes de lutte contre le sida mis en place dans les pays en développement ; c'est une exigence universelle.
* La discrimination au niveau mondial, c'est aussi l'inégalité dans l'accès aux médicaments pour les millions d'habitants de la planète touchés par le sida.
- Pour y répondre, nous devons apporter une solution thérapeutique à ceux qui en sont dépourvus ; c'est là une des priorités majeures de la France depuis de nombreuses années.
- Avec UNITAID, c'est chose faite : donner accès à tous, quel que soit son pays et son niveau de vie, aux médicaments existants va devenir une réalité, une réalité durable : pour des traitement innovants sur le long terme, il fallait des financements innovants et pérennes, avec la contribution de solidarité et la FIAM, et un outil innovant, UNITAID.
- C'est l'espoir de voir demain se réduire la discrimination devant l'accès aux médicaments, et donc face à la pandémie.
Avec le renforcement de la prévention et la lutte contre les discriminations c'est un nouvel élan qui est donné à la lutte contre le sida, avec l'espoir de faire reculer chaque année le virus. Je remercie l'INPES pour son engagement, puisque cette année il y aura quatre temps de campagnes contre deux en 2005, et je remercie aussi toutes les associations qui s'engagent pour porter ce message.
Enfin, avant de passer la parole à Philippe Lamoureux pour qu'il vous présente la campagne, j'aimerais profiter de ce que vous, journalistes, et surtout vous, associations, êtes réunis aujourd'hui pour préciser mes propos concernant le Subutex, sur lequel, je vous le rappelle, aucune décision définitive n'est prise. J'ai seulement indiqué hier que nous nous dirigions vers un classement du Subutex sur la liste des stupéfiants, sous deux conditions et seulement sous ces deux conditions.
- La première condition que je pose est celle d'un décret simplifiant les obligations du pharmacien d'officine en matière de suivi, de gestion des stocks et de délivrance des médicaments stupéfiants. Il prévoit notamment la suppression de l'utilisation du carnet à souche, de l'obligation de transcription de commande ou d'ordonnances de stupéfiants sur un registre spécifique, tout en conservant une obligation de traçabilité. Il permet également plus de souplesse pour le patient puisqu'il lui donne 3 jours et non plus 24 h pour présenter son ordonnance.
- Par ailleurs, comme il ne s'agit absolument pas de remettre en cause la politique de réduction des risques, bien au contraire, la deuxième condition à ce classement est qu'il soit accompagné d'actions d'information auprès des professionnels et surtout des usagers. Je souhaite que chacun s'implique pour garantir l'accès au Subutex à ceux qui en ont besoin tout en luttant conte les conséquences en termes de santé publique de son Subutex. Je tiens à vous rappeler que le Subutex est la première porte d'entrée aux opiacés pour certains jeunes adultes et qu'il entraîne une forte dépendance. Quant à la voie intraveineuse, première voie d'administration du Subutex en usage détourné, elle entraîne davantage de dégâts que celle d'autres produits - oedèmes des avant-bras, phlébites, thromboses, abcès,..., et augmente bien évidemment le risque de transmission des hépatites et du VIH.
Comme vous le voyez, la proposition que je soumets à concertation - la décret de simplification su les substances vénéneuses et le classement du Subutex sur la liste des stupéfiants - a bien pour but de soutenir la politique de réduction des risques en garantissant l'accès au Subutex à ceux qui en ont besoin tout en limitant les risques de mésusage. Je veux être clair : nous voulons plus que jamais aider ceux qui veulent se sortir de la drogue comme nous voulons aussi éviter que d'autres n'y plongent.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 9 juin 2006