Déclaration de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, sur la politique maritime de l'Union européenne, à Antibes le 30 juin 2006.

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Circonstance : Ouverture de la Conférence maritime européenne, à Antibes (Alpes-Maritimes) le 30 juin 2006

Texte intégral


Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Commissaire,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec une très grande joie que j'ouvre cette première conférence ministérielle sur la politique maritime de l'Union européenne, qui se tient quelques semaines après la présentation par la Commission de son Livre vert intitulé "Vers une politique maritime de l'Union : une vision européenne des océans et des mers".
La tenue de cette conférence revêt une très grande importance pour la France : vous connaissez l'attachement de toujours de notre pays aux questions maritimes ainsi que sa situation géographique. Convaincue que l'Europe peut oeuvrer efficacement en faveur des océans et des mers qui représentent notre bien commun, la France s'est engagée dès l'origine dans l'ensemble des politiques européennes touchant aux questions maritimes, qu'il s'agisse de la pêche, de l'environnement, des transports, de la recherche scientifique notamment, afin de contribuer à la fois au développement et à la protection de notre littoral.
La conférence qui nous réunit rassemble les ministres de tous les Etats membres du Sud de l'Europe, car ils se sentent particulièrement concernés par cette question importante pour tous les acteurs de ce secteur, mais aussi pour l'Union européenne dans son ensemble. Elle a vocation à être suivie par d'autres conférences, réunissant d'autres Etats membres, car c'est un sujet qui concerne l'Europe toute entière.
Lors du Conseil européen des 15 et 16 juin derniers, les chefs d'Etat et de gouvernement ont ainsi salué la lancement d'un vaste débat sur la politique maritime en Europe, débat auquel nous apporterons aujourd'hui, je l'espère, une contribution utile grâce à cette première réunion.
Parce qu'elle se trouve à la croisée des grands défis auxquels nous devons faire face - économiques, sociaux, environnementaux -, la politique maritime de l'Union est au coeur de la stratégie de Lisbonne. Il y a six ans à Lisbonne, les Européens s'étaient donné pour objectif de faire de l'Union la zone la plus compétitive au monde d'ici 2010. Nous devons garder à l'esprit que cette stratégie ne se borne pas à préconiser dans des termes généraux de renforcer la croissance et l'emploi, mais qu'elle exige des actions concrètes dans un contexte durable et ne sera efficace que si elle est concrètement appliquée. Et le secteur maritime, compte tenu de son potentiel, constitue un domaine clé pour stimuler la croissance économique et peut apporter une contribution décisive à la réalisation de cet objectif.
L'Europe peut s'appuyer sur une forte tradition maritime. Elle dispose d'un potentiel et d'atouts importants : 3 à 5 % du produit intérieur brut de l'Europe sont issus des secteurs et services liés à la mer, les régions maritimes européennes contribuent pour 40 % au PIB de l'Union européenne, l'UE est la première puissance maritime mondiale en ce qui concerne le transport maritime, les techniques de construction navale, le tourisme côtier, la production d'énergie en mer. Le chiffre d'affaires du tourisme maritime en Europe s'est élevé à 72 milliards d'euros en 2004. Les 1200 ports européens emploient près de 350 000 personnes et sont le lieu de transit d'environ 3,5 milliards de tonnes de fret et de 350 millions de passagers.
Ces quelques chiffres témoignent du rôle décisif que peut jouer le secteur maritime dans la compétitivité et la prospérité européennes. Nous devons nous efforcer de valoriser tous ces éléments. Promouvoir une vision commune des questions liées à la mer permettra donc de conforter la puissance économique et politique de l'Europe.
Mais pour mettre pleinement en valeur le potentiel de nos mers et de nos océans, nous devons renouveler notre approche. La gestion des questions maritimes se fait aujourd'hui selon une approche nationale et sectorielle. Or un tel traitement ne peut plus suffire pour prendre en compte la diversité des enjeux et leur interdépendance croissante : il est donc temps de coordonner toutes ces questions dans le cadre d'une vision partagée, inscrite dans la perspective du développement durable. C'est donc le défi d'une gestion intégrée de la mer et des océans que nous devons relever.
Le Livre vert de la Commission est ainsi extrêmement utile car il aborde la politique maritime sous un angle global et multi-sectoriel, et met en relation les défis auxquels nous sommes confrontés et l'utilisation durable des mers et des océans. Je tiens à remercier la Commission de ce travail très riche et que nous attendions de nos voeux.
Son contenu va nous être présenté dans quelques instants par le commissaire Borg et par M. John Richardson, chef de la mission politique maritime au sein de la Commission européenne.
Je voudrais en revanche insister sur les principales questions soulevées : comment assurer la qualité de vie de nos concitoyens dans les régions côtières ? Comment instaurer une meilleure gouvernance des affaires maritimes, au niveau européen mais aussi au niveau national ? Comment préserver le rôle moteur de l'Europe, sur la scène internationale, en matière de développement maritime durable ?
Répondre à l'ensemble de ces questions est nécessaire pour trouver le juste équilibre entre croissance économique et préservation de l'environnement. Trop souvent ces questions ont fait l'objet de réponses contradictoires alors qu'il faut résolument s'employer à les concilier.
Nous savons bien en effet - et il s'agit d'abord d'une remarque de bon sens - que sans un environnement marin sain et durable, tous les bénéfices économiques que nous pourrons tirer des mers et des océans ne seront pas viables à long terme. Le choix n'est donc pas entre l'économique et l'écologique, entre l'exploitation des ressources maritimes et la sanctuarisation des espaces marins. Ne nous laissons donc pas abuser par ces pseudo-querelles qui nous empêchent de voir l'essentiel : nous avons en partage, nous autres Européens, un espace dont la diversité et la richesse sont un de nos atouts et qui mérite bien que nous le dotions d'une politique cohérente, équilibrée et ambitieuse.
Gardons-nous donc de penser que les réponses aux questions que j'évoquais ne seraient que techniques. Elles sont et doivent aussi être politiques. Car le véritable enjeu est bien de dire à nos concitoyens quel type de rapport aux mers et aux océans nous entendons promouvoir et leur proposer. Cela fait partie intégrante d'un projet de société et l'Europe a plus que son mot à dire pour aider à le définir car les mers et les océans sont un élément de notre identité et de notre patrimoine européens.
Au cours de nos échanges, nous devrons tenter d'apporter des éléments de réponse à l'ensemble de ces questions, en gardant à l'esprit que de nombreux domaines sont concernés : l'aménagement du territoire, la qualité de vie des habitants des zones côtières, le tourisme, la pêche, l'aquaculture, le forage offshore, la production énergétique, le transport maritime, les biotechnologies et la construction navale. Notre réflexion et nos discussions devront porter sur les objectifs de la politique maritime et sur les moyens à mettre en oeuvre, qui devrait concerner les politiques internes de l'Union mais aussi ses relations extérieures.
Lors de nos débats, nous aurons également l'occasion d'évoquer une dimension de la politique maritime qui nous est plus particulière. Le choix de la ville d'Antibes pour accueillir cette conférence n'est pas le fruit du hasard : en effet, nous ne pouvons pas parler de politique maritime sans aborder sa dimension méditerranéenne. La politique maritime européenne devra prendre en compte, à l'intérieur d'un cadre général, les spécificités géographiques. A cet égard, la mer Méditerranée soulève un certain nombre de problématiques qui lui sont propres et dont nous devrons également débattre, comme l'importance du tourisme côtier ou la surveillance des frontières extérieures.
Comme tous les Etats membres, la France est déterminée à aider la Commission à poursuivre son objectif de définition d'une politique maritime européenne ambitieuse. Avec nos partenaires espagnols et portugais, nous nous sommes mobilisés depuis plusieurs années afin de promouvoir une politique maritime intégrée et volontariste, tant au niveau européen qu'au niveau international. C'est dans cet esprit que nous avions présenté l'année dernière une contribution commune sur la future politique maritime européenne. C'est ce même souci de concertation et de dialogue qui nous anime aujourd'hui.
Cette conférence marque le début d'un processus de consultation qui durera un an. Je tiens à apporter le soutien de la France à la démarche de la Commission, qui permettra d'impliquer tous les acteurs concernés et d'associer les citoyens à ce projet européen. Ce processus doit être l'occasion de poursuivre un dialogue vivant avec tous, avec les Etats, les régions, les industries, les partenaires sociaux, les ONG et plus généralement la société civile. Voilà donc un exemple très concret de la façon dont nous devons bâtir l'Europe : non seulement pour les citoyens mais également avec eux.
Je me réjouis de la discussion riche et fructueuse que nous allons mener sur la base du Livre vert présenté par le commissaire Borg, et je ne doute pas qu'ensemble nous saurons apporter une contribution substantielle à la construction de cette vision de l'Europe de la mer.
Je remercie chacune et chacun d'entre vous de sa présence. Je passe à présent la parole au commissaire Joe Borg.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 juillet 2006