Texte intégral
Q- Jean-Michel Aphatie : Bonjour Bernard Thibault. Vous n'étiez pas nombreux, mardi, pour manifester contre la privatisation de Gaz-de-France. Le projet de loi sera examiné, par le Conseil des Ministres, mercredi prochain : voté - ou présenté - à l'Assemblée, fin septembre. Vous ne mobiliserez pas les foules pour empêcher la privatisation de Gaz-de-France.
R- Bernard Thibault : On n'était pas trop nombreux, à la première manifestation, contre le C.P.E. Mais vous savez comment cela s'est terminé.
Q- Vous faites un parallèle entre les deux ? Vous croyez que Gaz-de-France peut susciter autant de choses que le C.P.E ?
R- Le sujet est de nature différente. Je veux simplement dire qu'il ne faut pas se fier à un degré de mobilisation, à un moment donné, pour considérer que la partie est définitivement jouée. Cela fait plusieurs années que nous nous opposons à l'approche politique qui domine, à l'heure actuelle, s'agissant de l'avenir du secteur énergétique. Nous continuerons nos campagnes d'explications. Je pense qu'elles ont eu comme première conséquence, par exemple, d'influencer la manière dont un certain nombre de députés ont appréhendé le dossier. J'ai été très attentif au débat parlementaire qui a montré qu'au-delà d'un certain nombre de clivages politiques, il y avait des questions de fond, aujourd'hui, qui ne trouvaient pas solutions, et qui étaient mises en avant - ces questions de fond - aussi par des députés de la majorité. Je pense que nos campagnes de pression, d'explications, d'argumentations auprès de la population, auprès des élus, même si elle ne permet pas, aujourd'hui, de crier victoire, a commencé à porter ses fruits.
Q- Vous étiez aux côtés de François Chérèque, lors de la lutte contre le C.P.E - puisque vous en parliez - mais, à propos de Gaz de France, François Chérèque, le secrétaire général de la C.F.D.T, dit : "On sait que s'il n'y a pas un projet pour ces entreprises-là, Suez sera captée par Enel, l'entreprise italienne, qui démantèlera l'entreprise française". Le front syndical, en tout cas, ne sera pas au rendez-vous, dans ce dossier.
R- Oui, mais le front syndical n'est pas systématique sur tous les sujets, vous le savez bien. En même temps, j'ai relevé que la position de la C.F.D.T n'était pas arrêtée. Elle devrait s'arrêter, officiellement la semaine prochaine.
Q- Vous imaginez que la C.F.D.T peut désavouer son secrétaire général ?
R- Non ! Des débats internes à la C.F.D.T lui appartiennent, appartiennent à ses adhérents. Ce que je sais, c'est que mardi, beaucoup de sections locales de la C.F.D.T, de G.D.F, étaient dans les initiatives locales de rassemblement, de distribution de tracts. Nous avons distribué plusieurs centaines de milliers de tracts, à travers le pays, pour expliquer notre approche, pour expliquer les impasses dans lesquelles le choix politique, qui domine à l'heure actuelle, nous amènera dans le secteur de l'énergie. Je conteste le fait, d'une part, qu'il faille en passer par la privatisation de G.D.F, parce que c'est, quand même, une des premières conséquences du plan gouvernemental, quelques mois après que ce même gouvernement nous ait certifié, la main sur le coeur, qu'il était hors de question de descendre en-dessous d'une présence de 70% de participation de l'Etat dans le capital de G.D.F. Je conteste le fait qu'il faille en passer par la privatisation de G.D.F pour venir à la rescousse d'un groupe privé : Suez.
Q- S'il n'y avait pas la privatisation de Gaz-de-France, pourriez-vous regarder ce dossier différemment ? C'est-à-dire, si l'Etat restait à 50%, par exemple, dans Gaz-de-France ?
R- Nous avons déjà dit que, si le sujet de préoccupation majeure, pour le gouvernement, c'est l'avenir du groupe Suez : c'est de cela dont il faut discuter. Mais il y a d'autres moyens d'assurer la pérennité des activités du groupe Suez, d'autant plus que nous sommes convaincus qu'en deuxième étape, ce n'est pas par la modification qu'envisage le gouvernement que, pour autant, l'ensemble des activités et des emplois du groupe Suez seront pérennisés. Nous savons aussi qu'il y aura des contreparties à ce genre d'opération, notamment sur le périmètre des emplois et des activités du groupe Suez. Donc, je crois que, à tort, on laisse entendre aux salariés du groupe Suez que ce serait la solution miracle que d'obtenir la privatisation de G.D.F, avec des conséquences importantes pour le grand public.
Q- Visiblement, les militants C.G.T de Suez, qui connaissent l'entreprise, ont cru à ce discours ? Que leur dites-vous ?
R- Non, il y a un militant.
Q- Un seul !
R- Un militant C.G.T élu, au sein de la holding du groupe Suez.
Q- Il parle en son nom personnel ?
R- Il a le droit. Ceci dit, la position d'une organisation, c'est la position qui aboutit à l'issue d'un débat collectif. Et il se peut que, dans ce débat collectif, la position finale ne recueille pas l'unanimité de nos membres. Cela peut arriver sur ce sujet comme sur d'autres, mais la voix d'un délégué n'a jamais fait la voix de l'organisation.
Q- C'est un peu confus ! Le délégué de Suez qui s'exprime, s'exprime au nom des militants C.G.T de Suez. On est d'accord ou pas ?
R- Il s'exprime en tant qu'élu de la holding qui regroupe, à peu près, 300 personnes sur plusieurs dizaines de milliers qu'en comporte le groupe Suez.
Q- Et donc, il ne représente pas la position des salariés.
R- Il ne représente pas la position du syndicat C.G.T et de la confédération et de la fédération de l'énergie.
Q- Alors, vous allez le sanctionner ?
R- Mais pas du tout ! Un militant de la C.G.T a le droit d'avoir une opinion qui n'est pas forcément alignée sur la position de l'organisation. Mais, en tout cas, ce n'est pas la position de l'organisation.
Q- Que pensez-vous du climat du débat politique actuel, Bernard Thibault ? On a vu que le Premier ministre, mardi, avait eu des mots assez durs vis-à-vis de l'opposition.
R- C'est un climat détestable, qui ne fait que se dégrader un peu plus. Où, d'ailleurs, les questions sociales, les questions stratégiques, les questions d'avenir de notre pays passent au second plan parce que l'on est, de plus en plus, sur des stratégies politiques personnelles qui - chacun le sait bien - sont liées aussi à la perspective des élections présidentielles. J'ai vu ces images de l'Assemblée Nationale : de cette réaction d'un Premier ministre qui, c'est vrai, est en grande difficulté sur ses choix économiques et ses choix sociaux. Lorsque vous avez plus du trois quart de la population qui conteste les décisions qui sont prises en maints domaines, qui multiplie les attitudes autoritaires, sur la plupart des sujets, à l'égard des syndicats - et pas seulement à l'égard des syndicats - il ne faut pas s'étonner qu'à un moment donné - d'aucuns disent, dans le secteur électricité : il pète un plomb. Dans le secteur de la mécanique, on dirait : il pète un câble.
Q- Donc, cela dépend du secteur où l'on travaille pour porter un jugement ! L'enquête se poursuit sur d'éventuels détournements de fonds au comité central d'entreprise d'E.D.F. "Le Parisien", mardi, disait que la justice vous avait convoqué, Bernard Thibault. Vous avez démenti ?
R- C'est faux !
Q- Vous n'avez pas été convoqué par la justice ?
R- Non !
Q- Y a-t-il une "part noire" du financement des syndicats en France, Bernard Thibault ?
R- Non. Il n'y a pas une "part noire" du financement des syndicats, en France.
Q- Tout est transparent ?
R- Oui. Nous présentons nos comptes à l'ensemble de nos adhérents. Maintenant, nous aimerions bien que dans un vaste chantier, que nous appelons "la démocratie sociale", on accepte que, s'agissant de la représentation syndicale, injecter plus de règles démocratiques pour permettre à tous les salariés d'avoir des élections professionnelles. Et on aimerait bien aussi reconnaître la vocation sociale du syndicalisme et, notamment, asseoir des mécanismes transparents de financement pour des obligations, pour des missions d'ordre public social pour lesquels, aujourd'hui, seul, en général, le secteur public accepte de reconnaître des droits syndicaux.
Q- Ce mercredi, il n'y a pas de problème de financement ? Tout est clair chez les syndicats ?
R- Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas de problème de financement : la preuve c'est que nous avons adopté des modifications.
Q- Non, tout est légal : c'était cela ma question ?
R- Nous aimerions bien que toutes les situations soient reconnues comme des situations normales.
Q- Ca, c'est une phrase compliquée ! Les analystes jugeront ! Bernard Thibault était l'invité de RTL, ce mercredi. Bonne journée !
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 juin 2006
R- Bernard Thibault : On n'était pas trop nombreux, à la première manifestation, contre le C.P.E. Mais vous savez comment cela s'est terminé.
Q- Vous faites un parallèle entre les deux ? Vous croyez que Gaz-de-France peut susciter autant de choses que le C.P.E ?
R- Le sujet est de nature différente. Je veux simplement dire qu'il ne faut pas se fier à un degré de mobilisation, à un moment donné, pour considérer que la partie est définitivement jouée. Cela fait plusieurs années que nous nous opposons à l'approche politique qui domine, à l'heure actuelle, s'agissant de l'avenir du secteur énergétique. Nous continuerons nos campagnes d'explications. Je pense qu'elles ont eu comme première conséquence, par exemple, d'influencer la manière dont un certain nombre de députés ont appréhendé le dossier. J'ai été très attentif au débat parlementaire qui a montré qu'au-delà d'un certain nombre de clivages politiques, il y avait des questions de fond, aujourd'hui, qui ne trouvaient pas solutions, et qui étaient mises en avant - ces questions de fond - aussi par des députés de la majorité. Je pense que nos campagnes de pression, d'explications, d'argumentations auprès de la population, auprès des élus, même si elle ne permet pas, aujourd'hui, de crier victoire, a commencé à porter ses fruits.
Q- Vous étiez aux côtés de François Chérèque, lors de la lutte contre le C.P.E - puisque vous en parliez - mais, à propos de Gaz de France, François Chérèque, le secrétaire général de la C.F.D.T, dit : "On sait que s'il n'y a pas un projet pour ces entreprises-là, Suez sera captée par Enel, l'entreprise italienne, qui démantèlera l'entreprise française". Le front syndical, en tout cas, ne sera pas au rendez-vous, dans ce dossier.
R- Oui, mais le front syndical n'est pas systématique sur tous les sujets, vous le savez bien. En même temps, j'ai relevé que la position de la C.F.D.T n'était pas arrêtée. Elle devrait s'arrêter, officiellement la semaine prochaine.
Q- Vous imaginez que la C.F.D.T peut désavouer son secrétaire général ?
R- Non ! Des débats internes à la C.F.D.T lui appartiennent, appartiennent à ses adhérents. Ce que je sais, c'est que mardi, beaucoup de sections locales de la C.F.D.T, de G.D.F, étaient dans les initiatives locales de rassemblement, de distribution de tracts. Nous avons distribué plusieurs centaines de milliers de tracts, à travers le pays, pour expliquer notre approche, pour expliquer les impasses dans lesquelles le choix politique, qui domine à l'heure actuelle, nous amènera dans le secteur de l'énergie. Je conteste le fait, d'une part, qu'il faille en passer par la privatisation de G.D.F, parce que c'est, quand même, une des premières conséquences du plan gouvernemental, quelques mois après que ce même gouvernement nous ait certifié, la main sur le coeur, qu'il était hors de question de descendre en-dessous d'une présence de 70% de participation de l'Etat dans le capital de G.D.F. Je conteste le fait qu'il faille en passer par la privatisation de G.D.F pour venir à la rescousse d'un groupe privé : Suez.
Q- S'il n'y avait pas la privatisation de Gaz-de-France, pourriez-vous regarder ce dossier différemment ? C'est-à-dire, si l'Etat restait à 50%, par exemple, dans Gaz-de-France ?
R- Nous avons déjà dit que, si le sujet de préoccupation majeure, pour le gouvernement, c'est l'avenir du groupe Suez : c'est de cela dont il faut discuter. Mais il y a d'autres moyens d'assurer la pérennité des activités du groupe Suez, d'autant plus que nous sommes convaincus qu'en deuxième étape, ce n'est pas par la modification qu'envisage le gouvernement que, pour autant, l'ensemble des activités et des emplois du groupe Suez seront pérennisés. Nous savons aussi qu'il y aura des contreparties à ce genre d'opération, notamment sur le périmètre des emplois et des activités du groupe Suez. Donc, je crois que, à tort, on laisse entendre aux salariés du groupe Suez que ce serait la solution miracle que d'obtenir la privatisation de G.D.F, avec des conséquences importantes pour le grand public.
Q- Visiblement, les militants C.G.T de Suez, qui connaissent l'entreprise, ont cru à ce discours ? Que leur dites-vous ?
R- Non, il y a un militant.
Q- Un seul !
R- Un militant C.G.T élu, au sein de la holding du groupe Suez.
Q- Il parle en son nom personnel ?
R- Il a le droit. Ceci dit, la position d'une organisation, c'est la position qui aboutit à l'issue d'un débat collectif. Et il se peut que, dans ce débat collectif, la position finale ne recueille pas l'unanimité de nos membres. Cela peut arriver sur ce sujet comme sur d'autres, mais la voix d'un délégué n'a jamais fait la voix de l'organisation.
Q- C'est un peu confus ! Le délégué de Suez qui s'exprime, s'exprime au nom des militants C.G.T de Suez. On est d'accord ou pas ?
R- Il s'exprime en tant qu'élu de la holding qui regroupe, à peu près, 300 personnes sur plusieurs dizaines de milliers qu'en comporte le groupe Suez.
Q- Et donc, il ne représente pas la position des salariés.
R- Il ne représente pas la position du syndicat C.G.T et de la confédération et de la fédération de l'énergie.
Q- Alors, vous allez le sanctionner ?
R- Mais pas du tout ! Un militant de la C.G.T a le droit d'avoir une opinion qui n'est pas forcément alignée sur la position de l'organisation. Mais, en tout cas, ce n'est pas la position de l'organisation.
Q- Que pensez-vous du climat du débat politique actuel, Bernard Thibault ? On a vu que le Premier ministre, mardi, avait eu des mots assez durs vis-à-vis de l'opposition.
R- C'est un climat détestable, qui ne fait que se dégrader un peu plus. Où, d'ailleurs, les questions sociales, les questions stratégiques, les questions d'avenir de notre pays passent au second plan parce que l'on est, de plus en plus, sur des stratégies politiques personnelles qui - chacun le sait bien - sont liées aussi à la perspective des élections présidentielles. J'ai vu ces images de l'Assemblée Nationale : de cette réaction d'un Premier ministre qui, c'est vrai, est en grande difficulté sur ses choix économiques et ses choix sociaux. Lorsque vous avez plus du trois quart de la population qui conteste les décisions qui sont prises en maints domaines, qui multiplie les attitudes autoritaires, sur la plupart des sujets, à l'égard des syndicats - et pas seulement à l'égard des syndicats - il ne faut pas s'étonner qu'à un moment donné - d'aucuns disent, dans le secteur électricité : il pète un plomb. Dans le secteur de la mécanique, on dirait : il pète un câble.
Q- Donc, cela dépend du secteur où l'on travaille pour porter un jugement ! L'enquête se poursuit sur d'éventuels détournements de fonds au comité central d'entreprise d'E.D.F. "Le Parisien", mardi, disait que la justice vous avait convoqué, Bernard Thibault. Vous avez démenti ?
R- C'est faux !
Q- Vous n'avez pas été convoqué par la justice ?
R- Non !
Q- Y a-t-il une "part noire" du financement des syndicats en France, Bernard Thibault ?
R- Non. Il n'y a pas une "part noire" du financement des syndicats, en France.
Q- Tout est transparent ?
R- Oui. Nous présentons nos comptes à l'ensemble de nos adhérents. Maintenant, nous aimerions bien que dans un vaste chantier, que nous appelons "la démocratie sociale", on accepte que, s'agissant de la représentation syndicale, injecter plus de règles démocratiques pour permettre à tous les salariés d'avoir des élections professionnelles. Et on aimerait bien aussi reconnaître la vocation sociale du syndicalisme et, notamment, asseoir des mécanismes transparents de financement pour des obligations, pour des missions d'ordre public social pour lesquels, aujourd'hui, seul, en général, le secteur public accepte de reconnaître des droits syndicaux.
Q- Ce mercredi, il n'y a pas de problème de financement ? Tout est clair chez les syndicats ?
R- Je ne vous dis pas qu'il n'y a pas de problème de financement : la preuve c'est que nous avons adopté des modifications.
Q- Non, tout est légal : c'était cela ma question ?
R- Nous aimerions bien que toutes les situations soient reconnues comme des situations normales.
Q- Ca, c'est une phrase compliquée ! Les analystes jugeront ! Bernard Thibault était l'invité de RTL, ce mercredi. Bonne journée !
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 juin 2006