Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les membres des conseils d'administration,
Madame la directrice, monsieur le directeur,
Je m'adresse à vous aujourd'hui pour que nous franchissions ensemble une étape importante de la vie de l'ENA et de l'IIAP qui, avec le Centre des études européennes de Strasbourg et les Instituts Régionaux d'Administration, constituent notre système interministériel de formation supérieure aux carrières de la fonction publique d'Etat.
Je m'adresse à vous en priorité, comme il est de règle lorsque des décisions importantes marquent durablement la vie des deux établissements. Mais aussi parce que, à travers vous, c'est aux personnels de l'ENA et de l'IIAP que je souhaite transmettre ces premières informations. C'est en effet à ces personnels, à leur savoir-faire, leur dévouement, leur haut sens de l'intérêt général et du service public, que nous devons aussi, en grande partie, la réputation de nos établissements. Je tiens à saisir cette occasion pour les en remercier sincèrement et leur dire combien je compte sur eux pour le succès des années à venir.
C'est aussi aux élèves que je souhaite m'adresser, car c'est largement pour eux, dans leur intérêt et celui de leurs successeurs, que les décisions que je vais évoquer seront prises.
Sur ma proposition, le Premier ministre a en effet arrêté le principe de la fusion entre les deux écoles.
Cette décision s'appuie sur un diagnostic partagé par l'ensemble des rapports - nombreux- qui se sont penchés sur l'avenir des deux établissements. Elle s'inscrit dans le processus permanent d'évaluation et d'évolution du service public voulu par le Gouvernement. C'est de manière continue, en effet, que l'administration doit réfléchir à ses structures, aux manières de rendre le meilleur service possible, en utilisant pleinement les moyens que la Nation met à sa disposition pour ce faire. Cet examen permanent, ces adaptations aux évolutions du monde et des demandes de la société est un devoir pour l'Etat parce que c'est une attente de nos concitoyens.
Cette réflexion que j'encourage, au sein de toutes les administrations, doit aussi s'appliquer au sein des services qui se trouvent sous la tutelle du ministère dont j'ai la charge. Tel est le cas avec le rapprochement entre l'ENA et l'IIAP, une modification sans précédent pour ces institutions depuis leur création.
J'ai demandé à la directrice de l'ENA de me faire d'ici fin avril prochain des propositions sur la redéfinition des missions du nouvel établissement, sur ses structures et son fonctionnement futur. Je lui ai évidemment demandé d'associer à ces travaux Monsieur Didier MAUS, directeur de l'IIAP, et de travailler en liaison avec les deux conseils d'administration et leur président commun.
D'ores et déjà je souhaite tracer devant vous les grands axes de cette réflexion.
1. La fusion entre l'ENA et l'IIAP correspond à l'aboutissement d'un processus dans lequel les deux établissements, aux vocations initiales différentes, se sont progressivement rapprochés sur de nombreux points. Chacun garde encore des spécificités, des points forts, qu'il faudra valoriser. Mais les deux ont désormais beaucoup à gagner d'un rapprochement organique qui permettra de construire un outil moderne, exemplaire, de taille et de vocation internationale.
Je souhaite fortement insister sur ce point. Il ne s'agit pas ici de l'absorption d'un établissement par l'autre, mais d'une synergie des compétences, mise au service d'une stratégie de croissance et de plus forte affirmation du nouvel ensemble. Les structures devront être repensées, fondues en un ensemble cohérent et lisible. Mais c'est de valorisation d'un patrimoine commun, de meilleure utilisation de compétences humaines uniques au profit d'une ambition commune plus grande qu'il s'agit.
Plusieurs raisons justifient une telle décision.
* Le monde a profondément changé au cours des dix dernières années. La globalisation des phénomènes économiques ne représente qu'un aspect des défis que nous devons relever. La diffusion des technologies de communication impose une nouvelle manière de penser les rapports internationaux, mais aussi nationaux et locaux. L'idée de développement durable s'est imposée.
Fortement mise en avant par la France en 1992, lors de la conférence de Rio, pour souligner l'interdépendance entre décisions politiques, économiques, sociales, environnementales, l'unité et la solidarité nécessaires pour traiter des problèmes du monde, elle constitue désormais la base de la réflexion des plus hautes instances politiques. Elle sera au cur du prochain conseil européen de Stockholm et ainsi de l'action des administrations publiques.
* Une des conséquences de cette nouvelle approche est la réhabilitation du rôle des Etats et des administrations. J'emploie ces pluriels à dessein. Car je crois qu'il n'y a pas de modèle unique et parfait de ce qu'est un " bon " Etat ou une " bonne " administration. En la matière la diversité et l'imagination sont de règle.
Les choix nationaux sont aussi des choix historiques, sociaux, culturels, représentatifs de la diversité des nations. Il y a par contre des préoccupations et des objectifs communs, et la France dispose en la matière d'une expérience reconnue.
Et j'emploie aussi le terme de réhabilitation dans son sens le plus fort. Longtemps contestée, cette idée du caractère important d'un Etat bien organisé est aujourd'hui générale, défendue aussi bien par les institutions financières internationales, que par les organisations multilatérales. Pas de développement économique sans règles sociales, et sans administration efficace et impartiale. Une saine économie de marché exige que la société ne soit pas abandonnée au marché.
* Dans ce contexte la demande d'expertise et de coopération technique en matière de construction de l'Etat de droit et d'une administration efficace est devenue un véritable enjeu stratégique.
En définissant les grandes lignes d'une nouvelle politique de coopération, en fusionnant les ministères des affaires étrangères et de la coopération et en créant le Fonds de Solidarité Prioritaire, le Premier ministre a renouvelé le cadre de notre réflexion et de notre action. Il restait à en tirer les conséquences au niveau des outils de coopération, notamment dans le domaine administratif.
Le premier objectif de la fusion entre l'ENA et l'IIAP est celui là. S'inscrire dans la logique voulue par le Gouvernement au regard des évolutions internationales, qui exigent un instrument fort, cohérent, compétitif, de coopération administrative internationale.
Cette réforme devra être l'occasion, en liaison notamment avec le ministère des affaires étrangères, de clarifier et de recentrer nos priorités, d'adapter nos programmes et nos offres de coopération, en insistant davantage sur les innovations et la modernisation de notre administration. Cette modernisation est réelle, même si des esprits chagrins persistent à n'en souligner que les lenteurs.
En pratique il conviendra notamment de constituer en un pôle unique l'ensemble des compétences de coopération administrative internationale des deux écoles.
Cette formule doit non seulement permettre d'identifier un opérateur unique, encore plus efficace, au profit d'une politique de coopération rénovée, mais aussi de disposer de la masse critique de compétence nécessaire pour mener des opérations d'ampleur, notamment de manière à pouvoir soumissionner efficacement aux appels d'offres européens et internationaux.. Elle facilitera aussi l'évaluation des opérations menées et leur réorientation régulière, en cas de besoin, sur la base des priorités politiques qui auront été arrêtées.
Ce sera également l'occasion de structurer et de diversifier l'offre française de coopération, en insistant de manière plus franche sur les innovations et les mécanismes qui font évoluer les administrations, au détriment de la transposition de modèles tout faits. Ce nouveau pôle devra servir enfin de centre de ressources et de compétences, de manière transversale, pour irriguer et diversifier le contenu des enseignements.
Dans ce contexte une importance toute particulière devra bien entendu être réservée aux questions européennes. A cet égard, je souhaite que le Centre des Études Européennes de Strasbourg soit pleinement associé à la réflexion qui sera menée, et que toutes les synergies possibles soient développées, sans exclure aucune solution qui rencontrerait l'accord des acteurs concernés.
L'importance de ce secteur pour la politique extérieure de la France pourra même conduire à envisager la constitution d'un pôle spécifique de compétence et d'offre de coopération à destination des pays de l'Europe élargie.
Je souhaite enfin que la création du nouvel établissement soit l'occasion d'envisager et d'encourager des coopérations mutuellement fructueuses non seulement avec les universités, en matière de recherche et de publication, ainsi que lors du montage de projets, mais aussi avec cet autre pan essentiel de notre système de formation que constitue le réseau du Centre National de la Fonction Publique Territoriale.
Mais l'objectif international, pour très important qu'il soit, n'est pas le seul de cette réforme.
2. La fusion de l'ENA et de l'IIAP répond aussi aux objectifs de réforme de l'Etat et d'ouverture de la fonction publique en France même.
La formation initiale des hauts fonctionnaires français restera bien évidemment la vocation première du nouvel ensemble.
- L'ENA poursuit la mise en uvre d'une réforme, qui a touché d'abord son recrutement et qui concerne aujourd'hui la scolarité des élèves. J'entends les critiques dont cette scolarité fait l'objet, notamment de la part des élèves. Ces critiques ne sont pas neuves et je garde le souvenir de débats de même nature, lorsque j'étais moi-même élève, il y a vingt ans. Elles ne doivent pas pour autant être traitées par prétérition. Il est clair que le contenu des formations doit être en permanence adapté : c'est ainsi que les enseignements de gestion publique doivent être développés, notamment pour ce qui est de la gestion des ressources humaines, de la conduite du changement, de la négociation collective.
Il est clair aussi, et je sais que Madame BECHTEL y travaille, que le contenu et la forme des épreuves de classement doivent être modernisés. Mais j'ai une conviction : le classement, dont le principe est parfois contesté, reste le pire des systèmes, à l'exception de tous les autres. Malgré tous ses défauts, qu'il nous faut tenter de corriger en permanence, je ne vois pas aujourd'hui d'autre système que le classement pour assurer l'égalité de traitement des élèves.
* La création du nouvel établissement doit être l'occasion de compléter la refonte des études en donnant une dimension internationale et européenne renforcée à la formation des futurs cadres de l'administration française.
Il s'agit d'un enjeu majeur pour la fonction publique de demain.
Dans une Europe approfondie et élargie, confrontée à la complexité croissante de relations internationales qui ont des répercussions directes sur la conduite quotidienne des politiques nationales, les nouvelles générations de hauts fonctionnaires doivent être encore plus mobiles, encore plus ouvertes et curieuses de ce qui se passe en dehors de nos frontières.
Le réflexe naturel doit être de toujours s'interroger sur l'existence d'idées, d'expériences nouvelles, menées ailleurs et qui pourraient être une source d'enseignement et d'enrichissement pour notre fonction publique nationale.
C'est le sens du travail lancé en commun à Strasbourg, sous présidence française, entre ministres européens de la fonction publique et de l'administration, qui systématise les échanges d'expérience entre les Quinze et détermine des objectifs concrets de convergence sur des sujets d'intérêt mutuel.
La fusion de l'ENA et de l'IIAP devra aussi y contribuer, en multipliant les occasions de contacts, en intégrant dans le contenu des programmes des témoignages vivants, des exemples concrets de ce qui se fait ailleurs, et ce tout d'abord chez nos partenaires de l'Union européenne, dont la connaissance doit être systématique et considérée comme une exigence essentielle lors des études.
* Pour renforcer cette évolution, je crois nécessaire que nous prenions parallèlement des mesures concrètes pour encourager et valoriser les carrières internationales et européennes des agents publics français.
Ces mesures devront participer non seulement de la politique d'ouverture et de décloisonnement entre administrations nationales, mais elles devront également contribuer au renforcement de nos capacités de coopération internationale, au renforcement de notre présence dans les institutions européennes et internationales, qui correspondent à des priorités du Gouvernement.
Mieux formés, plus ouverts sur le monde, et en particulier sur nos partenaires européens, les fonctionnaires français seront encore mieux à même de donner une image dynamique et innovante de l'administration française, confortant ainsi notre influence.
* Je souhaite que ce souci d'ouverture et de curiosité soit également très présent dans la définition de la politique de formation permanente de la haute fonction publique.
La formation permanente doit être en effet une priorité du nouvel ensemble. La formation tout au long de la carrière est désormais un impératif. L'évolution des techniques, des métiers et des missions, la nécessité pour les hauts fonctionnaires de conduire le changement, d'acquérir de nouvelles compétences à chaque étape de leur carrière, ne font plus de doute pour personne.
Je souhaite en conséquence que la future structure comporte un pôle fort, spécifique, de formation continue. Des actions communes devront être recherchées avec des pôles de compétence existant dans le réseau des écoles du service public, au sein des universités et des autres écoles supérieures de formation. Mais il est indispensable que la fonction publique d'Etat se dote elle-même des moyens nécessaires à la mise en place d'une politique cohérente et volontariste de formation continue, avec des objectifs pluriannuels, précis, évaluables.
L'ouverture systématique sur l'international dans ce domaine aussi, la constitution par ce biais, en liaison avec les ministères intéressés, de viviers d'experts sélectionnés, formés et volontaires pour des opérations de coopération en matière d'Etat de droit et de réforme institutionnelle, pour répondre à des situations de crise ou pour mieux gérer notre assistance technique, devra dans ce cadre faire l'objet d'une réflexion particulière, conformément aux priorités du Gouvernement.
Après vous avoir décrit les motifs et les perspectives qui justifient cette opération, je désire encore préciser devant vous les conditions que je considère indispensables au bon déroulement de l'opération :
3. La condition préalable indiquée dans la lettre de mission est celle d'une fusion à moyens constants.
Ce point mérite d'être souligné. Le regroupement des moyens, d'actions pour partie concurrentes entre les deux établissements, doit être l'occasion de valoriser les complémentarités. Tous les moyens humains et matériels actuels sont nécessaires : il s'agit de joindre deux forces, non d'en sacrifier une. Leur maintien répond même à un motif plus impérieux encore : l'accroissement continu de la demande de coopération administrative. De nouvelles actions devront être conduites. Là où il y aurait redoublement, il pourra y avoir redistribution des tâches, en priorité vers des domaines voisins. Quelle que soit la configuration du nouvel établissement il y aura donc place pour tous les talents et les savoir-faire des personnels actuels.
Je précise également qu'il n'est pas question de se séparer des locaux actuels de l'IIAP : l'existence de deux sites, peu éloignés dans Paris, n'a rien de déraisonnable et il existe des possibilités de spécialisation optimale pour chacun au sein de la nouvelle entité. Quant au site de Strasbourg je souhaite fortement que l'opération conduise à son utilisation renforcée. Une attention particulière devra être portée à cette question, notamment lors de l'examen de la possible création d'un fort pôle de compétence consacré à la coopération administrative en Europe élargie. En aucun cas les personnels ne seront conduits à un changement géographique qu'ils ne souhaiteraient pas : j'insiste de manière particulière sur ce point et je suis certain que la concertation en la matière sera exemplaire.
En conclusion, je souhaite partager avec vous ma conviction selon laquelle la fusion de l'ENA et de l'IIAP représentera non seulement un exemple de l'adaptation permanente des structures de l'Etat, aujourd'hui indispensable dans une société plus mobile, plus diverse, qui nécessite une formation initiale et continue de grande qualité, une occasion d'affirmer le rôle et l'influence de la France au niveau international, mais aussi, par l'ouverture résolue aux questions et influences internationales et européennes, une contribution décisive à la construction d'une administration française encore plus soucieuse de qualité, d'efficacité et de plus grande proximité des citoyens. L'objectif est que cette fusion soit opérationnelle au 1er janvier 2002.
Pour être complète, la formation des hauts fonctionnaires doit aujourd'hui intégrer quatre dimensions : internationale, européenne, nationale et locale. L'interaction entre ces quatre dimensions doit être permanente. A nous d'en tirer toutes les conséquences dans les programmes et le déroulement des études.
C'est pour créer les conditions matérielles et pédagogiques qui permettront de relever avec succès ces différents défis, que l'ENA et l'IIAP fusionneront. Ce sera, j'en suis certain, avec votre appui, le concours de l'ensemble des personnels et en pensant à l'intérêt des élèves et de la fonction publique française, l'occasion d'un renouvellement attendu, d'un rayonnement accru pour une institution que nous souhaitons tous exemplaire et largement reconnue comme telle.
Je vous remercie.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 22 février 2001)
Mesdames et messieurs les membres des conseils d'administration,
Madame la directrice, monsieur le directeur,
Je m'adresse à vous aujourd'hui pour que nous franchissions ensemble une étape importante de la vie de l'ENA et de l'IIAP qui, avec le Centre des études européennes de Strasbourg et les Instituts Régionaux d'Administration, constituent notre système interministériel de formation supérieure aux carrières de la fonction publique d'Etat.
Je m'adresse à vous en priorité, comme il est de règle lorsque des décisions importantes marquent durablement la vie des deux établissements. Mais aussi parce que, à travers vous, c'est aux personnels de l'ENA et de l'IIAP que je souhaite transmettre ces premières informations. C'est en effet à ces personnels, à leur savoir-faire, leur dévouement, leur haut sens de l'intérêt général et du service public, que nous devons aussi, en grande partie, la réputation de nos établissements. Je tiens à saisir cette occasion pour les en remercier sincèrement et leur dire combien je compte sur eux pour le succès des années à venir.
C'est aussi aux élèves que je souhaite m'adresser, car c'est largement pour eux, dans leur intérêt et celui de leurs successeurs, que les décisions que je vais évoquer seront prises.
Sur ma proposition, le Premier ministre a en effet arrêté le principe de la fusion entre les deux écoles.
Cette décision s'appuie sur un diagnostic partagé par l'ensemble des rapports - nombreux- qui se sont penchés sur l'avenir des deux établissements. Elle s'inscrit dans le processus permanent d'évaluation et d'évolution du service public voulu par le Gouvernement. C'est de manière continue, en effet, que l'administration doit réfléchir à ses structures, aux manières de rendre le meilleur service possible, en utilisant pleinement les moyens que la Nation met à sa disposition pour ce faire. Cet examen permanent, ces adaptations aux évolutions du monde et des demandes de la société est un devoir pour l'Etat parce que c'est une attente de nos concitoyens.
Cette réflexion que j'encourage, au sein de toutes les administrations, doit aussi s'appliquer au sein des services qui se trouvent sous la tutelle du ministère dont j'ai la charge. Tel est le cas avec le rapprochement entre l'ENA et l'IIAP, une modification sans précédent pour ces institutions depuis leur création.
J'ai demandé à la directrice de l'ENA de me faire d'ici fin avril prochain des propositions sur la redéfinition des missions du nouvel établissement, sur ses structures et son fonctionnement futur. Je lui ai évidemment demandé d'associer à ces travaux Monsieur Didier MAUS, directeur de l'IIAP, et de travailler en liaison avec les deux conseils d'administration et leur président commun.
D'ores et déjà je souhaite tracer devant vous les grands axes de cette réflexion.
1. La fusion entre l'ENA et l'IIAP correspond à l'aboutissement d'un processus dans lequel les deux établissements, aux vocations initiales différentes, se sont progressivement rapprochés sur de nombreux points. Chacun garde encore des spécificités, des points forts, qu'il faudra valoriser. Mais les deux ont désormais beaucoup à gagner d'un rapprochement organique qui permettra de construire un outil moderne, exemplaire, de taille et de vocation internationale.
Je souhaite fortement insister sur ce point. Il ne s'agit pas ici de l'absorption d'un établissement par l'autre, mais d'une synergie des compétences, mise au service d'une stratégie de croissance et de plus forte affirmation du nouvel ensemble. Les structures devront être repensées, fondues en un ensemble cohérent et lisible. Mais c'est de valorisation d'un patrimoine commun, de meilleure utilisation de compétences humaines uniques au profit d'une ambition commune plus grande qu'il s'agit.
Plusieurs raisons justifient une telle décision.
* Le monde a profondément changé au cours des dix dernières années. La globalisation des phénomènes économiques ne représente qu'un aspect des défis que nous devons relever. La diffusion des technologies de communication impose une nouvelle manière de penser les rapports internationaux, mais aussi nationaux et locaux. L'idée de développement durable s'est imposée.
Fortement mise en avant par la France en 1992, lors de la conférence de Rio, pour souligner l'interdépendance entre décisions politiques, économiques, sociales, environnementales, l'unité et la solidarité nécessaires pour traiter des problèmes du monde, elle constitue désormais la base de la réflexion des plus hautes instances politiques. Elle sera au cur du prochain conseil européen de Stockholm et ainsi de l'action des administrations publiques.
* Une des conséquences de cette nouvelle approche est la réhabilitation du rôle des Etats et des administrations. J'emploie ces pluriels à dessein. Car je crois qu'il n'y a pas de modèle unique et parfait de ce qu'est un " bon " Etat ou une " bonne " administration. En la matière la diversité et l'imagination sont de règle.
Les choix nationaux sont aussi des choix historiques, sociaux, culturels, représentatifs de la diversité des nations. Il y a par contre des préoccupations et des objectifs communs, et la France dispose en la matière d'une expérience reconnue.
Et j'emploie aussi le terme de réhabilitation dans son sens le plus fort. Longtemps contestée, cette idée du caractère important d'un Etat bien organisé est aujourd'hui générale, défendue aussi bien par les institutions financières internationales, que par les organisations multilatérales. Pas de développement économique sans règles sociales, et sans administration efficace et impartiale. Une saine économie de marché exige que la société ne soit pas abandonnée au marché.
* Dans ce contexte la demande d'expertise et de coopération technique en matière de construction de l'Etat de droit et d'une administration efficace est devenue un véritable enjeu stratégique.
En définissant les grandes lignes d'une nouvelle politique de coopération, en fusionnant les ministères des affaires étrangères et de la coopération et en créant le Fonds de Solidarité Prioritaire, le Premier ministre a renouvelé le cadre de notre réflexion et de notre action. Il restait à en tirer les conséquences au niveau des outils de coopération, notamment dans le domaine administratif.
Le premier objectif de la fusion entre l'ENA et l'IIAP est celui là. S'inscrire dans la logique voulue par le Gouvernement au regard des évolutions internationales, qui exigent un instrument fort, cohérent, compétitif, de coopération administrative internationale.
Cette réforme devra être l'occasion, en liaison notamment avec le ministère des affaires étrangères, de clarifier et de recentrer nos priorités, d'adapter nos programmes et nos offres de coopération, en insistant davantage sur les innovations et la modernisation de notre administration. Cette modernisation est réelle, même si des esprits chagrins persistent à n'en souligner que les lenteurs.
En pratique il conviendra notamment de constituer en un pôle unique l'ensemble des compétences de coopération administrative internationale des deux écoles.
Cette formule doit non seulement permettre d'identifier un opérateur unique, encore plus efficace, au profit d'une politique de coopération rénovée, mais aussi de disposer de la masse critique de compétence nécessaire pour mener des opérations d'ampleur, notamment de manière à pouvoir soumissionner efficacement aux appels d'offres européens et internationaux.. Elle facilitera aussi l'évaluation des opérations menées et leur réorientation régulière, en cas de besoin, sur la base des priorités politiques qui auront été arrêtées.
Ce sera également l'occasion de structurer et de diversifier l'offre française de coopération, en insistant de manière plus franche sur les innovations et les mécanismes qui font évoluer les administrations, au détriment de la transposition de modèles tout faits. Ce nouveau pôle devra servir enfin de centre de ressources et de compétences, de manière transversale, pour irriguer et diversifier le contenu des enseignements.
Dans ce contexte une importance toute particulière devra bien entendu être réservée aux questions européennes. A cet égard, je souhaite que le Centre des Études Européennes de Strasbourg soit pleinement associé à la réflexion qui sera menée, et que toutes les synergies possibles soient développées, sans exclure aucune solution qui rencontrerait l'accord des acteurs concernés.
L'importance de ce secteur pour la politique extérieure de la France pourra même conduire à envisager la constitution d'un pôle spécifique de compétence et d'offre de coopération à destination des pays de l'Europe élargie.
Je souhaite enfin que la création du nouvel établissement soit l'occasion d'envisager et d'encourager des coopérations mutuellement fructueuses non seulement avec les universités, en matière de recherche et de publication, ainsi que lors du montage de projets, mais aussi avec cet autre pan essentiel de notre système de formation que constitue le réseau du Centre National de la Fonction Publique Territoriale.
Mais l'objectif international, pour très important qu'il soit, n'est pas le seul de cette réforme.
2. La fusion de l'ENA et de l'IIAP répond aussi aux objectifs de réforme de l'Etat et d'ouverture de la fonction publique en France même.
La formation initiale des hauts fonctionnaires français restera bien évidemment la vocation première du nouvel ensemble.
- L'ENA poursuit la mise en uvre d'une réforme, qui a touché d'abord son recrutement et qui concerne aujourd'hui la scolarité des élèves. J'entends les critiques dont cette scolarité fait l'objet, notamment de la part des élèves. Ces critiques ne sont pas neuves et je garde le souvenir de débats de même nature, lorsque j'étais moi-même élève, il y a vingt ans. Elles ne doivent pas pour autant être traitées par prétérition. Il est clair que le contenu des formations doit être en permanence adapté : c'est ainsi que les enseignements de gestion publique doivent être développés, notamment pour ce qui est de la gestion des ressources humaines, de la conduite du changement, de la négociation collective.
Il est clair aussi, et je sais que Madame BECHTEL y travaille, que le contenu et la forme des épreuves de classement doivent être modernisés. Mais j'ai une conviction : le classement, dont le principe est parfois contesté, reste le pire des systèmes, à l'exception de tous les autres. Malgré tous ses défauts, qu'il nous faut tenter de corriger en permanence, je ne vois pas aujourd'hui d'autre système que le classement pour assurer l'égalité de traitement des élèves.
* La création du nouvel établissement doit être l'occasion de compléter la refonte des études en donnant une dimension internationale et européenne renforcée à la formation des futurs cadres de l'administration française.
Il s'agit d'un enjeu majeur pour la fonction publique de demain.
Dans une Europe approfondie et élargie, confrontée à la complexité croissante de relations internationales qui ont des répercussions directes sur la conduite quotidienne des politiques nationales, les nouvelles générations de hauts fonctionnaires doivent être encore plus mobiles, encore plus ouvertes et curieuses de ce qui se passe en dehors de nos frontières.
Le réflexe naturel doit être de toujours s'interroger sur l'existence d'idées, d'expériences nouvelles, menées ailleurs et qui pourraient être une source d'enseignement et d'enrichissement pour notre fonction publique nationale.
C'est le sens du travail lancé en commun à Strasbourg, sous présidence française, entre ministres européens de la fonction publique et de l'administration, qui systématise les échanges d'expérience entre les Quinze et détermine des objectifs concrets de convergence sur des sujets d'intérêt mutuel.
La fusion de l'ENA et de l'IIAP devra aussi y contribuer, en multipliant les occasions de contacts, en intégrant dans le contenu des programmes des témoignages vivants, des exemples concrets de ce qui se fait ailleurs, et ce tout d'abord chez nos partenaires de l'Union européenne, dont la connaissance doit être systématique et considérée comme une exigence essentielle lors des études.
* Pour renforcer cette évolution, je crois nécessaire que nous prenions parallèlement des mesures concrètes pour encourager et valoriser les carrières internationales et européennes des agents publics français.
Ces mesures devront participer non seulement de la politique d'ouverture et de décloisonnement entre administrations nationales, mais elles devront également contribuer au renforcement de nos capacités de coopération internationale, au renforcement de notre présence dans les institutions européennes et internationales, qui correspondent à des priorités du Gouvernement.
Mieux formés, plus ouverts sur le monde, et en particulier sur nos partenaires européens, les fonctionnaires français seront encore mieux à même de donner une image dynamique et innovante de l'administration française, confortant ainsi notre influence.
* Je souhaite que ce souci d'ouverture et de curiosité soit également très présent dans la définition de la politique de formation permanente de la haute fonction publique.
La formation permanente doit être en effet une priorité du nouvel ensemble. La formation tout au long de la carrière est désormais un impératif. L'évolution des techniques, des métiers et des missions, la nécessité pour les hauts fonctionnaires de conduire le changement, d'acquérir de nouvelles compétences à chaque étape de leur carrière, ne font plus de doute pour personne.
Je souhaite en conséquence que la future structure comporte un pôle fort, spécifique, de formation continue. Des actions communes devront être recherchées avec des pôles de compétence existant dans le réseau des écoles du service public, au sein des universités et des autres écoles supérieures de formation. Mais il est indispensable que la fonction publique d'Etat se dote elle-même des moyens nécessaires à la mise en place d'une politique cohérente et volontariste de formation continue, avec des objectifs pluriannuels, précis, évaluables.
L'ouverture systématique sur l'international dans ce domaine aussi, la constitution par ce biais, en liaison avec les ministères intéressés, de viviers d'experts sélectionnés, formés et volontaires pour des opérations de coopération en matière d'Etat de droit et de réforme institutionnelle, pour répondre à des situations de crise ou pour mieux gérer notre assistance technique, devra dans ce cadre faire l'objet d'une réflexion particulière, conformément aux priorités du Gouvernement.
Après vous avoir décrit les motifs et les perspectives qui justifient cette opération, je désire encore préciser devant vous les conditions que je considère indispensables au bon déroulement de l'opération :
3. La condition préalable indiquée dans la lettre de mission est celle d'une fusion à moyens constants.
Ce point mérite d'être souligné. Le regroupement des moyens, d'actions pour partie concurrentes entre les deux établissements, doit être l'occasion de valoriser les complémentarités. Tous les moyens humains et matériels actuels sont nécessaires : il s'agit de joindre deux forces, non d'en sacrifier une. Leur maintien répond même à un motif plus impérieux encore : l'accroissement continu de la demande de coopération administrative. De nouvelles actions devront être conduites. Là où il y aurait redoublement, il pourra y avoir redistribution des tâches, en priorité vers des domaines voisins. Quelle que soit la configuration du nouvel établissement il y aura donc place pour tous les talents et les savoir-faire des personnels actuels.
Je précise également qu'il n'est pas question de se séparer des locaux actuels de l'IIAP : l'existence de deux sites, peu éloignés dans Paris, n'a rien de déraisonnable et il existe des possibilités de spécialisation optimale pour chacun au sein de la nouvelle entité. Quant au site de Strasbourg je souhaite fortement que l'opération conduise à son utilisation renforcée. Une attention particulière devra être portée à cette question, notamment lors de l'examen de la possible création d'un fort pôle de compétence consacré à la coopération administrative en Europe élargie. En aucun cas les personnels ne seront conduits à un changement géographique qu'ils ne souhaiteraient pas : j'insiste de manière particulière sur ce point et je suis certain que la concertation en la matière sera exemplaire.
En conclusion, je souhaite partager avec vous ma conviction selon laquelle la fusion de l'ENA et de l'IIAP représentera non seulement un exemple de l'adaptation permanente des structures de l'Etat, aujourd'hui indispensable dans une société plus mobile, plus diverse, qui nécessite une formation initiale et continue de grande qualité, une occasion d'affirmer le rôle et l'influence de la France au niveau international, mais aussi, par l'ouverture résolue aux questions et influences internationales et européennes, une contribution décisive à la construction d'une administration française encore plus soucieuse de qualité, d'efficacité et de plus grande proximité des citoyens. L'objectif est que cette fusion soit opérationnelle au 1er janvier 2002.
Pour être complète, la formation des hauts fonctionnaires doit aujourd'hui intégrer quatre dimensions : internationale, européenne, nationale et locale. L'interaction entre ces quatre dimensions doit être permanente. A nous d'en tirer toutes les conséquences dans les programmes et le déroulement des études.
C'est pour créer les conditions matérielles et pédagogiques qui permettront de relever avec succès ces différents défis, que l'ENA et l'IIAP fusionneront. Ce sera, j'en suis certain, avec votre appui, le concours de l'ensemble des personnels et en pensant à l'intérêt des élèves et de la fonction publique française, l'occasion d'un renouvellement attendu, d'un rayonnement accru pour une institution que nous souhaitons tous exemplaire et largement reconnue comme telle.
Je vous remercie.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 22 février 2001)