Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, syr les systèmes d'information de santé, Paris le 5 juillet 2006.

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Circonstance : Rencontres de l'hôpital 2006 "Au coeur des réformes : les systèmes d'information de santé" à Paris le 5 juillet 2006

Texte intégral

La maîtrise de l'information est un axe stratégique de la modernisation de notre système de santé, rendue nécessaire par l'évolution des connaissances et des pratiques médicales, par l'indispensable travail en réseau. Elle permet de réduire une non-qualité coûteuse tant sur le plan humain qu'économique.
Je veux donc saluer les organisateurs de ces rencontres, et remercier le Docteur Pascal Maurel pour la présentation de son Tour de France de l'informatique hospitalière. Je sais combien ce sujet intéresse l'ensemble de la communauté hospitalière non seulement dans toute la France, mais aussi nos voisins belges, espagnols, suisses ou encore algériens, que je veux saluer.
De nombreuses études ont montré l'intérêt du développement des systèmes d'information. La France bénéficie d'une longueur d'avance issue de la mise en oeuvre précoce (1998) de la dématérialisation des feuilles de soins, du déploiement de la carte Sésame Vitale et de la carte de professionnel de santé. Mais devant l'éparpillement des moyens et des systèmes, notre ambition doit être de porter une vision stratégique globale des systèmes d'information fondée sur l'interopérabilité et la sécurité. A cet égard, le DMP représente la pierre angulaire de cette vision, en constituant un formidable levier pour améliorer l'interopérabilité des systèmes. Nous allons également donner un nouvel élan à l'informatisation hospitalière, qui constituera un des axes majeurs du Plan Hôpital 2012, et, même si ce n'est pas le sujet aujourd'hui, je n'oublie pas la nécessaire poursuite de l'informatisation des services de la CNAM.
I/ Nous avons une véritable vision stratégique globale de l'informatisation de notre système de santé.
Elle passe non seulement par une accélération des moyens mais surtout par une meilleure articulation de l'ensemble des outils à notre disposition.
Nous sommes pour l'instant dans une situation où la France ne souffre d'aucun retard en matière d'informatisation, à la différence d'autres voisins européens. Le 1 milliard de livres sur 10 ans du projet d'informatisation du NHS britannique n'est pas comparable avec ce que réalise la France ; nous ne partons pas de la même situation, et la France consacre déjà plus de 2 milliards d'euros par an à ses systèmes d'information (dont 1 milliard dans les établissements), auxquels il faudra ajouter le coût du DMP, de l'ordre de 1 milliard d'euros sur 5 ans. De même, plus de 500 emplois sont dédiés exclusivement aux systèmes d'information de santé en France, contre 450 au Royaume-Uni.
En revanche, on ne peut que constater en France l'éparpillement des moyens et des initiatives, le manque d'architecture globale de système, et l'absence de lien fort et direct avec les politiques de santé publique.
C'est pourquoi il est non seulement nécessaire d'augmenter les ressources consacrées aux systèmes d'information, comme cela est d'ailleurs prévu, mais aussi de donner de la cohérence à l'ensemble, de permettre le partage des informations entre les différents réseaux, de développer les outils les plus utiles aux citoyens et à notre politique de santé publique. Cela demande un pilotage sur le long terme, en ville comme à l'hôpital.
Le DMP doit garantir une communication parfaite entre les différents mondes de la santé, au service des patients et des professionnels de santé, en privilégiant l'interopérabilité. Il ne doit pas devenir une course technologique qui ferait oublier les objectifs de santé publique.
Le DMP est la pierre angulaire de cette stratégie globale.
Le DMP est un dossier médical, informatisé et sécurisé sous le contrôle du patient. En regroupant l'ensemble des éléments relatifs à la santé et la prévention, il favorise la coordination, la qualité et la continuité des soins. Il doit permettre en premier lieu de lutter contre les interactions médicamenteuses et la redondance des soins. En effet, chaque année, les examens redondants ou inutiles représentent un surcoût estimé à plus d'1 Md et les interactions médicamenteuses sont la cause de 350 hospitalisations/jour.
C'est un porte-documents intelligent, un outil de simplification extraordinaire : demain, les comptes-rendus d'opération, les prescriptions, mais aussi les radios, les scanners seront disponibles.
Parce que nous avons voulu un dispositif simple, au service de tous, il nous fallait passer par une phase de concertation avec tous les acteurs. Nous avons d'ores et déjà atteint deux objectifs centraux : l'accord sur le contenu, et la validité technique. Alors qu'aucun consensus n'existait avant le vote de la loi sur le concept même de DMP, la mise en oeuvre des expérimentations a permis de définir pour la première fois un accord sur le contenu. Je tenais à féliciter le GIP-DMP pour ce résultat.
Plus que l'aspect technique, c'est l'appropriation par les usagers qui est essentielle. Les expérimentations porteront justement sur ces aspects.
Pour cela, les tests en réel ont débuté sur le terrain, dans les 17 sites répartis dans les 13 régions administratives, portant sur 30 000 dossiers et impliquant 1 500 professionnels de santé et 73 établissements de santé ; ils auront lieu jusqu'à la fin 2006.
La phase d'évaluation nous permettra de préparer la généralisation.
Chaque citoyen qui le souhaite pourra donc ouvrir son DMP dans les délais prévus par la loi, au printemps 2007 ; c'est le même DMP pour tous : il n'y a pas de « DMP du riche » et de « DMP du pauvre » et il ne s'agit pas d'un « DMP au rabais ».
Mais pour faciliter l'alimentation du DMP encore faut-il que l'informatisation progresse, notamment à l'hôpital.
II/ Le développement des systèmes d'information hospitaliers constitue ainsi une de mes priorités.
C'est un élément déterminant d'un meilleur fonctionnement des établissements ; je suis convaincu de son intérêt pour les patients comme dans le travail quotidien des soignants. L'informatisation est gage de sécurité et de qualité des soins ; elle permet de réduire les facteurs de non-qualité : retard diagnostic, actes inutiles, hospitalisations inadéquates et iatrogénie médicamenteuse. C'est aussi un atout évident pour la santé publique, pour la prévention et la meilleure connaissance des situations sanitaires qu'elles soient récurrentes (épidémies saisonnières) ou émergentes, comme pour la diffusion rapide de la recherche médicale.
Pourtant, comme le montre l'étude que vous avez commandée au cabinet Eurogroup, il existe encore une grande hétérogénéité de l'informatique hospitalière dans notre pays. Le partage de l'information est encore insuffisant, tout comme les moyens mis en oeuvre. L'organisation tarde à s'adapter. Pourtant, ce rapport souligne aussi les évolutions en cours, les efforts réalisés par les hospitaliers, et les premiers bénéfices visibles..
Je veux en effet rappeler que de nombreux outils informatiques performants sont déjà présents à l'hôpital.
Les plateaux techniques, de radiologie comme les blocs opératoires, sont largement informatisés (70 % et 50 %), les systèmes d'archivage des images se développent et les dossiers communicants en cancérologie se généralisent.
Depuis trois ans, nous avons privilégié :
- l'informatisation des urgences nous permet de disposer d'une informatisation de 45% des passages aux urgences en 2005, contre 10 % en 2002. Notre objectif est de parvenir à 85 % de passages informatisés fin 2007, comme cela était prévu par le Plan Urgences, et de couvrir 100 % des passages en 2008.
- la facturation des établissements à l'Assurance maladie, en particulier pour la T2A, l'informatisation du parcours de soins dans les établissements,...
- l'alimentation du DMP par les compte rendus de sortie des établissements
Le financement de ces projets a aussi été accru grâce aux crédits non consommés du Plan Hôpital 2007. J'ai choisi, pour 2007, d'affecter 15 millions d'euros supplémentaires pour les SIH qui viendront s'ajouter au 280 millions déjà programmés.
Je suis convaincu cependant que ces efforts doivent être durables : c'est pourquoi j'ai décidé de pérenniser le GIP de Modernisation des Systèmes d'Information hospitalier en élargissant ses missions aux enjeux de l'informatisation de la médecine de ville. Sa mission essentielle sera de fournir aux différents acteurs des outils pour favoriser l'interopérabilité des systèmes d'information. L'usage des systèmes d'information hospitaliers pour la réorganisation interne des établissements doit aussi être renforcée : l'informatique doit se mettre au service de l'organisation, et non l'inverse.
Le Plan Hôpital 2012 doit marquer notre nouvelle ambition pour les systèmes d'information hospitaliers, tant en termes de moyens, que de stratégie.
Mon ambition est de porter la part des dépenses d'informatique hospitalière rapportées aux dépenses totales d'exploitation au minimum à 3 % d'ici 2012, contre 1,7 % aujourd'hui. Surtout, nous devons coordonner les efforts des établissements qui restent encore trop dispersés.
C'est pourquoi j'ai décidé la mise en oeuvre d'une politique soutenue d'aide à l'investissement en matière de systèmes d'information hospitaliers dans le cadre du futur plan Hôpital 2012. Le volet financier sera complété par un volet d'expertise, de soutien et d'évaluation, ainsi que par un plan d'aide à la formation des professionnels. En effet, l'accès à l'information n'est pas utile si les professionnels de santé ne sont pas formés à la recherche et à l'usage de cette information
L'informatisation du dossier médical et du parcours de soins, du circuit de prescription et la télémédecine en constitueront les principaux axes stratégiques. Nous devons en effet prendre en compte les nouvelles technologies dans l'exercice d'une médecine moderne.
Cet effort sans précédent permettra en outre l'accélération de la généralisation des indicateurs de qualité, au service d'une transparence plus grande et d'une incitation toujours plus forte des établissements à faire mieux au service des patients.
Ce nouvel élan contribuera également à renforcer les logiques de coopération et de complémentarités entre établissements. Je ne souhaite pas informatiser les établissements pour obéir à une quelconque tentation technologique mais au contraire utiliser les technologies disponibles pour recomposer la carte sanitaire en suivant l'impératif d'égale sécurité devant les soins. Une attention particulière sera ainsi portée aux établissements de proximité qui devront pourvoir profiter dans ce domaine de moyens mutualisés, ainsi qu'aux réseaux, dont le bon fonctionnement est aussi lié à l'existence de systèmes d'information cohérents et coordonnés.
Mais augmenter les ressources d'informatisation sans s'assurer de la cohérence globale, de l'interopérabilité et de l'efficacité des choix, notamment pour la santé publique, n'aurait aucun sens. Afin d'améliorer le pilotage stratégique de l'Etat en la matière, en ville comme à l'hôpital, j'ai demandé à la Mission pour l'informatisation des systèmes de santé de me remettre des propositions concrètes d'ici la fin de l'année. Elles seront présentées en même temps que le détail du Plan Hôpital 2012.
L'évolution technologique que nous connaissons doit s'accompagner d'une véritable révolution culturelle, engageant tous les acteurs, ainsi que d'une véritable réflexion sur les finalités de cette informatisation en termes de santé publique. Nous avons en 2006 l'opportunité, grâce au levier du DMP, de franchir un cap majeur en la matière. Je souhaite que nous soyons tous mobilisés autour de ces projets.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 7 juillet 2006