Interview de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et président de l'UMP, à TF1 le 16 juillet 2006, sur son livre "Témoignages", sa personnalité et sa position au sein du gouvernement, l'affaire Clearstream et sa candidature à l'élection présidentielle 2007.

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Circonstance : Publication du livre "Témoignages" de Nicolas Sarkozy, Paris le 17 juillet 2006

Média : Site web TF1 - Le Monde - TF1

Texte intégral

CLAIRE CHAZAL - Alors Nicolas SARKOZY, on le disait donc la sortie de
ce livre " Témoignages " c'est votre quatrième ouvrage d'ailleurs. Et
vous dites d'ailleurs dans ces pages, que c'est la crise des banlieues
qui a déclenché en quelques sorte chez vous, l'envie d'écrire ce livre.
Est-ce qu'il y a eu une prise de conscience particulière à ce moment-là
? Et de quoi ?
NICOLAS SARKOZY - Oui et puis un besoin de m'expliquer, et puis un
besoin d'engager le dialogue avec les Français. Moi, ça fait quatre
ans, que mon obsession c'est d'agir, de résoudre les problèmes où je
passe d'une crise à une autre et je ne veux pas être éloigné des
réalités quotidiennes, uniquement parce que j'exerce des
responsabilités. Et j'ai éprouvé le besoin de prendre un peu de recul,
d'écrire, pour expliquer, mais pas expliquer pour me justifier, je n'ai
pas la vérité révélée. Il y a des tas de choses où sans doute, on
aurait pu faire mieux.
CLAIRE CHAZAL - C'est vrai qu'il n'y a pas beaucoup d'autocritiques, on
va y revenir évidemment sur le programme...
NICOLAS SARKOZY - Honnêtement, CLAIRE CHAZAL, il y en a suffisamment
qui s'en occupent, pour que je n'aie pas besoin d'apporter ma voix,
mais vous-même, vous connaissez bien ça, franchement, si c'est pour
faire un livre et expliquer que je me suis trompé sur tout, que je n'ai
d'idée sur rien, ce n'est pas la peine. J'ai des convictions. Et ça
fait quatre ans que j'agis au quotidien et que j'essaie et j'ai voulu
engager le dialogue avec les Français et parler surtout avec
authenticité, parce que je pense que l'un des problèmes de la vie
politique, c'est qu'on se demande si nous, qui écrivons, qui parlons,
nous sommes sincères et j'ai voulu cette authenticité.
CLAIRE CHAZAL - Et vous diriez que ce livre qui a été écrit assez
rapidement, enfin dans une sorte de nécessité, est-ce qu'il clôt d'une
certaine façon, pour vous une séquence à la fois politique et
personnelle assez dure ?
NICOLAS SARKOZY - Depuis quatre ans, je n'ai pas été ménagé, mais je
n'ai pas à me plaindre, je fais ce que j'ai toujours rêvé de faire, mon
métier est passionnant et par ailleurs, les ambitions qui sont les
miennes, les projets qui sont les miens fait qu'on est plus attaqué ici
qu'ailleurs. Donc libre à moi de faire autre chose, ça a été une
période complexe, difficile...
CLAIRE CHAZAL - Surtout dans ces derniers mois ?
NICOLAS SARKOZY - Dans la crise, dans la crise des banlieues, ça a été
très difficile de tenir, parce que la crise a été d'une violence
extrême et parce qu'un certain nombre de gens ont parlé de sujet, je le
pense, je le dis modestement qu'ils ne connaissaient pas ou qu'ils
sous-estimaient. Je pense que la situation de l'intégration, de l'
immigration est si grave, qu'il ne faut pas en faire une querelle entre
la gauche et la droite, il faut regarder la situation telle qu'elle
est, elle est grave. Le problème de la montée de la violence, je fais
des propositions et j'explique comment je l'ai vécu et pourquoi j'ai
décidé comme je l'ai décidé.
CLAIRE CHAZAL - Et par exemple, sur l'immigration dont vous parlez,
vous revenez sur ce problème des enfants scolarisés d'immigrés sans
papiers. Mais là, au fond vous dites, il faut poursuivre dans le sens
que j'ai donné, sans doute en examen au cas par cas, mais je ne reviens
pas au fond sur mes...
NICOLAS SARKOZY - Non, je ne céderais pas, parce que moi, je suis là
pour faire un travail, qu'est-ce qu'ils proposent les autres ? Les uns
proposent de tout régulariser, mais ça c'est fait, les socialistes l'
ont fait à quatre reprises et les enfants, les familles qui sont là, ce
sont les enfants et les familles de la période laxiste d'il y a cinq
ans. La personne, la première qu'on a expulsée, c'est une famille qui
était là depuis cinq ans, je n'étais pas ministre de l'Intérieur. Et
ils sont là parce qu'ils ont cru qu'on les régulariserait. La
régularisation massive conduit à des catastrophes, je ne suis pas là
pour ça. Je suis là pour prendre des décisions, à l'inverse, quand j'
entends monsieur LE PEN, qui dit : " il n'y a qu'à mettre tout le monde
dehors. " C'est une politique inhumaine que je n'accepte pas. Donc
quelle est la seule solution ? D'ailleurs quelle est la proposition
qu'on fait aux Français, moi, je dis regardons au cas par cas et
essayons de trouver une solution. Ceux qui n'ont pas de lien avec la
France seront raccompagnés chez eux. Ceux qui ont des liens anciens
avec la France, on les gardera. Mais qui pourrait contester cela ? Et
qui pense que c'est facile ? Ca c'est mon travail de l'été, je le
ferais et je ne céderais pas aux pressions des uns comme des autres.
CLAIRE CHAZAL - Alors dans ce livre, Nicolas SARKOZY, il y a un
chapitre important, sur vos relations avec Jacques CHIRAC, que vous
abordez assez franchement, en expliquant qu'au fond, il n'y a pas d'
amitié, enfin au sens où Jacques CHIRAC a des amis et vous n'en faites
pas partie. " Lui, c'est lui, moi, c'est moi ", c'est une formule
célèbre de Laurent FABIUS. Est-ce qu'à l'aulne de ce que vous écrivez,
vous êtes content de ce qu'il a dit de vous, lors du 14 juillet ?
NICOLAS SARKOZY - Non mais là aussi, pourquoi j'ai voulu en parler,
parce que les Français doivent se dire, mais quels sont les rapports
entre ces deux hommes ? Puisque moi, quand je lis, je ne me reconnais
pas...
CLAIRE CHAZAL - Oui, c'est un mystère, on pense que vous, vous parlez
plus ?
NICOLAS SARKOZY - " Inexpuable, " enfin des mots d'une violence
terrible, mais enfin j'ai 51 ans, j'ai passé l'âge, d'ailleurs qui que
ce soit, j'ajoute que je vois Jacques CHIRAC plusieurs fois par
semaine, vous pensez que si on ne pouvait pas se parler, laquelle
situation ce serait. Il se trouve que c'est vrai, on a des désaccords,
on n'est pas toujours d'accord. On parle, c'est vrai qu'il y a eu des
crises entre nous et c'est vrai que pour certaines, j'ai une part de
responsabilité. Mais au fond c'est peut-être un tempérament un peu
franc de ma part, et j'ai voulu m'expliquer, dire quelle est la réalité
de nos relations, qu'elle est la réalité de nos désaccords et comment
ça se passe entre nous.
CLAIRE CHAZAL - Il y a un personnage aussi avec lequel vous n'êtes pas
tendre, ce qui n'est pas le cas de Jacques CHIRAC, c'est Dominique de
VILLEPIN, j'allais dire en creux, notamment sur l'affaire CLEARSTREAM
ou sur le CPE, là on sent bien qu'il y a eu et vous le dites, des
désaccords ?
NICOLAS SARKOZY - Moi, je ne règle aucun compte, j'ai simplement voulu
dire aux Français, voilà part de vérité. Sur l'affaire CLEARSTREAM, j'
ai dit les choses comme je les pense, ce que je pense des individus,
qui se sont mêlés de cette affaire. Et j'ai dit que je n'ai pas
apprécié de me trouver titulaire de deux comptes dans une banque dont
j'ignorais même le nom et je demande aux 62 millions de Français ce
qu'ils auraient fait à ma place. J'irais jusqu'au bout, j'ai voulu
écrire pour donner mes sentiments, mais il n'y a pas d'accusation, il
n'y a pas de règlement de compte, il y a simplement l'explication et
j'ai voulu donner de la cohérence à tout ça, donner de l'authenticité.
Et faire comprendre aux gens que ce n'est pas parce qu'on fait de la
politique, qu'on n'est pas dans la vraie vie. Ce n'est pas parce qu'on
est ministre de l'Intérieur qu'on n'a pas de sentiment, que ça ne vous
touche pas et que les attaques parfois ne vous blessent pas. Et j'ai
voulu dire, voilà comment j'ai fait, j'essaie d'être un honnête homme
et de dire quelle est ma part de vérité.
CLAIRE CHAZAL - Alors justement puisqu'on parle de sentiment, vous
dites bien " la présidentielle ce sera dur " évidemment vous affirmez
assez clairement, très clairement même que vous êtes candidat, en tout
cas que vous voulez l'être, que vous souhaitez l'être.
NICOLAS SARKOZY - En tout cas, je dis juste une chose, qui peut penser
qu'on peut postuler un jour, être candidat sans s'être préparé ? Sans y
avoir réfléchi ? Je dis une chose, je crois que tout est possible dans
notre pays, pour peu qu'on ait un projet, une volonté, mes valeurs sont
celles du travail, de l'effort, du mérite, de la promotion, la France.
J'ai voulu parler, dire, ce qui est possible pour la France et pour les
Français, engager le dialogue avec eux, mais qui peut penser que tout
d'un coup, on s'improvise candidat à une candidature. J'ai beaucoup
travaillé pour cela, j'ai réfléchi et je n'aurais pas l'hypocrisie de
dire que je n'y pense, je ne suis pas tel ou tel candidat qui dit " Ah
! Si on a besoin de moi, qu'on vienne me chercher. " Je sais bien que
la vie n'est pas comme ça.
CLAIRE CHAZAL - Et vous que ça sera dur, ça sera 50-50, parce que le
PS, le candidat sera bon et c'est pour ça qu'on cherche peut-être l'
appui de son entourage, enfin, il y a un chapitre sur votre vie
personnelle, c'est dans le livre donc on peut en parler.
NICOLAS SARKOZY - Oui, bien sûr.
CLAIRE CHAZAL - Est-ce que pour vous, au fond, ça fait partie, j'allais
dire de la course de fond politique aussi de retrouver une personnelle
apaisée ?
NICOLAS SARKOZY - Ecoutez pour dire la vérité, je ne pensais pas que ça
faisait partie de la présidentielle, honnêtement, après tant d'année.
J'ai été surpris et je peux vous dire que j'ai été blessé, mais je ne
me suis pas plaint, j'ai laissé pendant un an tant de gens en parler,
tant de choses s'écrire, qui ont blessé ma femme, blessé mes enfants,
ceux qui nous aiment et j'ai trouvé qu'il n'était pas illégitime que
l'un des intéressés puisse dire, de façon apaisée, une fois la tempête
passée, voilà pourquoi, voilà comment. Peut-être avec pudeur, mais
aussi avec sincérité. Parce que je crois profondément que les Français
ont besoin de savoir, qui nous sommes et que ça fait partie de ce que
nous sommes, parce qu'on ne va pas là-bas sans cicatrice.
CLAIRE CHAZAL - Merci, beaucoup Nicolas SARKOZY, donc pour ce livre "
Témoignage " qui sort demain. Source http://www.u-m-p.org, le 19 juillet 2006