Déclarations de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière, sur les difficultés rencontrées par le monde du travail, sur la précarité, le chômage, sur les idées développées par les candidats de gauche comme de droite pour l'élection présidentielle de 2007, sur son programme électoral, sur la mondialisation, Presles les 3, 4 et 5 juin 2006.

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Circonstance : Fête de Lutte Ouvrière à Presles les 3, 4 et 5 juin 2006

Texte intégral



Allocution du samedi 3 juin 2006
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Bienvenue à la fête de Lutte ouvrière !
Je vous souhaite de profiter aux mieux des trois jours qui viennent et, bien sûr, des spectacles, des attractions, de la cité des sciences et du carrousel de la connaissance, des forums sur des sujets politiques et sociaux, sans oublier les spécialités culinaires d'ici et d'ailleurs. Mais surtout de profiter de la fraternité et de l'amitié qui nous réunissent ici.
Pourtant, la situation du monde du travail n'a rien de réjouissant. La vie est de plus en plus dure pour tous ceux qui n'ont que leur salaire pour vivre.
Les salaires insuffisants, la précarité, l'intensification du rythme du travail et, souvent, l'arrogance du patronat et de l'encadrement sont le lot de tous ceux qui ont un emploi, avec par-dessus tout la crainte permanente de le perdre, même lorsqu'on est en CDI.
Mais, pour beaucoup, même cette situation est enviable lorsqu'on a perdu son emploi ou lorsqu'on n'a jamais eu d'emploi stable et qu'on courre de contrat précaire en contrat précaire, avec le salaire dérisoire que cela implique et, en permanence, la peur de ne rien retrouver et de sombrer dans le chômage.
Ceux qui nous gouvernent manipulent les statistiques et font dire aux chiffres que le chômage baisse. Mensonge grossier démenti par la vie ; nous le constatons tous autour de nous.
Le plus révoltant, c'est qu'en même temps les entreprises se vantent de profits records et que tous ceux qui vivent de leurs capitaux enregistrent d'une année sur l'autre une croissance de leurs revenus entre dix et vingt pour cent minimum, quand ce n'est pas plus.
C'est au monde du travail, aux classes populaires, aux plus pauvres qu'on impose tous les sacrifices. Aux autres, à ceux qui vivent des revenus de leurs capitaux et de l'exploitation des premiers, on réserve toutes les faveurs et toutes les protections. C'est d'ailleurs pour qu'une petite minorité de patrons, de propriétaires d'entreprises et d'actionnaires puisse s'enrichir toujours plus qu'on impose des sacrifices à la majorité de la population.
Villepin et Borloo, son ministre dit « de l'Emploi », se disputent la paternité de cette prétendue baisse du nombre de chômeurs dans des statistiques truquées. Mais ces stages de formation, ces contrats d'apprentissage, tout ce qu'ils appellent les « emplois aidés », n'aident que les patrons qui bénéficient de baisses de charges ou de fiscalité.
Malgré ces aides, le chômage ne baisse pas pour la simple raison que les patrons empochent cet argent au détriment du budget de l'Etat ou de celui de la Sécurité sociale l'ajoutent à leurs profits, tandis qu'ils n'embauchent que le minimum qui leur permet de faire tourner leurs entreprises en intensifiant le travail.
Mais, enfin, il y a au moins un de ces types de contrats dont le gouvernement ne se vante plus : le CPE. Il n'était qu'un des nombreux contrats précaires qui, tous, foulent aux pieds ce qui dans la législation du travail protège un peu les travailleurs. Mais, à la différence des autres, dont son frère jumeau, le CNE, le gouvernement a été obligé de reculer devant la mobilisation de la jeunesse étudiante. Eh bien, tant mieux, et bravo les jeunes !
Mais, toutes les propositions qui ont été faites par la gauche, pendant le mouvement contre le CPE ou depuis, se placent sur ce même terrain des « emplois aidés », où l'Etat paye une grande partie de ce que devrait payer l'employeur.
Le chômage est catastrophique depuis un quart de siècle au bas mot. Une génération ! Et, depuis, tous les dirigeants politiques, ceux de la droite comme ceux de la gauche, débordent d'imagination pour inventer sur le papier ou dans les discours de nouvelles formules dites anti-chômage, accompagnées surtout de nouvelles mesures incitatives, et pas du tout contraignantes, sauf pour les chômeurs !
Mais le patronat n'est pas plus sensible aux discours qu'à la misère croissante dans les quartiers populaires. Il n'est guidé que par une seule chose : par sa froide logique à lui, celle du profit maximum.
Toutes les mesures incitatives ne sont et ne peuvent être que tromperie ! Il n'y a pas d'autre façon de combattre le chômage que d'obliger le patronat à maintenir les emplois et à en créer de nouveaux en diminuant l'exploitation et pour financer cela, il faut prendre sur les profits des entreprises.
Pas de raison que le produit des entreprises soit monopolisé par une minorité. Les travailleurs ont aussi des droits sur ce qu'ils ont produit, sur les milliards accumulés par Michelin, Peugeot, Renault ou Total. Ils sont en réalité les seuls qui devraient y avoir droit. Le profit est réalisé avec la sueur, avec la peau de ceux qui produisent, les actionnaires sont des parasites.
Il est scandaleux que pas le moindre centime de cette richesse ne soit consacré à sauver le travail, le salaire et la vie de ceux qui l'ont créée ! Il est scandaleux que des privilégiés encaissent tout, pendant que la société crève du chômage. Ce scandale permanent de cette société ne disparaîtra que sous la contrainte, et sans attendre la bonne volonté de la part de ceux qui en profitent.
Le montant total des profits des 40 plus grandes entreprises cotées en Bourse est de plus de 83 milliards d'euros. Cette somme, dont la part essentielle est distribuée aux actionnaires et le reste gaspillé dans les bagarres entre groupes industriels pour se racheter les uns les autres, permettrait de verser un salaire de 1.500 euros, augmenté des charges patronales, à trois millions cent mille personnes. Les 1.500 euros mensuels équivalent au Smic actuel augmenté de 300 euros, sans attendre cinq ans.
Et qu'on ne nous dise pas qu'il ne suffit pas de disposer de quoi financer les salaires, encore faut-il créer des emplois ! Comme s'il ne manquait pas des centaines de milliers d'emplois non seulement utiles mais indispensables dans les services publics ! Combien de personnel manque-t-il dans les hôpitaux, dans les maisons de retraite, dans les crèches et garderies ? Combien d'agents manquent dans l'enseignement, à commencer par les écoles maternelles et primaires, pour assurer un enseignement valable à tous, en particulier aux enfants des classes populaires ? Combien d'emplois producteurs de valeurs pourrait-on créer pour construire les logements sociaux qui manquent ? Et combien d'emplois manquent dans les transports collectifs ?
Et puis, au-delà des services publics, des emplois pourraient et devraient être créés dans les entreprises elles-mêmes. Pour donner du travail à tous, il faut répartir le travail entre tous, sans diminution de salaire. On est aujourd'hui dans une situation irrationnelle, stupide et humainement inacceptable. D'un côté, dans les entreprises, on augmente sans cesse les cadences de travail, on grignote les temps de pause, on use les travailleurs jusqu'aux limites morales et physiques, et pas seulement sur les chaînes de production mais même aux caisses de supermarchés ou sur les plateformes téléphoniques, et d'un autre côté, des centaines, des millions de travailleurs sont privés d'emploi et ne peuvent être utiles à la société !
Plutôt que de jeter les aumônes de l'allocation chômage ou du Rmi à ceux qui n'ont pas de travail pour les empêcher de crever de faim dans un des pays les plus riches du monde, il faut répartir le travail entre tous en assurant à chacun un salaire correct ! Ce serait infiniment plus rationnel et plus humain, Mais c'est la solution qu'aucun gouvernement n'envisagera jamais car tous sont des serviteurs, de loyaux gestionnaires de la bourgeois, et pour tous, le profit est sacré !
La droite et la gauche gouvernementales diffèrent un peu par leurs langages respectifs, par certains aspects de leur politique. Mais sur cette question, elles sont profondément, fondamentalement d'accord : il ne faut pas toucher aux profits, il ne faut pas toucher aux revenus de la grande bourgeoisie.
Les annonces de profits exceptionnels de la part des plus grandes entreprises de ce pays se succèdent sans discontinuer. pourtant, aucun des dirigeants politiques, ni ceux qui assurent le gouvernement aujourd'hui ni les dirigeants du PS qui sont en train de rédiger leur programme électoral, n'ose affirmer qu'il faut une augmentation conséquente de l'impôt sur les bénéfices des entreprises qui est aujourd'hui au taux ridiculement bas de 33 %. Pourtant, cette proposition n'a rien de révolutionnaire. Cet impôt était de 50 % sous De Gaulle, sous Pompidou, sous Giscard, qui n'étaient pas des bolchéviks au couteau entre les dents !
Il n'y a de solution à aucun des problèmes fondamentaux du monde du travail, le chômage et les bas salaires, sans puiser dans les profits patronaux ! Tout le reste n'est que poudre aux yeux !
Depuis plusieurs semaines qu'a éclaté l'affaire Clearstream, le PS concentre ses attaques contre la droite sur cette sombre affaire. Oh oui, la puanteur qui se dégage de cette affaire est bien significative des moeurs de ceux qui nous gouvernent. Elle lève, aussi, un coin du voile sur les liens étroits entre les dirigeants politiques et les milieux d'affaires, entre les grands patrons et les ministres. Mais, pour ce qui est de l'affaire Clearstream elle-même, qu'est-ce que cela peut faire aux travailleurs que Villepin ait tenté une manipulation contre Sarkozy ou que Sarkozy ait réussi à retourner la manoeuvre contre Villepin ? Ces gens-là, s'ils sont capables, dans leur rivalité pour le pouvoir, de tous les coups tordus les uns contre les autres, gouvernent cependant ensemble, en accord parfait sur toutes les meures contre les classes populaires.
Et comment croire en l'indignation des dirigeants du PS qui réclament la démission de Villepin, quand ce n'est pas la démission de Chirac ? Mais, enfin, Chirac a été élu aussi avec les voix du PS et du PCF ! Fort de ses 82 % de votes au deuxième tour de la présidentielle de 2002, Chirac a eu la caution morale de quatre électeurs sur cinq pour porter aux travailleurs tous les mauvais coups qu'il voulait. Il a pu s'entourer des ministres qu'il voulait, constituer des gouvernements parmi les plus réactionnaires que le pays ait connus, laisser Sarkozy jouer les terreurs de banlieue avec un vocabulaire volé à Le Pen. Pourquoi se gêner, puisqu'il avait l'investiture, non seulement de son camp, la droite, mais aussi du PS et du PC ?
Alors, lorsque, à l'approche des élections, les dirigeants du PS s'indignent des sales « affaires » de l'équipe au pouvoir, de Clearstream à l'amnistie de Guy Drut, il faut se souvenir qu'ils se sont alignés honteusement derrière un homme de droite déconsidéré, en mentant lorsqu'ils prétendaient que c'était le seul moyen d'éviter que Le Pen soit élu au second tour. Ils savaient tous que Le Pen n'avait aucune chance et que Chirac aurait été largement élu avec les seuls votes de la droite.
Leur mensonge visait à éviter toute explication, tout examen critique de leur propre politique, toute remise en cause de leurs responsabilités, durant les cinq ans du gouvernement Jospin. Car, si Jospin n'était pas présent au deuxième tour, c'est parce que le gouvernement de gauche avait déçu son propre camp, son propre électorat, au point que le PS perde deux millions et demi de voix, et le PC, un million et demi, soit quatre millions au total.
Ce refus de la gauche d'examiner la politique menée pendant les cinq ans de Jospin, nous concerne directement, aujourd'hui. Ses dirigeants ne veulent pas réexaminer les cinq ans de gouvernement Jospin et dire clairement quelles mesures auraient dû être prises et les mesure qu'au contraire il n'aurait pas fallu prendre, pourrait passer aujourd'hui, dans la perspective des élections de 2007, comme non seulement des consignes du passé, mais des engagements pour l'avenir.
Le PS veut revenir au pouvoir, flanqué des Verts et du PC et de tous ceux qui sont prêts à cautionner sa politique, mais sans aucun engagement sérieux vis-à-vis du monde du travail ! Sans engagement de toucher aux profits patronaux pour atténuer un tant soit peu les difficultés du monde du travail !
Ils peuvent promettre de porter le Smic à 1.500 euros en cinq ans mais c'est à peine au-dessus de l'augmentation moyenne de ces dernières années.
Ségolène Royal a laissé le vernis craquer et a montré que, derrière le sourire n'apparaît que le langage de Sarkozy. En cela, elle est digne des grands ancêtres de la SFIO.
Digne de Jules Moch, ministre socialiste de l'Intérieur, qui en 1948 organisa la répression contre les mineurs en grève. Avec, évidemment, l'aide de l'armée.
Digne de Guy Mollet, président du Conseil, qui rappela les jeunes qui venaient d'être libérés du service militaire pour les envoyer en Algérie aggraver la répression.
Et Ségolène compte aujourd'hui sur l'armée pour encadrer les jeunes des banlieues et leur apprendre à vivre de la manière dont les bourgeois voudraient les voir : obéissant, marchant au pas et, au besoin, réprimant en brûlant et en tuant, mais sur ordre et qui on leur dit.
Mais la politique de la droite au pouvoir est tellement opposée aux intérêts des classes populaires d'un côté, et de l'autre elle s'enfonce tellement dans les affaires multiples au point de dégoûter une partie de son propre électorat, qu'on dirait que Chirac, Villepin, Sarkozy et consorts font la campagne du PS, à moins que ce ne soit celle de Le Pen.
Aussi il se peut qu'aux prochaines élections de 2007, présidentielle et législatives, la gauche l'emporte.
Mais c'est justement pour cela qu'il faut que soit défendue, dans cette campagne, une politique correspondant aux intérêts politiques et sociaux du monde du travail, à ses exigences vitales. Nous dénoncerons la politique du gouvernement actuel mais sans équivoque, pas comme le font les socialistes. En effet, nous ne voulons pas propager la moindre illusion vis-à-vis de la gauche gouvernementale, que ce soit la gauche qui a dit « oui » au référendum sur la Constitution européenne ou que ce soit la gauche du « non » car les dirigeants de ces deux gauches ont gouverné ensemble sous Jospin et ne demandent qu'à gouverner encore ensemble si la droite perd les élections de 2007.
Nous insisterons sur le fait que la gestion capitaliste des entreprises, menée dans le secret des conseils d'administration en fonction de la seule rentabilité financière, est non seulement catastrophique pour les travailleurs mais aussi pour toutes les autres couches populaires, et même pour toute la société. Même l'écologie est une diversion si l'on ne s'en prend pas à la gestion des grandes entreprises car de la pollution, ce sont elles qui en décident.
Et, en conséquence, nous continuerons à défendre l'idée qu'il est vital pour toute la société que les salariés, les consommateurs et la population aient accès au jour le jour à toute la comptabilité des grandes entreprises et qu'il faut pouvoir rendre publics à l'avance les projets en cours, comme à long terme, de toutes les grandes entreprises. Les profits accumulés dans les entreprises, comme le fonctionnement de ces dernières, doivent être sous le contrôle de toute la société, et pas seulement des conseils d'administration qui représentent une infime minorité.
Et, bien sûr, nous continuerons à populariser le« plan d'urgence » que nous n'avons jamais cessé de défendre :
- interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits et imposer le maintien des emplois en défalquant des profits les sommes nécessaires ;
- imposer une augmentation de 300 euros de tous les salaires :
- mettre fin aux contrats précaires ;
- il faut rétablir l'impôt sur les bénéfices des sociétés à 50 % au moins et augmenter de façon conséquente l'imposition sur les hauts revenus ;
- arrêter toute subvention, tout aide, au patronat sous quelque prétexte que ce soit, en consacrant l'argent ainsi économisé à embaucher du personnel dans les hôpitaux, dans l'enseignement, dans un grand service public de construction de logements sociaux.
Bien entendu, nous ne dirons pas « voter pour nous pour que tout cela se fasse ». Et pas seulement parce que nous sommes conscients que seule une minorité votera pour ces objectifs.
Ce que nous dirons, c'est que ces objectifs sont vitaux pour que le monde du travail ne paye pas les dégâts de cette économie capitaliste poussive. Ces objectifs ne se réaliseront pas par la magie des résultats électoraux ou par des changements de majorité, mais par la lutte collective du monde du travail.
Mais l'élection présidentielle permet au moins d'être entendu par un public large. Et le vote lui-même, s'il ne permet pas de changer les choses, permet au moins de se prononcer par son bulletin sur les objectifs que nous défendrons afin qu'ils puissent devenir ceux des luttes ouvrières de demain !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 19 juin 2006
Allocution du dimanche 4 juin 2006
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
La droite au pouvoir, les Chirac, Villepin et Sarkozy sont d'autant plus ouvertement anti-ouvriers que leur électorat se recrute parmi les privilégiés grands et petit de cette société. Et, pour tous ceux qui vivent de l'exploitation, la musique que leur joue la droite au pouvoir est celle qu'ils aiment entendre.
Ils aiment entendre qu'en France, on ne travaille pas assez quand bien même l'intensité du travail est telle dans les entreprises que celles-ci passent aux yeux des investisseurs de toute provenance pour particulièrement rentables. Même la loi des 35 heures, en contrepartie de laquelle le gouvernement Jospin avait donné tant d'avantages au patronat, la flexibilité, les subventions, passe quand même, aux yeux des bourgeois grands et petits, pour une catastrophe nationale.
Cet électorat de droite, haineux à l'égard des travailleurs aime aussi entendre que l'on part trop tôt en retraite. Et de citer l'exemple de pays où l'âge de départ en retraite est en voie d'être repoussé à 68 ans. On sait que, pourtant, avec le chômage, même à cinquante ans, on ne trouve plus d'emplois et que repousser l'âge de départ en retraite aboutit surtout à diminuer les pensions des retraités.
Et, sous prétexte de combattre le chômage des travailleurs de plus de 57 ans qui se retrouvent à l'ANPE, voilà que le gouvernement propose ce qu'il appelle un « CDD senior », un contrat précaire de plus, une sorte de CPE pour les anciens, qui ne créera d'emplois que s'il fournit au patronat une main-d'oeuvre mal payée, et ces emplois précaires seront offerts au détriment des emplois en CDI.
L'électorat de droite aime bien entendre qu'il y a trop de gens dans les services publics et qu'il faut diminuer leur nombre pour faire faire des économies à l'Etat quand bien même toute la population souffre de la dégradation des services publics, faute de personnel en nombre suffisant, dans les hôpitaux comme dans l'enseignement ou dans les transports publics. D'autant que l'argent économisé au détriment des usagers ne sert qu'à être distribué en aides et en subventions au grand patronat et à enrichir encore plus les possédants qui ne font rien d'utile pour la société.
Oui, la droite au pouvoir peut s'attaquer d'autant plus ouvertement aux travailleurs que les aspects anti-ouvriers de sa politique sont largement approuvés par son électorat, comme est largement partagé son langage réactionnaire.
C'est pour plaire à cet électorat, y compris à sa frange d'extrême droite qui lorgne vers Le Pen, que Sarkozy s'en prend aux travailleurs immigrés. Les grandes entreprises de production ne peuvent pas se passer des travailleurs immigrés. Sarkozy comme Le Pen le savent bien. Mais l'un comme l'autre essaient de faire de l'immigration un paravent pour cacher les vrais problèmes. Mais ce n'est pas l'immigration qui crée le chômage, ce qui le crée, c'est l'avidité du grand patronat !
L'électorat de droite applaudit aussi ce que le gouvernement appelle ses « réformes ». Mais ses réformes, ce sont toujours des mesures anti-ouvrières ! La « réforme des retraites » ? C'est l'amputation des pensions.
La « réforme de l'assurance maladie » ? C'est la diminution des remboursements et des droits.
La « réforme du code du travail » ? C'est enlever de la législation du travail le peu qui protège les travailleurs.
La « réforme du système hospitalier » et celle de l'Education nationale, c'est restreindre les moyens de l'un comme de l'autre.
Mais, à côté des aspects de la politique gouvernementale dont la présentation relève de la démagogie, il y a le fond. Ce fond est d'aider le grand patronat à faire face aux difficultés de sa propre économie et à augmenter ses profits au détriment de la classe ouvrière et, plus généralement, des classes populaires.
Depuis un quart de siècle, la classe capitaliste fait payer aux classes populaires la crise de son économie. Et les gouvernements ont beau changer, l'orientation politique fondamentale reste la même.
Car le problème fondamental, c'est que le grand patronat, les banques, les assurances, les groupes industriels français ou mondiaux détiennent tous les leviers de l'économie et exercent sur la société une dictature absolue. On convie périodiquement la population à élire des représentants dans une multitude d'institutions, des municipalités à la présidence de la république, en passant par les conseils généraux et régionaux, ou par le parlement, qu'il soit national et même européen. Mais toutes ces institutions n'ont aucune prise sur le droit des conseils d'administration des grandes sociétés capitalistes de faire ce qu'elles veulent dans les secteurs économiques qu'elles contrôlent, de produire ce qu'elles veulent, c'est-à-dire ce qui leur rapporte, ou, au contraire, de ne pas produire mais de spéculer, de fermer des entreprises ou de menacer de le faire simplement pour augmenter la valeur de leurs actions en Bourse. Ce sont ces conseils d'administration, ce sont les Bouygues, Lagardère, Dassault ou Arnault qui détiennent le véritable pouvoir dans cette société. Les autres, ceux qu'on élit, ne sont là que pour faire croire que nous sommes en démocratie et que c'est le peuple qui décide. Ils sont là pour gérer loyalement les affaires de la bourgeoisie et pour justifier avec des arguments politiques toutes les mesures qu'ils prennent en faveur des possédants.
Voilà pourquoi il est vain pour les travailleurs d'espérer qu'en votant bien ils pourront changer leurs conditions d'existence.
Bien sûr, devant les attaques répétées du gouvernement actuel, nombre de travailleurs se disent qu'avec la gauche, cela ne peut pas être pire. Mais même si les attaques contre les classes populaires ne s'aggravent pas, rien qu'en se prolongeant, ce sera de pire en pire. La seule façon d'arrêter la dégradation des conditions d'existence du monde du travail, c'est de s'en prendre au grand patronat, à la richesse de la bourgeoisie. C'est de répartir autrement la richesse qui est produite. Mais la gauche au gouvernement ne le fera pas plus que la droite !
Aussi loin qu'on remonte dans le passé, les travailleurs n'ont obtenu ne serait-ce qu'un répit dans cette société basée sur l'exploitation qu'en se faisant craindre. Et cette année où l'on commémore juin 36, il est utile de rappeler que ce qui a fait reculer à l'époque le grand patronat, c'était la grève générale, c'étaient les occupations d'usines, c'était la trouille profonde des bourgeois que la montée de la révolte ouvrière leur fasse perdre tout : leurs usines, leurs propriétés, leurs capitaux et jusqu'au droit de continuer à prospérer par l'exploitation. Et si le gouvernement socialiste de l'époque, soutenu, déjà, par le PC, a fait quelques concessions aux travailleurs, les congés payés et une augmentation des salaires, ce n'est pas par générosité, mais pour sauver la mise aux possédants ! Ce n'est pas l'élection du Front populaire qui a changé la donne en juin 36, c'est l'action collective de la classe ouvrière. Eh oui, c'est la seule voie pour changer le sort des travailleurs !
Alors, il ne faut pas attendre de ces élections ce qu'elles ne peuvent pas donner.
Le PS, on l'a vu au pouvoir au cours du quart de siècle écoulé, à peu près aussi longtemps que la droite, sans que son passage ait marqué un recul dans l'aggravation des conditions des travailleurs.
Le PC, aujourd'hui dans l'opposition, se permet un langage plus radical. Il reprend à son compte certaines exigences venant des classes populaires. Mais le PC ne propose pas d'autres perspectives politiques que de participer au gouvernement. Et l'éventuel gouvernement socialiste de 2007, quel qu'en soit le dirigeant, sera un gouvernement qui ne s'attaquera pas aux monopoles, aux énormes profits. Alors, l'agitation actuelle du PC et les discours de ses dirigeants sont bons pour la campagne électorale. Mais, une fois au gouvernement, c'est le PS qui décidera. Il en a été ainsi lors de la participation des ministres communiste pendant trois ans au gouvernement Mauroy puis, récemment, pendant cinq ans au gouvernement Jospin. Il en sera ainsi la prochaine fois, quelles que soient les explications du PC pour justifier la présence de ces ministres dans un gouvernement dirigé par le PS.
Le PC justifie sa participation au gouvernement en prétendant que ses ministres peuvent peser sur la politique du gouvernement. Et pendant sa campagne électorale, il demande à l'électorat de gauche de lui accorder le plus de voix possible en affirmant que plus son assise électorale sera large, plus ses ministres auront de poids. Mais, c'est en tenant ce langage-là, en prétendant devant l'électorat populaire que le seul débouché politique possible était un gouvernement socialiste avec la participation des ministres communistes que le PC a usé son crédit et perdu, d'élection en élection, une part supplémentaire de son électorat.
Car jamais au gouvernement, le PC n'a été en situation de peser sur la politique menée. Il n'a fait que cautionner devant les travailleurs cette politique, y compris dans ses aspects les plus anti-ouvriers.
A l'approche de l'année électorale 2007, le PC est préoccupé, plus encore que par la présidentielle, par les législatives qui seront organisées dans la foulée. Ou, plus exactement, la position du PC pour l'élection présidentielle est subordonnée à ce marchandage avec le PS pour les législatives. De recul en recul, le PC se retrouve en effet dans une situation telle que sa seule chance d'avoir quelques députés et, à plus forte raison, un groupe parlementaire dépend d'une entente avec le PS. Même son langage plus revendicatif, sa politique moins sectaire envers l'extrême gauche, voire ses oeillades dans cette direction, ses discours unitaires vis-à-vis des formations sur la gauche du PS sont en réalité subordonnés à cet objectif. Tout cela ne durera que le temps que le PC puisse passer à ce qu'il considère comme la seule chose sérieuse, c'est-à-dire pouvoir négocier avec le PS.
Mais dans le marchandage avec le PS, il ne dédaigne pas de pouvoir prétendre parler non seulement en son propre nom, mais aussi plus largement au nom d'associations diverses et multiples et de formations situées sur sa gauche. D'où la partie de poker menteur qui se déroule actuellement à la gauche de la gauche au sujet de l'éventualité d'une candidature unitaire à l'élection présidentielle de 2007.
Eh bien, pour notre part, nous ne participons pas à ce jeu-là et nous n'avons pas l'intention d'y participer. D'abord parce que nous ne pensons pas que le regroupement par exemple de ceux qui, à gauche, ont fait voter « non » au référendum sur la Constitution européenne soit possible, et encore moins que cela puisse ouvrir une perspective politique pour les travailleurs.
Nous avons bien sûr appelé à voter « non » à ce référendum mais sans avoir jamais dit que ceux qui en ont fait autant sont devenus des amis des travailleurs. Le « non » de gauche a regroupé, certes, l'extrême gauche et le PC, mais aussi l'ancien Premier ministre socialiste Fabius et quelques ministres de Jospin qui n'ont jamais fait autre chose, qui n'ont jamais aspiré à autre chose, qu'à gouverner au service de la bourgeoisie.
Et même Marie-George Buffet, dirigeante de la formation qui s'offre en ce moment comme le pivot éventuel d'un rassemblement à la gauche de la gauche, a été ministre pendant les cinq ans du gouvernement Jospin sans avoir jamais élevé la voix contre la politique de celui-ci.
Même si un tel regroupement à la gauche de la gauche avec une candidature unique à la présidentielle se faisait, il se rallierait au deuxième tour au candidat socialiste, et il n'aurait servi que de ramasse voix pour celui-ci. Nous n'avons nullement l'intention de cautionner une telle opération.
De toute façon, que tous ceux qui sont ou prétendent être sur la gauche du PS soient unis ou séparés, ils n'ont évidemment aucune chance, tout comme moi, d'être élus. Alors, autant que chacun défende ses positions, le plus clairement possible, sans noyer ses idées dans une bouillie pour chat où, à force de ne vouloir vexer personne, on ne dit plus rien ! Que chacun exprime ses positions, et ce sera aux électeurs de choisir !
Car les élections ne sont pas seulement faites pour élire le président de la République ou des députés mais aussi pour s'exprimer en s'adressant à l'ensemble du corps électoral. Et pour ce qui nous concerne, défendre ainsi devant l'ensemble du pays les classes exploités. Et ce que nous avons à dire ne sera dit par personne d'autre, et surtout pas par un candidat de compromis.
Alors, oui, nous nous présenterons à l'élection présidentielle pour faire entendre les intérêts politiques du camp des travailleurs. Nous nous présenterons pour dire qu'on ne peut pas améliorer le sort des travailleurs ni même empêcher la dégradation continue de leurs conditions d'existence sans puiser dans les profits patronaux qui sont, depuis plusieurs années, d'un niveau sans précédent.
Les échanges de propos au sommet du PS, suite aux déclarations de Ségolène Royal, sont révélateurs. Même ceux qui, comme Martine Aubry, Jack Lang, Dominique Strauss-Kahn et quelques autres, s'en prennent au langage quasi sarkozyste de Ségolène Royal, discutent uniquement sur le thème qu'est-ce qu'il vaut mieux : mettre les adolescents devenus délinquants en maisons de redressement sous direction militaire, ou les mettre en prison ?
Vous parlez d'un choix ! Vous parlez d'une perspective pour les jeunes ! Et tout cela, comme les autres mesures honteuses proposées par Ségolène Royal, la mise sous tutelle, par exemple, des allocations familiales pour les parents prétendument défaillants, est destiné à masquer la défaillance de l'Etat lui-même !
Il est évidemment plus facile de s'en prendre aux parents de milieu populaire, de les rendre coupables de n'avoir pas su élever correctement leurs enfants, ce dont ils n'ont bien souvent ni les moyens ni la possibilité que de faire en sorte que l'Etat, que l'Education nationale jouent leur rôle et prennent en main correctement l'éducation des enfants des classes populaires dès l'école maternelle. Et, bien sûr, il est plus facile de s'en prendre aux pauvres qu'à la pauvreté, qu'au chômage, qu'à l'abandon matériel et culturel des quartiers populaires.
Mais, pour que l'Etat puisse donner à l'Education nationale tous les moyens qui lui manquent, il faudrait consacrer de l'argent à cela, plutôt que d'aider le grand patronat, plutôt que de semer à tous vents des milliards en dégrèvements fiscaux, en diminutions de charges sociales ou en subventions. Le patronat les empoche pour augmenter ses profits mais tout cela ne sert à rien pour la société et ne sert qu'à enrichir un peu plus les actionnaires.
Alors oui, si nous dénoncerons dans cette campagne le gouvernement et la droite au pouvoir, nous dirons aussi le plus clairement possible que la gauche, si elle revient au pouvoir, ne fera guère mieux. Mais, surtout, nous avons l'intention de défendre des objectifs dont la satisfaction réponde aux besoins les plus vitaux du monde du travail.
Ces points vitaux pour les travailleurs, mais vitaux aussi pour empêcher la décomposition de la société, je les ai énumérés hier et je les rappelle aujourd'hui.
- la gestion capitaliste des entreprises, menée dans le secret des conseils d'administration en fonction de la seule rentabilité financière, est catastrophique pour toute la société. Il est vital pour toute la société que les salariés, les consommateurs et la population aient accès au jour le jour à toute la comptabilité des grandes entreprises et qu'il faut pouvoir rendre publics à l'avance les projets en cours, comme à long terme, de toutes les grandes entreprises. Les profits accumulés dans les entreprises, comme le fonctionnement de ces dernières, doivent être sous le contrôle de toute la société, et pas seulement des conseils d'administration qui représentent une infime minorité ;
- il faut interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits et imposer le maintien des emplois en défalquant des profits les sommes nécessaires ;
- imposer une augmentation de 300 euros de tous les salaires ;
- mettre fin aux contrats précaires ;
- il faut rétablir l'impôt sur les bénéfices des sociétés à 50 % au moins et augmenter de façon conséquente l'imposition sur les hauts revenus ;
- arrêter toute subvention, tout aide, au patronat sous quelque prétexte que ce soit, en consacrant l'argent ainsi économisé à embaucher du personnel dans les hôpitaux, dans l'enseignement, dans un grand service public de construction de logements sociaux.
Ces revendications, nous les défendons en permanence depuis des années. Les élections à venir nous donnent les moyens de les populariser à une échelle bien plus large. Et, surtout, l'élection présidentielle se déroule dans l'ensemble du pays, ce qui permet à tous ceux qui sont d'accord avec ces objectifs de l'exprimer.
Quels que soient le président de la république ou la majorité parlementaire qui sortiront des élections, les travailleurs devront de toute façon se battre pour imposer leurs revendications. Mais par leurs votes, ils peuvent exprimer leur volonté que ces objectifs soient ceux des luttes ouvrières de demain.
Nous combattons tous ceux qui prétendent que les élections peuvent remplacer les luttes ouvrières parce que c'est un mensonge, parce que c'est tromper les travailleurs. Mais nous disons que plus nombreux sont ceux qui diront, avec nous, quels sont les objectifs qu'il est indispensable d'imposer à la bourgeoisie pour arrêter la dégradation du sort des travailleurs, plus cela préparera sur le terrain politique les luttes de demain !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 19 juin 2006
Allocution du lundi 5 juin 2006
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Je voudrais, aujourd'hui, plus spécialement saluer la présence de groupes révolutionnaires venus de différents pays. Certains de ces camarades partagent complètement nos idées et militent sur cette base dans leurs pays respectifs. D'autres ne les partagent pas. Mais tous peuvent défendre librement leurs idées et en débattre, comme ils peuvent présenter leur presse dans les stands que nous mettons à leur disposition. Notre fête est aujourd'hui la plus importante fête d'extrême gauche de ce pays et probablement d'Europe. Nous avons l'habitude d'y assurer des débats démocratiques et des échanges d'idées.
Nous avons aussi toujours placé notre fête sous le signe de l'internationalisme. Notre internationalisme n'a pas pour base la seule solidarité mais la conviction profonde que l'organisation sociale future pour laquelle nous militons, la société communiste, ne peut être réalisée qu'à l'échelle internationale.
L'économie est mondialisée depuis bien longtemps, et ceux qui prétendent combattre les dégâts du capitalisme au nom de la lutte contre la mondialisation se trompent de combat, même lorsque leurs motivations sont sincères. Le vrai combat doit être pour une société définitivement débarrassée du marché, du profit, de la propriété privée, de l'exploitation et de l'oppression, des crises économiques et des guerres. Une telle société ne pourra être que mondialisée.
Oui, les liens économiques d'aujourd'hui se tissent à l'échelle mondiale. Ce dont souffre aujourd'hui la société, ce n'est pas de la mondialisation, mais de la dictature d'un nombre restreint de groupes industriels et financiers, en concurrence les uns avec les autres. Ce dont elle souffre, c'est que toute l'activité économique, toutes les immenses possibilités scientifiques, technologiques et productives de la société, soient subordonnées à la recherche du profit par une petite minorité qui contrôle les richesses du monde et les moyens de les produire.
La mondialisation, elle, c'est la marche vers l'avenir mais qui ne pourra permettre une nouvelle période d'épanouissement de la société qu'à la condition qu'au lieu de subir les lois aveugles du marché, l'humanité puisse enfin maîtriser consciemment sa propre activité productive pour assurer à chacun selon ses besoins.
Parmi les nombreuses manifestations du cours réactionnaire des choses aujourd'hui, il y a le repliement communautaire à l'intérieur de sociétés ou le repliement sur les Etats nationaux de plus en plus fragmentés.
En Europe, la décomposition continue de la Yougoslavie fait qu'il y a aujourd'hui six petits Etats là où il n'y en avait qu'un, déjà de taille moyenne. Cela pourrait traduire la volonté de petits peuples d'accéder à des droits nationaux et représenter un pas en avant démocratique pour des minorités nationales. Malheureusement, ce n'est pratiquement jamais le cas et, au lieu de libérer les minorités, on les multiplie pour le seul profit de clans politiques pour qui, derrière des slogans vantant leur nation, il y a surtout la volonté de mettre leur propre peuple en coupe réglée.
Face au repliement communautaire, nous continuons à défendre l'idée que les travailleurs de toutes origines doivent s'unir sur la base de leurs intérêts de classe pour s'opposer plus efficacement au patronat. Et face au repliement nationaliste, tout en défendant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, nous continuons à défendre cette idée qui est la conclusion du Manifeste communiste de Marx : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ».
Le capitalisme, c'est l'exploitation des travailleurs, oui, mais c'est aussi l'impérialisme, la domination de la bourgeoisie d'un nombre restreint de pays développés sur le restant de la planète. Le capitalisme, c'est le creusement des inégalités à l'intérieur de la société de chaque pays, entre une petite minorité de possédants et la majorité travailleuse de la population, oui. Mais c'est aussi le creusement des inégalités entre pays par le pillage des pays pauvres par la bourgeoisie des pays riches. Et ce sont aussi les guerres pour protéger l'ordre impérialiste mondial.
On prétend que les soixante dernières années, qui nous éloignent de la Deuxième Guerre mondiale, constituent une longue période de paix. Mais les guerres n'ont jamais cessé sur la planète !
Que signifie le mot « paix » pour la population d'Irak ou celle d'Afghanistan ? Et il faut rappeler que si, en Irak, l'impérialisme français a refusé de participer à l'aventure militaire initiée par l'impérialisme américain, il n'en va pas de même en Afghanistan où des militaires français participent à une guerre dont on dit qu'elle est menée contre les fanatiques réactionnaires talibans mais dont la victime est en réalité la population afghane.
Et notre impérialisme participe au concert des nations impérialistes qui menacent l'Iran parce que les dirigeants de celui-ci revendiquent des droits, dont les nations impérialistes veulent conserver le quasi monopole, comme la maîtrise de la filière nucléaire.
Les mêmes puissances qui menacent l'Iran pour justifier leurs pressions brandissent devant les peuples le danger nucléaire. Les dirigeants de l'Iran exercent une dictature réactionnaire sur leur peuple mais, à ce qu'on sache, la seule puissance, assez irresponsable de l'avenir de l'humanité pour s'être servie de l'arme nucléaire, ce sont les Etats-Unis ! Et la quasi-totalité des essais nucléaires sont le fait de trois puissances impérialistes, dont la France.
Et que signifie le mot « paix » pour le peuple palestinien à qui on dénie depuis toujours le droit à l'existence nationale ? Depuis bien des années, les territoires palestiniens de la Cisjordanie à Gaza sont transformés en une multitude de territoires, divisés géographiquement et transformés en autant de camps de concentration. Mais aujourd'hui, cela se matérialise clairement par la construction d'un mur, enfermant la population palestinienne et la laissant au chômage et dans la misère.
Depuis que le Hamas est arrivé au pouvoir, l'Etat d'Israël soutenu par les grandes puissances resserre encore l'étau autour du peuple palestinien, en refusant à l'Autorité palestinienne même le peu de rentrées financières lui permettant d'avoir un minimum d'existence. Eux qui prétendent défendre la démocratie ont décidé d'affamer toute la population palestinienne pour la punir d'avoir voté pour le Hamas. L'Etat d'Israël et les grandes puissances qui le protègent témoignent d'un cynisme monstrueux lorsqu'ils reprochent au peuple palestinien d'avoir, comme ils disent, bloqué le processus de paix en portant au pouvoir par les élections une organisation intégriste. La seule paix qu'Israël et les grandes puissances offrent depuis soixante ans au peuple palestinien, c'est la paix des prisons, c'est la paix de l'oppression.
Mais le pire, c'est que c'est surtout pour le peuple palestinien que l'arrivée au pouvoir de cette organisation réactionnaire qu'est le Hamas représente un drame immense. C'est l'aboutissement ultime de toute une politique dans laquelle ses propres dirigeants ont enfermé un peuple qui montre tant de courage, tant de combativité, et depuis tant d'années, contre l'oppression qu'il subit. Les classes populaires de Palestine qui portent ce combat avaient au début de leur révolte d'immenses possibilités de se faire entendre des opprimés de la région, de se faire entendre de ceux du Liban, d'Egypte, de Syrie, de Jordanie, et au-delà, de tout ce Moyen-Orient où il n'y a pas que l'Etat d'Israël qui représente l'ordre impérialiste, mais aussi la monarchie d'un autre âge d'Arabie saoudite, les dictatures de Syrie ou d'Egypte ou les émirats d'opérette du Golfe. Le peuple palestinien avait la possibilité, la capacité, d'être le moteur d'une révolte générale des classes exploitées du Moyen-Orient, ayant la force d'imposer des changements réels sur le terrain des droits démocratiques, des droits des femmes, mais aussi sur le terrain social. Mais les dirigeants nationalistes de l'époque, même ceux qui se revendiquaient du progressisme ou du socialisme, n'ont pas voulu de cela. Ils ont limité leur combat au seul cadre palestinien en empêchant ainsi que la révolte des opprimés palestiniens soit contagieuse, qu'elle puisse déboucher sur des bouleversements dans toute la région, comme elle avait commencé à le faire au Liban.
C'est l'impérialisme, c'est Israël, qui sont responsables de l'oppression du peuple palestinien. Mais c'est toute la politique nationaliste antérieure qui vient de produire son dernier avatar avec l'arrivée du Hamas au pouvoir. Et du face à face entre un Etat d'Israël enfermé dans la politique sioniste et une Palestine soumise aux intégristes du Hamas, il ne peut résulter que des souffrances pour le peuple palestinien surtout, mais aussi pour le peuple israélien. Car, on ne le répétera jamais assez : un peuple qui en opprime un autre ne peut pas être libre.
En Irak, en Afghanistan ou en Palestine, c'est l'impérialisme américain qui joue un rôle majeur dans la guerre contre les peuples. Mais ce qui vient de se passer au Tchad cette année, comme ce qui s'est passé en Côte-d'Ivoire l'année précédente, nous rappelle qu'à son échelle notre impérialisme, l'impérialisme français, continue à jouer le même rôle en Afrique. Il continue à s'imposer dans son ancien empire colonial, à soutenir des dictatures infâmes et à les armer contre leurs propres peuples. Parce que pour pauvre que soit sa population, les grands groupes capitalistes, les Bolloré, Bouygues et bien des banques, trouvent encore le moyen de continuer à piller l'Afrique et à exploiter ses habitants.
Ceux qui essaient de fuir la misère vers l'Europe où ils ont l'illusion qu'ils trouveront du travail trouvent sur leur chemin des barbelés dont l'Europe s'entoure de plus en plus. Et ceux qui parviennent à les franchir trouvent de l'autre côté Sarkozy et ses semblables des autres Etats d'Europe.
Il ne faut pas accepter cela. Le chômage, la dégradation du sort des travailleurs, n'ont rien à voir avec l'immigration. Seule la classe capitaliste et son avidité en sont responsables.
Alors, notre combat, c'est contre tout cela. Et tout cela, les guerres, l'oppression, la montée d'idées réactionnaires, sans oublier l'empoisonnement progressif de la planète par la pollution, est l'expression d'une organisation économique et sociale non seulement incapable de faire progresser l'humanité, mais dont le seul maintien est sans cesse responsable de nouveaux dégâts.
Une organisation économique, où les progrès scientifiques et techniques eux-mêmes creusent les inégalités au lieu de les résorber, est condamnée tôt ou tard à disparaître.
C'est précisément parce que nous nous revendiquons des idées communistes révolutionnaires que nous restons toujours dans le camp des travailleurs. Ce qui signifie de participer à leurs combats quotidiens petits et grands et surtout de défendre en toutes circonstances les intérêts politiques à court et à long terme de la classe ouvrière.
Les élections à venir l'année prochaine, présidentielle et législatives, sont un épiphénomène. Mais c'est une occasion de défendre devant un public large les objectifs politiques qui aujourd'hui correspondent aux exigences et aux aspirations des travailleurs et à leurs intérêts politiques.
Nous interviendrons dans cette campagne pour dénoncer le gouvernement de droite en place et sa politique anti-ouvrière et réactionnaire. Mais nous mettrons aussi en garde l'électorat populaire contre toute illusion à l'égard de la gauche dirigée par le PS. Car, si son langage diffère un peu de celui de la droite, le gouvernement qui résultera de l'éventuelle victoire de la gauche aux élections, n'osera pas s'en prendre aux profits patronaux et aux revenus de la bourgeoisie pour améliorer les conditions d'existence des classes populaires.
Nous utiliserons les moyens de communication à notre disposition pendant la campagne pour populariser les objectifs qu'il faudra imposer par la lutte pour que les travailleurs cessent de subir les dégâts de l'économie capitaliste et l'avidité de la bourgeoisie.
Comme je les ai répétés dans mes interventions d'hier et d'avant-hier, ces objectifs sont :
- Le contrôle des entreprises par leurs travailleurs, les consommateurs, la population.
En effet, la gestion capitaliste des entreprises, menée dans le secret des conseils d'administration en fonction de la seule rentabilité financière, est catastrophique pour toute la société. Il est vital pour toute la société que les salariés, les consommateurs et la population aient accès au jour le jour à toute la comptabilité des grandes entreprises. Il faut rendre publics à l'avance les projets de toutes les grandes entreprises. Les profits accumulés, comme le fonctionnement des entreprises, doivent être sous le contrôle de toute la société, et pas seulement des conseils d'administration qui représentent une infime minorité ;
- Il faut interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits et imposer le maintien des emplois en défalquant des profits les sommes nécessaires ;
- imposer une augmentation d'au moins 300 euros de tous les salaires ;
- mettre fin aux contrats précaires ;
- rétablir l'impôt sur les bénéfices des sociétés à 50 % au moins et augmenter de façon conséquente l'imposition sur les hauts revenus ;
- arrêter toute subvention, tout aide, au patronat sous quelque prétexte que ce soit, en consacrant l'argent ainsi économisé à embaucher du personnel dans les hôpitaux, dans l'enseignement et dans un grand service public de construction de logements sociaux.
Quels que soient le président de la république ou la majorité parlementaire qui sortiront des élections, les travailleurs devront de toute façon se battre pour imposer leurs revendications. Mais par leurs votes, ils peuvent exprimer leur volonté que ces objectifs soient ceux des futures luttes. Plus ils seront nombreux, plus cela aidera à préparer les luttes indispensables.
Alors, camarades et amis, bonne fin de fête, et retrouvons-nous dans les combats de demain !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 19 juin 2006