Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur la promotion du travail décent dans le monde et la prévention des risques professionnels, Genève le 5 juin 2006.

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Circonstance : 95ème session de la Conférence internationale du Travail à Genève le 5 juin 2006

Texte intégral



Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Représentants des Travailleurs et des Employeurs,
Depuis de nombreuses années, l'Organisation internationale du Travail s'est pleinement mobilisée, sous l'impulsion de son directeur général, Juan Somavia, autour de l'objectif commun de promotion du travail décent dans le monde.
L'an dernier, ici même, j'ai eu l'occasion de souligner l'acuité particulière que cet objectif revêtait dans la perspective du Sommet de suivi de la déclaration du millénaire des Nations unies. Le document final du Sommet a témoigné de l'engagement des chefs d'Etats et de gouvernements en faveur "d'une mondialisation équitable" et de "l'emploi décent".
Cet engagement a constitué une étape déterminante.
La récente communication de la Commission européenne consacrée à la promotion du travail décent pour tous, le choix de ce thème pour la prochaine réunion de haut niveau de l'ECOSOC, témoignent de la prise de conscience de son caractère central pour atteindre un développement réellement durable.
Comme le directeur général le rappelle dans son rapport consacré aux changements dans le monde du travail, le cadre stratégique 2006-2009 engage l'Organisation à faire du travail décent un objectif fédérateur autour duquel s'articuleront ses futures activités. Cette démarche mérite notre entier soutien.
Dans ce cadre, le BIT devrait également contribuer à alimenter les réflexions développées par le Groupe de personnalités sur la cohérence des Nations unies, mis en place par Kofi Annan. Le BIT peut apporter sur ce sujet, par sa constitution tripartite et sa qualité opérationnelle, une véritable valeur ajoutée.
La nécessité "d'intégrer l'agenda du travail décent dans les stratégies de réduction de la pauvreté et d'instaurer une mondialisation sans exclus" est au coeur de la mission de l'OIT. Pour atteindre cet objectif, la mise au point de méthodes d'évaluation doit être une priorité.
La coopération envisagée par la Commission européenne peut y contribuer et les actions envisagées doivent pouvoir être rapidement mises en oeuvre. Jeudi dernier, au Conseil des ministres de l'Emploi de l'Union européenne, j'ai fortement appuyé cet objectif de coopération de l'Europe avec le Bureau international du Travail.
Par ailleurs, je partage également, avec M Somavia, dans un contexte d'intensification de la concurrence internationale, l'intérêt "d'envisager un seuil minimum pour les normes d'emplois dans les systèmes de productions mondiaux". Nous devons poursuivre sur la voie novatrice tracée par la convention maritime adoptée lors de la Conférence de février dernier.
Mais, cette année, la Conférence du travail examine également d'autres questions cruciales que je veux évoquer.
Le rapport global, consacré à "la fin du travail des enfants", nous donne l'occasion de noter la baisse de ce fléau constatée au cours des quatre années écoulées, notamment pour les travaux dangereux. Mais les défis à relever sont encore nombreux pour sa suppression.
La France soutient depuis de très nombreuses années le programme IPEC consacré à cet objectif. Elle entend maintenir cet appui. Ce sera notamment un des axes de coopération retenu dans le cadre du nouveau partenariat pluriannuel conclu entre mon pays et le BIT que je vais signer aujourd'hui même avec le directeur général.
Dans ce sens, je me félicite que la discussion générale soit, cette année, axée sur le rôle du BIT en matière de coopération technique.
Nous devons encourager les initiatives développées sur le terrain, en particulier les programmes de promotion du travail décent.
Je rappelle également la nécessité d'approfondir notre réflexion sur la recherche des moyens permettant de garantir le fonctionnement régulier du BIT pour des actions financées par les contributions extrabudgétaires.
Je voudrais enfin souligner tout l'enjeu du "cadre promotionnel pour la sécurité et la santé au travail".
A double titre :
- Avant tout, parce que la protection contre les risques professionnels est un droit humain vital ;
- Ensuite parce qu'il s'agit de la première concrétisation de "l'approche intégrée" qui combine les normes et d'autres formes d'action, dans une vision stratégique.
En France, depuis 2005, nous mettons concrètement en oeuvre cette approche globale avec le plan "santé au travail". Il poursuit sur 5 ans quatre objectifs stratégiques : développer les connaissances scientifiques sur les risques professionnels, renforcer les contrôles de l'inspection du travail, améliorer la gouvernance notamment par la création d'instances régionales de concertation, promouvoir la culture de prévention dans les entreprises.
La France a toujours soutenu l'objectif d'un cadre promotionnel international pour la sécurité et la santé au travail. Elle souhaite que se bâtisse un socle conventionnel - autour de la Convention 155 et de la Recommandation 164 - pour servir de point d'appui de politiques nationales. Cette avancée - assez souple pour entraîner l'adhésion d'un maximum d'Etats - est nécessaire. Elle l'est, d'abord, au regard du coût humain des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle est aussi particulièrement déterminante dans le contexte de la mondialisation. Je ne doute pas que la Conférence parvienne à surmonter des points de vue encore différents pour faire progresser l'action concrète.
Je souhaite aussi que ce futur cadre promotionnel soit la source d'une nouvelle dynamique. Que l'Organisation s'inspire de l'exemple de la Conférence internationale maritime dont la conclusion, en février dernier, nous a montré qu'il était possible de revisiter un grand nombre de normes, dans une logique de progrès social, pour les rendre plus effectives et impliquer directement les partenaires du tripartisme dans leur application.
Au-delà de ces débats sur la nature des instruments, des questions se posent à tous les pays, y compris les plus développés. C'est en particulier le cas de l'amiante. La France plaide fortement pour que s'engage, au sein même de l'OIT, un débat approfondi en vue de l'élimination rapide, à l'échelle mondiale, de l'usage de ce matériau, responsable d'une catastrophe sanitaire majeure. En suivant l'exemple de l'Union européenne, il nous faut bannir l'amiante.
La France plaide également pour que l'Organisation contribue à renforcer la protection des travailleurs qui, pendant des décennies encore, resteront confrontés à l'amiante demeurée en place dans les équipements les plus divers.
Mesdames et Messieurs,
Dans le monde ouvert qui est le nôtre, le travail doit être source de sécurité et d'épanouissement pour les travailleurs et leurs familles, de prospérité et de progrès pour tous. Mais cet objectif suppose d'intégrer une dimension sociale forte à l'économie. L'OIT a été créée pour la promouvoir.
Jamais, sa mission n'a été aussi nécessaire.
Jamais, elle n'a été aussi juste.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 juin 2006