Texte intégral
P. Weill - Est-ce un évènement culturel, social, qui s'est produit hier soir sur TF1 à 20 heures ? H. Roselmack, journaliste noir, d'origine antillaise a présenté le journal. Il est le remplaçant de P. Poivre d'Arvor pendant tout l'été. Quand TF1 a annoncé ce choix, c'était juste après la crise des banlieues, que de commentaires ! Cela va-t-il permettre à des jeunes de couleur de mieux se sentir français ?
R - En tous les cas, cela va permettre à la France de mieux se sentir une France de la diversité, une France « brésilienne ». Quand on sait qu'il y a des millions de personnes qui regardent cette télévision et comme, récemment, ces millions de personnes ont vu les matchs de foot de la Coupe du monde et ont constaté que notre équipe était tout noire et belle, et qu'elle est arrivée en finale, et que, passé le match de foot, on regarde le reste des émissions à la télé, et notamment les émissions politiques où il n'y a pas un seul Noir, il n'y a que des Blancs, effectivement, il y a plus de gens qui ont tendance à penser que la France de la diversité permet à tout le monde de se sentir à la maison dans ce pays.
Q - Et quand vous arrivez au Palais Bourbon, vous voyez vos collègues députés, il n'y a pas beaucoup de Noirs !
R - C'est pire ! Ici, ce que l'on appelle la représentation nationale, n'est qu'une représentation d'une petite partie de la société française. Vous savez ce qui me marque le plus dans cette Assemblée nationale, quand j'y vais le mardi après-midi et le mercredi après-midi pour les Questions d'actualité ? Ce n'est pas qu'il n'y ait pas de Noirs ou d'Arabes, c'est qu'il n'y a pas de femmes. Et comme par hasard, là où il n'y a pas de Noirs, là où il n'y a pas d'Arabes, là où il n'y a pas d'Asiatiques, il n'y a pas de femmes. Donc le combat des femmes et le combat de ce que l'on appelle "les minorités visibles" est un combat commun.
Q - Vous faites un constat absolument catastrophique ce matin : à quoi servez-vous ?
R - Notamment à faire entrer cette diversité à France Inter et à Radio France, parce que vous non plus, vous n'êtes pas en avance sur ce terrain. A quoi je sers, justement...
Q - Donnez-moi des exemples concrets de ce que vous faites pour promouvoir cette égalité des chances, cette France de la diversité.
R - Est-ce que qu'il n'y a pas une coïncidence entre mon arrivée au Gouvernement, il y a treize mois et tous ces développement, toute cette diversité que l'on voit à la télévision, que l'on voit dans les entreprises ? Est-ce que vous pensez qu'il n'y a pas une coïncidence entre mon arrivée au Gouvernement et, dans dix mois, à l'Assemblée nationale, de nouvelles « gueules » qui vont faire leur entrée dans l'Hémicycle et qui vont vraiment représenter une France de la diversité ? Il y a six préfets à l'Egalité des chances, que nous avons nommés en février dernier dans les départements de la région marseillaise, lilloise et lyonnaise et parisienne, il y a une loi égalité des chances du 31 mars 2005, qui donne à la Haute autorité de lutte contre les discriminations, des pouvoirs de sanctions pécuniaires et administratifs très importants contre les empoisonneurs de la République, qui font de la sélection soit à l'entrée d'une discothèque, soit à l'entrée d'une agence de location immobilière, soit dans le travail. Il y a une loi qui oblige les chaînes de télévision à faire de la diversité, à refléter la diversité et à en rendre compte auprès du CSA chaque année. Il y a la légalisation du test à l'improviste. Il y a aujourd'hui 700 entreprises qui ont signé la charte de la diversité, dont Radio France, d'ailleurs, et qui oblige, au moment des recrutements, à faire attention, à voir si l'on recrute assez de femmes, assez de personnes handicapées, assez de seniors, assez de jeunes des quartiers. Tout cela, on l'a fait en treize mois, c'est énorme, c'est inédit, aucun autre gouvernement ne l'a fait avant nous.
Q - Le fait que cela ait été un tel évènement, H. Roselmack, hier soir, au 20 heures de TF1, un présentateur noir d'origine antillaise, c'est quand même le signe qu'en France, nous sommes extrêmement en retard. On n'assume pas notre diversité !
R - C'est clair. Quand je suis sorti dans la rue le 10 mai 1981 dans mon quartier de La Duchère, à Lyon, j'habitais avec mes potes et quand on nous a appris l'avènement de la France "Black, Blanc, Beur", j'étais content, j'ai dit "enfin, on va avoir une place dans cette société". Et quand je me retrouve 25 ans plus tard au banc des ministres à l'Assemblée nationale et que je regarde sur mon flanc gauche, et que je constate cette absence de cette France "Black, Blanc, Beur", je me dis que l'on a perdu 25 ans. Je suis étonné de voir qu'aujourd'hui, effectivement, H. Roselmack suscite fort l'enthousiasme des médias. Savez-vous ce qui est important, c'est que l'on dise aujourd'hui "il y a un Noir, N-O-I-R, un Noir", parce que ce mot est tabou dans nos sociétés ; on ne dit pas "Noir", on ne dit pas "Arabe", on a même peur de dire "juif", tellement les mots sont chargés historiquement.
Q - Vous parlez beaucoup de l'Assemblée nationale, et c'est vrai que vous suscitez quand même - j'ai l'impression - une certaine indifférence. On vous interroge relativement peu lors des Questions d'actualité, on critique un peu le fait que vous n'ayez pas une véritable administration, on se demande vraiment si vous servez à quelque chose.
R - Qui "on", vous ?
Q - Je voudrais que vous me racontiez par exemple ce qu'a fait, là, concrètement, ces derniers jours, le ministre délégué à la Promotion de l'Egalité des chances pour développer cet objectif ?
R - Hier, par exemple, j'étais dans un petit village de Lacrost, vers Tournus, et j'ai remis devant cinquante personnes, dans un petit village de Saône-et-Loire, la médaille de l'Ordre national du Mérite à un type qui avait bien travaillé, Mansour Zobéri.
Q - Mais là, vous faites rire quand même !
R - Pourquoi ?
Q - Mais cela, ce n'est pas du concret !
R - Ce n'est pas du concret cela ?
Q - Une médaille ? Non, mais une médaille !
R - Mais vous rigolez ? Le symbole est énorme ! Le symbole de l'Ordre national du Mérite, le ministre A. Begag qui va dans un quartier de France, en milieu rural, et qui remet cette médaille... Vous savez ce que je suis en train de faire, mine de rien ? Je suis en train de banaliser ma présence dans un Gouvernement français et j'aimerais bien que dans cinq ans, on banalise la présence des H. Roselmack et de tous les Noirs et de tous les Arabes dans ce pays, et que l'on n'ait plus besoin d'en parler. Croyez-vous que parce que je suis A. Begag, issu des quartiers, issu de l'immigration, tous les jours, je dois monter sur la table en faisant la danse du ventre, en disant "je viens des quartiers et j'ai réussi" ? Non, je fais du travail de profondeur : 700 entreprises ont signé la Charte de la diversité, et qui s'engagent à faire du recrutement dans la diversité, sans discrimination. Une loi contre les discriminations et pour la promotion de la diversité, six préfets à l'Egalité des chances, un travail énorme de cabotage que j'ai fait à mon arrivée au Gouvernement, entre tous les gouvernements, pour aller essaimer le goût et le réflexe de la diversité, dans tous les départements ministériels de ce Gouvernement. Et ça marche à fond ! L'ouverture des grandes écoles à la diversité, et même l'ouverture des écoles de journalisme, qui est à l'origine de la diversité des journalistes.
Q - Et tout cela, c'est votre oeuvre ?
R - Evidemment, mais avec mes amis du Gouvernement. Ce qui m'étonne le plus, c'est que ce n'était pas une promesse de la droite de faire du recrutement, de faire de la lutte contre les discriminations une priorité gouvernementale. C'est la gauche, qui depuis 1981, a promis cela et c'est nous qui le faisons maintenant. Demain, ou après-demain, la gauche va faire de la surenchère et c'est la République et c'est tous les enfants des quartiers qui vont y gagner.
Q - Vous avez parlé de l'équipe de France de football. On a beaucoup parlé de l'indentification à l'équipe de France de football, "Black, Blanc, Beur"... L'autre jour, on interrogeait un jeune dans les colonnes du Monde qui disait "nous les immigrés, on est français quand on gagne le Mondial mais quinze jours après...".
R - Moi, j'espère rester français même à la fin du Gouvernement. C'est très important de se rendre compte aujourd'hui que nous avons une nécessité absolue de passer au stade de la banalisation, qu'il n'y ait plus besoin de dire "tiens, au fait, Zidane est d'origine kabyle", "tiens, tu te souviens de ce ministre, il n'était pas d'origine algérienne ?". Voilà. Il faut se rendre compte que ce sont les talents et les compétences de l'individu dont nous avons besoin. Nous avions besoin que Zidane marque des buts, c'est ce qu'il a fait. On a besoin que je marque des points dans la lutte contre les discriminations et pour la promotion de l'égalité.
Q - Avez-vous lu le dernier livre de N. Sarkozy, "Témoignage" ?
R - Non, je suis en train de lire "L'Assommoir" de Zola.
Q - Ce n'est pas tout à fait pareil... Je vais vous lire un extrait de ce livre, lorsqu'il évoque les banlieues. Il dit ceci : "Beaucoup de problèmes actuels dans nos banlieues sont la résultante d'une immigration incontrôlée, et donc, non intégrée, avec ce paradoxe que les enfants et les petits-enfants de la première génération d'immigrés se sentent moins français que leurs parents et leurs grands-parents, alors qu'ils le sont juridiquement". Etes-vous d'accord ?
R - Pas tout à fait. Parce que je pense que le gros problème depuis les années 40, 50, quand nos parents sont arrivés, sont dus à la discrimination, sont dus aux difficultés liées au racisme en particulier. Vous avez aujourd'hui des milliers de jeunes de ces quartiers qui sont nés français, qui sont bac+2, bac+3, bac+4 et qui ne trouvent pas de boulot à cause des discriminations. Nous sommes en train de faire une grosse opération avec l'ANPE pour, très rapidement, relancer ces jeunes sur le marché du travail, parce que c'est vraiment une honte pour la République, pour la démocratie pour le système de la méritocratie, d'avoir fait croire à des gamins de ces quartiers qu'en allant à l'école, qu'en bossant, qu'en acquérant des diplômes, on pouvait tranquillement, comme n'importe quel autre citoyen, arriver sur le marché du travail, même si l'on est arabe ou noir ; ce n'est pas vrai ! Aujourd'hui, la priorité, c'est la lutte contre les discriminations.
Q - Donc N. Sarkozy ne comprend pas très, très bien ce qui se passe dans les banlieues ?
R - Où voulez vous m'emmener ? L'essentiel c'est je puisse promouvoir mon point de vue, mes 25 ans de vie dans les quartiers et d'essayer de faire entendre ce point de vue. Je n'empêche pas N. Sarkozy de...
Q - Et vous le dites à N. Sarkozy, vous débattez avec lui ?
R - Bien sûr, nous parlons énormément, j'essaie de me battre, petit ministre nouvellement arrivé en politique, pour essayer de me faire entendre.Source : Premier ministre, service d'information du Gouvernement, le 18 juillet 2006
R - En tous les cas, cela va permettre à la France de mieux se sentir une France de la diversité, une France « brésilienne ». Quand on sait qu'il y a des millions de personnes qui regardent cette télévision et comme, récemment, ces millions de personnes ont vu les matchs de foot de la Coupe du monde et ont constaté que notre équipe était tout noire et belle, et qu'elle est arrivée en finale, et que, passé le match de foot, on regarde le reste des émissions à la télé, et notamment les émissions politiques où il n'y a pas un seul Noir, il n'y a que des Blancs, effectivement, il y a plus de gens qui ont tendance à penser que la France de la diversité permet à tout le monde de se sentir à la maison dans ce pays.
Q - Et quand vous arrivez au Palais Bourbon, vous voyez vos collègues députés, il n'y a pas beaucoup de Noirs !
R - C'est pire ! Ici, ce que l'on appelle la représentation nationale, n'est qu'une représentation d'une petite partie de la société française. Vous savez ce qui me marque le plus dans cette Assemblée nationale, quand j'y vais le mardi après-midi et le mercredi après-midi pour les Questions d'actualité ? Ce n'est pas qu'il n'y ait pas de Noirs ou d'Arabes, c'est qu'il n'y a pas de femmes. Et comme par hasard, là où il n'y a pas de Noirs, là où il n'y a pas d'Arabes, là où il n'y a pas d'Asiatiques, il n'y a pas de femmes. Donc le combat des femmes et le combat de ce que l'on appelle "les minorités visibles" est un combat commun.
Q - Vous faites un constat absolument catastrophique ce matin : à quoi servez-vous ?
R - Notamment à faire entrer cette diversité à France Inter et à Radio France, parce que vous non plus, vous n'êtes pas en avance sur ce terrain. A quoi je sers, justement...
Q - Donnez-moi des exemples concrets de ce que vous faites pour promouvoir cette égalité des chances, cette France de la diversité.
R - Est-ce que qu'il n'y a pas une coïncidence entre mon arrivée au Gouvernement, il y a treize mois et tous ces développement, toute cette diversité que l'on voit à la télévision, que l'on voit dans les entreprises ? Est-ce que vous pensez qu'il n'y a pas une coïncidence entre mon arrivée au Gouvernement et, dans dix mois, à l'Assemblée nationale, de nouvelles « gueules » qui vont faire leur entrée dans l'Hémicycle et qui vont vraiment représenter une France de la diversité ? Il y a six préfets à l'Egalité des chances, que nous avons nommés en février dernier dans les départements de la région marseillaise, lilloise et lyonnaise et parisienne, il y a une loi égalité des chances du 31 mars 2005, qui donne à la Haute autorité de lutte contre les discriminations, des pouvoirs de sanctions pécuniaires et administratifs très importants contre les empoisonneurs de la République, qui font de la sélection soit à l'entrée d'une discothèque, soit à l'entrée d'une agence de location immobilière, soit dans le travail. Il y a une loi qui oblige les chaînes de télévision à faire de la diversité, à refléter la diversité et à en rendre compte auprès du CSA chaque année. Il y a la légalisation du test à l'improviste. Il y a aujourd'hui 700 entreprises qui ont signé la charte de la diversité, dont Radio France, d'ailleurs, et qui oblige, au moment des recrutements, à faire attention, à voir si l'on recrute assez de femmes, assez de personnes handicapées, assez de seniors, assez de jeunes des quartiers. Tout cela, on l'a fait en treize mois, c'est énorme, c'est inédit, aucun autre gouvernement ne l'a fait avant nous.
Q - Le fait que cela ait été un tel évènement, H. Roselmack, hier soir, au 20 heures de TF1, un présentateur noir d'origine antillaise, c'est quand même le signe qu'en France, nous sommes extrêmement en retard. On n'assume pas notre diversité !
R - C'est clair. Quand je suis sorti dans la rue le 10 mai 1981 dans mon quartier de La Duchère, à Lyon, j'habitais avec mes potes et quand on nous a appris l'avènement de la France "Black, Blanc, Beur", j'étais content, j'ai dit "enfin, on va avoir une place dans cette société". Et quand je me retrouve 25 ans plus tard au banc des ministres à l'Assemblée nationale et que je regarde sur mon flanc gauche, et que je constate cette absence de cette France "Black, Blanc, Beur", je me dis que l'on a perdu 25 ans. Je suis étonné de voir qu'aujourd'hui, effectivement, H. Roselmack suscite fort l'enthousiasme des médias. Savez-vous ce qui est important, c'est que l'on dise aujourd'hui "il y a un Noir, N-O-I-R, un Noir", parce que ce mot est tabou dans nos sociétés ; on ne dit pas "Noir", on ne dit pas "Arabe", on a même peur de dire "juif", tellement les mots sont chargés historiquement.
Q - Vous parlez beaucoup de l'Assemblée nationale, et c'est vrai que vous suscitez quand même - j'ai l'impression - une certaine indifférence. On vous interroge relativement peu lors des Questions d'actualité, on critique un peu le fait que vous n'ayez pas une véritable administration, on se demande vraiment si vous servez à quelque chose.
R - Qui "on", vous ?
Q - Je voudrais que vous me racontiez par exemple ce qu'a fait, là, concrètement, ces derniers jours, le ministre délégué à la Promotion de l'Egalité des chances pour développer cet objectif ?
R - Hier, par exemple, j'étais dans un petit village de Lacrost, vers Tournus, et j'ai remis devant cinquante personnes, dans un petit village de Saône-et-Loire, la médaille de l'Ordre national du Mérite à un type qui avait bien travaillé, Mansour Zobéri.
Q - Mais là, vous faites rire quand même !
R - Pourquoi ?
Q - Mais cela, ce n'est pas du concret !
R - Ce n'est pas du concret cela ?
Q - Une médaille ? Non, mais une médaille !
R - Mais vous rigolez ? Le symbole est énorme ! Le symbole de l'Ordre national du Mérite, le ministre A. Begag qui va dans un quartier de France, en milieu rural, et qui remet cette médaille... Vous savez ce que je suis en train de faire, mine de rien ? Je suis en train de banaliser ma présence dans un Gouvernement français et j'aimerais bien que dans cinq ans, on banalise la présence des H. Roselmack et de tous les Noirs et de tous les Arabes dans ce pays, et que l'on n'ait plus besoin d'en parler. Croyez-vous que parce que je suis A. Begag, issu des quartiers, issu de l'immigration, tous les jours, je dois monter sur la table en faisant la danse du ventre, en disant "je viens des quartiers et j'ai réussi" ? Non, je fais du travail de profondeur : 700 entreprises ont signé la Charte de la diversité, et qui s'engagent à faire du recrutement dans la diversité, sans discrimination. Une loi contre les discriminations et pour la promotion de la diversité, six préfets à l'Egalité des chances, un travail énorme de cabotage que j'ai fait à mon arrivée au Gouvernement, entre tous les gouvernements, pour aller essaimer le goût et le réflexe de la diversité, dans tous les départements ministériels de ce Gouvernement. Et ça marche à fond ! L'ouverture des grandes écoles à la diversité, et même l'ouverture des écoles de journalisme, qui est à l'origine de la diversité des journalistes.
Q - Et tout cela, c'est votre oeuvre ?
R - Evidemment, mais avec mes amis du Gouvernement. Ce qui m'étonne le plus, c'est que ce n'était pas une promesse de la droite de faire du recrutement, de faire de la lutte contre les discriminations une priorité gouvernementale. C'est la gauche, qui depuis 1981, a promis cela et c'est nous qui le faisons maintenant. Demain, ou après-demain, la gauche va faire de la surenchère et c'est la République et c'est tous les enfants des quartiers qui vont y gagner.
Q - Vous avez parlé de l'équipe de France de football. On a beaucoup parlé de l'indentification à l'équipe de France de football, "Black, Blanc, Beur"... L'autre jour, on interrogeait un jeune dans les colonnes du Monde qui disait "nous les immigrés, on est français quand on gagne le Mondial mais quinze jours après...".
R - Moi, j'espère rester français même à la fin du Gouvernement. C'est très important de se rendre compte aujourd'hui que nous avons une nécessité absolue de passer au stade de la banalisation, qu'il n'y ait plus besoin de dire "tiens, au fait, Zidane est d'origine kabyle", "tiens, tu te souviens de ce ministre, il n'était pas d'origine algérienne ?". Voilà. Il faut se rendre compte que ce sont les talents et les compétences de l'individu dont nous avons besoin. Nous avions besoin que Zidane marque des buts, c'est ce qu'il a fait. On a besoin que je marque des points dans la lutte contre les discriminations et pour la promotion de l'égalité.
Q - Avez-vous lu le dernier livre de N. Sarkozy, "Témoignage" ?
R - Non, je suis en train de lire "L'Assommoir" de Zola.
Q - Ce n'est pas tout à fait pareil... Je vais vous lire un extrait de ce livre, lorsqu'il évoque les banlieues. Il dit ceci : "Beaucoup de problèmes actuels dans nos banlieues sont la résultante d'une immigration incontrôlée, et donc, non intégrée, avec ce paradoxe que les enfants et les petits-enfants de la première génération d'immigrés se sentent moins français que leurs parents et leurs grands-parents, alors qu'ils le sont juridiquement". Etes-vous d'accord ?
R - Pas tout à fait. Parce que je pense que le gros problème depuis les années 40, 50, quand nos parents sont arrivés, sont dus à la discrimination, sont dus aux difficultés liées au racisme en particulier. Vous avez aujourd'hui des milliers de jeunes de ces quartiers qui sont nés français, qui sont bac+2, bac+3, bac+4 et qui ne trouvent pas de boulot à cause des discriminations. Nous sommes en train de faire une grosse opération avec l'ANPE pour, très rapidement, relancer ces jeunes sur le marché du travail, parce que c'est vraiment une honte pour la République, pour la démocratie pour le système de la méritocratie, d'avoir fait croire à des gamins de ces quartiers qu'en allant à l'école, qu'en bossant, qu'en acquérant des diplômes, on pouvait tranquillement, comme n'importe quel autre citoyen, arriver sur le marché du travail, même si l'on est arabe ou noir ; ce n'est pas vrai ! Aujourd'hui, la priorité, c'est la lutte contre les discriminations.
Q - Donc N. Sarkozy ne comprend pas très, très bien ce qui se passe dans les banlieues ?
R - Où voulez vous m'emmener ? L'essentiel c'est je puisse promouvoir mon point de vue, mes 25 ans de vie dans les quartiers et d'essayer de faire entendre ce point de vue. Je n'empêche pas N. Sarkozy de...
Q - Et vous le dites à N. Sarkozy, vous débattez avec lui ?
R - Bien sûr, nous parlons énormément, j'essaie de me battre, petit ministre nouvellement arrivé en politique, pour essayer de me faire entendre.Source : Premier ministre, service d'information du Gouvernement, le 18 juillet 2006