Interview de M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, sur le site internet de Matignon le 14 juin 2006, sur les relations entre université et emploi, les débouchés des jeunes diplômés et l'insertion professionnelle des étudiants.

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Chat de M. François Goulard,
le 14 juin 2006
site internet de Matignon
Modérateur : Ce chat va vous permettre de dialoguer avec les internautes sur le thème du débat national université et emploi. Pour commencer, pouvez-vous nous rappeler en quoi consiste ce débat ?
François Goulard : On sait que les étudiants se préoccupent de leur avenir et notamment de leur emploi, c'est normal. Nous devons par conséquent parler de ce sujet, en parler avec le monde universitaire et le monde de l'économie pour voir s'il y a des voies d'amélioration, pour voir si l'université et l'emploi se rapprochent, pour que les étudiants trouvent plus facilement un emploi à l'issue de leurs études.
Mamie2 : Pourquoi autorisez-vous les jeunes à rentrer dans des filières où il n'y a pas de débouchés ? Comptez-vous instaurer des quotas pour chaque filière ? Merci d'avance, je suis une mamie inquiète pour l'avenir de mes petits-enfants.
François Goulard : Les étudiants sont préoccupés, mais leurs parents aussi. Les quotas, ce n'est pas envisageable. Mais on peut améliorer la situation pour toutes les filières de formation. Il n'y a pas de filières qui sont condamnées. Il y a des filières pour lesquelles on peut améliorer le contenu de la formation. On peut aussi développer les filières de formation qui ont de bons résultats en matière de placement de leurs étudiants. On a certainement des marges de progrès considérables qui rapprocheront l'université de l'emploi. On a vraiment un ensemble de solutions qui se dégagent.
Celehna : À quoi ça sert de créer des filières qui ne peuvent pas être valorisées et qui n'ont aucun débouché sur le marché du travail ? C'est créer des chômeurs en plus !
François Goulard : C'est juste, mais normalement, les filières doivent permettre de trouver des emplois. Certaines d'entre elles ont plus de mal, c'est vrai, mais on peut les améliorer. Dans une filière littéraire, si vous ne réussissez pas un concours d'enseignant par exemple, vous vous tournez vers l'entreprise. Or aujourd'hui, les étudiants de la filière littéraire ont du mal à entrer dans les entreprises. On peut systématiser les choses. On peut faire en sorte qu'il y ait une très bonne connaissance de l'anglais pour tous les étudiants, qu'il y ait une connaissance en informatique généralisée. En multipliant les stages, la situation peut être changée et sérieusement améliorée. Donc il n'y a pas de filière condamnée d'avance, on peut améliorer dans tous les cas l'accès à l'emploi des étudiants. Les filières qui seront créées désormais seront plus directement orientées vers des emplois. Dans les choses nouvelles que nous allons faire dans les prochains mois, il y aura davantage de formations professionnalisées, permettant d'accéder rapidement à un emploi.
Cbeguin : Comment voyez-vous à terme l'insertion professionnelle des jeunes étudiants de la faculté qui reçoivent un enseignement universitaire trop spécifique sur une matière, décalé du monde professionnel, et en plus enseigné par des professeurs qui ne connaissent rien de la vie active !
François Goulard : Il a partiellement raison, mais pas totalement. Je crois, et ça se vérifie, car nous avons des contacts avec les recruteurs, qu'une bonne formation générale, c'est quand même un passeport pour l'emploi. Tous les employeurs apprécient que les étudiants aient appris à travailler, à raisonner, à analyser, à s'exprimer clairement. Il est vrai qu'il y a des formations aujourd'hui qui n'ont pas ces quelques modules qui vont permettre de se rapprocher de l'emploi. J'ai cité les stages, les langues et l'informatique : c'est indispensable. Les professeurs ne connaissent pas le monde de l'entreprise, ce n'est pas leur rôle. Mais on peut apporter des compléments. Il faut dans les formations professionnelles des enseignants qui appartiennent à l'université et des enseignants qui appartiennent aux filières professionnelles. Il faut essayer de mêler les deux pour avoir des parcours de réussite pour les étudiants. Dans pas mal d'universités, on a progressé sur ce terrain-là, et on a des exemples de bonnes pratiques, de bonnes formations qui aboutissent à des placements très rapides et efficaces des étudiants.
DamienEtudiant : Monsieur Goulard, pensez-vous qu'il faille, au nom d'une trop grande théoricité de l'université, rattacher en hâte le monde professionnel à toutes les filières ? En ce qui me concerne, le droit, il est nécessaire de passer par une période, relativement longue, de formation et de prise d'habitude théorique au préalable, j'en suis convaincu. Merci.
François Goulard : Damien a raison, le droit est une formation qui est déjà professionnelle, le droit débouche sur des métiers. L'étude de la matière elle-même, c'est le fond des études. Mais pour bien s'insérer dans une entreprise, il est nécessaire d'avoir fait des stages. De plus en plus on apprécie les connaissances générales de grande qualité, mais en même temps, on doit se préparer à la vie dans l'entreprise. Cet équilibre va être variable suivant le niveau des études. Quelqu'un qui va jusqu'au doctorat va plus approfondir ses connaissances théoriques. Il y a un équilibre à trouver.
Bouclettes : Ne trouvez-vous pas qu'il y a un problème dans certaines filières où on accepte beaucoup d'étudiants alors qu'il y a peu de débouchés ?
Fayseb : Pourquoi ne pas ouvrir des filières en fonction des débouchés et de ne pas laisser des filières qui sont des usines à chômeurs ouvertes ? A quoi sert-il de produire des centaines de diplômés en histoire de l'art, en psychologie et en littérature ancienne ?
François Goulard : Ce sont des réflexions très justes évidemment. Premier point : les étudiants choisissent après le bac. Nous devons améliorer l'orientation et pour cela l'information sur les études. Les lycéens sont démunis, ils connaissent mal les filières de formation qui sont très nombreuses, plus de 20 000 en France. On est en train d'améliorer l'information : on a créé un portail Internet, très consulté, ouvert depuis un mois. Le deuxième point : on doit dire aux étudiants, filière par filière, quelles sont leurs chances de trouver facilement un emploi. C'est un gros travail déjà bien engagé qu'on va poursuivre. Quand on s'inscrit dans une filière, il faut qu'on sache si les étudiants à la sortie sont à 20 % demandeurs d'emploi ou à 5 %. Il faut connaître les emplois auxquels ils accèdent. L'information permettra aux étudiants de mieux savoir comment ils s'orientent. Avant de s'engager dans une filière, il faut que les étudiants se renseignent sur les débouchés. C'est quelque chose qui doit leur être accessible.
DAVY16 : Pensez-vous qu'il faille supprimer le baccalauréat ?
François Goulard : Non, parce que le bac, c'est le passeport pour les études supérieures. Il y a des pays qui se passent du bac, qui n'ont pas l'équivalent. C'est vrai que cela mobilise les énergies. Mais dans notre pays, je crois qu'on l'apprécie, cela fait partie de notre culture. Cela sanctionne les cycles de formation.
Trop de bac +5 ? : Monsieur le ministre : comment expliquez-vous que l'on pousse les jeunes à aller jusqu'à bac+5, à leur donner le goût de la réflexion et des rêves de postes à responsabilités, alors que le marché pour les jeunes diplômés est saturé et que le 1er emploi est souvent déceptif ? Merci de votre réponse.
François Goulard : Je voudrais rassurer Trop de bac +5, ce n'est pas vrai qu'on a trop de diplômés. C'est une idée fausse. Il y a beaucoup d'entreprises qui cherchent des diplômés de tout niveau, de bac +3 par exemple. Mais on n'a pas toujours la rencontre entre les diplômés et les employeurs. Les cursus de formation ne sont pas toujours forcément adaptés, et c'est ce contact entre l'entreprise et l'université qu'on doit améliorer. Il y a de l'ignorance de part et d'autre. Mais on n'a pas trop de diplômés en France. On a des entreprises qui connaissent mal les formations universitaires. Notre avenir est certainement d'avoir des formations de haut niveau, cela correspond à l'économie d'aujourd'hui et à la compétition internationale.
Brunindo : La plupart des jeunes, notamment à la fac, ignorent le monde du travail, comme on a pu le remarquer à travers un refus minoritaire du CPE, le gouvernement a montré sa faiblesse au lieu de comprendre ce qui n'allait pas. Pourquoi ne pas leur faire des stages ouvriers en industrie par exemple ?
François Goulard : D'abord, le gouvernement a bien compris qu'il y avait des inquiétudes chez les étudiants, nous essayons d'y répondre en lançant ce débat université/emploi et en essayant d'en tirer les conclusions le plus rapidement possible. Il y a une méconnaissance de la part des étudiants du monde de l'entreprise et du monde de l'emploi. Il faut des stages absolument, pour que les étudiants puissent découvrir la vie professionnelle par des stages mieux encadrés, de toute nature. Nous avons pris des dispositions pour qu'il y ait des stages avec moins d'abus. Un stage doit correspondre à une formation. On doit introduire dans les formations des modules de professionnalisation pour mieux préparer les étudiants à leur vie active et à leur recherche d'emploi.
Le dragon : Dans un parcours universitaire, il est souvent difficile de faire un stage, à moins de sacrifier les 2 mois d'été et d'éventuels "petits boulots". Ne faudrait-il pas aménager l'année universitaire, pour donner une possibilité plus simple aux étudiants de réaliser des stages ? Merci.
François Goulard : Il y a aujourd'hui, heureusement, beaucoup de formations dans lesquelles il y a des stages qui sont totalement intégrés à la scolarité, au cursus. C'est d'ailleurs à mon avis nécessaire. Si on laisse des étudiants seuls face au stage, ils auront du mal à en trouver et ils ne répondront pas à des objectifs pédagogiques. Savoir si cela doit avoir lieu l'été ou pendant l'année universitaire... L'été, cela ne me paraît pas une idée mauvaise. On a droit aux vacances, mais on peut y consacrer une partie aux stages, surtout s'ils sont encadrés. Au-delà de trois mois, un stage doit obligatoirement être rémunéré, c'est dans la loi, c'est un vrai progrès.
Melody : Une professionnalisation sérieuse suppose une visite en entreprise et un suivi de chaque étudiant. Pourquoi ne pas donner cette tâche aux seniors en fin de carrière ou début de retraite et faciliter / assouplir les conditions de rémunération des "vacataires" ?
François Goulard : C'est une bonne idée. Un stage n'est pas quelque chose qu'on fait au hasard sans lien avec les études qu'on poursuit. Une université doit regarder comment sont organisés les stages. Il faut contrôler ce qui se fait. Qu'on puisse mettre à contribution de jeunes retraités, c'est une bonne idée. Il faut que chaque université ait un service de stages.
Robert : Ne pourriez-vous pas rendre les stages obligatoires pour valider les cursus universitaires ?
François Goulard : Ce n'est pas à moi de le dire, ce sont aux responsables des universités de faire en sorte qu'il y ait plus de stages dans les formations universitaires. Je rejoins cette opinion-là : aujourd'hui, faire des études supérieures sans faire de stage, ce n'est pas normal. Quand on veut entrer dans une administration, il n'est pas mauvais de faire un stage pour voir ce que c'est. C'est une occasion d'apprendre, donc de se former. Je suis pour la systématisation des stages, mais c'est du ressort des responsables universitaires.
Phoenix : Je suis actuellement étudiante en 2e année de droit et l'on me refuse toujours mes candidatures du fait de mon manque d'expérience professionnelle. Doit-on délaisser l'université pour le monde du travail ou peut-on espérer pouvoir continuer à concilier les deux et être aidé ?
François Goulard : Je n'ai pas bien compris si c'est quelqu'un qui veut entrer tout de suite dans le monde du travail ou qui cherche un stage. A bac +2 , ce n'est pas évident de faire un stage. On peut le faire, mais c'est plus difficile que lorsqu'on a avancé dans les études. Dans les études générales, on peut attendre un peu, mais je crois qu'on doit aller dans le sens des stages plus systématiques, y compris à bac +2. Je pense qu'en insistant, notre interlocutrice devrait pouvoir trouver des stages. Je souhaite que les universités aident les étudiants à trouver des stages en ayant des relations confiantes.
Mary : Mais nous savons que la condition des stagiaires laissent beaucoup à désirer...
François Goulard : C'est vrai qu'il y a eu des abus de stages. Ce sont des employeurs qui proposent des stages au lieu d'embaucher quelqu'un. C'est illégal, anormal. On ne peut plus parler de stage s'il n'y a pas un cursus de formation en cours. Le stage s'inscrit dans un cursus de formation, mais l'université ne voit pas bien ce qui s'y fait. Même si c'est un stage légal, l'apport en terme d'apprentissage est très faible. Là, il faut essayer d'aller plus avant et inciter les universités à regarder le contenu des stages. Et il y a des stages pour lesquels les entreprises attendent quelque chose du stagiaire et qui savent qu'elles ont un devoir auprès de lui. On a mis de l'ordre dans le maquis des stages. Il y a quelques mois encore, aucun texte, aucune loi ne s'appliquait aux stages, la situation a complètement changé désormais.
Wonderpoca : Je souhaiterais savoir la raison pour laquelle les entreprises ne sont pas plus présentes au sein des universités. Adapter la formation universitaire au monde du travail serait une bonne chose...
François Goulard : Quand on regarde une situation, on peut se contenter de faire une photo et de dire qu'il y a beaucoup d'insuffisances. Mais on peut aussi regarder un film, c'est-à-dire voir l'évolution. Tout ne marche pas bien, mais quand on regarde le film, les universités ont fait beaucoup de progrès. Vous avez près d'un million d'étudiants qui sont dans des formations professionnelles qui conduisent à des métiers et généralement à des emplois. Il y a encore des cursus qui sont à améliorer, des filières où on n'a pas encore assez de débouchés, mais on a commencé à travailler, on a fait un constat, nous allons bientôt aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin pour qu'on n'ait plus cette situation où un étudiant diplômé passe des mois avant de trouver un emploi stable, digne de ce nom, qui soit à la hauteur de ses espérances en fonction des études qu'il a faites. Je suis plutôt optimiste. On va mettre un coup d'accélérateur.
Olcho : Que comptez-vous faire pour réduire l'écart de niveau de formation entre les universitaires et les gens issus des grandes écoles ?
François Goulard : Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il y a un écart. Il y a au sein de l'université l'équivalent des grandes écoles. Il n'y a pas cette différence. Il est vrai que l'université a un certain nombre de problèmes spécifiques, l'échec dans les premières années. C'est vrai, pour certaines filières, il y a des difficultés à trouver des emplois. Il y a des étudiants qui échouent, c'est un problème, et d'autres qui font un parcours sans faute, mais on ne doit pas se satisfaire de la situation actuelle. On doit beaucoup travailler, c'est un de nos soucis premiers de lutter contre l'échec à l'université.
Egt : À quand l'autonomie des universités ? Pourquoi pas un rapprochement, voire une fusion "grandes écoles" et universités ? Pourquoi avoir autant de diplômes (master pro, master spé, ingé...) ? Plus de flexibilités dans les cursus (choix des cours que l'on veut suivre, plus d'interactions entre prof et étudiant....)
François Goulard : Ça fait beaucoup de questions. L'autonomie, c'est un mot. Aujourd'hui, les universités ont des zones d'autonomie, donc de liberté, dans leurs propositions de formations. Il faut certes l'accord de l'Etat, mais ce sont elles qui proposent les formations. Dans l'organisation des cursus, dans le recrutement des professeurs, il y a beaucoup de liberté. On est en train de donner des compétences nouvelles à nos universités, mais il ne faut pas tomber dans un débat idéologique. L'université, c'est un grand service public qui essaie d'apporter aux étudiants les meilleures connaissances pour qu'ils réussissent dans leur vie professionnelle. La différence entre les grandes écoles et les universités ? Nous sommes le seul pays où il y a deux systèmes. Mon opinion, qui n'est pas partagée par tous, c'est que nous devons aller vers une convergence, non pas de tout mélanger et dire qu'il y a un seul système. On a les grandes écoles qui ont des atouts, qui choisissent leurs étudiants. L'université va jusqu'au plus haut sommet de la science, mais il y a le problème de l'échec au début, près de 40 %. Il faut rapprocher les deux modèles en mettant plus de recherche dans les grandes écoles. Il faut adapter les stages dans les grandes écoles. On doit avoir des passerelles entre les deux. Ça se fait, il faut le faire davantage. On doit avoir des étudiants de grandes écoles qui font un master et qui poursuivent en doctorat à l'université.
Seby83 : On dit qu'en France, l'éducation est gratuite. J'ai vu de nombreuses personnes aller à la fac parce qu'ils n'avaient pas le choix. Lorsque l'on voit le coût des Ecoles de commerce les plus prestigieuses, ne pensez-vous pas, qu'il existe malgré tout une sélection par l'argent ?
François Goulard : Il y a des difficultés d'accès aux études, c'est vrai. Nous avons des inégalités aujourd'hui contre lesquelles nous essayons de lutter. Je viens d'avoir les résultats d'un appel à projets pour améliorer l'accès de tous les jeunes à tous les types d'études. On a des problèmes, c'est vrai. Les jeunes, suivant leur milieu d'origine, suivant leur lycée, accèdent de façon inégale aux études supérieures. C'est quelquefois à cause du problème financier, mais parfois, on s'autocensure : on pense que ces études-là ne sont pas faites pour soi. Il faut travailler sur l'égal accès des chances aux études supérieures. Pour les écoles de commerce les plus prestigieuses, il y a des financements pour ceux qui n'ont pas les moyens de payer les frais de scolarité. On est sûr de trouver un emploi bien rémunéré à la fin des études, donc les conditions d'emprunt sont plus faciles. Mais ce n'est pas le cas pour toutes les études supérieures. Oui, il faut améliorer cela, on y travaille à l'heure actuelle. Je suis opposé à l'augmentation des frais d'inscription à l'université. Qu'il y ait des filières payantes s'il n'y a pas de doute sur l'emploi à la fin, on peut trouver des solutions de financement. Mais nous devons nous préoccuper de ce problème républicain : l'égal accès à l'enseignement supérieur.
Mary : Il en est de même à la fac ; depuis que je suis à la fac, je paie chaque année un peu plus de droits d'inscription...
François Goulard : Les droits universitaires dans notre pays ne sont pas les mêmes que dans les autres pays européens. Un certain nombre d'universités ont pris des décisions d'augmentation qui n'étaient pas légales. Il y a eu des annulations dans certains cas. Il est possible qu'il y ait encore des droits non conformes à la loi. En fin de cursus, il y a des formations professionnalisées, avec des droits plus élevés. En fin de cursus, pour des études qui débouchent sur des emplois certains et bien rémunérés, on doit pouvoir trouver des solutions de financement. Mais le financement ne doit pas être un obstacle à l'accès à l'enseignement supérieur. On doit veiller à ce que l'argent ne soit pas un mur pour l'accès à l'enseignement supérieur.
Yves : Bonjour, que comptez-vous faire pour les hauts diplômés (bac +8 doctorat) scientifiques et autres, pour qu'ils puissent s'insérer dans la vie professionnelle ? Force est de constater que plusieurs d'entre nous partent à l'étranger faute de trouver un emploi approprié en France !
François Goulard : C'est le problème de la fuite des cerveaux. Cela mérite qu'on en parle. Les docteurs sont évidemment peu nombreux dans le total des 2,3 millions d'étudiants français. Mais ce qui est vrai, dans notre pays, c'est que le doctorat n'est pas suffisamment reconnu comme une formation d'excellence par la recherche. Nous nous distinguons des autres pays européens où le titre de docteur est plus reconnu. Nous travaillons à faire mieux reconnaître ce titre. On développe des doctorats qui se préparent au sein des entreprises, des aides à l'embauche de docteurs, de jeunes docteurs dans la recherche privée, c'est-à-dire dans les entreprises. Bref, ce diagnostic est exact. On a créé beaucoup d'emplois dans la recherche publique, on va continuer à le faire. Qu'il y ait des départs à l'étranger, c'est normal. Mais il ne faut pas que ce soit une fuite définitive. Nous avons adopté un certain nombre de mesures pour faire revenir des scientifiques de haut niveau qui avaient fui notre pays par une meilleure rémunération et plus de moyens pour leurs recherches. Les chercheurs, comme tout le monde, espèrent avoir un salaire correct, mais aussi avoir des moyens pour leurs recherches. On a un certain nombre de retours en France de chercheurs qui étaient partis. Notre pays doit rester un pays attractif en matière de recherche.
Alfa-beta : Monsieur le ministre, pourquoi ne fait-on pas pour les masters 1 et 2 universitaires des masters-alternances qui fourniront des expériences professionnelles qu'on nous demande souvent, soit pendant la recherche du stage, soit pendant la recherche d'emploi alors que nous sommes des généralistes ?
François Goulard : Alpha n'est pas béta... L'alternance, l'apprentissage, sont des moyens de faire des études qui préparent très bien à la vie professionnelle. Alternance est un terme général qui exprime que les études se font en partie dans un établissement et en partie dans une entreprise. L'apprentissage a un statut particulier. Cela s'est beaucoup développé. Aujourd'hui, dans l'enseignement supérieur, des milliers d'étudiants sont en apprentissage, y compris au plus haut niveau, et ça marche. J'ai rencontré des étudiants, des universitaires, des enseignants et des responsables d'entreprise et les avis sont unanimes : ça marche très bien. L'université est satisfaite. Elle donne des formations du meilleur niveau universitaire en apprentissage. Les étudiants ont une rétribution, ils trouvent un intérêt. Les entreprises ne tarissent pas d'éloges sur ce système. C'est un peu le bonheur sur Terre. Il est certain que pour beaucoup de formations à visée professionnelle, l'apprentissage est certainement un moyen à développer. L'université doit nous faire des propositions, les grandes écoles aussi. C'est une voie extrêmement positive. Cela a l'avantage de donner un statut à l'étudiant avec une rétribution. Cela peut être un moyen pour des jeunes qui n'ont pas beaucoup de moyens financiers d'avoir une rémunération pendant leurs études.
Ortho06 : Les études d'orthophonie comporte un important volume de stages, où en est la réforme de nos études à bac +5 ? Merci.
François Goulard : Les professions médicales, et les professions de santé dans leur ensemble, sont des formations professionnelles avec peu de problèmes de débouchés généralement. Néanmoins, ce n'est pas une raison pour les laisser à l'écart. Nous travaillons sur ce sujet, avec le ministère de la Santé. Il y a un certain nombre de problèmes bien identifiés : la première année de médecine, de chirurgie dentaire, ou les sages-femmes. On connaît le problème du taux d'échec : 15 % seulement réussissent, ce n'est pas normal. On a fait travailler un certain nombre de spécialistes, et nous avons des premières propositions qui pourront être faites dans les prochaines semaines. Toutes les études conduisant à des professions de santé vont évoluer car on doit les rapprocher des licences masters doctorats. Aujourd'hui, pour les professions de santé, la formation est acquise à l'université, pour d'autres, dans des institutions spécialisées. On est au début de ce travail, je ne peux pas naturellement vous en donner le résultat profession par profession. Mais avec le ministère de la Santé et selon les besoins de la profession, c'est un travail de fond qui est engagé. Il y a les orthophonistes, mais aussi l'ensemble des professions de santé.
Eric : Bonjour, j'aimerais savoir ce que vous comptez faire pour faciliter l'inscription des personnes inscrites à l'ANPE dans des formations alternées à l'université ?
François Goulard : Ce ne sont pas seulement les demandeurs d'emploi à l'ANPE, ce sont les personnes qui veulent changer de carrière professionnelle en reprenant des études. Cela s'appelle la validation d'acquis par l'expérience : la VAE. Les dispositifs existent, c'est la reconnaissance de l'expérience. J'ai constaté qu'aujourd'hui, obtenir cette VAE est un parcours du combattant, et ce n'est pas normal. Un demandeur d'emploi est pressé de retrouver un emploi, donc une formation qui le conduira à de meilleures possibilités d'emploi. Il faut que nous fassions mieux en matière de VAE. Les universités reconnaissent qu'on n'a pas été très performants jusqu'à présent. A court terme, on va pouvoir changer la situation, je pense. On va permettre la reprise d'études à partir de la VAE. C'est un sujet important. De façon générale, quand on accueille des professionnels, des gens qui ont déjà de l'expérience à l'université, qui sont en formation continue, c'est un apport pour l'université. Il y a dans le public étudiant des gens qui connaissent l'entreprise, la vie professionnelle, qui peuvent faire partager leur expérience. Tout ce qui peut encourager des contacts quotidiens, concrets, autour de projets entre le monde universitaire et le monde de l'emploi, de l'activité, de l'économie, c'est positif. Il faut aller dans ce sens-là.
Nyce : Bonjour Mr le ministre, Que pensez-vous faire afin d'améliorer et aider les étudiants dans leur recherches de stages ? Car comme vous pouvez le constater, tout devient de plus en plus difficile et plus particulièrement pour nous autres, étudiants étrangers ?
François Goulard : Les stages, on en a parlé, on doit avoir dans chaque établissement d'enseignement supérieur un service qui s'occupe des stages. Si on cherche des stages, on en trouve, ça passe par des contacts réguliers, confiants avec les futurs employeurs, avec les administrations, les collectivités territoriales. Donc il faut un service des stages digne de ce nom dans chaque université. On va pouvoir progresser beaucoup sur ce terrain-là. Les étudiants étrangers : c'est plus difficile pour eux de trouver un stage car quelquefois la langue est mal connue, parce qu'il n'y a pas les mêmes relations qu'on peut avoir à titre personnel pour trouver une entreprise. Là aussi, nous sommes en train de mettre au point une véritable politique d'accueil des étudiants étrangers : on doit les accueillir, non pas pour s'apercevoir qu'ils ne sont pas préparés au type d'études qu'ils ont choisis, mais pour des parcours de réussite, en vérifiant qu'ils ont bien les bases au départ de réussir. Nous avons besoin d'étudiants étrangers, nous en accueillons beaucoup : 250 000 en France. Mais les conditions ne sont pas optimales.
DamienEtudiant : Monsieur le ministre, outre les débats organisés par les recteurs dans les académies, allez-vous solliciter des étudiants afin de travailler directement avec vous à un projet pour redonner confiance en l'université, en l'entreprise ; ainsi que de mener à long terme une activité de réflexion sur le thème de ce débat. Une sorte d'Observatoire national de l'université ? Décliné en de nombreux observatoires régionaux de l'Université ? Je trouve cette idée séduisante et pratiquement la plus adaptée. Merci à vous de nous avoir consacré votre temps aujourd'hui.
François Goulard : Toutes les idées sont bonnes. Quand on lance un débat comme celui-là, c'est en particulier pour avoir des propositions. On a entendu tout le monde, il y a eu assez peu d'étudiants dans les forums quenous avons organisés car nous sommes en période d'examen. On va poursuivre cela à la rentrée. Beaucoup d'étudiants peuvent nous envoyer des mails, tous ceux qui sont intéressés, je retiens l'idée d'organiser un forum permanent où ceux qui ont des choses à dire sur ces sujets seraient accueillis. Je suis très ouvert à ce qu'on ait une discussion permanente sur l'avenir de l'université. Il s'agit que les usagers de l'université puissent en permanence s'exprimer, dire s'ils sont satisfaits ou non de ce qu'on leur offre, de la même façon que les futurs employeurs sont appelés à donner leur point de vue pour qu'ils disent ce qui va et ce qui ne va pas dans les formations universitaires.
Dana : Que pensent les entreprises de ces projets ?
François Goulard : Vous avez peut-être entendu la présidente du Medef tenir des propos critiques sur l'université française. Il y a eu un débat par université, on a vu des chefs d'entreprise, des cadres, des représentants des milieux patronaux venir participer. Certains ont établi des maquettes des licences ou des masters. Donc il y a une coopération entre les milieux professionnelles et l'université qui est déjà existante, mais qui doit se développer. Les membres des conseils économiques et sociaux, les syndicats, ont contribué à la discussion. La réponse à la question posée, c'est que je crois que les employeurs sont prêts à y travailler. Certains ont un esprit de responsabilité collective, et il y en a d'autres qui ont des besoins d'emplois. Je suis en contact avec un groupe de directeurs de ressources humaines, chacun d'entre eux va recruter des milliers de jeunes diplômés dans les prochaines années. Leur intérêt est d'avoir une opinion sur les formations supérieures. Il faut les entendre car ce sont eux qui embauchent. Là-dessus, je suis très positif. On a une excellente coopération avec les milieux professionnels. Les universités se sont beaucoup mobilisées et ont fait preuve de beaucoup de volonté. Le débat va se poursuivre dans les prochains mois. Je demande aux internautes de correspondre avec nous et d'envoyer leurs contributions. On a engagé un mouvement naturel. Je demande qu'on parle beaucoup de l'université, en bien j'espère, et surtout en mieux : cela voudra dire qu'on a fait du bon travail et fait en sorte que l'université prépare mieux les jeunes à trouver un emploi. Tout le monde entre à l'université pour préparer une entrée dans la vie active. À nous de préparer, de regarder la situation en face, de rectifier. C'est une obligation que nous avons de faire mieux que ce que nous faisons à l'heure actuelle. Le monde universitaire est totalement mobilisé pour cela. Merci à tous.
Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 16 juin 2006