Interview de M. Philippe de Villiers, président du Mouvement pour la France et député européen, à Europe 1 le 11 juillet 2006, sur notamment le mauvais geste de Zinédine Zidane contre un joueur italien à la finale de la Coupe du monde de football, sa conception de la politique de l'immigration et son rôle de député européen.

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Média : Europe 1

Texte intégral

Q- La polémique continue autour du geste de Zidane. Sans l'excuser, est-ce que vous comprenez Zidane ?
R- En tant que footballeur - j'étais joueur de foot -, on peut toujours comprendre un geste qui répond à une provocation, sur le plan humain. Et on dit, tout le monde dit, justement, "Zidane est un homme, ce n'est qu'un homme". Mais le problème, c'est que cet homme est chargé de mille symboles : symbole d'énergie zen tranquille, d'harmonie, de maîtrise, de contrôle et qu'il est regardé par des millions de jeunes comme un modèle...
Q- Alors, justement, est-ce que vous comprenez Zidane ? Est-ce que P. de Villiers dit ce matin "merci Zidane" ?
R- Non, je ne peux pas dire « merci Zidane ». Zidane doit s'excuser, il doit dire ses regrets, parce que quelle que soit la provocation - et il y a eu certainement une provocation inadmissible de la part de Materazzi - rien ne peut justifier, pour un parent, pour un éducateur, pour un sportif, pour un responsable public, rien ne peut justifier le geste digne des coups de boule des voyous de banlieue, et indigne d'un capitaine de l'équipe de France. Je le dis à la fois en tant que parent et en tant que sportif. Vous imaginez cette image qu'on a vue et qu'on a revue et qu'on verra et reverra !
Q- Vous avez joué au football, vous l'avez bien expliqué au club Mondial Europe 1, où vous avez fait un tabac. Vous disiez que vous aviez été arrière-central. Cela se produit tout le temps, donc, il est tombé dans un piège ?
R- Oui, il est tombé dans un piège dans lequel on tombe lorsque l'on a vingt ans. Mais j'ai du mal à comprendre - avec la pression bien sûr - qu'il soit tombé devant des milliards de téléspectateurs dans ce piège, alors qu'il a compromis évidemment les chances de l'équipe de France. Il aurait été aux penalties à la place de Trezeguet, je pense qu'il aurait marqué.
Q- Ah ! Vous lui en voulez pour ça ? Parce que vous dites « peut-être qu'on aurait gagné ! » ?
R- Non, parce que je pense qu'il a fait gagner l'équipe de France tant de fois qu'on ne peut pas - ça serait injuste - lui en vouloir pour ça. Je lui en veux pour tous les jeunes qui s'identifient à lui. Regardez ce qui s'est passé. Il y a eu pendant France/Brésil et France/Portugal 500 voitures incendiées dans Paris. Cela veut dire que pour certains jeunes, notamment venus des banlieues, la fête est synonyme de violence, le foot est synonyme de violence. Et là, Zidane c'était l'image contraire. Ce coup de tête malheureux, fatal à son image, c'est un contre-modèle. C'est tout à coup le changement : ce n'est plus le statut de l'artiste Zidane, qui se domine, qui se maîtrise ; c'est le statut de la brute épaisse, qui ne lui ressemble pas, mais c'est terrible.
Q- Zidane va sans doute s'expliquer, il le fait dire, sur une faute qui lui coûte tant et les mots qu'il va choisir compteront pour tous. Et d'abord pour les jeunes. Ce sera une réponse aux inquiétudes que vous exprimez. Mais vous célébriez, vous, le génie créatif, les vertus, les qualités d'invention de Zidane. Est-ce que c'est cela qui va rester dans l'histoire du football ou le coup de boule à Materazzi ?
R- Je pense qu'il faut que les mots qu'il prononce soient forts pour effacer les images qui sont lourdes.
Q- N'êtes-vous pas surpris de l'absence et du silence de la Fifa, qui est l'institution qui a son mot à dire ou aurait son mot à dire ? Silence aussi de la Fédération française de football ? Ne doivent-elles pas chercher à comprendre ? Donc, inviter Zidane et l'italien Materazzi tout simplement à s'expliquer ?
R- Dans la vie, il y a deux choses qui sont importantes lorsqu'on est adulte : la première c'est accepter les faiblesses humaines. Il y a eu, là, une faiblesse humaine, des deux côtés. Du côté italien : provocation insupportable, du côté de Zidane : une réponse inacceptable. Et la deuxième chose, c'est le pardon, parce que nous sommes des hommes, et que, si nous n'acceptons pas le pardon, il n'y a pas de société possible. Mais il faut d'abord les regrets, les excuses. Et je pense que le geste, le premier geste à faire, pour que la Fifa s'exprime, c'est à Z. Zidane de le faire dans une conférence de presse. Le pardon viendra après.
Q- Il ne s'agit pas seulement du pardon. La Fédération française de football se réunit aujourd'hui. Elle et la Fifa pourraient agir au nom de la morale et de la citoyenneté sportive, sans doute.
R- Tout à l'heure, on écoutait sur votre antenne, [un reportage sur] l'école de football de Bordeaux, je crois. Comment voulez-vous, aujourd'hui, qu'un éducateur sportif puisse dire à un jeune « il ne faut jamais donner un coup de tête quand tu te fais insulter ». Ce n'est plus possible, parce que Zidane l'a fait. Et donc, il faut d'abord que Zidane dise à tous les jeunes footballeurs : « ne faites jamais ce que j'ai fait en finale de Coupe du monde ».
Q- Il le dira probablement, et c'est peut-être par les mots de compréhension, et ce que disait J. Chirac, hier, en tant que président de la République, les mots qui marquent à la fois de l'admiration et une certaine forme de respect pour le grand joueur et l'homme qu'il a été et qu'il reste.
R- Bien sûr. Et, justement, la déception, la stupéfaction qui est la mienne, sont à la mesure de l'admiration qu'on a pour l'homme. Moi, dans ma vie de sportif, dans ma mémoire de sportif, il y a eu Kopa, première génération ; il y a eu Platini et puis il y a Zidane, trois grands ambassadeurs du football. Et sur votre antenne, je le disais jeudi soir, il restera comme un ambassadeur du football. Un ambassadeur ne donne pas des coups de tête comme ça.
Q- La générosité, la compréhension, si répandue à propos de Zidane, parfois en dehors de la vôtre, mais on voit bien que vous l'avez aussi, est-ce qu'elles peuvent servir de règles et d'exemple, dans le traitement d'autres dossiers, par exemple, les sans-papiers ? Comment régulariser les familles sans-papiers ?
R- Je crois que la régularisation des sans-papiers, là, vraiment, on aborde un tout
autre dossier qui n'a rien à voir avec Zidane...
Q- C'est évident.
R- Elle a deux gros inconvénients : elle affaiblit la loi française, la loi de la République, parce qu'elle consiste à accepter que des gens, que des étrangers ne respectent pas la loi française alors qu'on exige de tous nos concitoyens qu'ils la respectent. Par exemple : titre de séjour, titre de paiement...
Q- Mais je vous ai demandé comment on agit, comment on régularise les sans-papiers, et surtout quand il y a des enfants scolarisés, comment agit-on ?
R- Alors, on s'est mis dans cette situation. La France est le seul pays du monde - L. Ferry le confirmait récemment -, où l'inscription à l'école est devenue une véritable filière d'immigration clandestine. Je fais deux propositions qui sont fortes, mais qui sont nécessaires, pour l'avenir. D'abord, il y a eu des parrainages républicains des élus de la gauche, qui consistent à enfreindre la loi. Ma réponse, c'est les charters républicains qui consistent à faire respecter la loi.
Q- Mais qu'est-ce que cela veut dire "charters républicains des sans-papiers" ? Vous allez faire des rafles, vous les mettez dans des avions, et puis vous les balancez hors de France ?
R- On fait ce que tous les grands pays font : les sans-papiers sont reconduits à la frontière, et dans leur pays d'origine. Il y a même un Président, le Président du Sénégal, qui a demandé au ministre de l'intérieur de procéder ainsi. Et deuxièmement, je viens d'écrire au recteur de mon académie pour lui demander de refuser l'inscription des enfants, dont les parents ne peuvent présenter un titre de séjour à la rentrée prochaine, parce qu'il est inadmissible que les parents se servent de leurs enfants, les mettent en avant pour les inscrire à l'école, et ensuite se retournent vers la collectivité nationale en disant : "on n'a pas de papiers, il faut nous donner des papiers pour nos enfants !".
Q- Mais quand ils ont les enfants en âge de scolarité, pourquoi ils ne les inscriraient pas à l'école ?
R- Mais parce qu'il n'est pas normal qu'il y ait en France ce que la Cour des comptes a appelé "un quasi-statut des immigrants illégaux". Il y a en France, aujourd'hui, en 2005, l'équivalent de la ville de Nice qui est entré sur notre territoire, c'est-à-dire, 300.000 personnes. Donc, une immigration légale que nous ne pouvons plus supporter sur le plan économique, social et financier. Et en plus de cela, maintenant, on va régulariser au cas par cas, c'est-à-dire une régularisation massive, en fait, des sans-papiers.
Q- Cela concerne combien de personnes ?
R- Je pense qu'on s'oriente vers une régularisation de plusieurs dizaines de milliers de personnes.
Q- Vous n'exagérez pas ? N. Sarkozy donne des chiffres beaucoup plus bas. Quand vous avez fait votre démarche auprès du rectorat en Vendée, vous voulez que d'autres le fassent dans d'autres départements,dans d'autres rectorats...
R- Exactement.
Q- ...Et pourquoi pas le demander au ministre de l'éducation nationale, G. de Robien ?
R- Les deux, bien sûr, c'est ce que je fais également. Bien sûr que c'est à lui de prendre des mesures nécessaires pour que la loi française, la loi de la République soit appliquée.
Q- Si je comprends bien, vous voulez demander au Gouvernement et à G. de Robien là, ici, ce matin, d'empêcher à la rentrée prochaine, l'inscription des enfants d'immigrants sans-papiers ?
R- Exactement. Pour qu'il soit dit et qu'il soit répété à la face du monde que la loi de la République est appliquée en France. Mais je crois que ce n'est pas suffisant. La politique de l'immigration menée par le ministre de l'intérieur est à l'inverse de celle que je propose. Lui, c'est : fermeté en amont avec le concept d'immigration choisie, qui est une véritable traite des cerveaux, et générosité en aval, avec la régularisation des sans-papiers. Je pense qu'il faut faire l'inverse.
Q- Au cas par cas...
R- ...Il faut la générosité en amont ; je mène en tant que président du Conseil général de la Vendée, une politique co-développement avec le Bénin qui donne des résultats remarquables. Il faut fixer chez elles les élites africaines plutôt que de piller leurs richesses humaines. Mais fermeté en aval, c'est-à-dire, rétablissement des frontières, mettre fin vraiment au regroupement familial, et surtout mettre fin aux privilèges exorbitants des sans-papiers. Je vous rappelle qu'en 2005, 160.000 familles d'étrangers irréguliers, illégaux, ont perçu l'aide médicale d'Etat ! Alors que beaucoup de citoyen français...
Q- On n'en a pas fini avec ce problème pendant les mois qui viennent ; "la gestion des migrations, comme dit N. Sarkozy, est une des clés du renouveau des relations entre l'Europe et l'Afrique". Il y a en ce moment à Rabat le sommet européen et africain consacré à l'immigration ; il s'achève aujourd'hui sur une déclaration politique, un plan d'action, qui propose de conjuguer, je cite : "la lutte contre les routes de l'immigration clandestine, le co-développement et l'organisation de l'immigration légale". Est-ce que c'est la meilleure solution pour vous ?
R- Déjà, le fait qu'il y ait une réunion à Rabat, je trouve cela intéressant, pour qu'on en parle entre tous les pays, et que la question ne soit plus une question taboue. Mais j'ai été étonné de la conclusion du ministre de l'intérieur qui a déclaré : "J'ai la conviction profonde que l'immigration africaine, sous certaines conditions, peut être une chance aussi bien pour l'Europe que pour l'Afrique". Je pense que l'immigration, c'est-à-dire l'exil pour les Africains, est un malheur pour les Africains ; et ce n'est pas une chance, c'est une malchance pour la France. Je pense qu'il faut une politique - c'est comme « la tolérance zéro » - d'immigration zéro, c'est-à-dire de migration zéro à l'origine.
Q- Pourquoi tout le temps jouer sur les peurs ?
R- Non, ce n'est pas moi qui joue sur les peurs, ce sont les Français qui ont peur, et ce sont les Africains déracinés qui se plaignent d'avoir été trahis. Parce que, laisser entrer chez nous des familles africaines déracinées, les laisser espérer, leur laisser croire qu'on a pour elles du travail, un logement et de quoi les faire survivre, ce n'est pas une attitude de générosité, c'est une attitude criminelle.
Q- On est quelques-uns à préférer P. de Villiers commentateur de football... Dans Le Parisien de ce matin, je lis que vous êtes député européen, je le savais, et il y a un palmarès des élus français assidus à Strasbourg et à Bruxelles pour parler de l'Europe et de toutes les questions importantes. Et vous êtes placé dans ce palmarès en dernière position. Les premiers français sont : J.-L. Cottigny, J. Fourtou, C. de Veyrac, M. Sudre. Et en dernier, 78ème, tout dernier, P. de Villers ; ce n'est pas bien ça !
R- C'est tout simplement parce que ce classement a été fait au moment de la bataille référendaire, et que j'étais beaucoup plus présent en France dans les réunions de nos régions qu'au Parlement de Bruxelles. Savez-vous pourquoi ils ont omniprésents ? C'est parce qu'ils touchent des primes, parce que là-bas on est payés... Ils ne sont pas cons (sic) au Parlement européen, vous comprenez, ils ont compris comment attirer les gens : en les payant en fonction de la présence.
Q- Vous voulez dire qu'ils vont au Parlement pour toucher des jetons de présence ?
R- Et moi, je préfère me battre aux côtés des pêcheurs français, des arboriculteurs, des agriculteurs, des viticulteurs, comme c'était le cas ce week-end, à Aix et à Perpignan, plutôt que d'aller engraisser le Parlement européen qui d'ailleurs ne sert à rien, et est l'organe supplétif de Bruxelles, Bruxelles qui nous écrase tous les jours. D'ailleurs vous avez vu : on a n'a pasvu d'équipe d'Europe avec le logo de Bruxelles ! Vous avez vu des drapeaux européens flotter, vous ? Moi, j'ai vu des drapeaux portugais, des drapeaux français. Je suis heureux que la Coupe du monde, ce soit le grand retour des nations.
Q- Ca va, ça va, stop ! Pourquoi restez- vous député ? Il faut renoncer à votre siège, comme ça, vous ne toucherez pas de prime comme les autres.
R- Mais justement, pour qu'il y ait des voix discordantes là-bas, pas des béni-oui-oui. C'est important que de temps en temps, il y ait des gens qui se lèvent et qui disent qu'ils ne marchent pas dans le concert général qui consiste à écraser les peuples.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 juillet 2006