Interview de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, à RMC le 30 juin 2006, sur les effectifs du chômage, l'équilibre de l'Unédic et le CPE.

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Texte intégral


Q- On va parler chômage, emploi, avec le ministre du Travail, G. Larcher. Bonjour. Alors, je vous vois la mine réjouie, ce matin !
R- En tous les cas, j'ai la mine de quelqu'un qui constate que depuis un an le chômage baisse, que depuis deux mois, il a baissé d'une manière extrêmement forte. Jamais depuis 1985, nous n'avions enregistré -0,4 en chiffre international, c'est-à-dire un taux de chômage qui descend à 9,1. Et un taux de chômage qui descend d'abord chez les jeunes, ce qui pour moi est ma première des préoccupations. En un an, près de -13 %. Mais aussi chez les chômeurs de longue durée, vous savez ceux qui n'avaient aucun espoir et ceci est tout à fait important et en même temps un chômage qui diminue, j'allais dire dans tout le pays.
Q- On ne va pas être de ceux qui sans cesse jettent la suspicion sur les chiffres, on ne va pas bouder ces bons chiffres mais on ne va pas non plus oublier qu'il y a encore beaucoup d'hommes et de femmes en France qui sont au chômage, G. Larcher.
R- Il y a encore 2.213.000 personnes sont à la recherche d'un emploi, voilà pourquoi [je suis] à la fois heureux ce matin mais encore plus volontaire pour demain, c'est-à-dire qu'il faut qu'on continue à travailler. Par exemple, pour développer les contrats de professionnalisation, on a fait +32 % dans les cinq premiers mois par rapport à l'année dernière. Il va falloir qu'on développe encore l'entrée en apprentissage pour les jeunes. Et puis j'allais dire que les créations d'emplois, parce qu'aujourd'hui c'est les créations d'emplois dans le secteur marchand, malgré une croissance qui reste ce qu'elle est, autour de 2 % : plus 96.000 affiliés en six mois au régime d'assurance chômage, c'est-à-dire des gens qui versent, donc qui travaillent. Voilà des signes encourageants mais il faut qu'on continue à se mobiliser, à travailler.
Q- Tiens, puisque vous parliez de l'assurance chômage, à l'Unedic on est content, j'imagine, parce qu'en a moins de chômeurs à indemniser, évidemment, puisqu'il y a moins de chômeurs et on a plus de rentrées d'argent.
R- On est content à l'Unedic d'abord parce qu'on travaille ensemble - Etat, ANPE, UNEDIC - dans le cadre maintenant d'un accompagnement des demandeurs d'emploi qui a lieu tous les mois. En même temps, c'est vrai, on retrouve des équilibres financiers et l'Unedic va pouvoir mobiliser des finances pour aider au retour à l'emploi, l'investissement dans les contrats de professionnalisation, l'investissement dans la validation des acquis de l'expérience, c'est-à-dire la reconnaissance de l'expérience professionnelle qui est un sujet majeur. Eh bien, j'allais dire on parle finance à l'Unedic, comme à l'ANPE mais cela veut dire qu'on parle d'abord du demandeur d'emploi.
Q- Ce qui veut dire que l'Unedic va pouvoir réduire sa dette ?
R- L'Unedic a retrouvé naturellement son équilibre mensuel et est en train de résorber ses dettes.
Q- Bien. G. Larcher, la question que vous voulez poser, précisément, aux auditeurs de RMC, ce matin.
R- Oui, est-ce que vous connaissez le droit à la validation des acquis de l'expérience ? C'est quelque chose d'essentiel ; vous avez travaillé un certain nombre d'années, vous n'aviez pas de diplôme, eh bien vous pouvez faire reconnaître, j'allais dire l'expérience qui est la vôtre, le savoir-faire qui est le vôtre.
Q- Eh bien, on va développer ça tout à l'heure. Donc connaissez vous le droit à la validation des acquis de l'expérience ? C'est la question que G. Larcher pose aux auditeurs de RMC... Je regardais les chiffres, le chômage baisse un peu partout en Europe : en Espagne aussi le chômage recule ; en Allemagne, le chômage recule ; au Danemark, on est à 4,5, taux de chômage record, l'un des plus bas du monde ; aux Etats-Unis aussi le chômage recule. C'est une tendance internationale, G. Larcher !
R- Oui, parce qu'au plan international et notamment dans un certain nombre de
pays, d'abord on a une croissance qui, malgré l'envolée des prix de l'énergie,
se tient. On a parallèlement, notamment au plan européen, une vraie volonté,
j'allais dire du retour vers l'emploi - c'est un mot un peu techno mais qu'on
appelle la " stratégie de Lisbonne " : c'est-à-dire on parie sur les hommes pour
parier sur l'activité.
Alors, vous pariez sur les hommes en France, et notamment dans les emplois services. On le sait, J.-L. Borloo est très attaché à cette notion, vous aussi, mais certains disent, les emplois services, c'est bien beau mais ce sont des emplois fast-food, assez mal rémunérés et durables, ce n'est pas certain.
Je vais simplement vous citer un chiffre : les propositions d'emplois à l'ANPE au mois de mai, en CDI ou en CDD de plus de six mois, qui sont l'inverse du fast-food, [marquent] une croissance de plus de 16 % par rapport au mois de mai 2005, et les emplois que vous qualifiez de fast-food, qui est un mot un peu parisien...
Q- ... oui, je suis d'accord.
R- ... et je me méfie du mépris qu'on met sur les mots, vous savez, parce que je vois des jeunes travailler dans de la restauration rapide, qui sont des jeunes formidables, qui trouvent-là un supplément pour les aider dans leurs études, eh bien ces emplois, eux, sont à la baisse au mois de mai de 23 %. D'un côté, augmentation de propositions en CDI - ils étaient 40.000 - et eux, baissent de 23 %. Méfions-nous des mots faciles quand un parle d'un sujet qui est quand même essentiel et qui est parfois douloureux au coeur de ceux qui ne trouvent pas d'emploi.
Q- Ce sont certains observateurs et économistes qui emploient ces mots-là, ce n'est pas moi, G. Larcher, que les choses soient claires, vous me connaissez.
R- Je le sais, j'ai vu quel était l'économiste...
Q- Vous avez vu quel était l'économiste. Bon. Dites-moi, G. Larcher, oui mais, c'est bien, moi je suis très content, évidemment tout le monde ne peut que se réjouir mais certains me disent : il y a manipulation des chiffres... Est-ce que, franchement, il y a manipulation des chiffres, oui ou non, parce que j'entends ça sans cesse ?
R- Attendez ! D'abord, nous vivons avec le même système de mesure, l'Insee et la DARES, nous sommes sous le contrôle du Bureau International du Travail, sur le contrôle des statistiques européennes. Le nombre de radiations n'a pas augmenté. Je crois qu'il faut qu'on en sorte.
Q- Alors, pourquoi est-ce qu'il y a plus de érémistes ?
R- Mais, écoutez ! Il faut qu'on en sorte, J.-J. Bourdin, de ces débats mensuels qui voudraient qu'on ait nos clivages politiques. Toute la France devrait ce matin, j'allais dire avoir moins la gueule de bois qu'hier.
Q- On est d'accord.
R- Parce qu'elle a moins de chômeurs.
Q- On est d'accord, on se réjouit, mais alors pourquoi est-ce qu'il y a encore tant de érémistes et plus de érémistes qu'avant ?
R- D'abord, le nombre de érémistes pour la première fois a baissé.
Q- Oui, légèrement baissé.
R- 0,8 %. Je crois que c'est tout le travail qu'on doit faire autour du revenu minimum d'insertion, c'est un filet de sécurité, on a oublié le " I " d'insertion. Il faut donc qu'avec les départements, nous travaillions autour du " I " d'insertion. Voilà pourquoi nous consacrons, par exemple dans la validation des acquis de l'expérience, le financement de 20.000 validations pour des chômeurs non indemnisés. Voilà pourquoi, dans le cadre du plan de cohésion sociale, nous mettons en place les contrats d'avenir, les contrats d'accompagnement vers l'emploi. Voilà pourquoi, par exemple, avec l'AFPA, cette Agence de Formation Professionnelle pour les Adultes, cette association, nous mettons en place des formations pour permettre le retour à l'emploi. Ma préoccupation, aujourd'hui, ce sont les jeunes, ce sont les seniors qu'on sort trop vite du marché du travail. Et puis c'est aussi ces hommes et ces femmes réellement éloignés de l'emploi, qui sont dans les minima sociaux et qu'il faut aider à revenir vers l'emploi.
Q- Vous parliez de CDI et de CDD tout à l'heure. Le CNE, vous avez deschiffres ? Où on en est, parce qu'il y débat ? Certains disent "oui, le CNE, c'est très efficace", d'autres disent "non".
R- En tous les cas, si je prends l'analyse qui a été faite par les mêmes services, c'est au minimum 44.000 emplois dans des entreprises de moins de vingt salariés créés de manière pérenne. Dans un pays qui ne cesse de se lamenter, moi, je constate qu'il y a aujourd'hui des chefs d'entreprise qui, parce qu'ils ont l'outil du contrat nouvelles embauches, se disent : "je peux embaucher, je peux démarrer une nouvelle activité". Et le CPE, vous le remplacez par quoi le CPE ?
R- Alors, dans quelques jours, nous mettrons en place le parcours d'accès à la vie
active dans l'entreprise pour les jeunes.
Q- Ah ! Allez-y, c'est quoi ?
R- J'aurai l'occasion de l'annoncer devant les Missions locales.
Q- Dites-nous tout, allez !
R- On est un jeune, vraiment on est sorti de l'école et on n'a pas de diplôme, on
est un jeune, on a été à l'université et puis on trouve rien, alors on s'adresse à sa Mission locale. Avec sa Mission locale, on fait j'allais dire une analyse : où j'en suis, de quelle formation j'ai besoin, quel est le métier qui m'intéresse ? Et puis, derrière cela, on signe ce qu'on appelle un contrat CIVIS : je vais avoir un référent qui va m'accompagner dans ma démarche de construction d'une vie professionnelle. Et puis derrière tout ça, pour l'entreprise, nous allons permettre à l'entreprise de signer un contrat jeune et de bénéficier d'un certain nombre d'aides, ce qui n'est pas rien - 400 euros la première année par mois, puis 200 euros - ou de signer un contrat de professionnalisation et de recevoir pour l'entreprise une aide de 200 euros/mois la première année. Est-ce qu'il y aura un suivi personnalisé ?
R- Bien sûr !
Q- Pour chaque jeune ?
R- Nous avons demandé un suivi personnalisé dans le cadre des Missions locales, mais surtout que ce suivi - ce qui est ma grande préoccupation - se prolonge au-delà de l'entrée dans l'entreprise, parce que nous voyons bien qu'une des difficultés ressenties, c'est la rencontre entre le jeune et l'entreprise, il y a une espèce de besoin de reconnaissance de part et d'autre, c'est-à-dire de mieux se connaître.
Q- Et concrètement ?
R- Ceci va se mettre en place, j'allais dire dans quelques jours, je pense à partir
du 4 juillet prochain. A partir du 4 juillet prochain.
Les parcours d'accès dans la vie active au travers des Missions locales et j'aurai l'occasion de l'annoncer aux Missions locales très directement.
Q- C'est très important pour tous les jeunes qui cherchent du boulot. C'est ce qui remplace le CPE.
R- C'est un outil qui permet que les jeunes en finissent avec cette galère et un taux de chômage qui, lui aussi, s'est amélioré mais qui demeure - vous le voyez bien, quand on parle de 9,1, on est - autour de 22 % pour les jeunes, peut-être un peu moins, il y a encore du chemin à faire.
Q- On va prendre Thierry qui est paysagiste en Charente. Thierry, allez-y.
Thierry, auditeur : Oui, bonjour monsieur Larcher. Donc, ma question était : les socialistes dernièrement ont dit qu'ils allaient, s'ils venaient au pouvoir, mettre le Smic à 1.500 euros.
R- A 1.500 euros, oui !
Q- Thierry : Monsieur Larcher, monsieur Chirac avait dit pour sa campagne "je vais baisser les charges pour les entreprises", ce qu'il n'a pas fait. Demain, franchement, si le Smic est à 1.500 euros - j'ai fait deux créations d'emploi dont un en CDI -, je ne pourrais pas tenir le choc. C'est-à-dire en fin de compte, si le Smic passe à 1.500 euros et que l'Etat ne baisse pas ses charges en moyenne de 25 à 30 %, eh bien je licencierais au moins un, peut-être deux personnes.
"Si le SMIC augmente jusqu'à 1.500 euros, comme le veulent certains à gauche, et si les charges ne baissent pas, je devrais virer deux personnes", voilà ce que nous dit Thierry.
R- Je voudrais d'abord répondre à Thierry qu'au cours des cinq années de cette législature, le Smic aura cru de 24 % et de 14 % en pouvoir d'achat. Mais qu'est-ce qui a été fait ? C'est, cher Thierry, on a baissé et allégé les charges, il y a parfois des polémiques autour de l'abaissement des charges sur les bas salaires, c'est pour permettre à la fois l'accroissement du pouvoir d'achat, parce que c'est normal et qu'en même temps...
Q- ... mais attendez ! Vous dites... alors, là, moi je voudrais comprendre, G. Larcher, vous dites qu'on a baissé les charges mais j'entends sans cesse les petits chefs d'entreprise me dire "mais non, les charges sont trop lourdes, on a trop de charges".
R- Ecoutez, J.-J. Bourdin, vingt milliards d'euros sont consacrés à l'allègement des charges dans le budget sur les bas salaires. Mais il est vrai que nous n'avons pas totalement maîtrisé, j'allais dire l'évolution du coût du travail dans ce pays, c'est une réflexion qu'il nous faut avoir collectivement. Mais pour répondre à la préoccupation de Thierry, la politique qui a été conduite depuis cinq ans, c'est à la fois de donner du pouvoir d'achat - et, vous savez, vivre avec 950 euros/mois ça n'est pas si simple - et, en même temps, de permettre aux entreprises de demeurer compétitives. Voilà pourquoi Thierry a raison.Attention j'allais dire aux promesses qui en fait conduiraient à moins d'emplois.
Q- Bien, G. Larcher, on s'arrête une minute, un peu de pub et on revient. On va reparler évidemment du plan de développement de la validation des acquis de l'expérience, et puis il y a un auditeur qui me disait ce matin, " Travailler plus pour gagner plus c'est bien beau comme slogan, mais c'est le patron qui décide et qui souvent ne nous paie pas les heures supplémentaires et nous demande de récupérer ". Eh bien, on va parler de tout ça.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 30 juin 2006